“Le comptoir d'un café est le parlement du peuple.”

Honoré de Balzac (1799 - 1850)

Bienvenue en Arcadie

Vous êtes ici : Accueil > Comptes-rendus > Euthanasie : devoir d'humanisme ou pratique inhumaine ?

Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (22/04/2006)

Animateur du débat : Christophe Morin

» Sciences

Euthanasie : devoir d'humanisme ou pratique inhumaine ?

ShareThis

Animateur - Bonjour à tous, je rappelle quelques règles, on ne peut parler que si on a le micro et on évite de parler trop longtemps pour permettre à la parole de circuler et que chacun ait le temps de s’exprimer. Je passe la parole à celui qui a proposé ce débat, qu’il puisse préciser sa pensée et expliquer les raisons qui l’ont poussé à proposer ce débat.

1 - Merci, bonjour à tous. Donc l’euthanasie devoir d’humanisme ou pratique inhumaine. Je pars sur l’idée qu’on se souvient qu’en juillet 1998 la question de l’euthanasie a été brusquement remise à l’ordre du jour à l’hôpital de Mantes la Jolie, lorsque Christine une infirmière de vingt huit ans a été mise en examen pour avoir pratiqué l’euthanasie d’une centaine de personnes atteintes de cancer en phase terminale. Et puis récemment on se souvient de la mère de Vincent HUMBERT donc qui vient de bénéficier d’un non-lieu alors que la justice et l’état refusent de légiférer face aux malades qui souffrent. Il vaudrait mieux que l’euthanasie découle d’une décision médicale plutôt que d’être décidée dans la clandestinité. Voilà l’idée d’où je suis parti pour proposer ce débat

Animateur - Est-ce que quelqu’un souhaite prendre la parole ?

2 - Moi je suis d’origine néerlandaise, chez nous c’est permis, permis c’est à dire que la loi vient de passer, mais on l’a toujours fait. Il y a des médecins spécialisés pour cela, la loi vient de passer, c’était toléré mais les médecins le faisaient quand même. Je ne sais pas si vous êtes au courant de cela, il y a des cliniques qui sont spécialisées pour cela. J’ai même entendu dire que quand il y avait, quand par exemple vous avez un accident de voiture, je ne sais pas si c’est vrai, vous avez une carte comme quoi on a le droit de, est-ce que c’est vrai ? en Hollande

Animateur - un peu la question que vous posez c’est de savoir quel est le statut en France de l’euthanasie. On peut se poser la question de connaître l’écart entre l’euthanasie et les soins palliatifs, c’est peut-être une piste à explorer.

3 - Il y a différentes choses quand on parle de législation, il faut différencier l’euthanasie active et l’euthanasie passive. On tolère l’euthanasie passive mais on réprime l’euthanasie active. Par contre il y a des pays qui vont beaucoup plus loin, la Suède et la Suisse par exemple qui accordent le droit d’euthanasie et qui accorde aussi le suicide assisté qui est une forme nouvelle

4 - Je crois qu’on peut se poser la question avant de parler d’euthanasie de notre attitude face à la mort. On parle d’euthanasie active d’euthanasie passive. La mort aujourd’hui on peut la subir, on peut mourir d’accident, de maladie, et puis on peut aussi activement la souhaiter, c’est la question qui se pose, je pense. Quand les douleurs et la souffrance sont trop exigeantes ! Je crois que la question qui se pose est : qui peut se permettre de donner la mort ? , Qui peut se permettre, soit lé médecin soit la famille soit le malade lui-même. En posant cette question, il y a aussi les experts et la valeur de la décision d’un médecin concernant la décision de donner la mort étant donné que son unique objet est de faire en sorte que la vie existe.

5 - Je pense que pour illustrer un peu le propos, je voudrais vous parler de trois situations que j’ai vécues. J’avais un ami qui avait un cancer très douloureux et qui avait beaucoup de courage, qui n’avait pas peur de la mort, mais qui voulait avant tout mourir chez lui. C’est important, il faut y penser. Bon c’est vrai il avait son épouse qui était disponible, elle avait beaucoup de courage. C’était un véritable stoïcien, il disait toujours abats ce mal, mais il ne voulait aucunement qu’on mette fin à ces jours. J’ai eu un beau-frère qui est allé à l’hôpital où il est devenu un véritable objet des médecins. Il était rempli de tuyaux, on l’a prolongé inutilement, on l’a fait souffrir. Quand il est mort c’était un véritable, il faisait parti du système, il était utilisé en système. Et puis mon père, lui est mort paisiblement dans une maison de retraite médicalisée qui était tenue par des sœurs qui s’occupaient très bien des malades. Lui il est mort très bien. Alors il ne vaut pas voir ce problème de façon trop systématique, je pense que légiférer, c’est quand même dangereux de légiférer, on ne sait pas ce qui peut arriver. Regardez le régime nazi ce qu’il a fait avec l’euthanasie, il a supprimé des gens. Il y a danger, quand on parle de pratique inhumaine, le risque de tomber dans des pratiques inhumaines. Alors le devoir d’humanisme, c’est évidemment de respecter la liberté de chacun. Le malade qui demande la mort, mais encore fait-il qu’il soit conscient parce que pour la liberté soit acceptable il faut que la personne ait fait sa demande en toute conscience. On ne sait jamais dans des situations pareilles, il y a des gens qui souffrent beaucoup plus de la solitude morale que de la douleur et quand vous n’avez plus personne autour de vous dans un hôpital et que vous êtes entouré d’un corps médical qui se dévoue pour vous soigner, ça c’est vrai on ne peut pas le nier, mais il ne peut pas être continuellement autour du malade pour le soutenir moralement. C’est pour ça que les soins palliatifs peuvent être également une solution au problème. Encore fut-il encore les développer. Alors l’acte de donner volontairement la mort, je suis assez réservé là-dessus.

Animateur - Si on se prolonge le line entre l’euthanasie et les soins palliatifs, on peut se poser la question de savoir si les soins palliatifs sont suffisants est-ce qu’il ne faut pas aller plus loin ?

6 - Moi je suis d’accord, j’ai vu des gens qui voulaient nous faire signer des papiers pour soutenir la cause de l’euthanasie, ici, au café citoyen. Aujourd’hui je suis dans le désespoir et je m’engage à ce qu’on me supprime, et demain on ne sait pas trop. J’ai vu un film dans lequel quelqu’un avait engagé des tueurs professionnels parce qu’il voulait disparaître, il avait payé une forte somme et leur avait dit : vous me supprimer quand vous voulez un moment imprévu, il ne faut pas que je m’y attende, je n’ai pas le courage de le faire, etc. Entre temps il est arrivé des événements heureux, il ne voulait plus, mais il ne trouvait plus l’assassin avec qui il avait conclu la commande. Et ses assassins là ils tiennent parole. Il a passé tout le film dans l’angoisse. Bon donc ce que décide quelqu’un qui est dans le désespoir aujourd’hui, peut-être que par la suite il ne voudrait pas.

Animateur - le problème que vous soulevait est de savoir si la décision qu’on prend aujourd’hui sera la même quelques années plus tard.

