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Compte-rendu analytique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (06/02/1999)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Éducation

Professionnalisation et enseignement

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1 - Je viens de terminer mes études. Je suis donc sur le marché de l'emploi. Je me suis aperçu que sur le marché de l'emploi, il y avait une forte demande pour une professionnalisation de l'enseignement, une adéquation complète avec les besoins de l'entreprise. Au travers de la revalorisation que je trouve parfois excessive de l'enseignement technique, j'ai l'impression que les filières beaucoup plus générales n'ont pas d'aboutissement direct dans la vie professionnelle. J'ai l'impression que cette professionnalisation, qu'elle soit dans le secondaire ou dans le deuxième cycle, se développe et cela au dépens de l'enseignement général, de la maturation, de la réflexion. La valeur montante de l'adéquation entre l'enseignement et la professionnalisation est pour moi dangereuse pour l'enseignement général et le développement de l'individu dans ses réflexions. Ce qui est important dans ce thème là à mon avis, c'est ce qui va vraiment être le but de la politique éducative, former des travailleurs ou former des citoyens au sens global du terme c'est à dire des personnes capable d'une certaine réflexion, d'un certain recul par rapport à leur "fonction" dans la société.

2 - Si je comprends bien, il y a dans vos propos une opposition entre le travail manuel et le travail intellectuel.

3 - Dans mon discours je ne les oppose pas. Le problème est celui-ci : tel que le système éducatif fonctionne à l'heure actuelle, on aboutit à un choix entre les filières techniques et les filières classiques. Les motivations du personnel éducatif sont aujourd'hui plutôt des préoccupations faisant référence à l'emploi, et cela au dépens d'une part de culture générale qui est de plus en plus occultée. Demandez à un étudiant qui fait "sciences" actuellement de vous donner son opinion sur la faculté de sociologie : il vous dira que cela ne mène à rien.

4 - Je m'aperçois effectivement que l'on "saucissonne". J'ai été latiniste pendant quelques années, vingt cinq ans, et puis je suis actuellement chimiste au C.N.R.S.. Le latin est une forme de culture générale et la philosophie aussi. L'ouverture au monde, au monde du travail, commence par des humanités. Alors si on occulte cette forme de culture générale au profit de mécanismes spécifiques à une fonction, il y a me semble-t-il un problème.

5 - Ce que je voulais dire, c'est qu'actuellement on tend à produire des techniciens. Et je mets en garde contre cette abus de technicité.

6 - Oui mais prenons l'exemple des Compagnons du Travail. Dans cet exemple, si l'on n'a pas une réflexion dans ce que l'on fait, cela ne marche pas.

7 - Je pense au contraire qu'à l'heure actuelle, lors des concours administratifs, le poids est mis un peu trop sur la culture générale. Pour le concours de magistrature, le coefficient de la culture générale est tellement élevé qu'il est accessible à des pharmaciens ou à des médecins. Et parmi les magistrats, beaucoup ont des agrégations d'histoire ou de géographie. Je pense donc qu'au contraire l'aspect technique n'est pas assez valorisé.

8 - L'enseignement que l'on a en France ne serait-il pas trop abstrait par rapport à d'autres systèmes éducatifs. Je pense à l'Allemagne où ils sont plus concrets, plus axés sur l'application.

9 - J'amènerai une réflexion un peu plus générale sur l'éducation. On a l'habitude que l'éducation soit apporté par un système éducatif. Le système éducatif éduque l'individu et transmet à ce moment là un certain nombre de valeurs qui sont les valeurs communément répandues dans la société. Or actuellement, la valeur principale, celle du travail, est en proie à des renégociations. L'université voit en sorte deux catégories de population : les individus qui sont à l'université et ceux qui y sont dans l'optique de déboucher sur du travail. Ces derniers ne recherchent pas l'épanouissement ou l'accomplissement de soi par le moyen de la culture générale. La négociation sur le caractère professionnel de l'éducation est situé dans le contexte même de la société : est-ce que la société actuelle a pour finalité le travail ?

