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Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu synthétique par Céline ChabutCafé Citoyen de Saint-Denis de la Réunion (27/11/2013)

Animateur du débat : Céline Chabut

» Monde

LE GRAND MARCHÉ TRANSATLANTIQUE : QUELS ENJEUX POUR L’EUROPE ?

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Présentation de Geoffroy Géraud Legros, journaliste.

« Nous négocions tout nus, alors que les Américains gardent leurs vêtements et gardent leur colt »
- JMT : 1er point : En signant ce traité, l’Allemagne pense qu’elle va faire un bénéfice : c’est possible. Mais surtout, elle revient dans un mode de fonctionnement comme au XIXè, à l’apogée du monde, qui avait des excédents financiers qu’elle plaçait en Russie, aux USA, en Amérique latine, et une grosse partie des revenus des classes possédantes européennes venait non pas de ce qu’elle possédait en Europe, mais de leurs placements à l’étranger. Tout cela s’est effondré avec la 1ère guerre mondiale, et apparemment, des tas de gens n’ont pas compris la leçon : ça a recommencé à la 2de guerre mondiale : quand on doit 1000 euros à sa banque, c’est elle qui nous tient, mais quand on lui doit 10000000 d’euros, c’est nous qui la tenons. Le danger de ce choix. + Ce choix est d’un niveau très bas sur le plan éthique : toutes les saloperies qu’on n’accepte pas de faire chez nous, on les fera ailleurs, par exemple dans un pays où le rendement est supérieur car les normes environnementales, sociales sont plus basses. Donc le choix de l’Allemagne est d’agir en dehors de la solidarité européenne, et en dehors d’un cadre éthique ou moral.
2ème point : les « barrières non tarifaires » : discours des capitalistes purs et durs, imposé par les USA. « Barrière » : aspect positif ou négatif. Protège (règles sociales, environnementales) ou barre la route. Or, ces barrières-là ne sont pas négociables. Ex : dire que le poulet à l’eau de javel, tout le monde n’en mourra peut-être pas : c’est irrecevable.
- Réponse de Geoffroy : « barrière tarifaire » : c’est un terme juridique et générique qui définit une infinité de pratiques. Il peut être négatif, positif, neutre…Terme puisé dans la jurisprudence pléthorique de l’Europe. Ex : Obligation décrétée par les Belges jusqu’à un arrêt de la Cour de Justice de 1978 de vendre le beurre en Belgique sous forme de boule ; un exportateur français porte cette affaire devant les tribunaux européens car cette législation lui pose des problèmes de frais supplémentaires de transformation pour exporter son beurre à lui qui est carré ; or, comme la cour de justice est sensible à n’importe quelle altération de la ligne concurrence, même potentielle, elle a fait dégager la loi. D’où l’emploi du terme : les barrières non tarifaires/tarifaires.
L’une des manières avec lesquelles on a créé de l’UE une image inoffensive, c’est en parlant de ces harmonisations que l’on ferait par pur « plaisir bureaucratique ». Or ceux qui font ce travail ne sont pas forcément des idéologues ultra-libéraux. Mais c’est une logique qui englobe sous le terme de « entrave » toute une série de législations qui peuvent être tout à fait bénéfiques. Cette suppression est d’ailleurs souvent faite au nom de la liberté et de l’égalité.
- Question juridique : les multinationales qui attaquent les Etats : si le GMT était signé, et qu’une multinationale attaquait un Etat, comment se défendre ? Quel est le poids de la Constitution ? Principe juridique : la hiérarchie des normes : un traité international et le droit international sont intégrés à la juridiction nationale. Si les normes sont jugées conformes, elles s’intègrent au droit national. Le droit international n’est pas supérieur à la Constitution, mais au droit national. S’il y a un problème, il faut une modification de la Constitution (référendum…). Il faut respecter les traités (Pacta sunt servanda) ; mais un chef d’Etat peut très bien s’en affranchir ; par exemple : décréter une dévaluation nominale de la monnaie (ex : Lénine décide de mettre un terme à l’obligation de diffuser le capital, emprunts russes).