7 - Moi je me pose la question, tout simplement est-ce que réellement un individu un jour peut être amené à désirer mourir ou ne plus souffrir. Ce sont deux choses bien distinctes et je pense que lorsqu’on aborde ce sujet là on s’expose à un raisonnement, ce qu’on appelle un syllogisme fameux, en gros je ne veux plus souffrir, mourir serait de nature à arrêter mes souffrances donc je désire mourir. Ce n’est pas forcément aussi clair que cela. Je pense qu’en chacune de nous réside un principe vital qui nous échappe à tous, que de toutes façons à la dernière minute à la dernière seconde on refuse la mort. Moi j’en suis convaincu. Si la décision ultime de l’acte de mourir selon ce que je pense n’appartient pas à l’individu, c’est là tout le problème. Je ne veux plus souffrir je ne veux plus me regarder dans cet état là, on ne m’offre pas, finalement la société, corps médical, famille, autres ne disposent pas en grande tristesse des moyens concrets d’abréger ce qui m’arrive, j’en tire la conclusion qu’il faut que je meure. C’est ça tout le problème. Et on peut parler à ce moment là d’acte inhumain au sens étymologique, acte in-humain, la volonté de mourir est proprement inhumaine n’appartient à celui qui au départ estime que cela peut être la solution. C’est le cas de l’euthanasie mais cela renvoie au suicide. Beaucoup de gens qui ont échappé à leur tentative de suicide et qui disent qu’au moment où ils ont amorcé la chute depuis le pont ils ne voulaient plus. Je crois qu’une société évoluée doit se pencher sur cette question en fait. Quelqu’un a parlé de solitude face à la mort, à la limite laisser quelqu’un, si tant est que le législateur un jour établisse ce principe, donner la liberté à quelqu’un et donc les moyens de mettre fin à ses jours est précisément le laisser tout seul au dernier instant où justement il ne devrait pas l’être. C’est pour cela que le législateur a énormément de mal aujourd’hui à discerner les moyens juridiques qui vont encadrer par contre à contrario ceux qui sont en charge de l’entourer.

8 - C’est vrai que lorsque j’ai amené à essayer de déterminer le sens de l’euthanasie dans son sens premier à savoir une mort sans douleur, j’ai fini par dire, oui c’est un devoir d’humanisme dans un premier je dis, et après j’ai dit non c’est une pratique inhumaine. Parce que je pense que lorsque la souffrance est intolérable, lorsque la souffrance est prolongée je pense qu’il inhumain de prolonger la souffrance. C’était le premier petit point. Le second, lorsqu’on est en survie, en état végétatif, que ce sont des machines qui maintiennent artificiellement en vie, cela représente un coût onéreux pour la collectivité. J’ai également pensé que le malade a le droit de choisir de mourir lorsque sa vie est devenue intolérable si à ses yeux elle a perdu son sens sa dignité qu’il n’y a plus de perspective d’avenir. Donc ces petits points m’ont fait penser pour moi que l’euthanasie était un devoir d’humanisme.

Animateur - on peut se poser la question à quel prix la vie vaut encore la peine d’être vécue. Est-ce qu’on doit tuer quelqu’un qui coûte trop cher, est-ce que la vie n’est pas plus sacrée qu’une question de coût. C’est une question qu’on peut se poser.

9 - Moi je vais noyer le débat d’une certaine façon parce que je pense que c’est une question qui est intraitable par nature. Je voudrais répondre à ce que tu disais tout à l’heure à propos du désir de vivre. Il y a une chose, j’ai lu le bouquin » Le temps maudit », il y a pas mal d’années, sur la vie après la mort et des expériences para-mortem. Etait cité le cas d’une femme qui était en grande difficulté sur laquelle on pratiquait l’acharnement thérapeutique. On ne peut pas dire d’après le contexte du récit après la mort de cette femme, qu’elle souhaitait vraiment mourir, mais à un moment donné elle a dit : laissez-moi partir, tout simplement, elle ne disait pas mourir, elle ne souhaitait pas la mort, elle disait laissez-moi partir. Et puis je crois qu’à la question extrêmement délicate de l’euthanasie c’est intraitable par nature. Quelqu’un peut être au sommet de la souffrance à un moment donné, et sans qu’on sache pourquoi, ce sont les mystères de la vie humaine, il peut redémarrer. C’est donc une immense responsabilité d’accomplir un acte qui tranche de manière irréversible la vie d’un individu. De plus cela tourne autour de position religieuse, une vie après la vie, est-ce que, bon, c’est une question sans fonds.

10 - Il est bien évident qu’on ne peut pas avoir facilement une idée bien arrêtée de cette question, mais l’opinion qu’on va avoir, va forcément varier selon que l’on a eu ou pas à approcher quelqu’un proche de la mort après de longues souffrances, après une longue maladie comme l’on dit. Je pense qu’une législation serait utile, parce qu’il ne faut pas se leurrer, actuellement que se passe –t-il ? selon que vous êtes dans tel ou tel service, vous êtes traité de manière différente, non pas pour les soins correctifs, mais l’approche des équipes face à la fin de vie est différente. Vous avez évoqué le cas de Mantes la Jolie en juillet 1998, vous rappeliez le cas de cette infirmière qui s'est trouvée face aux assisses pour avoir pratiqué l’euthanasie. Je suis persuadé que cette pratique est courante et que de temps en temps quelqu’un se fait prendre et d’autres qui passent au travers. Je pense donc qu’une législation est utile non seulement utile mais même nécessaire. D’autre part l’approche de la mort c’est en quelque sorte la disposition de soi-même, de sa vie. Pourquoi finalement, sauf dans quelques religions, le suicide n’est pas puni, personne n’est poursuivi pour s’être suicidé, il est vrai que ce ne serait pas facile quand le suicide est réussi. Le suicide peut être consécutif à coup de tête, mais il peut aussi avoir été réfléchi, c’est la disposition de son corps, de sa vie. Alors pourquoi ne pas décider que dans des circonstances qui bien sur devraient être définies de manière précise, on ne puisse pas un jour dire que dans tel cas je demande à mourir. Quand les circonstances sont remplies, je ne vois pas pourquoi on évoque l’hypothèse qu’on aurait changé d’avis si on pouvait s’exprimer. La loi de 2002 met à la charge des proches les décisions à prendre, pas celle-là bien sur, puisque pour l’instant elle est illégale, mais celle des soins, palliatifs par exemple. Si l’euthanasie devenait légale, les proches pourraient la demander en toute légalité étant supposé qu’ils connaissent par avance la volonté du malade.

