“Le comptoir d'un café est le parlement du peuple.”

Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu synthétique par François ToutainCafé Citoyen de Caen (12/11/1997)

Animateur du débat : François Toutain

» Politique et Société

Les raisons du blocage du débat démocratique en France

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Comment, face à la crise du débat politique que connaît notre pays, établir les raisons d'un tel dysfonctionnement démocratique ? Le 12 novembre 1997, des citoyens se sont réunis à l'appel de la Nouvelle Arcadie pour tenter de répondre à cette question.

L'existence des cafés de philosophie, leur succès, et les thèmes qui y sont abordés sont riches en renseignements sur l'actuel débat démocratique dans notre pays. On note ainsi que la participation des citoyens à une telle démarche est plus centrée sur les problèmes sociaux que sur des sujets philosophiques proprement dits. De même, la multiplication d’émissions de débat télévisées ou radiophoniques met en avant une demande de dialogue citoyen à laquelle les médias répondent. Ces deux exemples que sont les cafés de philosophie et les émissions de débat démontrent non seulement l'engouement des Français pour le débat d'idées mais encore qu'ils sont en recherche d'un espace de dialogue et d’expression sur la société qui ne leur est nul part ailleurs offert.

Quelles sont les raisons d'une telle recherche si ce n'est l'impression que le débat démocratique est bloqué ? Plusieurs voies ont été explorées, dont les relations gouvernants/gouvernés, l'intervention quasi monopolistique de l'administration dans les débats de par la professionnalisation de la politique, les sujets de débat proposés et les moyens de communication modernes.

LES RELATIONS GOUVERNANTS/GOUVERNÉS

C'est en prime abord dans les relations gouvernants/ gouvernés que nous devons rechercher les causes du blocage du débat démocratique. La quête du pouvoir est un de ces faits qui nuisent à l’épanouissement du débat en France. Le débat électoral, qui constitue la pierre angulaire de la politique moderne puisque c’est par son truchement que les électeurs se prononceront pour tel ou tel programme, n’est suivi d’aucun effet. En découle une fracture entre la sphère politique et la sphère citoyenne qu’illustre les alternances de majorités politiques que connaît notre pays depuis une décennie, avec cette conséquence qu’est le manque de cohésion dans la politique nationale à long terme.

L’attitude des partis politiques lors des débats pose également problème. Loin de débattre, ils se contentent de « réciter » leur programme. Comment considérer un dialogue possible avec une personne qui, quelle que soit la question, répondra la même chose ? Il en va de même pour l'homme politique qui déclame son programme en guise de réponse à toute interrogation. Nous sommes en présence d'une façade de débat, rien de plus. En outre, la complexification du langage politique produit une ambiguïté qui ne profite en rien à une confrontation constructive des idées de chacun. Cette communication politicienne, autrement nommée le "politiquement correct" évite d’aborder les vrais problèmes : la rhétorique prime sur l'échange d'idées et le peuple ne s'y retrouve plus.

Nul doute que la recherche de la différenciation que cultivent la droite et la gauche françaises va à l’encontre de la résolution de certains problèmes. À trop vouloir démontrer qu’elle ne sont en accord sur rien, les formations politiques en oublient l’essentiel : l’avancée des idées au profit de la société. Celle-ci ne pourra être manifeste qu’à partir du moment où le débat polémique aura fait place au débat constructif. Ainsi, la reconnaissance du vote blanc dans les suffrages exprimés pourrait participer à une meilleure remise en cause du personnel politique.

LA PROFESSIONNALISATION DE LA POLITIQUE

Plus grave, ces éléments participent à la professionnalisation de la politique si chère à nos actuels élus. (Pour preuve le Président de la République qui déclarait, il y a peu de temps, que la politique était un métier.) À trop vouloir être perçus comme les uniques penseurs politiques, les individus émanant de ces moules de pensées que proposent les hautes écoles de la fonction publique, empêchent de petites formations d'éclore. Se pose donc le problème du poids de ce qui a, dans l'ordre étatique, trop vécu et qui ne fait plus ses preuves. L'administration a pris un poids considérable dans l'organisation du débat démocratique et cette position quasi monopolistique nous amène à nous demander s’il n'appartient qu'à elle de débattre.

