“Le comptoir d'un café est le parlement du peuple.”

Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu analytique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (03/10/1998)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Politique et Société

Le travail

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1 - En ce moment, dans la presse économique ou sociologique, il y a pas mal de livres en rapport avec le travail, la fin du travail, y a-t-il des chômeurs heureux ? qu’est-ce que l’activité dans nos sociétés? En fait, je dirai que le chômage est vécu comme un malheur et le travail comme un bonheur. Or tout ça en fait est remis en question. Il y a des gens qui ont trop de travail et qui n’ont pas le temps de profiter de ce qu’ils gagnent. A contrario, il y a des gens qui ont trop de temps et ils manquent d’argent pour être utiles aux autres.

2 - Cela vous suggère des réflexions, ce changement brutal de situations où on a des personnes qui sont inactives et qui n’ont pas moyen de faire de loisirs parce qu’a priori c’est le travail qui leur permettrait d’avoir des loisirs. C’est en gros ce que tu veux dire ?

3 - Voilà, c’est cela, le travail occupe-t-il une trop grande place dans le sens où on l’entend ? C’est-à-dire qu’à une certaine époque le travail avait un sens peut-être plus utile. Or maintenant le travail, c’est essentiellement pour gagner de l’argent. On a un poste pour gagner de l’argent et non pas forcément pour avoir une fonction utile envers la société.

4 - Hypocritement on n’en parlait pas et on ne le disait pas. Regardez en France, par rapport aux autres pays, combien gagnent-ils ? ils ne veulent pas le dire. La peur de gagner de l’argent… Avec toute l’éducation judéo-chrétienne que l’on a, on a peur de dire combien on gagne. Ils ne savent jamais, les gens, c’est drôle hein, il ne connaissent pas leurs fiches de paye. Regardez dans les pays anglo-saxons, il sont fiers de gagner de l’argent. Ils étaient pas plus utiles maintenant qu’avant mais avant, quand on gagnait pas d’argent, si on voulait gagner de l’argent il fallait que ce soit pour quelque chose. Je me rendais utile. On est moins hypocrite maintenant.

5 - Moi, je voulais dire que l’origine du mot travail, c’est le mot torture. Pour l’instant, on parle du travail pur, on n’a pas parlé de salaire. Et je disais que le mot salaire vient du mot torture.

6 - Bon alors, quelle vision vous avez du travail ? On disait tout à l’heure que l’on était moins hypocrite, que l’on pouvait dire que l’on travaillait pour gagner de l ‘argent – enfin c’est ce qui nous permet de vivre – mais j’ai envie de vous demander ce que vous pensez. Le travail, qu’est-ce que c’est pour vous ? Comment vous le concevez ? Est-ce uniquement une façon de vivre ou bien est-ce qu’il y a quelque chose derrière ?

7 - Moi je voudrais poser la question : le travail, c’est quoi ? Est-ce que c’est un moyen d’être reconnu dans la société, parce qu’en fait je pense qu’actuellement c’est ça. Il y a des gens qui ont un travail et il y a ceux qui n’en ont pas.

8 - Je pense que le travail, c’est une assise sociale. Je trouve qu’un citoyen se définit par son travail. C’est pas une question d’argent, le pouvoir est d’abord donné par une fonction dans une société, l’argent venant reconnaître cette fonction. Par contre, ne plus avoir de travail maintenant, c’est un problème parce que c’est la seule valeur qui définit le citoyen aujourd’hui. Ne plus avoir de travail est un problème effectivement de … ces gens là ne se définissent plus.

9 - Pour autant il y a de plus en plus de non-actifs.

10 - Ceux qui le vivent bien, chômeurs heureux…

11 - J’avais lu un article dans la presse internationale où quelques-uns remettaient en cause cette notion de travail, c’est-à-dire, la société peut avoir des emplois utiles, des activités utiles, rémunérées, évidemment, mais pas au sens travail rentable comme une société. Ils démontraient que le travail avait toujours une notion de rentabilité derrière. On travaille pour vivre et on travaille pour quelqu’un, en général, c’est toujours pour une société. Or maintenant, on généralise un petit peu tout ce qui activités indépendantes, activités associatives, tout ça ce sont des activités qui ne génèrent pas forcément un revenu pour vivre mais ce sont quand même des activités utiles.

12 - C’est intéressant le mot « activité » car il prend d’avantage d’importance et il y a une différence importante entre le mot travail et la notion d’activité parce que le travail, si c’est de la torture, l’homme n’est pas fait pour être torturé donc a priori, il ne serait pas fait pour travailler non plus. Maintenant, « activité », c’est autre chose. Il y a une contrainte derrière le mot travail qu’il n’y a pas derrière le mot activité.

13 - Le mot activité maintenant, c’est un petit peu la mode comme on ne dit plus un aveugle mais un non voyant.

14 - Derrière le mot activité, il y a maintenant un sens beaucoup plus optimiste. Les activités, ça peut être le sport ou les loisirs. Donc, il n’y a pas le mot travail. Effectivement, quand on va dans une salle de gym, on va dire que c’est du travail.