11 - Je pense qu’on est propriétaire de son corps, c’est la chose la plus intime qu’on puisse avoir, parce qu’on est le seul à ressentir et physiquement, et moralement ce qui peut nous arriver dans la vie ou vers la fin de notre vie. Personne ne peut ressentir plus intimement que nous ce qu’il en est, notre état. Donc quelque part je me dis que, bon évidemment il y a des cas où vous êtes conscient, si vous êtes conscient je me dis je ne reconnais à personne le droit de prendre la décision à ma place. Par contre je ne reconnais à personne le droit de contrecarrer ma décision, à partir du moment où ce qui est le plus intime en moi n’a plus envie de vivre. C’est difficile à expliquer, mais chaque individu à cela en lui-même pour ressentir si la vie lui apporte encore de quoi lui donner envie de la continuer. S’il arrive un moment où il n’a plus la force morale pour se battre, à ce moment là je trouve dommageable qu’on n’ait pas une législation pour permettre de mourir dans la dignité, c’est le plus important c’est la dignité de notre propre individu. Après l’autre problème c’est d’être inconscient. Bon alors, j’espère pour ce qui me concerne que mes enfants sauront faire le choix, je leur en parlerai suffisamment longtemps à l’avance. J’ai vu trop de cas de gens qui sont dans un lit comme un légume sans enfant sans famille, rien, ce n’est plus une vie. Si cela devait m’arriver j’espère qu’on ferait le nécessaire, mais je voudrais qu’une législation c’est vrai il faudrait que cela soit bien dé fini, mais je trouve dommage que sous prétexte que vous en avez la possibilité, parce que vous en avez les moyens vous pouvez choisir des solutions comme le suicide assisté dans un autre pays. Je ne sais pas si vous avez vu, il y a eu une émission sur cela justement, très tard le soir évidemment, et j’avais trouvé que, et pourtant on voyait un homme qui se donnait la mort, qui avait choisi parce qu’il savait qu’il était condamné. A partir du moment où la médecine n’émets plus aucune réserve sur l’issue de votre maladie à court ou moyen terme, je dis s’il avait pu prendre une décision il aurait su dire en tant qu’homme et ça c’est le plus important qui soit.

12 - Finalement on sait que l’on est tous, vous dîtes que la personne dès l’instant où elle a su qu’elle était condamnée on lui accorde plus de crédit vis à vis de son choix pour la mort, mais je dirais qu’on est tous condamnés, nous, c’est le lot de tout le monde. C’est pour ça que d’une part la question de la législation est très difficile à mon avis de mettre en place des lois qui touchent à des problèmes difficiles. Une loi on peut lui faire dire ce que l’on veut, on ne sait jamais, les gouvernements peuvent se succéder et finalement tomber dans les mains de personnes malveillantes ou « destructrices ». Donc sur cette question de loi, je préférerais une loi pour dire simplement que s’il y a une décision à prendre, elle ne peut qu’être individuelle. D’abord parce qu’il n’y a rien de plus humain que le rapport à la mort, rien de plus humain que cela, et l’individu qui peut prendre une décision est celui qui touche au plus profond de lui-même la question de la fin de sa vie le fait de ne plus exister. Donc si on prend une décision sereinement à sa place c’est une décision que la personne aura choisie. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la souffrance à mon avis peut faire redoubler d’effort la personne qui veut vivre. Des fois dans la souffrance on découvre la vie. C’est peut-être quelque chose de très judéo-chrétienne, mais je ne crois pas, je crois que cela dépasse ce concept là dans notre monde de facilité où finalement on peut à n’importe quelle épreuve, et bien dans la souffrance on peut découvrir les plaisirs, la sacralité de la vie. Donc je crois que ce n’est pas parce qu’on est malade qu’on est atteint d’une maladie incurable, ce n’est pas pour autant qu’on veut partir, et il importe que ce soit l’individu qui décide q’il veut mettre fin à sa vie. On est quand même dans une société dans la quelle on a les moyens de mettre à disposition à des personnes qui sont dans des cas particulièrement difficiles, alités, on a les moyens de mettre en place des choses qui leur permettent de se donner la mort si elles le veulent. Je crois que toutes les questions d’experts de consentement de la famille etc. ou de légalisation, c’est quelque chose qui ne tient pas compte de la vérité de la question.

Animateur - Toute la difficulté si on ne fixe pas un cadre législatif, comment une personne va assister une autre pour lui permettre de se donner la mort ? C’est mon avis personnel, on l’a vu très vite par rapport à l’IVG, on a dit on ne pourra légiférer, et même s’il y a eu quelques dérives qu’on constate actuellement, on a pu légiférer. Pourquoi ne pas le faire pour l’euthanasie ?

13 - Vous avez soulevé le problème économique, quelqu’un peut coûter très cher. Ca me fait penser, il y a des indiens qui se coiffaient de plumes quand ils sentaient la mort arriver, et pour ne pas être une charge, ils montaient sur une montagne et se laissaient mourir pour ne pas coûter à la collectivité. Alors si cette tribu était plus riche peut-être qu’on se serait occupé on aurait accompagné jusqu’à la fin. Le problème économique je crois qu’il n’a pas lieu d’être mentionné. Et puis il y a des gens qui tiennent tellement à la vie, c’est ce qu’il y a de plus précieux, qui se font congeler, dans l’espoir qu’un jour la médecine découvre quelque chose et les remettre en route. Il y a un cas où le fils avait gardé son père dans son congélateur, il y a eu une panne d’électricité … C’est le cas extrême du caractère optimiste. Et puis c’est vrai, madame vous avez soulevé le problème de l’état végétatif, c’est une question de temps, un peu plutôt un peu plus tard, ils sont condamnés irrémédiablement. Je crois que là il y a des décisions à prendre. Mais dans tous les autres cas, par exemple les individus qui sont diminués physiquement, on a vu des cas, moi j’ai vu ça à la télé, des gens complètement inertes qui ne communiquaient qu’avec les doigts, les dents je ne sais pas quoi. Le fait qu’ils étaient aidés, accompagnés, ils s’étaient réadaptés à une autre forme d’existence, hors norme bien sur puisqu’ils ne marchaient pas, ils étaient aidés et avec l’ordinateur ils avaient trouvé une autre forme d’existence et complètement adapté dans son nouveau monde et pas plus malheureux que quelqu’un qui était dans les normes. Alors si vous prenez deux cas, quelqu’un qui serait comme ça entouré, et quelqu’un qui serait dans la même situation mais seul, le deuxième voudrait mourir et pas le premier alors qu’il serait dans le même cas de figure le même handicap les même infirmités etc. Alors c’est une question d’accompagnement d’environnement et d’adaptation à une situation de maladie ou autre. Alors quand on dit à quel moment il y a lieu de mettre fin parce que c’est insupportable ou quoi, quels sont les critères, quel est le repère, parce qu’on peut aller en augmentant. J’entends dire tout à l’heure les nazis, ils allaient plus loin, les infirmes, les romanichels les machins et, hein ! oui l’eugénisme oui c’est pareil. Voilà.