- L’Allemagne veut arrêter le nucléaire : l’entreprise Vattenfall attaque auprès de l’ORD (Organisme du Règlement des Différends) ; ce sont des experts privés qui vont demander aux Etats des sommes vertigineuses, alors qu’ils ne représentent rien pour la démocratie. Autre exemple : au Québec, l’exploitation des gaz de schiste, moratoire ; une entreprise attaque le Québec. Pourquoi ? Les engagements contractuels n’ont pas été respectés ? Ils font monter les enchères ?
- Réévaluation de l’Euro : surévaluation ou dévaluation par rapport au dollar ?
Sortir de l’Euro (position de Jacques Sapir) : a pris publiquement position pour la « démondialisation ». Après s'est interrogé sur l'avenir de la zone euro et l'éventuelle nécessité pour la France de sortir de l'euro, il plaide désormais pour une dissolution de la monnaie unique, qui permettrait d’avoir une monnaie nationale qui redonnerait de la compétitivité à chaque Etat.
- Droit européen de la concurrence : tout repose sur le principe suivant : « Divisez le bénéfice par le nombre d’habitants, vous allez voir, ça marche, on s’enrichit ». Cet argument très basique justifie tout ce qui est mis en œuvre depuis plus de 50 ans. « Ça ne réussira que si la libéralisation est totale » : c’est une tautologie ! C’est un raisonnement circulaire, inattaquable, basé sur une série de représentations.
Il faut interroger l’inconscient du GMT : il y a tout d’abord l’idée d’une fraternité d’armes de culture, etc, avec les USA, bâtie depuis plus de 50 ans. + Courant de Karl Polanyi :
[La rupture réalisée par la consécration unilatérale de l'économie de marché provoquée par les économistes libéraux consiste en une forme de « dérégulation (qui) demeure utopique car la Société réagit en protégeant ses membres, ce qui entre en contradiction avec les exigences du marché autorégulé en opérant des “ ré-encastrements ” volontaristes.» Ce qui va se traduire concrètement par« soit la montée des protections sociales et inter-étatiques (protectionnisme), à l'instar de ce qui a été observé avec le “New Deal” aux États-Unis.», « soit la volonté d'application au monde réel de l'idéal de désencastrement social de l'économie ayant un coût social trop important, un scénario où cette utopie ouvre la voie à une violence économique et politique extrême , comme l'a illustré la crise des années 1930, qui en Europe a laissé place au nazisme, au fascisme et au stalinisme; elle apparait alors pour ce qu'elle est : une utopie dangereuse.» Face à cette utopie qui conduit à des impasses, Karl Polanyi s'efforce de « dégager les conditions de possibilité d'un socialisme non bureaucratique, associationniste, qui n'abolisse pas le marché, mais le ré-encastre dans le rapport social et les régulations démocratiques.» ndlr-source : Wikipédia]
le nazisme, les fascismes, c’était des mouvements contre-libéraux ; donc toute rupture du courant vertueux qui nous mène vers un marché libre nous mène à « Auschwitz ». Le Nazisme, c’est aussi le stade suprême du Capitalisme, l’exploitation gratuite de la main d’œuvre dans les usines.
- La Réunion : concernée par le GMT ? C’est une région ultrapériphérique, mais quelles sont les parties du traité applicables aux Outre-Mer ? Les travailleurs locaux seront-ils impactés ? Oui ! Mais dans quelle mesure ? Problème du secret Ces traités ont une tradition secrète, car c’est nécessaire pour les négociations, et aussi pour des raisons techniques.
- Clauses de sauvegarde : utiles pour se protéger. Le GMT ne concerne la Réunion que très lointainement. Sapir : même dans une négociation configurée par des pouvoirs très libéraux, seul le pouvoir central peut dégainer le colt, plus efficace qu’une clause de sauvegarde.
- Barrière des douanes : ne pas dépasser les quotas ; l’Etat contingente par accord ou de façon unilatérale, définit les quotas. (ex : les marques de voitures, à la Réunion). Ce sont des restrictions, ni tarifaires ni non tarifaires.