LES POINTS ABORDÉS LORS DES DÉBATS

Sur un plan plus formel, les points sur lesquels portent les questions qui peuvent être abordées lors de débats sont par trop techniques. Le traité de Maastricht par exemple, qui fut ratifié par un référendum, abordait des problèmes incompréhensibles pour une grande majorité de Français. Le débat qui eu lieu pour la ratification de ce traité est caractéristique puisqu'il a principalement porté sur les fameux 3% du produit intérieur brut. Le débat démocratique souffre d'un mauvais positionnement des enjeux sur lesquels débattre et il est important de le recentrer sur les objectifs de la société, sur les projets de société et non plus sur des problèmes techniques.

En outre les questions abordées lors des débats revêtent toujours un aspect politicien nuisible au bon déroulement des débats (référendum plébiscitaire…) Le campement de chaque formation politique sur leur position annihile la confrontation des idées. Le débat devrait être une espèce de "sac à idées" dans lequel tout individu pourrait déposer ses propositions sans aucun signe distinctif d'appartenance à telle ou telle formation politique. De là naîtrait vraisemblablement une dynamique des idées qui ne pourrait être que positive. Il n’appartient qu’aux politiques eux-mêmes d’ouvrir les yeux sur leurs incapacités à régler isolément les problèmes gangrenant la société moderne.

Enfin, il est à noter que la présence du Front National constitue en elle-même une raison du blocage du débat démocratique, en ce sens qu’elle amène parfois à éluder certaines questions. La crainte des partis politiques de perdre une partie de leur électorat est telle qu’ils préfèrent s’abstenir de tout dialogue avec le parti d’extrême droite. Certains envisagent même la censure, chose bien peu glorieuse pour une démocratie…

LES MOYENS MODERNES DE DÉBAT

Les nouvelles formes de communication ont permis d'avoir un autre regard sur la politique. Ainsi, la télévision est devenue le système de débat par excellence. Elle est cependant un problème pour le débat démocratique qui nécessite approfondissement et clarté puisqu’elle ne permet qu'un passage éclair au cours duquel l'homme politique doit énoncer en quelques minutes ses propositions.

Le débat public, tout comme le débat judiciaire, doit rester dans un écrin qui le protège des intérêts particuliers et économiques. Le conflit entre les intérêts privés et l'intérêt général procède à une stérilisation du débat démocratique en ce sens que la multiplication des intérêts privés est, sans nul doute, un obstacle à la libre expression de l'intérêt général. De même, débattre exige des conditions particulières dont celle d’avoir le temps d’exposer et d’expliquer clairement et précisément ses idées..

Or, la télévision est un mode de communication régie par les lois du marché et dont l’objectif est de ventiler un maximum d’information en un minimum de temps. La question est de savoir comment rester démocratique face à ce mode de communication qui ne permet qu’une information éphémère des citoyens. La création d'une chaîne thématique uniquement réservé au débat politique constituerait une solution.

ANNEXE : RÉFLEXIONS SUR LA FORME DES DÉBATS DE LA NOUVELLE ARCADIE

Deux formes d’organisation de débats régiront les prochaines réunions de la Nouvelle Arcadie. La création des « Cafés de l’Arcadie » permettra des réunions au cours desquelles les sujets traités seront directement choisis par l’assemblée. Ces manifestations auront lieu dans un café de Caen, probablement à la « Coupole », selon un calendrier à établir. Ce type de réunion aurait lieu tous les quinze jours.
Parallèlement aux « Cafés de l'Arcadie », auront lieu des réunions publiques plus solennelles tous les deux mois dans un amphithéâtre et au cours desquelles seront abordés des sujets prédéfinis.

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