14 - Je vais d’abord faire une petite anecdote, imaginons vous vous rappelez, Chevènement tombé dans un coma profond et qui est ressuscité on peut dire, qui a approché de la mort comme personne ne l’a approché. Imaginons que Chevènement ai demandé l’euthanasie auparavant et qu’on aurait exécuté sa volonté, imaginez un petit, oui ça aussi il faut y penser. Je pense le problème de l’euthanasie on l’a vu un petit peu sur le plan de la personne, mais c’est aussi un problème sociétal. Actuellement la société se décharge des problèmes de la mort. Quand on a connu une période, moi j’ai connu une période où effectivement la mort faisait moins peur, si si écoutez, moi j’étais avec mon oncle dans un village où les gens, c’étaient les voisins qui venaient s’occuper des morts pour accompagner les morts, on aidait les familles. Maintenant les gens qu’est-ce qu’ils font, ils vont aux pompes funèbres qui s’occupent de tout. On vous prend le mourant à la maison, on vous l’amène à l’hôpital, on vous l’amène aux pompes funèbres, aux pompes funèbres on s’en occupe tranquillement et puis on vous l’amène au cimetière. Et bien voilà une société qui a peur de la mort, qui ne l’affronte pas avec courage. Alors, oui ? oui on met au four, mais c’est un autre problème, il faut dire une chose, il y a un problème sociétal il faut regarder de face, on se décharge. Alors qu’est-ce qu’on fait, c’est le corps médical qui prend en charge sur son dos, pour les parents on est bien content si on peut se débarrasser du mort, il faut le voir aussi sous cet angle, les gens ont peur d’affronter ce problème et ça c’est la société qui est comme ça, une société qui n’admet plus la souffrance, la mort. Elle a tellement progressé, elle a tellement connu des biens êtres matériels purement matériels elle a perdu tout repaire spirituel donc elle ne sait plus affronter ces problèmes.

15 - Je voudrais revenir sur cette histoire de souffrance etc, bon moi je crois que toute souffrance en soi est malsaine il faut l’éviter. Je voudrais revenir sur la solitude ou pas, je crois que la souffrance est la même qu’on soit seul ou pas. Et puis je voudrais revenir sur ce que disais la dame c’est à nous de choisir………. Je ne veux pas être en charge de mes enfants, je crois que c’est normal……… Eviter tout désagrément aux autres, c’est une question de dignité ( cette intervention est difficilement audible, bruits de frottement du micro couvrant la voix)

16 - J’aurais bien des choses à dire sur le sujet, je vais essayer d’être brève. J’ai beaucoup apprécié ce que vous avez dit sur le nazisme, il faut toujours s’en méfier ça reste d’actualité. Je trouve que votre intervention sur le suicide et la solitude est pertinente. Je crois qu’on est dans un monde de solitude même si on est entouré. La loi de l’argent elle existe, elle est là, on est, ce n’est pas la peine de se voiler la face. Et puis j’ai bien apprécié l’intervention de Damien, sur l’après mort, ça fait du bien. Autrement ce qui m’encourage sur ce sujet, j’aurais bien des choses à dire par exemple sur le taux de suicide, le taux aussi des tentatives de suicide surtout chez les adolescents, dans notre monde, qu’est-ce que ça veut dire ça ?

17 - Je voudrais évoquer un cas particulier, l’argent permet aussi un développement et des situations qui nous font poser de nouvelles questions. Ce cas particulier c’est une jeune femme que je connais, qui à dix sept ans s’est fait renverser par une voiture, elle s’est retrouvée dans un coma prolongé. Ses parents l’ont veillé pendant huit ans, elle était dans le coma. Elle vivait mais son pouvoir de décision était nul. Les parents au bout de huit ans ont pris la décision d’arrêter les machines. Donc ça pose pas mal de questions. Effectivement la médecine permet aujourd’hui de maintenir en vie pratiquement tout le monde. Mais tout le monde a t-il envie de vivre sous une forme comateuse, est-ce que c’est acceptable et qui décide. Est-ce qu’on préserve nous parce qu’on ne veut pas voir souffrir ? On pourrait dire plus personne ne doit mourir on congèle tout le monde. Je pense que tant qu’on n’aura pas résolu l’acceptation de la mort, cette médicalisation avec les moyens financiers que l’on a risque de poser une problématique et empêcher d’affronter les vrais problèmes. C’est quand même des questions de société riche, les sociétés pauvres ne se posent pas les mêmes questions. Deuxième chose qui me préoccupe un peu, on dit oui je veux disposer de mon corps et dire ce qu’il faut faire, mais est-ce qu’on a le droit de disposer d’autres personnes, on a souvent besoin d’autres personnes pour nous donner la mort. Est-ce qu’on peut donner cette responsabilité à quelqu’un d’autre ? C’est quelque chose qui est difficile à assumer à titrer personnel, autant pour soi-même c’est un choix pour les autres ce n’est plus la liberté on les contraint. Il y a un vrai souci pour savoir à qui on donne cette responsabilité.

18 - Il me revient le mot de Pascal : » L’homme vit seul et nous n’y pouvons rien » Il faut tout de même accepter, quelque part il y a un mystère qui restera peut-être à jamais insoluble c’est la difficulté, est-ce qu’on peut accuser quelqu’un qui a facilité le départ d’un autre, est-ce que l’on peut vouloir s’échapper, je ne pense qu’on ne pourra pas en sortir, c’est une question, je le disais tout à l’heure, je le répète qui est sans solution par nature. J’ai un souvenir qui date de pas mal de temps, on m’ a rapporté les réflexions d’une personne qui sortait d’un coma très prolongé, qui disait pendant ce coma elle ne pouvait rien faire de son corps impossible de bouger impossible de communiquer mais qu’elle avait une conscience aiguë de tout ce qui se disait tout ce qui se passait autour d’elle et qu’il y avait des moments absolument pénibles en relations avec les réaction des personnes autour d’elle. Avoir conscience de cela aussi, je crois que ça a une certaine importance. A chacun de spéculer là-dessus, moi je n’ai pas de réponse définitive de dogme là-dessus.

19 - Je serais un peu comme Damien, comme madame, le rapport, la question aujourd’hui de l’euthanasie se fait de plus en plus pressant. Sans doute l’un des facteurs est les formidables progrès de la technologie qui permet maintenant jusqu’à des limites ultimes de maintenir un métabolisme plus ou moins actif. Le rapport à la souffrance des individus qui sont très malades, très vieux, très âgés, n’est pas neuf, il est traité depuis la nuit des temps dans toutes les sociétés quel qu’en soit le modèle. Par contre ce qui est un petit plus nouveau est cette attitude qu’ont les sociétés développées de maintenir le métabolisme un à niveau très reculé, la technologie permet ça. Et donc la question aujourd’hui comme par hasard devient le volet incontournable, le pendant de ce phénomène. En gros quand est-on encore vivant ? Il y a une époque pas très lointaine, on ne se posait pas la question. On a commencé à se poser cette question lorsqu’il s’est agit de débattre, en fait c’est dans le sens opposé, sur l’avortement. Quand commence la vie ? Trente ans plus tard on le prend dans la figure quand est-ce qu’elle se termine ? Mais le rapport à la souffrance et le rapport de la nécessité de soulager quelqu’un qui est dans une situation qu’il ne peut plus tolérer ne sont pas récents, c’est extrêmement ancien. Je veux vous faire remarquer c’est peut-être un petit peu dommage, les médecins lorsqu’ils prêtent le serment d’Hippocrate, l’article premier, je ne sais pas si c’est le premier mais en tous les cas le principe qui domine tous les autres, c’est tu ne … point, c’est pas tu devras soigner tu devras absolument en gros faire ton possible pour maintenir la vie, c’est tu ne… Il n’y a pas de médecin mais pour avoir discuté avec quelques-uns déjà, ils vous diront tous qu’ils n’ont pas attendu qu’on se pose ces questions là pour remplir leur devoir. Un médecin aujourd’hui, devant la nécessité, puisque ça pose question à la société toute entière, est obligé de se protéger dans l’acte qu’il fait lui quotidiennement depuis des lustres de soulager la souffrance. Il demande à ce qu’on encadre qu’on légifère et par voie de conséquence on va lui donner le devoir on va donner le devoir à la société et par son bras à lui se donner des devoirs par des textes. Excusez-moi je formule mal on va lui donner des droits on va le protéger dans les actes qu’il va apporter. Mais il l’a toujours accompli.