15 - Oui, mais celui qui enseigne aussi. Pour lui, c’est un travail ou un loisir ?

16 - C’est un travail puisqu’il gagne sa vie. Alors que les activités, on paie pour les faire.

17 - Il y a vingt ans, il y avait énormément de sports qui étaient enseignés bénévolement. C’était pas considéré par la société comme du travail.

18 - Je voudrais revenir sur le sujet d’origine. Tout à l’heure, on en plaisantait un petit peu. Est-ce que l’on peut considérer le « non-travail » comme du loisir ? Je voudrais justement puisque l’on arrive là faire entrer la notion de loisir dans cela. Un grand mythe qui avait été défini par les situationnistes, c’était quand même la société de spectacle et ils avaient fortement exalté le loisir au sein de cette société plus ou moins aseptisée, et je voulais savoir justement si on ne s’achemine pas vers une société de loisir qui serait en fait du « non-travail », et à mon avis cela découle de cette question. Le « non-travail » ne serait pas en fait du chômage mais un droit aux loisirs comme nous le vivons actuellement.

19 - Et cela se passerait au détriment du travail, ou on garderait les mêmes proportions qu’aujourd’hui ?

20 - Cela s’inscrit un petit peu dans la logique actuelle, c’est-à-dire si on regarde la réduction du temps de travail, on réduit le temps de travail pour avoir ce temps nécessaire, savoir vers quoi on s’achemine : réduire le travail, pour quoi faire ? Je voudrais savoir si derrière le « non-travail », vous mettez le chômage, ou le loisir ?

21 - Le « non-travail » c’était entre autres le loisir, mais aussi l’une des autres activités qui ne rapportent pas d’argent. C’est aussi un droit à ne rien faire, ce que font quelquefois pas mal de gens, sans le savoir d’ailleurs. C’est une vie sociale en fait, je ne dis pas qu’on ne fait rien, mais quand on passe une heure à une terrasse, ou deux heures à la campagne, au sens de la société, c’est, entre guillemets ,ne rien faire. En fait, derrière, l’individu en a besoin.

22 - C’est du repos en fait.

23 - Cela peut être aussi le droit à cultiver un certain nombre de passions. C’est pas forcément du repos.

24 - Le droit au repos, cela fait longtemps que cela existe.

25 - A la terrasse d’un café, il bricole quelque chose, il fait quelque chose, il ne travaille pas effectivement mais…

26 - Depuis les congés payés, enfin je ne sais pas si cela remonte à cette époque-là, j’ai l’impression que maintenant on aspire au travail comme une fin en soi. Le travail est un moyen pour aspirer à cette forme de « non-travail » qui peut être le loisir. Il y a plus une certaine revendication à un bien-être, à un bonheur individuel, plus qu’une inspiration au travail. Enfin, c’est peut-être un peu excessif.

27 - C’est vrai qu’avant lorsqu’on regardait un petit peu la société, il n’y avait que les riches qui ne travaillaient pas : c’était les rentiers. Effectivement, ils pouvaient s’occuper comme ils voulaient, voire travailler ou s’occuper. Je pense que maintenant, c’est un choix de vivre, on échappe au travail pour pouvoir justement après choisir de « non-travailler ». Et ça c’est réservé à ceux qui ont un travail. Aux chômeurs, on ne le leur dit pas ; eux, ils se sentent complètement inutiles parce qu’ils sont hors du circuit. Même s’ils ont effectivement des activités, parce que ce n’est pas reconnu de la même manière.

28 - On parle travail mais c’est surtout le revenu lié au travail qui nous permet d’accéder à des activités autres.

29 - Je crois qu’il faut distinguer deux formes de travail, les gens qui travaillent uniquement pour être rémunérés, ils se débarrassent, entre guillemets, d’une corvée, d’une obligation sociale pour pouvoir après profiter des loisirs, puis il y a des gens qui s’investissent dans un travail qui a priori participe à la construction de leur vie et de leur épanouissement aussi. Je veux dire qu’il y a des personnes qui font des travaux, il y a des gens qui sont avocats parce qu’ils ont une envie personnelle d’aider les gens, il y a des gens qui sont médecins parce qu’ils trouvent que c’est un très beau métier et c’est pas forcément l’envie d’un revenu – même si éventuellement cela y participe. Je crois qu’il faut distinguer aussi dans les gens qui travaillent : il y a des gens qui continuent leur travail pendant leur période de loisirs. Il y a des gens qui vont, même si l’on arrête à trente-cinq heures, faire des heures supplémentaires parce qu’ils s’épanouissent dans ce travail là et que leurs loisirs seraient assignés à leur travail.

30 - Je voulais parler des personnes qui peuvent se permettre de prendre des années sabbatiques, c’est-à-dire que l’on s’arrête un certain temps pour profiter de la vie.

31 - J’ai l’impression que le travail est de plus en plus vécu comme une affliction et qu’il y a une sorte de culte du bonheur individuel de plus en plus grandissant, une sorte d’aspiration commune aux loisirs qui n’existaient pas, ou du moins à mon avis de façon moins prégnante, ne serait ce qu’un siècle auparavant. Le droit au loisir était quelque chose de pas véritablement conçu. J’aimerais savoir comment on en est arrivé là. J’arrive sur cette notion de loisir parce que c’est ce que je mets sous le vocable du « non-travail ». A mon avis, il y a une ambiguïté, savoir si c’est du « non-travail » chômé ou du « non-travail » loisir, et à mon avis les deux sont fondamentalement différents.