- « La République française tient compte des intérêts de la Réunion dans ses négociations », oui mais parfois l’intérêt de la Réunion est opposé à celui des Antilles, par exemple ; alors comment fait l’Etat, dans ce cas ?
- Dimension géopolitique : volonté des élites républicaines d’encercler l’Amérique latine, de l’empêcher de monter en puissance. Elites européennes axées autour du business, alors que les élites américaines en font un objet de géopolitique.
- L’opposition au traité est portée en France par le PG (ex de la manif à St-Pierre) : les gens ne connaissent pas ce sujet. Dans les autres pays européens ? Aux USA ? Y a-t-il un débat ? Article du Monde diplomatique : le peuple américain a autant à perdre que le peuple européen.
Baker essaie de penser ensemble au début des 90es le traité NAFTA (Amérique du Nord, Mexique) et le traité qu’il souhaite, hémisphérique. Il n’y a pas eu tant de contestation que ça à cette époque. Mais c’est l’âge d’or de cette idéologie d’imposition de mesures structurelles macro-économiques. Contestation aux USA : nébuleuse, atomisée, beaucoup de chapelles radicales. Nombreux articles qui mettent l’accent sur les dégâts de ce traité sur les travailleurs américains. 2005 : en France, mobilisation cotre le traité ; mais c’est rare qu’il y ait une mobilisation contre un traité international. Belgique : nombreuses actions, mais ils citent souvent les militants français, disant que ce sont eux qui ont porté le problème sur la place publique. En France, la suite de 2005 a agi comme un coup de massue sur les contestataires, sur l’opinion : le peuple a refusé le traité européen, mais le gouvernement l’a fait passer quand même.
- Dr BB : TAFTA : - Dimension capitalistique de ce traité, selon David Ricardo (chantre de l’économie de marché) : plus on étend le marché, plus on augmente la croissance, augmenter le PIB et la richesse de chacun (redistribution de 650 euros à chaque ménage américain). – Dimension environnementale : OGM : fabriqués aux USA, pourraient franchir les frontières jusqu’en Europe (précédent : accords ALENA (entre USA, Canada, Mexique : le maïs OGM s’est répandu partout !). Remarque : DSK appelle à la méfiance de ce traité transatlantique. –Dimension populaire : les peuples ont-ils été interrogés ? Diverses contributions, dont EELV, pour qui il n’est plus question de continuer à négocier, suite aux affaires d’espionnage ; mais le Parlement européen vote contre l’arrêt des négociations. Selon une députée, la posture actuelle de l’Europe sur cette question est inacceptable car on négocie sans en parler aux peuples, ni aux parlements nationaux.
- Remarque : il existe une pétition en ligne: htttp://www.stop-us-negotiations.eu/fr/ : on peut voter pour ou contre l’arrêt des négociations.
- Toujours selon cette députée : TAFTA, tant sur le plan de l’agriculture, de l’accès aux médias, de la sécurité alimentaire, des droits d’auteurs, du règlement des différends privés ou publics, plus que de renforcer à bon escient la législation, on va aller vers un affaiblissement de la législation, car on va aller vers un moins-disant des barrières. Ces nombreuses valeurs chères aux européens vont être sacrifiées sur l’autel du libre-échange économique au profit de quelques intérêts privés, ce qui est inacceptable.
- Si les groupes de pression mettent autant d’énergie pour libéraliser la sphère bancaire, c’est parce que le vrai problème est là : ce qui intéresse le financier de la City, quand il a pondu son produit pourri, c’est que ce soit valable partout. C’est une question de rapports de forces : Obama dit qu’il faut enlever la libéralisation des services bancaires ; Baker dit qu’une crise, ce n’est pas si grave, on s’en relève. C’est l’UE qui pousse le plus pour cette libéralisation ; elle veut que les services bancaires soient inclus dans le champ du Traité de libre-échange.

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