20 - Pour ma part, je ne vois comment on pourra faire autrement que légiférer pour une raison qui découle de notre modernité. La plupart des gens décèdent en milieu hospitalier, c'est-à-dire dans des lieux publics ou même s’il s’agit d’un établissement hospitalier privé, cela reste un lieu où il y a suffisamment de passage pour devenir public. Lorsqu’une réalité devient publique elle se soumet aux jugements des autres. Donc aujourd’hui il n’est plus admissible de laisser mourir quelqu’un sans tout tenter pour atténuer ses souffrances. Mais finalement tout cela est une gigantesque hypocrisie pour une simple et bonne raison, lorsque les gens mouraient chez eux, Michel a eu raison de le dire, les médecins n’ont jamais attendu qu’on leur donne des droits pour faire cesser les souffrances. J’ai dans mon entourage amical qui est allé embrassé son père puis le médecin est entré dans la chambre et il a fait son office. C’est l’aspect public des choses qui à mon sens va nous obliger à légiférer . Après, le sujet d’aujourd’hui me gène terriblement parce que je pense qu’on est dans un contexte où ce sujet de l’euthanasie c’est finalement le sujet citoyen qui relie le mieux le spirituel au temporel. La spiritualité dont parlait monsieur tout à l’heure, elle est parfaitement, on ne peut pas la détacher de cette envie de légiférer. Alors pourquoi je dis ça, parce que encore une fois, tout à l’heure on parlait de la naissance de la vie, quand finit-elle. C’est quoi la vie ? Est-ce qu’on s’est penché sur le sujet avant de vouloir légiférer quand elle commence, quand elle finit. J’ai eu par le passé à me pencher sur des textes de droit concernant justement les débuts de la vie, quand est-ce qu’on parle d’infanticide, quand est-ce q’on parle d’homicide, la loi est complètement débile sur ce sujet. Passé trois jours c’est un homicide, ce n’est plus un infanticide. C’est quand même dingue, ça veut dire qu’un enfant de trois jours est un homme, ce n’est plus un enfant. On n’a jamais clairement légiféré en matière de vie, or il faut bien définir la vie avant de dire comment donner la mort.

21 - Excusez-moi, je prends le train en marche, je ne sais ce qui s’est dit avant. Ce qui me semble important est l’aspect légal, je ne sais si vous avez parlé avant. C’est refuser d’affronter, les médecins sont obligés maintenant de se protéger, ils l’auraient fait avant, mais ils risquent d’être condamnés s’ils font quelque chose. Mais il faut aussi se protéger des médecins ou des proches qui croiraient devoir eux-mêmes apporter un soulagement alors qu’on ne leur a pas demandé. C’est précisément parce qu’on a refusé de regarder avant en face chacun pour soi-même à quel moment la vie est supportable, pas supportable, c’est laisser le choix aux autres, comme vous dîtes. Dire à quelqu’un le jour où ça ne va pas , tu m’aides. A ce moment là il n’est plus en état de dire s’il veut ou pas. Si on n’a pas mis des critères avant, que fait-on ? Je pense quand même, quand on voit des histoires comme l’infirmière qui a assassiné je ne sais plus combine de gens, ça fait peur, on peut se poser la question de ce qu’elle croyait sur le désir des autres. Je n’ai pas de réponse, c’est pour ça que je suis là d’ailleurs.

22 - Je considère qu’on a le droit de penser qu’il ne faut pas légiférer,mais si on évoque ce droit, je crois qu’il faut éviter de tomber dans des travers en faisant la relation avec des faits qui à mon avis n’ont aucun rapport. On ne peut pas dire que si on légifère pour l’euthanasie, on se rapproche du nazisme. Hitler n’a pas attendu, d’ailleurs il n’y avait pas de loi à l’époque qui autorisait l’euthanasie, il les a faites lui-même. Dans un premier temps il ne s’agissait pas d’eugénisme mais d’éliminer les handicapés les infirmes etc. .Un autre argument est de dire c’est une atteinte au droit individuel. Mais aujourd’hui ce droit n’est pas reconnu, le droit individuel c’est peut-être le droit de vivre, mais je considère que le droit de mourir est aussi un droit individuel et actuellement on ne l’a pas. Dire aussi qu’une législation est la porte ouverte à un certain nombre d’abus , je l’ai évoqué dans ma première intervention, et monsieur y faisait allusion en donnant un exemple plus précis, à savoir que dans le passé comme actuellement, selon que l’on est soigné ici ou là, selon que l’on est plus ou moins influent selon que l’on ait plus ou moins de moyens financiers, on n’est pas traité de la même façon. Cela fait deux fois que l’on fait allusion à cette infirmière dont j’ai oublié le nom, mais on peut aussi évoquer le cas Himbert dont le cadre juridique est relativement flou. Selon la loi actuelle, il y a homicide volontaire pour madame Humbert et non assistance à personne en danger pour le docteur. Tous deux ont bénéficié d’un non-lieu, c’est peut-être le début de reconnaissance de l’euthanasie. J’ai assisté récemment à l’agonie d’un ami. La morphine ne faisait plus d’effet,le diagnostic était fatal. Il a souffert pendant plus d’un mois. Un jour volontairement ou non une infirmière lui a injecté une surdose de calmant. Il a encore vécu quinze jours. S’il était mort ce jour-là était-ce de l’euthanasie ? Si on ne légifère pas c’est plus par laxisme que par raison. Je crois qu’on y arrivera peut-être dans vingt cinq ans mais on arrivera parce que c’est le bon sens.

23 - Moi, s’il m’arrivait quelque chose hein ! je préfère aller chez moi plutôt que de souffrir dans un hôpital, qui me tripote, qui me charcute, je vais voir un médecin hollandais. Par contre je n’ai pas de famille, chez nous c’est la famille qui décide. Donc, moi si jamais il m’arrive quelque chose, je ne reste pas là à me faire tripoter.