32 - Je réponds à la question : comment en est-on arrivé là ? On peut réfléchir sur cette nouvelle voie qui s’ouvre à nous et dont la principale caractéristique est qu’il faut de moins en moins de monde pour faire de plus en plus de produits avec des nouvelles technologies. On peut même imaginer certaines société très évoluées qui possèdent des technologies facilement exportables, quant aux dérives sans travailler. D’ailleurs, c’est ce qui arrive en Arabie où l’on touche un salaire d’un million par mois sans travailler. C’est pas de la technologie, c’est du pétrole.

33 - Je dirai que ce n’est pas forcément lié aux technologies parce qu’en fait il y a dix-huit vingt ans les nouvelles technologies sont arrivées – l’informatique etc. – et si on lisait la presse il y a dix-huit/vingt ans, ils nous annonçaient que dans vingt ans justement (on y est), on allait beaucoup moins travailler et que cela allait libérer les gens. Qu’est-ce que l’on voit à l’heure actuelle ? Les gens travaillent toujours autant qu’avant, si ce n’est plus pour certaines personnes. Je dirai que ce n’est pas une question de technologie mais d’ordre social, c’est-à-dire qu’en fait effectivement il y a moins de gens qui travaillent mais ils travaillent toujours autant. C’est une question de répartition du travail et du « non-travail » donc du loisir. Et pas du loisir chômé, du loisir voulu.

34 - C’est une volonté qui veut cela derrière. Il faut voir ceux qui dirigent le monde. On ne peut constater que des réalités et la réalité, c’est que cette technologie est voulue par une volonté derrière.

35 - Ceux qui fabriquent ces machines… il faut bien qu’il y en ait qui travaillent pour les fabriquer, ces machines ; et à l’époque, je me rappelle de ces articles d’il y a vingt ans qui disaient : il n’y aura pas de chômage parce que s’il y a des robots, il faudra bien les fabriquer, ces robots. Et s’il n’y a pas de travail maintenant, ce n’est pas une question de gouvernement je crois, c’est que on ne vend pas assez. A mon avis, on vend beaucoup trop cher. Il y a une question de coût aussi. Pourquoi ce coup, parce qu’il faut bien que par rapport à ce que les gens travaillent, cela puisse rapporter.

36 - Moi, je crois qu’il y deux choses antinomiques : il y a le fait qu’effectivement la technologie permet de produire autant en moins de temps pour plus en autant de temps et il y aussi le fait que notre société en fait n’a pas changé. Chaque individu de la société oriente sa vie en fonction du travail alors qu’à priori, si l’on produit autant en moins de temps, on devrait pouvoir ne plus faire du travail une finalité. Et pourtant , on va à l’école pour apprendre un métier, on travaille une quarantaine d’années et puis après, en gros, on est en retraite, on ne travaille plus. On a fait son temps et on ne travaille plus donc la société nous récompense et si la technologie a monté en flèche, on pourrait peut-être se demander pourquoi on a gardé cette finalité. Après tout si tout nos besoins, on arrive à les faire avec la technologie, pourquoi travaillerait-on ? Et je crois que ce qui c’est passé, c’est qu’on s’est créé encore plus de besoins que de technologies, ce qui fait que l’on arrive à la spirale infernale. La technologie a créé des besoins, on travaille toujours autant finalement et puis les besoins créent d’autres besoins. Finalement, toute notre vie reste consacrée au travail.

37 - On dérive un petit peu, enfin ce n’est pas grave puisque l’on établit les notions de « non-travail » et de loisir, mais c’est vrai que l’on est, nous, dans une société technologique, on en profite, on en pâtit mais quand on regarde les pays où il n’y a pas de technologies alors eux ils travaillent et dans d’autres conditions, et puis sûrement moins rémunérés que nous.

38 - Oui mais, cela est valable jusqu’à un point x, parce que justement on va entrer dans ce que Töpfler appelait le choc du futur, c’est-à-dire une sorte de spirale qui va aller de plus en plus vite. Je commence à concevoir qu’il va y avoir saturation à un moment. Humainement, on ne va pas pouvoir suivre ce genre de choses. Lorsque l’on disait tout à l’heure que c’était une histoire de volonté, je pense plutôt que c’est une bande sur laquelle on s’est laissé glisser. Une certaine forme de facilité. Le progrès à mon avis n’est pas véritablement issu d’une volonté, c’est une sorte d’entraînement mutuel sur lequel on se laisse glisser.

39 - Lorsque je parlais de volonté, je n’ai pas parlé de volonté allant vers ce que les choses sont, j’ai dit en fonction de ce que les choses sont, il y a des volontés derrière qui décident mais il n’y a pas une volonté d’aller vers le futur. C’est après coup…Les flux financiers qui passent au dessus de nos têtes chaque jour représentent dix fois la production mondiale. Donc, il y a une volonté derrière cela.