10 - Tout le monde constate qu'il y a moins d'emploi. Cependant, on projette dans l'avenir des perspectives intéressantes comme la protection de la nature. Et apparemment, puisqu'il n'est pas apparu de proposition claire de travail concernant ces domaines, on ne peut pas dire que le travail sera exclu d'une société future. On a pas conceptualisé les nouveaux secteurs de travail, voilà tout.

11 - Je trouve cela très intéressant pour l'avenir mais si l'on regarde les choses concrètement et sans regarder vers l'avenir; Les personnes se plaignent de ne pas avoir de travail. A partir du moment où elles ont un travail, elles sont sécurisées. Actuellement, ce que tout le monde recherche c'est un travail. Les annonces proposant des emplois sont très spécialisées et il y a une forte demande de professionnels précisément qualifiés dans beaucoup de secteurs. Les entreprises n'ont rien à faire de la culture générale de leurs ouvriers. Ce que l'on recherche, ce sont des personnes qualifiées pour un poste précis. C'est quand même navrant de voir que les études ne nous mènent pas à une telle adéquation avec ces propositions. Je ne comprends pas que les universités ne se mettent pas à la page.

12 - Effectivement, je crois que c'est la grande différence entre les diplômes attribués par l'université et les demandes effectuées par l'entreprise. Pour moi, diplômes et compétences ne sont pas deux choses synonymes. C'est d'autant plus vrai que l'entreprise se pose actuellement des questions à cours terme notamment de rentabilité. Je ne suis pas sûr que l'on soit moins performant qu'avant seulement avant on ne se posait pas la question. On prenait du temps pour former un nouvel employé, huit mois, neuf mois, un an. Actuellement, si l'employé n'est pas parfaitement opérationnel dans les trois mois, cela pose d'énormes problèmes. C'est à ce niveau là que les professionnels demandent des gens compétents, pas forcément des gens diplômés. On a pas su faire l'adéquation. Mais faire l'adéquation, c'est effacer toute la culture générale qui est pour moi essentielle dans un enseignement de qualité.

13 - Former un adulte, c'est bien sûr lui donner une culture générale pour lui permettre d'exercer un métier. A mon avis, on pousse trop loin la notion de culture générale et on attend trop longtemps pour former quelqu'un à un métier. Il est vrai qu'il y a encore quelques dizaines d'années, les employeurs avaient le temps de laisser une certaine forme d'adaptation. La filière technique, pas forcément manuelle, la technicité ayant trait justement à la compétence, s'encombre de choses beaucoup trop générale. A quoi cela sert-il d'avoir une culture générale de niveau "bac 2" avant d'exercer son métier ? Le danger d'il y a quelques dizaines d'années consistant en la mise sur le marché de l'emploi de personnes trop spécialisées, incultes, est à mon avis inversé.

14 - La solution à proposer serait peut-être des instituts pointus avec des professeurs de haut niveau, c'est à dire qui auraient une culture générale d'aspect psychologique et en même temps un peu philosophique. Lorsque l'on fait un travail manuel, il y a une réflexion. On pourrait imaginer des élèves qui commencent très tôt une activité professionnelle répondant à une demande de la société et en même temps distribuée par des enseignants compétents, humanitaires, psychologues, etc. Cela permettrait aux jeunes de s'insinuer de façon réfléchie dans le domaine du travail. C'est peut-être idéal mais c'est pour moi une belle solution.

15 - Pour moi, la culture générale c'est avoir une vision différente des connaissances. On parlait tout à l'heure d'un enseignement où l'on ne faisait que de la culture générale et pas de pratique. Je crois que l'on utilise le terme d'enseignement générale pour l'enseignement théorique, ce qui pour moi est totalement différent.

16 - Tous les enseignants n'ont pas la même formation. Cette formation est d'ailleurs d'autant plus pointue que l'on progresse dans le temps, je veux dire au cours des études. Il n'y a pas si longtemps, la formation était très diversifiée et le professeur lui même avait autour de sa matière de prédilection tout un panel de culture générale. L'enseignant a certes une culture générale mais il a aussi un savoir un peu plus pointue. On ne demande pas la même chose à tous les enseignants. Par contre on pourrait envisager la même formation des élèves au civisme et à la citoyenneté.