24 - Suite à ce que j’ai dit, je crois qu’on arrive justement à une période où on ne peut plus compter sur ce qui se faisait avant. Mais c’est vrai qu’il y a une idée de la mort qui a complètement changé. Il y a aussi une population qui a complètement changé, beaucoup plus nombreuse et vieillissante, c’est ce qu’on a dit aussi tout à l’heure, et puis les problèmes face à la mort doivent être envisagés autrement, et peut-être que justement on n’avait plus l’habitude de parler de la mort. La mort il me semble, enfin c’est peut-être une vue de l’esprit, comme moi je l’entends. J’en parlais avec des amis autour de moi dont les idées aboutissent un peu à la même chose, la mort fait partie de la vie et, il y a une manière de vivre qui peut permettre de parler de la mort et de l’envisager de façon sereine, de façon digne. C’est tellement individuel, je crois qu’il y a une manière d’appréhender les choses, que les jeunes sachent ce que vous en penser, pour les déculpabiliser d’avoir à prendre une responsabilité. C’est ça qu’on n’a pas fait jusqu’à présent. Vouloir toujours mettre la mort de côté ou de ne pas en parler. Je coirs qu’il y a une manière maintenant, qu’il est temps d’y réfléchir soi-même et d’en parler, pour que si un jour vous n’êtes pas conscient que ce soit à eux, qu’ils sachent que c’est respecter ce que vous avez pensé pendant votre vie. Je crois qu’il y a un apprentissage à faire dans ce sens là. Je voudrais dire aussi que le fait que je prône cela, ce n’est pas promouvoir l’inverse de ce qu’est la vie, bien sur que c’est la vie, bien sur que tout le monde voudrait mourir heureux pas malade ou presque partir comme ça, mais ça ne peut pas toujours être comme ça. Quand ça se passe comme ça, je veux dire quand les gens peuvent mourir chez eux dans de bonnes conditions, qu’on peut les accompagner et qu’ils le souhaitent. Je crois qu’il faut écouter chacun avant et je crois qu’il est grand temps d’en parler, faire connaître autour de soi ses désirs faire comprendre sa volonté. Parce que c’est pareil, je dirais à la limite, je ne sais plus qui disait tout à l’heure on laisse la responsabilité aux enfants, on leur laisse de toute façon la responsabilité et c’est peut être pire de leur laisser la responsabilité sans en avoir parlé avant que d’avoir parler et d’avoir fait comprendre ce que vous voulez. C’est votre vie et par là même votre mort. Et cette manière aussi j’insiste là-dessus parce que c’est très important de les déculpabiliser de faire comprendre que votre choix à vous est peut-être leur bonheur à eux, c’est peut-être leur intérêt, leur faire comprendre en tous les cas que ce qui vous rendrait heureux le jour de votre mort. est de les voir heureux aussi. Cela n’a pas de co-notation religieuse parce que je n’en ai pas, parce que c’est très important l’approche de la mort, il faudra bien qu’on y pense étant donné les conditions sociales et démographiques

25 - Une interrogation qui s’est faite au fur et à mesure de ton intervention, moi je pense que si on se pose la question de manière aussi claire sur l’euthanasie, nous sortons d’une ère où il y avait une vision imposée par rapport à la mort qui était un consensus. Ici en Europe en occident il y a une conception chrétienne de l’existence qui fait qu’il y avait des positions dogmatiques très tranchées qui étaient imposées à la collectivité, on ne se posait plus la question. Même la souffrance, il faut passer par là, et si l’autre souffre terriblement, c’est la volonté divine an quelque sorte. Alors comme il y a eu une évolution dans le domaine philosophique, ce qu’on appelle la philosophie des lumières, un développement de l’athéisme, donc une ré interrogation radicale sur le sens de l’existence. Cela n’empêche qu’il existe toujours divers courants religieux qui font que l’interrogation reste assez aiguë et difficile mais il y a tout de même l’influence du matérialisme de l’existence. Ce n’est pas par hasard que l’on a parlé des problèmes économiques liés à la mort. Donc le risque qu’il y a comme c’est une phase qui peut peut-être durer une dizaine d’années on prend certaines décision sur la plan législatif, sur la plan juridique pour une très longue période cela devient une habitude fondamentale. C’est un problème qu’il faut approcher avec beaucoup de délicatesse avec le respect de la liberté individuelle

26 - Je suis bien d’accord, il y a un déni de la mort, c’est en quelque sorte le meilleur des mondes. Il y a un livre de référence sur ce point de vue là, de Philippe Ariès. Donc effectivement, apparemment la mort n’existe plus, il n’y a plus de cimetière en France. Mais je vous garantis, je suis mère de deux enfants, 18 et 14 ans, je peux vous garantir que très concrètement, la mort, le suicide, ils y sont confrontés, cela m’a fait un drôle d’effet. J’ai essayé de mettre au crayon pour pas ne pas oublier, il y a eu un tué dans une rixe entre des bandes de la Pierre Heuzé et le Calvaire St-Pierre, un jeune qui s’est fait planté parce qu’il y avait une rivalité » entre deux bandes, je réagis à chaud. J’ai lu aussi une adolescente qui est allé dans les toilettes pendant un cours de maths et qui s’est entaillé les veines. Il y a un copain de mon fils qui a l’air tout à fait normal qui a dit au cours d’une conversation, son père il a un cancer, cela ne se voyait pas de l’extérieur. Il y a une adolescente qui s’est jeté du viaduc et il y a la mère d’un copain de mon fils qui a dit, mais vous vous rendez compte les ados ce qu’ils vivent. Très récemment, je vais surprendre, ce n’est pas mon style, une conversation de mon fils sur son portable, mais il y a untel il est à l’hôpital il a fait une tentative de suicide à cause d’un problème sentimental. J’en ai parlé le soir lui demandant s’il s’y attendait, il m’a dit non ,non. Et puis ces ados qui vivent des tentatives de suicide, je me souviens d’un petit enfant de six ans qui a vu le suicide de sa mère, il ne comprend pas il change d’école. Ce n’est pas virtuel pour eux. Peut-être qu’on ne leur a pas parlé, peut-être que ce n’est pas préparé mais leur réalité »é c’est ça. Et ces cassettes vidéo normalement interdites aux moins de 18 ans, des vidéos qui sont quand même dans des rapports morbides. Mais c’est la réalité même à cæn et ils encaissent même s’ils n’ont pas l’air comme ça.

27 - C’est le problème du souci, justement du rapport avec la mort qu’on refuse d’affronter à l’avance qu’est-ce qui se passe si je dois me retrouver moi dans cette situation. Pour revenir à l’aspect légal c’est justement parce qu’on refuse de voir qu’on ne veut pas légiférer et donc on repousse le problème à plus tard, et quand on repousse un problème on le résout finalement de façon précipitée et quelquefois injuste. Mais la limite d’une loi est toujours injuste, par exemple pour les impôts, vous gagnez un euro de plus, vous passez dans la tranche supérieure. Il faut bien une limite, et si on n’en fait pas c’est l’arbitraire et on laisse la possibilité à quelqu’un qui le fera en silence, en son âme et conscience en croyant bien faire. Mais qui en prendra la responsabilité, des fois quelqu’un qui lui-même ne peut pas être très bien. Tant qu’on ne met pas des critères objectifs on risque ce genre de chose