40 - Je voudrais répondre au cercle infernal, je dirais que c’est plutôt un cercle qu’une spirale parce qu’il n’y aura jamais de fin. Regardez : maintenant les ordinateurs durent trois ou quatre ans puis on change parce que l’on fabrique toujours quelque chose de plus moderne.

41 - Monsieur parlait d’« humainement », humainement cela ne va pas être possible de continuer comme cela.

42 - Même au delà de « humainement parlant » je crois qu’il ne faut pas oublier que tout ce que l’on produit, c’est fait avec des choses qui viennent au départ de la terre ou de là où l’on vit. Et puis si un jour, il n’y a plus de pétrole, eh bien on ne roulera plus ou il faudra trouver autre chose et c’est quand même à partir de cette spirale là que l’on s’y achemine tout doucement. On peut de toute façon imaginer une fin au delà de la volonté humaine et il y aura même une fin de matières premières, donc après il faut se débrouiller parce que le recyclage ne recycle pas cent pour cent des choses.

43 - Non seulement cela mais il faut voir aussi que si on symbolise le progrès par un train, à chaque fois, plus le progrès accélère, plus on lâche un wagon et à chaque fois, j’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de personnes qui sont complètement exclues du progrès. Plus cela va s’accélérer, plus il va y avoir de personnes rejetées. Donc, à partir d’un certain moment, quand le progrès ne sera plus l’apanage d’une poignée de personnes, c’est à ce niveau-là que je situais le point de rupture.

44 - On ne peut pas prévoir de fin. On est passé du charbon à l’électricité, puis au nucléaire, alors on passera certainement à autre chose, il n’y aura pas de fin. En énergie, il y a toujours eu une évolution.

45 - On peut imaginer qu’éventuellement on trouve toujours des palliatifs mais si on n’a plus de pétrole, on ne roule plus ; si on n’a plus de plastique, on ne fait plus toutes les choses de la vie quotidienne. Je ne suis pas sûr que l’on ait tant d’imagination, s’il n’y a plus ni bois, ni pétrole, ni uranium sur Terre, j’ai bien l’impression qu’au bout d’un moment, il va falloir pédaler. Sinon on ne va plus pouvoir faire quelque chose.

46 - Même si d’ici quelques années ils trouvent une autre forme d’énergie, d’autres exploitations, l’Homme étant toujours assez imaginatif de ce côté-là, cela ne changera rien au problème. Peut-être que les gens seront toujours attelés au travail comme maintenant. Il y a juste deux ou trois ruptures depuis la révolution industrielle, quand par exemple les congés payés ont été instaurés, mais cela a été imposé par les gouvernements, par une volonté politique et idéologique.

47 - Et populaire !

48 - Oui, bien sûr, les syndicats étaient beaucoup plus forts. C’est donc une volonté politique et populaire et sociale qui fait qu’on peut parfois, face au fait qu’il y ait moins de travail, et peut-être plus de loisirs, imposer aux individus de se répartir un petit peu les tâches. Un peu moins de tâches, un peu plus de temps libre, et je dirai à peu près le même pouvoir d’achat.

49 - Tu semble dire que c’est les gens qui veulent travailler plus.

50 - Les gens s’enferment, ils ont du mal à changer leurs habitudes, c’est-à-dire que maintenant, il y a des coûts liés au travail. Je pense à Paris : vous avez des ingénieurs, des cadres ou même des employés qui, pour avoir un travail, vont avoir des dépenses, des dépenses de transport, s’ils ont des enfants, des dépenses de nursery, il y aura plein de dépenses liées au fait d’avoir un travail. Pour monter un petit peu, il vont encore faire des efforts mais en fait, il n’ont pas plus de loisirs.

51 - S’ils ont des revenus suffisants, ils pourraient avoir des loisirs. Le revenu n’est pas suffisant donc ils travaillent plus. Quand on leur dit de travailler moins, ils disent non parce que leur revenu ne leur permet pas d’avoir des activités à côté.

52 - Non je ne suis pas d’accord. Ils ont peut être des revenus comme il faut mais le problème , c’est qu’ils ont des coûts supplémentaires liés au fait d’aller travailler.

53 - Oui mais ce revenu supplémentaire, cela nécessite une deuxième voiture, cela fait travailler beaucoup de monde, etc. On parle en ce moment du télétravail qui signifie moins de dépenses et plus de revenu mais il ne faut pas oublier que les personnes qui travaillent dépensent et font travailler d’autres personnes. C’est tout un circuit qui fait que...

54 - Oui, cela me fait penser au cercle vicieux.

55 - Je voulais dire que l’on est dans une société où l’Homme est esclave du travail, c’est-à-dire que l’on se crée une obligation au niveau social. On se dit que l’on a une position sociale par son travail et effectivement on se crée des coûts supplémentaires en travaillant alors qu’en fait on ne doublerait pas les charges si on restait chez soi. Mais on n’a l’impression d’exister que si l’on travaille et donc là on devient esclave du travail.