17 - Je me demande si dans l'éducation, l'enseignement, on doit faire passer les termes de rentabilité, d'adéquation avec le monde du travail comme des termes fondamentaux. J'ai l'impression que si l'on poursuit le raisonnement de l'adéquation entre les aptitudes techniques de la personne et les demandes de l'entreprise, on va arriver à des aberrations, comme on peut en voir aux Etats Unis, à savoir la prédestination de la personne et cela très tôt. Son éducation devient une longue spécialisation qui occulte complètement l'individu et son épanouissement personnel. N'y a-t-il pas une grosse erreur dans cette course à la technicité qui pourrait faire de chaque citoyen non pas un citoyen à part entière mais une sorte d'agent purement économique ?

18 - A mon avis, votre argument est un argument qui a été trop rabâché. On est très loin en France de cette situation. Et dans les années quatre vingt, on a, à mon avis, envoyé les individus à l'université à tort et à travers. On a prôner l'université alors que des personnes n'étaient peut-être pas apte à acquérir des diplômes et qu'elles auraient pu user de ce temps universitaire pour suivre une autre formation plus adéquate et au bout de laquelle il y aurait eu un débouché professionnel.

19 - Je crois qu'à l'origine on allait à l'Université pour apprendre l'Univers, pour apprendre justement un peu de tout sur tout. Le problème fondamental se trouve je pense dans l'idée que ce n'est pas l'éducation qui décide de ce que l'on va devenir mais que l'on n'a pas le choix : il faut un boulot pour pouvoir manger et payer son loyer. Et puisqu'il est de plus en plus difficile de trouver un travail, on essaye d'être un peu plus compétent quitte à rogner sur tout un savoir intellectuel gratuit. Tant que l'on sera obligé de passer par la phase "apprentissage puis travail puis retraite", si l'on ne veut pas être clochard ou vivre autrement, il faudra forcément arriver à une éducation au service de la demande des futurs employeurs. On aboutira à la formation d'individus compétents dans un seul domaine et cela c'est très grave.

20 - On pourrait très bien sortir du cadre de l'université, des études, les besoins de l'entreprise. Une université qui prépare sur un cycle de trois à quatre ans alors que le monde économique évolue tous les six mois ( on voit de nouveaux métiers apparaître ) n'est pas en adéquation avec la demande présente du marché. L'université ne doit-elle pas rester un cadre où l'on apprend, où l'on s'éduque et ne peut-on pas envisager la mise en place d'organismes dont les temps de réaction face à la demande du marché seraient restreints. Sachant qu'en plus, il y a une grande différence entre le monde éducatif et le monde du travail, cette possibilité de mettre en place des instituts répondant à la demande présente du marché permettrait de garder le statut purement éducatif de l'université. L'apprentissage d'un métier se ferait en parallèle avec l'éducation générale et personnelle.

21 - A mon avis, dans les enseignements techniques débouchant directement dans l'entreprise, le professeur peut former soit des robots, soit des citoyens. Il n'est pas nécessaire pour faire un métier manuel de traîner ses savates très longtemps dans l'enseignement supérieur. Je pense que si l'on passe beaucoup de temps à l'université, on a peut-être une bonne culture générale mais on est utile à rien, sauf peut-être à être un bon citoyen.

22 - Cette notion d'utilité pourrait être développer. L'utilité pour la société, pour l'individu ? Essayez de dégager les besoins de la société et les besoins de l'individu.

23 - Vous parler de faire le tri, je ne sais pas si c'est à l'enseignant de faire le tri. Il y a selon vous une certaine partie des connaissances qui doit être occultée pour aller à l'essentiel. A mon avis, aller à l'essentiel passe par un phénomène de maturation. Le fait de réduire la masse d'informations et de connaissances entraîne une maturation restreinte se basant sur de moins en moins de possibilités d'ouverture pour l'individu.