28 - J’ai été touché par le malheur de la jeunesse, d’ailleurs cela pourrait faire l’objet d’un autre thème pour le café citoyen. Je voulais juste revenir sur notre rapport à la mort et éventuellement la replacer dans l’histoire, en tous les cas essayer de voir comment elle a été vécue de différente manière. Aujourd’hui c’est vrai qu’on oublie la mort, c’est certainement du au fait que notre société consumérisme est embarrassée par la mort qui n’est pas quelque chose de très productive, c’est quelque chose qui fait déraper les rouages. C’est vrai qu’on a tendance à oublier la mort, à la fuir finalement. A l’inverse je crois que si on accorde beaucoup de place à la mort, c’est une épée de Damoclès au dessus de la tête, on n’accorde plus de place à la vie, à l’initiative. Pour reprendre un peu, à la renaissance on avait, pour faire prendre conscience à l’individu, ce renouveau à la renaissance, prendre conscience de la solitude de l’être humain. On voit tous les tableaux de différents peintres, prendre conscience de la mort, cela n’avait qu’un unique but, on se sent encore plus en vie. Alors qu’aujourd’hui quand on prend vraiment à cœur la question de la mort on oublie la vie, ou alors en on parle et on prend conscience de notre humanité. C’est le même problème avec la souffrance, on occulte la souffrance aujourd’hui, en tous les cas faire en sorte qu’on ne souffre plus. Au prétexte qu’il y a de plus en plus de moyens de ne plus souffrir, je dirais que c’est un leurre, la souffrance fait aussi partie de l’être humain. Je ne dis pas que suis adepte de la souffrance ni un sado masochisme, mais je dirais que dans notre société de facilité qui veut faire en sorte que tout soit facile et tout lié, on oublie les notions qu’il faut donner pour faire quelque chose, il faut travailler, le travail est quelque chose, sans forcément mettre des notions de valeur derrière cette notion de travail, parce qu’elle est très limitée mais de toutes façons le travail s’accompagne toujours de souffrance, mais si on veut chercher, il y a toujours quelque chose qui fait mal. C’est peut-être à distinguer de la souffrance physique ou médicale. Je crois qu’on ne peut pas dire, il ne faut plus qu’il y ait de souffrance, c’est à mon avis pas raisonnable, surtout déraisonnable d’un point de vue humain. Simplement sur la législation, je comprends les arguments d’un besoin de législation mais je pense qu’avant tout il faudrait mettre à la disposition des malades, parce que les technologies ont énormément progressé pour maintenir en vie, alors pourquoi on ne peut pas mettre à la disposition des malades quelque chose qui leur permette d’abréger leur souffrance quand ils le veulent, et ça ne posera plus du tout le problème d’une décision à prendre par les médecins ou la famille. Donc s’il y a une législation c’est donner la possibilité au malade de mettre lui-même fin à ses jours.

Animateur - Peut-être la seule difficulté par rapport à cela est le suicide assisté, mais il y aussi des personnes qui ne sont plus en état d’appuyer sur le bouton. Je prends le cas de Vincent Himbert il pouvait juste par une pression des doigt communiquer l’alphabet mais il n’aurait pas pu appuyer sur un bouton. donc ça ne résout pas ce type de problème.

29 - Je crois qu’on peut toujours mettre quelque chose à disposition, il y a des gens qui communiquent par ordinateur. S’il y a vraiment cette envie de ne plus souffrir on peut mettre en place des dispositifs

30 - Alors quelque chose qu’on a toujours dit dans notre société, tu enfanteras dans la souffrance, dans la douleur, pas la souffrance, la douleur. Déjà c’était un avertissement que la vie n’était pas un fleuve tranquille et qu’il fallait s’attendre à des douleurs. Et puis petit à petit la souffrance a été jugée comme inutile, c’est une bonne chose. Mais pour les jeunes, alors est-ce que, il y a des suicides, des tentatives de suicide, les statistiques le démontrent, mais est-ce qu’on va vers une culture de la mort puisqu’il faut parler. Je ne sais pas moi, si on va vers une culture de la mort, c’est peut-être une bonne chose pour savoir de quoi il s’agit, mais il ne faut pas que ça aille vers le culte de la mort. Parce que il y a des gens qui le cultivent ce culte de la mort. Quand ils envoient des jeunes avec des bombes sur la ceinture et eux ils n’y vont pas on cultive le culte de la mort. Dans nos écoles, il y a des jeux qui banalisent cette mort cette violence. Je ne sais plus comment il s’appelle ce jeu de massacre, non pas le foulard, on choisit dans la cour un individu le plus fragile possible, le moins apte à réagir, on lui tape dessus on le massacre , on ne choisit pas le plus fort on choisit le plus faible. C’est un jeu, mais comment il s’appelle, ça m’a échappé. Le foulard, trouver les limites de l’asphyxie, comment c’est dingue ? mais ça existe, bon il y a une banalisation de la violence mais aussi de la mort. Pour moi il n’y a pas d’enfants, il n’y a de vieux de croulants, il y a un être humain qui est toujours à la limite de l’animalité. A Londres des enfants de six ans ont tué un bébé, six ans, ils sont sûrement libérés parce qu’irresponsables, ils ont du fonder une famille, ils ont du faire des gosses. Est-ce qu’on enseigne le respect le culte de la vie suffisamment. Je veux bien que l’on parle de la mort de la mort, mais je voudrais aussi qu’on ait ce culte de la vie pour qu’on aime la vie à n’importe quel stade. Alors, vie, mort, la mort fait partie de la vie, je veux bien, mais la vie aussi fait partie de la vie.

31 - Je pense qu’il faudrait venir, on l’a peut-être un peu oublié à l’euthanasie, du mot euthanasie. C’est un terme grec qui veut dire une mort douce. Il faut se rappeler, c’est intéressant de voir un peu ce que disait nos anciens philosophes grecs. D’abord Hippocrate penser qu’il ne fallait pas nuire, mais ça ne veut pas dire qu’il fallait tuer, il voulait dire qu’il fallait faire en sorte d’aider les gens, de les secourir, de les aider à mourir. Donc il pratiquait ce qu’on appelait l’euthanasie passive, c'est-à-dire qu’ils laissaient les gens à un moment donné, quand les soins n’étaient plus efficaces, ils laissaient la mort venir naturellement. Voilà comment ça se passait en Grèce. Socrate était contre le suicide, Platon le tolérait mais uniquement pour les maladies incurables parce qu’il considérait que ces gens n’apportaient rien à la société. On était disons dans la pratique inhumaine. Effectivement on est dans une société malheureusement hédoniste, elle n’est plus rationaliste, les grecs étaient des rationalistes, c’étaient des philosophes rationalistes. Ensuite est venu le christianisme avec la spiritualité, qui donnait un sens à la vie, un sens à la mort. Actuellement on n’a plus de sens, la preuve, si on voit des suicides aussi fréquents c’est peut-être qu’on ne donne pas assez la prime à la vie. On est dans une société où la mort on la donnerait aussi facilement que la vie, et encore la vie, on ne la donne pas toujours.