56 - Et pour autant, le travail qui était le principe auparavant et le « non-travail » l’exception, eh bien, ça commence à se renverser, c’est-à-dire qu’on commence à s’apercevoir que bientôt il y aura nettement plus de non-actifs que d’actifs.

57 - Normalement le travail, il y a très longtemps, c’était à quatre-vingt pour cent la contre partie des droits obtenus en société au regard du contrat social. Le travail, c’était justement cette obligation à laquelle on devait se soumettre tous. Et de cette idée, il en est venu qu’il y a eu une considération par le travail, c’est-à-dire en effet d’un côté une prise de position sociale en fonction du travail que l’on occupe, mais aussi un problème d’accaparement d’un mode de travail par des gens qui savent très bien qu’ainsi ils se font une réputation non seulement par leur métier mais au sein même de leur métier par l’expérience qu’ils ont accumulé. Au lieu d’avoir des travaux qui sont des tâches plus ou moins répétitives, normées, où il y aurait une interchangeabilité qui serait très intéressante dans le cadre de la diminution du temps de travail, on a des gens qui au contraire se rendent indispensables. Eventuellement, si on imaginait qu’ils travaillaient moins pour faire travailler d’autres personnes dans le même domaine, il y aurait peut-être des files d’attente devant le cabinet de cette personne qui est réputée, par exemple un kinésithérapeute, et à l’inverse personne de l’autre côté, et c’est pareil dans une entreprise. Une entreprise va choisir tel ou tel diplômé pour avoir telle ou telle fonction et cette fonction va être « non-interchangeable », elle va être primordiale dans la façon dont va être construite l’entreprise si bien que si cette personne s’en va, même à vingt pour cent de son temps et si on la remplace par une autre personne, il y a naissance obligatoire de passage de communications des informations pour ce poste qui est primordial, et cela crée un problème de rupture qui va contre la diminution du temps de travail. Tout cela est lié à la base à cette fameuse représentation que l’on a d’un travail qui nous valorise dans la société. Il faudrait déjà faire en sorte que le travail ne soit plus le seul élément de valorisation sociale et une fois cela fait, normaliser le travail, faire en sorte que les gens aient des procédures, si bien qu’après tout un pilote d’avion peut être changé par un autre pilote s’il est malade parce qu’ils ont des métiers complètement encadrés par des procédures. Ce sont des démarches qui peuvent être étendues à d’autres fonctions. Il faut penser à cela de façon à ce que les gens puissent être interchangeables et enlever cette valorisation par le travail, ou du moins proposer d’autres axes de valorisation de l’individu.

58 - Je voulais revenir sur la valorisation du temps de travail. Je ne pense pas qu’au départ cela a été fait pour nous rendre plus heureux dans notre travail et avoir plus de temps libre. En fait cela a été fait pour lutter contre le chômage en pensant que si on réduisait le temps de travail de ceux qui ont du travail, en contrepartie il y aurait des embauches. En fait, cela se situait au niveau économique. Ce qui me gêne un peu, c’est qu’il soit imposé. Cette réduction du temps de travail devrait être proposée. Je ne vois pas pourquoi on empêcherait des personnes de travailler à temps plein. Et effectivement, pour ceux qui voudraient avoir plus de temps libre, qu’ils aient le choix.

59 - Parce qu’il y a réellement des embauches ?

60 - Je dirais qu’il faut mieux l’imposer pour deux raisons. D’une part parce que ceux qui dirigent une entreprise, si on ne leur impose pas, pourquoi ils le feraient, surtout si cela augmente un peu leur coût ; et d ‘autre part les gens n’ont peut-être pas le recul nécessaire pour réfléchir à ce qu’ils veulent.

61 - Si on ne l’avait pas imposé, en 1936, il n’y aurait pas eu les congés payés.

62 - De plus, si on l’a imposé, c’est pas aux individus, c’est aux entreprises qui emploient ces individus. Avec ce qui a été dit précédemment, on peut difficilement envisager une proposition à chaque individu parce que justement puisque certains se sont rendus indispensables, cela créerait des déséquilibres beaucoup trop flagrants. Or si on imagine des entreprises où il y aurait des procédures d’interchangeabilité du personnel, à ce moment-là, on pourrait le proposer aux gens et puis si quelques-uns s’en vont, qui désirent travailler moins, par une simple formule arithmétique, on pourrait trouver du monde pour faire le même travail sans créer de déséquilibre flagrant, sans créer de perte d’informations, ce qui fait que l’entreprise ne tournerait pas. C’est pour cela à mon avis qu’on l’a imposé, mais d’abord aux entreprises.

63 - Je suis entièrement d’accord avec vous parce qu’effectivement cela existe déjà le temps partiel, c’est aussi un choix de vie. Par contre c’est volontaire au niveau des individus.

64 - Je trouve très intéressant cette notion d’imposer et de proposer. Dans toute société, qu’elle soit d’Orient ou d’Occident, il y a quatre agents économiques principaux, l’administration qui gère, les institutions financières, les entreprises qui produisent, les ménages qui consomment. Cela fonctionne comme un moteur à quatre temps. C’est le rôle de l’Etat de définir un cadre qui peut changer chaque jour pour qu’à l’intérieur de ce cadre on puisse choisir sa façon de faire.