24 - Vous soulevez tous le problème qu'une personne qui serait très vite formée pour faire un métier n'aurait pas eu un enseignement universitaire global lui permettant d'être critique, intellectuellement autonome. Je ne vois pas du tout en quoi l'enseignement universitaire aurait le monopole de cela. Avez vous déjà fréquenté des gens qui ont fait un "C.A.P. Coiffure ". Ils sont très vite parti sur le monde du travail mais ils ont une intelligence très intéressante et ils sont des citoyens tout à fait "valables".

25 - Oui mais vous parlez de personnes qui ont la force personnelle de s'éduquer eux-mêmes. Il n'y a qu'une partie des gens capable de faire cela. Et pour beaucoup la culture n'est pas essentielle. Connaissez vous beaucoup de personnes capable de faire la démarche personnelle de se cultiver, d'aller au théâtre, au musées, etc.?

26 - Effectivement, aller dans des musées, se cultiver personnellement, ce sont des choses très bien. Mais je trouve qu'à l'université, la recherche est beaucoup plus poussée. On apprend plus à raisonner car il y a un travail de fond qui est effectué. Si l'on se cultive soi-même, cela va être plus divertissant.

27 - Il a été dit que c'était inutile de passer autant de temps à la faculté, de poursuivre des études longtemps après le baccalauréat. Je crois cependant qu'entre le moment où l'on rentre à la faculté et le moment où l'on en sort, on acquiert une maturité. Il a été dit aussi que pour certains emplois, on pouvait former des gens rapidement, à la demande du marché de l'emploi qui effectivement est très dynamique. Je pense qu'il existe aussi des emplois qui demandent une certaine maturité, une certaine prise de responsabilité. Former un ingénieur en six mois après le baccalauréat est pour moi insensé. Il est un peu facile de critiquer la formation technique et la durée que cela peut prendre surtout que chaque individu possède des capacités différentes de celles de son voisin.

28 - Je voudrais savoir ce que vous entendez par culture générale. Pourrait on définir cela comme ce que l'on n'apprend pas à l'école. Etant plutôt de formation éducative relative à l'économie, tout ce qui est littéraire est pour moi d'origine extra scolaire et je considère que l'on se cultive de cette façon.

29 - Je tiens à signaler que l'on peut faire des études qui nous plaisent et qui nous intéressent. Pour revenir au monopole qu'aurait la faculté à former de gens plus réfléchis : lorsque l'on est à la faculté, je pense effectivement que l'on a plus de disponibilités pour pouvoir réfléchir que lorsque l'on est coiffeuse.

30 - C'est vrai que l'on peut faire des études pour se faire plaisir mais j'attend les réactions de ces personnes à la fin de leurs études lorsqu'ils vont commencer à chercher du boulot. Par contre, si on ne pense qu'aux études, qu'au plaisir de faire travailler sa tête, alors l'université se trouve être un bon choix. Quelqu'un parlait de disponibilités pour réfléchir mais il y a certains programmes de la faculté qui sont très contraignants. A la faculté, le plus souvent, on se renferme dans une filière et on n'est pas très ouvert aux autres disciplines. Les scientifiques et les littéraires ne se mélangent plus. Alors où est cette universalité de la culture à l'université ?

31 - Je crois qu'après la seconde, on ne l'a plus vraiment la vraie culture générale. Au baccalauréat, pour le bac C en l'occurrence, afin de prendre un exemple tiré de mon expérience, il existent des coefficients déjà très sélectifs. Avec un coefficient "5" en maths et en physiques, on sait où l'on doit être bons. Beaucoup de gens ont eu leur bac même en étant nul en Français. A partir du moment où l'on met un examen assez orienté vers une matière, les gens se spécialisent. Lorsque je suis sorti de l'école d'ingénieur, j'utilisais dix pour cent des choses que l'on m'avait apprise. Par contre ce qui m'est resté, c'est la capacité à réfléchir et à m'intéresser. C'est après que j'ai pu constater un certain manque évident de culture générale et je crois que le fait que je me sois intéressé à d'autres domaines je le dois aussi à ces études où l'on m'a appris à réfléchir. C'est un grand niveau d'études qui m'a permis de le faire. Alors que ce soit par des écoles d'ingénieurs ou par la faculté, à mon avis, on arrive au même point mais même si on n'a pas un niveau de culture très grand, je crois que plus on apprend à travailler, plus on est capable de s'intéresser de plus en plus.