65 - Au Québec, les gens, pour résoudre les problèmes qu’ils avaient avec les Indiens, ont décidé de payer les gens à ne rien faire. Alors, concrètement, ce qui s’est passé c’est qu’ils n’avaient plus de problèmes avec les Indiens, mais que dans les villages les gens sont devenus de plus en plus alcooliques. Çà a été une façon de détruire les gens. Et pourtant les Québécois s’étaient bien proposés d’aller chercher ceux qui voulaient faire des études à Montréal, etc. Donc la façon de détruire les gens, c’est de les payer à rien faire.

66 - Il y a quand même, quand on est dans une entreprise, un critère pris en compte, l’intérêt porté à l’entreprise, l’investissement dans l’entreprise, etc., ce qui fait que la personne demandant un temps partiel va avoir un avancement moins regardé. Il va avoir des problèmes d’avancement de carrière.

67 - Ceux qui voudraient travailler moins, c’est ceux qui gagnent moins et qui ont les travaux les plus pénibles. Effectivement un cadre il peut vraiment choisir. Quelqu’un qui gagne le S.M.I.C. et qui a en plus des boulots très pénibles, il aurait envie de travailler moins.

68 - La réduction du temps de travail, elle est au service du travail ou du loisir ?

69 - Assez paradoxalement, le travail est au service du « non-travail ». On travaille pour ne plus travailler.

70 - Il y a quelques semaines, dans le bas de la France, je ne sais plus quel sénateur demandait à ce que les R.M.Istes aient un travail d’intérêt général. Je ne sais pas ce que cela a donné.

71 - En 1958, les chômeurs étaient employés à nettoyer les trottoirs.

72 - Je n’arrive pas à comprendre pourquoi certains métiers semblent mauvais, pourquoi ils abaissent. Je ne vois pas pourquoi on n’a pas la même vision d’un éboueur et d’un « col blanc ». On a besoin de l’un et de l’autre. Pourquoi les considérer comme des riens ?

73 - Pour vous répondre un peu, ce qui était dit auparavant, c’est que votre travail, c’est un peu votre vitrine sociale. Et effectivement, pour un éboueur, la vitrine sociale, elle est pas terrible.

74 - C’est la société de consommation, le paraître.

75 - Pour répondre à monsieur qui parlait du Québec avec les Indiens. On disait finalement que la paresse est la mère de tous les vices puisqu’ils arrivaient à l’alcoolisme, mais je pense que c’est le fait qu’on leur ait dit « ne faîtes rien, étudiez », le fait peut-être qu’avant on leur ait piqué toutes leur coutumes et leur civilisation, leur mode de vie. Je ne suis pas sûr que ce soit le « non-travail » qui soit la cause de cela.

76 - On leur piquait leurs terrains, et c’était leur travail puisque c’était là où ils chassaient. On leur proposait des dollars canadiens mais cela ne correspondait à rien pour eux. Cela ne les intéressait pas du tout.

77 - C’est à peu près la même chose avec les D.O.M.-T.O.M.. En Guyane, il doit y avoir quatre-vingt pour cent des personnes qui touchent le R.M.I. et effectivement ce sont des sociétés, des civilisations anciennes qui ne trouvent pas de travail. Ce sont des gens qui vivent dans une société dite moderne, et ils n’ont même plus les moyens de vivre comme avant.

78 - On retrouve un peu ce que vous dites avec vos indiens dans nos sociétés modernes. J’ai passé l’après-midi avec une personne ayant rencontré un R.M.Iste, une personne qui touchait plein de trucs, en cumulant le tout, aides au logement, etc., cette personne là gagnait plus que celle qui me racontait l’histoire. Comment motiver cette personne-là ?

79 - Le travail devient différent, c’est-à-dire que là c’est aller voir les bureaux d’aides sociales, ça devient ça le travail.

80 - Le problème, c’est pas que ces gens qui ont recours à des aides veuillent en profiter, c’est plutôt que c’est la société qui ne veut pas d’eux. Il y a peut-être des bonnes volontés là-dedans mais ils sont pris dans un système. En fait pourquoi on leur donne des allocations ? C’est pour que l’on achète la sécurité. Imaginez que l’on enlève toutes les aides, réfléchissez à ce qu’ils vont faire. Il va bien falloir qu’ils mangent. Ils iront embêter les quartiers riches. La violence et la délinquance augmenteront.

81 - Certes, parfois, par le jeu des allocations, on peut gagner plus que quelqu’un qui travaille. Mais la société de consommation est aussi basée sur la consommation de masse et un des éléments principaux de la consommation de masse, c’est le crédit. Or même quelqu’un qui a un petit salaire à 6500 va pouvoir justifier pour avoir un prêt alors que quelqu’un qui est sans emploi aura beaucoup de mal à avoir un crédit. Il ne faut pas non plus limiter les possibilités qu’offre la société en retour du travail.

82 - On revient au Moyen âge. Ils avaient l’impression d’avoir deux fois le paradis, une fois sur Terre parce qu’ils avaient les loisirs et la puissance et tout, et la deuxième fois au ciel parce qu’ils avaient fait la charité.

83 - Je voudrais revenir au fait que l’on arrive maintenant à une société à deux vitesses. Ce qu’il faut savoir, c’est que lorsqu’on est bénéficiaire du R.M.I., c’est vraiment pas la joie. On ne peut pas traiter ces bénéficiaires de fainéants. C’est quand même le minimum vital. Je pense qu’il y a un amalgame. Lorsqu’une personne a des indemnités, des Assedic, cela veut dire qu’elle a travaillé suffisamment longtemps avant pour générer ces Assedic là. Lorsque l’on cotise à un moment ou à un autre, on les touche. C’est vrai qu’il y a des demandeurs d’emplois. C’est vrai qu’il y a des personnes à qui on va proposer un boulot à 6000 francs et qui vont répondre « non, moi je touche 7000 chez moi à rien faire ». Mais cela ne dure pas longtemps, parce que trois ans après, on est exclu du circuit du travail, on n’a plus que trois milles francs, et puis on doit prendre un emploi. A mon avis, le gros problème, c’est que travailler, ça coûte de l’argent. Et on arrive à un stade où c’est quasiment un choix. Quelqu’un qui gagne le S.M.I.C. a exactement la même chose que quelqu’un qui a un boulot. Seulement le travail, c’est quoi ? J’en reviens toujours à la même chose, les Assedic, ça ne fait pas la vie, à un moment ou à un autre il va falloir retourner dans le circuit du travail.

84 - C’est peut-être le moment pour s’interroger sur : « qu’est ce que le travail pour un individu ? » Est-ce que cela représente seulement un attribut pour vivre ou est-ce qu’il y a quelque chose derrière ?

85 - Je pense qu’il y a quand même des personnes qui s’épanouissent dans leur travail. Pour certaines personnes, ils travaillent parce qu’ils y sont obligés.

86 - Moi je dirais que les gens travaillent essentiellement pour gagner de l’argent et pouvoir vivre. En fait la société s’est constituée de telle manière qu’il faut de l’argent pour pouvoir vivre. Depuis le XVIIème Siècle, les industriels, tous ceux qui ont voulu faire de l’argent, ont inventé une certaine valeur du travail. Et à l’époque, ils travaillaient dix, douze, quatorze heures par jour, et les enfants aussi. Bon effectivement, à dix ans on travaillait dans les champs s’ils étaient paysans mais je dirais qu’il y avait peut-être plus de complaisance à travailler dans la prairie. Après, c’est simplement devenu des gens qui travaillent pour les autres, à qui on donne juste un petit salaire pour pouvoir vivre. Alors maintenant, il y a plein de filets sociaux.

87 - Je trouve que depuis dix ans, il y a la pression qui augmente au niveau du travail. Cela devient de la folie.

88 - On dit couramment que le travail évite l’envie, l’ennui et le vice. L’activité a les mêmes bienfaits.

89 - On parle effectivement du travail rétribué, mais le bénévolat, c’est quoi ?

90 - Le bénévolat, c’est pour rendre service.

91 - Il y aussi du bénévolat qui est une forme de travail déguisé. La rémunération n’est pas forcément directe par une fiche de paye à la fin du mois, il y a des gens qui vont avoir une fonction dans tel ou tel organisme qui va faire que par relations, ils vont réussir à avoir des affaires. Il n’y pas que le bénévolat vu comme un don de soi, une gratuité, il y a aussi des rémunérations non salariales. Il y a des hommes politiques qui font de la politique parce qu’il y a de la rémunération derrière, en terme d’avantages divers que procurent ces fonctions.

92 - A mon avis, le bénévolat, c’est du loisir direct, on ne passe plus par l’argent pour aller aux loisirs. A la base du bénévolat, on se fait quand même plaisir. Le bénévolat, à mon sens, permet de se définir soi. Je suis désolé de remettre cela à un niveau plus égoïste. Aider les autres, je ne sais pas si c’est le primat. On arrive à une définition du travail d’abord individuelle au lieu de prendre cela sur un plan beaucoup plus global.

93 - Le bénévolat, c’est un petit peu comme le travail, il y a du travail qui plaît et du travail de corvée.

94 - Il y en a qui se font plus plaisir et en même temps, ils aident les autres. De toute manière, il y a les deux.

95 - Il y a des effets pervers en toute chose. Il faut bien reconnaître qu’à ce niveau-là, c’est d’abord pour se faire plaisir. Des fois, on récolte des conséquences qui nous embêtent un peu.

96 - Combien de personnes disent : « Je m’épanouis autrement que par le travail » ? Le bénévolat va peut-être avoir un rôle plus épanouissant.

97 - Il y a quand même certaines fonctions bénévoles qui sont pénibles, par exemple les pompiers.

98 - Pourquoi y a-t-il une recherche de bénévolat ? Est-ce que le bénévolat ne serait pas une sorte de palliatif à un manque de travail ? Est-ce qu’il n’y a pas dans le travail, au delà des dimensions purement pécuniaires, une recherche de l’activité ? Si on ne considérait que l’aspect financier, quel serait la légitimité du bénévolat ? Aucun, et à mon avis, on démontre bien que l’aspect social du travail prime sur la dimension pécuniaire qui à mon avis n’est qu’une conséquence.