32 - Le terme plaisir a été employé plusieurs fois. Je trouve que le grand drame actuellement se situe dans le fait que l'on ne nous enseigne pas dans l'éducation à avoir du plaisir dans la recherche, dans la découverte de plein de choses. On n'apprend pas aux jeunes à s'intéresser aux choses. C'est un peu comme des usines de production. On produit des spécialistes pour aller dans des métiers prédéfinis. Alors je me demande : comment intéresser les jeunes pour combler cette grande lacune de l'Education Nationale ?

33 - Je voulais rejoindre cette notion d'intérêt parce que je trouve qu'intéresser l'élève, c'est déjà la moitié du travail pour un professeur. De plus je pense que jusqu'à la seconde, tout le monde à le droit à un certain niveau de culture générale, en Français, en Histoire, en Géographie, etc. alors qu'après, à la faculté, on se spécialise.

34 - Je voudrais poser une question. Faut-il aller rapidement dans un institut à la sortie du lycée ou plutôt aller à la faculté? J'ai l'impression que lorsque quelqu'un est motivé pour faire un travail, l'institut lui procure plus de matière pour exercer son métier.

35 - Les centres d'intérêts sont différents pour chaque personne. Aussi pour un professeur, il est difficile d'intéresser quelqu'un qui n'a pas les dispositions personnelles.

36 - Je reviendrais à mon idée de cycle de formation professionnelle qui serait indépendant du cursus général. L'intérêt que l'on pourrait voir à cela, c'est par exemple que l'on aurait en premier un cursus général suivi d'une spécialisation pour apprendre un métier. Cela permettrait d'une part de fixer la barrière du travail un peu moins haut que 25 ans et d'autre part d'apprendre assez tôt le contexte professionnel et la vie en société. Ensuite, peut-être quatre ans après, cinq ans après, on peut revenir sur le cycle général avec des motivations qui seraient certaines et en tout cas avec une certaine maturité. Cela permettrait de faire prendre conscience aux gens de la chance qu'ils ont d'avoir une université dans leur pays.

37 - Je crois que ce serait d'autant plus intéressant qu'actuellement les entreprises demandent aux gens de plus en plus de se recycler. Les personnes ont acquis une certaine compétence pour exercer un travail puis ils veulent évoluer pour en acquérir une deuxième, etc. Je pense que ce système permettrait de couper le schéma classique où l'on passe par l'école puis par le travail et enfin par la retraite. On peut imaginer quelqu'un qui ayant 35 ans serait amené à acquérir une autre compétence et qui de ce fait retournerait à l'école.

38 - Ce que je pouvais reprocher à la faculté lorsque j'y étais, c'est le manque de rapprochement entre l'université et les entreprises. Le problème actuel est à mon avis le marché du travail qui est trop restreint.

39 - Il a été dit que l'on ne s'intéressait pas tous aux mêmes choses, bien heureusement d'ailleurs. L'école, pour moi en tout cas, ne m'a pas appris ce à quoi je pouvais m'intéresser. Naturellement, j'ai peut-être des prédispositions pour faire telle ou telle chose. Le problème pour moi se situe dans la difficulté d'appréhender ces dispositions particulières en tant qu'individu unique.

40 - J'aurais quelque chose à proposer. Même si je trouve que l'enseignement universitaire est primordial pour certains métiers, il me semble qu'il ne devrait pas y avoir tant de monde que cela à la faculté. Pour avoir de meilleures conditions à la faculté et pour ne pas que cela serve de cul de sac, je serais pour mettre une sélection à l'entrée. Ainsi il faudrait pour chaque étudiant un dossier qui lui permettrait de savoir dans quelle branche il est susceptible d'être incorporé, compte tenu de ses capacités. Une fois sélectionné, l'étudiant pourra être capable de suivre ses études et il ne perdra pas son temps. Je trouve cela beaucoup plus démagogique que d'envoyer tout le monde à "l'abattoir" sachant qu'à la fin qu'il n'y en aura que cinquante sur mille qui auront le travail qu'ils veulent.