99 - Dans le travail, il y a certes l’aspect financier, l’aspect de considération sociale, il y a l’aspect d’épanouissement personnel, le fait de savoir faire des choses, il y a tout un aspect social. Par exemple un célibataire va rejoindre une association aussi dans le but de rencontrer des gens, rencontrer éventuellement l’âme sœur. On se fait plein d’amis lorsque l’on travaille. Donc le travail ne peut pas se limiter à l’aspect financier.

100 - Oui, donc, on en revient à se demander quels sont les moteurs principaux qui font se mouvoir les individus. Je pense qu’il y a deux moteurs principaux, l’instinct et l’intérêt, et trois moteurs auxiliaires, l’argent, le pouvoir, le sexe. On est des animaux, ne l’oubliez pas.

101 - Je ne pense que la personne oisive ait le primat sur la personne qui travaille. Selon la loi de l’offre et de la demande, s’il y avait des gens qui travaillaient, ils finiraient par asservir les gens qui ne travaillent pas, puisque les gens qui ne travaillent pas seraient complètement dépendants des gens qui travaillent. Je crois que ce seraient les oisifs qui se sentiraient en position inférieure par rapport à ceux qui travaillent. A mon sens la personne qui travaille aura toujours le primat sur le « non-actif ».

102 - En fait, quand on veut avoir des loisirs, est-ce que c’est logique que nos loisirs soient apportés par des gens qui travaillent ? Un exemple, lorsque l’on va au restaurant à onze heures du soir, on trouve cela normal d’être servi par quelqu’un qui travaille.

103 - En Allemagne et maintenant de plus en plus en France, on a réussi à faire admettre aux gens qu’avoir plusieurs poubelles chez soi de différentes couleurs est utile. Les gens savent que derrière, il y a des problèmes de déchets et d’environnement.

104 - Oui mais en Allemagne quand on se trompe de poubelle, on a une amende qui nous pend au nez. En France, c’est à titre expérimental.

105 - Moi, je n’aimerais pas être aussi pessimiste dans ce regard des choses. Est-ce qu’il n’y a pas encore une conscience sociale qui guide chacun de nous, qui nous dit que travailler un peu dans la société, c’est aussi faire sa part de contribution dans les échanges sociaux ? Est-ce que l’on a pas tous cette conscience qui fait que d’avoir bien travaillé à son boulot, d’avoir accompli une tâche le mieux possible, cela engendre une satisfaction ? Moi je crois que ce n’est pas perdu complètement, ce côté-là, et c’est peut-être ça qui manque aux gens qui ne travaillent plus. Donc je crois que le travail, c’est quelque chose de très réalisant par rapport à la société. Il y a des parasites qui profitent du système et qui ne participent pas au travaux de la société tout en bénéficiant de ses avantages.

106 - Il y a effectivement un problème de « parasitage » lorsqu’il n’y pas obligation de résultats et que l’on est payé et puis c’est tout. Mais cette démarche de profiter du système ne se manifeste que s’il y a un mouvement de groupe. Et la norme devient : en foutre le moins possible.

107 - Je trouve qu’avoir une conscience, c’est bien quand on a un métier qui peut être épanouissant. Personnellement, j’ai travaillé un mois à la chaîne, je plains les gens qui le font quarante ans de leur vie. Je crois que la conscience ça marche bien quand le travail n’est pas abrutissant.

108 - Abrutissant, avilissant, cela dépend de ce que l’on est en train de faire. Je prendrai l’exemple des moines dans les monastères qui, souvent, font des travaux répétitifs parce que le moine est libéré de sa pensée. Il accomplit son travail et il peut penser à plein de choses.

109 - Quand on balaye les rues, on peut effectivement rêvasser tandis qu’à la chaîne, étant donné que ce sont des tâches extrêmement répétitives et précises, il faut éviter de rêvasser.

110 - Le moine est un très mauvais exemple parce que le moine a les armes pour penser à autre chose. L’ouvrier qui est né dans une société de consommation, à qui on n’a peut-être pas forcément donné les armes parce qu’il n’a pas bénéficié d’une éducation par manque d’argent, lui n’a pas les armes. C’est pour cela que j’emploie le mot « avilissant » parce qu’il n’a pas les armes pour penser à autre chose, et il y est forcé.

111 - La différence entre le moine et l’ouvrier, c’est que l’environnement sonore est différent. Les machines automatiques ne permettent pas aussi facilement la concentration qu’un monastère.

112 - Pourquoi voulez vous que plein de gens réfléchissent et s’épanouissent dans leur travail ? Quelques-uns veulent faire leur boulot et puis rentrer chez eux et être tranquille. On peut pas imposer à tout le monde d’avoir un épanouissement intellectuel ou culturel dans le travail.

113 - L’épanouissement, c’est forcément ce que recherchent les gens actuellement parce qu’ils sont dans une optique et un cadre de vie qui vont dans ce sens là. Mais est-ce que la société n’a pas à pousser les gens vers leur épanouissement ?

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