41 - Le danger à mon avis réside dans le fait qu'il y a des personnes à la sortie du baccalauréat qui n'ont pas assez de maturité et qui ne savent pas ce qu'ils vont faire. Alors ils tâtonnent un peu et justement ils se découvrent dans le tâtonnement. Ca c'est important et le système que tu imposes priverait certains de trouver leurs voies. Je crois que tout le monde ne se dit pas à dix huit ans : moi je serais avocat, moi je serais médecin, etc. Il existe des gens qui ne savent pas où ils en sont et ce n'est pas pour autant qu'ils sont immatures. Ils n'ont pas encore fait de choix. Et leurs tâtonnements leur permet, peut-être plus tardivement que les autres, de se trouver. Je crois que le problème de l'enseignement ce n'est pas forcément un problème de l'enseignement. C'est à chaque individu de savoir un peu. C'est un cheminement personnel. Et cela se fait à long terme. Et de temps en temps, sur le chemin de la vie, il y a des gens qui nous aident. Ce sont tout d'abord des enseignants et puis ensuite toute la société. La vie, c'est se connaître, c'est s'épanouir. Les concours pourraient sabrer tout cela. C'est dommage car l'individu est très riche et quelque soit le temps que l'on accorde à sa véritable maturation, il faut le prendre.

42 - Oui mais le tâtonnement pour moi ne fait que perdre le temps aux gens en même temps que de les démoraliser.

43 - Alors une question s'impose : quand faut-il faire un choix ? Je crois qu'il y a quand même des possibilités d'approfondissement à tous les niveaux, que ce soit à la sortie du collège ou bien plus tardivement. Il existe peut-être un chemin intéressant à analyser qui est celui du technicien de la maison. J'ai vécu chez "Loréal" quelque chose qui n'était pas si mal que cela et qui permettait de faire en dehors de l'université un apprentissage qui n'était pas quelconque.

44 - Quand peut-on faire le choix. Je dis pas trop tôt. Et je suis choqué lorsque j'entend des mômes en cinquième qui demandent à leurs professeurs dans quoi il y a du boulot. Je rajouterais comme il a été dit tout à l'heure que l'on a le droit à sa vie et puis à se chercher un peu.

45 - On est d'accord mais la sélection existe. Et je pense que celle ci doit se faire au plus tôt.

46 - Il a été parlé de sélection dans le but que la filière ne soit pas un leurre pour quelques personnes. Tout comme dans la section publique, il y a des recrutements qui sont effectué en fonction du nombre de places qui sont disponibles à tel endroit. C'est vrai qu'il y a eu un mythe de l'anti-sélection comme si ce n'était pas quelque chose de républicain ou de démocratique. Or la sélection, c'est quelque chose de totalement démocratique. C'est même plus démocratique que le fait de faire rentrer tout le monde et qu'ensuite il y ait des pistons de fils à papa ou des relations de cette sorte. Les concours, dans le sens ou l'on y prend les meilleurs, que c'est ouvert à tout le monde et qu'il n'y a pas de magouille parce que les copies sont anonymes, font appel à une sélection totalement républicaine. L'inconvénient selon moi provient du fait que l'on ne sait pas dater trois ans avant les besoins de la nation dans une filière précise. On va dire un jour il nous faut sept cent place alors que l'on se rend compte qu'il en fallait mille. L'année d'après, c'est l'inverse. Pour moi, il faut deux parcours : le parcours général permettant de former l'individu et le parcours professionnel qui doit être sous l'état de cycles de formation assez courts percussifs sans relation avec l'administration et en relation directe avec les besoins de la société. Il faut à mon avis séparer les deux choses.

47 - Je suis contre la sélection à l'entrée de l'université. Il faut laisser les gens être assez responsables et suivre selon leurs prédispositions des filières dans lesquelles ils seront capable de suivre.

48 - La sélection pour moi casse la mise en place de système tels que ceux visible en médecine ou en pharmacie qui sont des secteurs/castes dans lesquels il y a une meilleure réussite des fils de médecins où des fils de pharmaciens comme s'ils avaient une capacité supplémentaire pour devenir médecin où pharmacien. Cela relève de l'esprit de caste et de l'antirépublicain.

49 - Je crois qu'il faut préciser le terme de sélection. Précédemment il a été parlé de la sélection à partir du moment où l'on a défini un métier final et où l'on a besoin de trente personnes pour aller dans un secteur précis. En ce qui concerne la sélection à l'entrée de l'université, je suis plutôt contre. Pour moi la sélection, dès que l'on a une idée de métier, me semble une bonne chose parce que les personnes qui rentrent dans une formation sortent de celle-ci avec le travail auquel ils ont été préparés.

50 - La solution serait peut-être d'obliger les jeunes adolescents à faire des stages, de visiter des entreprises. Je connais des personnes en deuxième année d'université qui n'ont jamais mis les pieds dans la sphère de l'entreprise.

51 - Dans les années cinquante, le baccalauréat avait trente pour cent de reçus. Maintenant c'est beaucoup plus élevé. J'ai vu aussi il y a quelques jours une copie de droit où il y avait des fautes d'orthographe à tous les mots. Je m'interroge sur le barrage qu'il faut instaurer. Faut-il le mettre très tôt où plus tard ?

52 - La sélection est certainement utile ne serait ce que pour éviter ce leurre auquel il a été fait allusion et qui a été extrêmement utilisé par les pouvoirs publics depuis longtemps et qui consistait à cacher le maximum de chômage en utilisant la faculté. J'ai assisté à plusieurs reprise à des forums d'emplois et, alors que je pensais répondre à des questions telles que "En quoi consiste votre métier?", "Quelles sont vos contraintes?", j'ai été surpris d'entendre la question "Quelles études faire pour y arriver?". Je ne pouvais pas y répondre, à la limite, je pouvais leur expliquer comment j'avais procédé il y a quarante ans. J'ai constaté qu'il y avait vraiment un chemin inconnu pour accéder au métier. Pour prendre un exemple grossier, pour quelqu'un qui a envie de faire coiffeuse, ce n'est pas la peine de l'envoyer à l'université. Je constate de plus autour de moi qu'il y a des personnes qui exercent un métier ne découlant pas des études universitaires qu'ils ont suivi. On peut se demander si les années de faculté ont servi à ces personnes. Par contre, je trouve que les écoles d'ingénieurs sont beaucoup plus réalistes dans le sens où il a une adéquation entre les besoins des individus et les études qu'ils suivent.

53 - En fait on pose une question qui consiste à savoir soi-même ce que l'on veut faire plus tard. A mon avis cette question n'a pas vraiment lieu d'être dans les contextes tels que la faculté où le lycée. Est-ce que le meilleur moyen pour les gens de savoir ce qu'ils veulent faire ne serait pas de rentrer directement dans le monde du travail et d'éprouver par l'expérience. Je crois que plus vite on est face à des responsabilités, plus vite on a à faire des choix et faire ce qui nous intéresse. Et je crois que le cadre de la formation professionnelle permettrait de rentrer dans le contexte du monde du travail sans rêver à des professions qui nous semblaient bien et qui au bout de quatre années d'université ne nous conviennent plus. On dit aujourd'hui qu'une personne qui sort de l'école va changer au cours de sa vie six ou sept fois de métier. Il faut à mon avis repenser le fait que l'on voit le monde des études comme une catapulte vers le monde du travail.

54 - Effectivement faire des stages en entreprise permet d'avoir une vision de l'entreprise et du monde du travail.

55 - En amont du choix du stage il y a une certaine affinité. D'où la nécessité dans l'éducation d'une certaine ouverture. Le problème de faire un stage dont l'activité n'est pas représenté dans l'enseignement, par exemple celui d'expert-comptable, se situe dans l'approche que l'on ne nous permet pas d'avoir du fait de sa non représentativité dans le domaine scolaire.

56 - Il n'y a pas que le stage lui-même qui permet à mon avis de prendre une décision. Il y a une introspection à faire selon moi pour chaque personne pour savoir ses tendances et ses prédispositions. Et je me demande s'il n'y aurait pas intérêt à se faire aider par un psychologue de temps en temps.

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