32 - Ca tombe bien, je vais pouvoir répondre immédiatement, on est dans une société éminemment rationaliste, depuis à peu près trois siècles, et c’est de pire en pire et c’est pour cela d’ailleurs, j’ai entendu tout à l’heure, dans l’assemblée, qu’il fallait établir des critères, et on disait, le fait d’établir des critères pour l’euthanasie, on renvoie à des exemples comme le pilotage de la fiscalité ou des choses comme cela. Cela procède d’une mentalité bien occidentale, bourrée d’arrogance, qui consiste à dire on va imaginer à priori tous les cas de figure possibles par la modélisation pour traiter la complexité de la vie. Je vais vous dire mon avis, je pense qu’il y a autant de façons de mourir que d’individus, et en face de chaque façon de mourir autant de façons d’appréhender cette façon de mourir qu’il y a d’individus. On peut faire le calcul, ça en fait beaucoup, et vous imaginez bien qu’on ne peut pas confier cette multitude de situations à quelques cadres réglementaires ou à quelques arguments d’ordre positif dans le sens philosophique du terme, le positivisme je pense que tout le monde ce que ça veut dire. Moi je crois que lorsqu’un décision est prise d’abréger des souffrances, d’euthanasier quelqu’un, parce que c’est fait effectivement aujourd’hui en France, même si évidemment le législateur s’interroge de plus en plus sur le sujet, pourquoi, parce que c’est quelque chose qui devient de plus en plus intenable de ne pas traiter de manière législative, aujourd’hui l’euthanasie se pratique. Alors, essayons de prendre des cas concrets. Et réels. L’euthanasie de quelqu’un , l’acte de le faire, exemple le jeune Himbert, mais il y en a d’autres, c’est la conjugaison, la concordance extrêmement complexe du point de vue, d’un côté de la famille qui entoure le malade, conjugué au point de vue du médecin que ni vous ni moi ne pourront remplacer, si on étaient soumis, si on nous soumettait le cas, ni vous ni moi ne pourri ont remplacer le regard incontournable que lui aussi doit avoir dans la décision qui doit être prise, lui ou son équipe car en général il n’est pas seul, auquel s’associe à des degrés le regard de l’entourage, mais l’entourage secondaire, l’entourage de la société civique qui elle-même a aussi un regard à porter. Un certain nombre d’éléments de complexité qui font à mon avis si on cherche à légiférer, c’est bien normal, il faudra prendre le problème à l’envers, c'est-à-dire non pas établir des critères à priori, mais s’interroger, comment on va faire pour assurer une sécurité juridique à tous ceux qui auront eu le courage de conjuguer leurs efforts pour prendre cette lourde décision.

33 - Comme je l’ai souligné dans une de mes interventions j’ai dit que l’euthanasie pouvait être un devoir d’humanisme, cette fois après réflexion je me suis prononcé pour le non, c'est-à-dire que c’était une pratique inhumaine. Alors, non, pourquoi ? Parce que dans un premier temps, l’euthanasie est punissable par la loi. Dans un second temps, je me suis dit, celui qui demande à mourir, la personne qui demande à mourir, est-ce bien la mort qu’il demande ou le soulagement de ses souffrances. Est-ce que cette personne demanderait encore à mourir si on pouvait la soulager. C’est la question que je me suis posée. Comme l’a dit monsieur, on peut réfléchir quand un malade est condamné, est-ce qu’on est sur qu’un malade est condamné. Il y a certain malade qui émerge du coma après de longs mois alors que les chances de récupération étaient nulles. Comme l’a dit monsieur qui a fait allusion à monsieur Chevénement

34 - Je voulais revenir sur les histoires de critères. Quand je parle de critères, ce n’est pas pour modéliser ou pour dire la société estime quand il a 90 ans ou 100 ans ou quand il a telle ou telle souffrance, il doit mourir. Les critères chacun doit les faire lui-même, mais avant que le problème se pose, au moment où tout va bien, dire qu’est-ce que je ferai dans tel ou tel cas. Et j’imagine revu de manière quasi automatique pour éviter des problèmes de décision en cas de pic de souffrance, c’est le cas de beaucoup de suicide, où si on avait attendu une guérison inattendue, on n’aurait plus envie de mourir. C’est sous cet angle là et non pour une modélisation.

35 - Excusez-moi mais encore une fois je trouve que vous tombez dans le m^me travers. Je ne vous avais pas prêté ce jugement là, évidemment j’avais bien compris ce que vous venez de dire. Mais là encore je ne suis pas d’accord, ces critères là ils sont fluctuants. Je vais prendre un exemple, on va me relater un exemple de mort abominable dans un service, je vais porter un jugement aujourd'hui fondé sur quoi, par rapport à ma propre personne. Et donc évidemment ça renvoie à la difficulté de la conscience du malade qui peut prendre ou non part à la décision, mais en aucun cas ça ne peut être préparé. Il y a un stade jusqu’auquel le malade est capable de participer mais participer seulement d’ailleurs. Il y a un stade au-delà duquel il n’est plus capable, mais de toutes façons cette décision qu’il prendrait en toute conscience elle peut fluctuer avant qu’il ne soit malade. D’ailleurs il y a beaucoup de praticiens qui vous confirmeront, beaucoup de gens avant d’être malade disent » moi s’il m’arrive cela je veux mourir » il y a les accros du Vidal qui lisent des pages entières du Vidal, d’encyclopédies médicales pour voir toutes les belles saloperies qui peuvent se présenter à nous dans l’existence, et bien oui quand le diagnostic sera porté, quand le symptôme apparaîtra je pense que je voudrais mourir. Bon mais une fois qu’ils sont malades, pris en charge par une équipe médicale comme je le disais en début de débat, il y a ce fameux principe propre aux individus, cet élan vital absolu et universel qui guide chacun d’entre nous même dans la maladie et jusqu’au stade le plus ultime de la maladie vers l’envie de continuer à vivre et surtout pas de mourir. Demandez aux médecins ils vous le diront. Par contre il y a des cas où c’est fortement insupportable mais encore une fois beaucoup de médecins vous diront dans toutes les morts qu’ils ont à traiter, une partie infime de cas présente le problème d’euthanasie. Ce sont souvent ces cas là qui sont médiatisés. Aujourd’hui les moyens d’abord techniques et juridiques d’encadrer l’accompagnement et le soulagement des souffrances, Dieu merci se développent de plus en plus. Par rapport à la souffrance c’est celui là qu’il faut centrer. La décision à priori de l’euthanasie de la part de gens en bonne santé ou pour des gens en bonne en santé ça va être très compliqué.

Animateur - Il ne vaut pas que cela se transforme en dialogue, je passe la parole à quelqu’un d’autre et on y a reviendra après.

36 - Oui d’autant que cela va à peu près dans le même sens, vous avez compris que j’étais partisan d’une législation et pour autant je n’irai pas jusqu’à dire qu’il faut euthanasier quelqu’un parce qu’il a une rage de dent et plus de cachet d’aspirine. Bien sur qu’il faut mettre des marges et donc des critères, pour moi c’est synonyme. Il ne s’agit pas de définir quelle sorte de maladie, celle là c’est bon celle là c’est pas bon, pour celle là c’est autorisé, pour celle là ce n’est pas autorisé. Les critères doivent être beaucoup plus larges, une marge d’appréciation plus importante, un dialogue entre les médecins et la famille. Je me répète, ça paraîtra logique, quand on a été confronté de près à cette situation, on est forcément influencé. C’est mon cas, même si je n’ai pas tellement évolué dans mon appréciation de l’euthanasie avant et après ce que j’ai vécu. Je vais vous donner un exemple, j’ai un ami qui est décédé ici au CAC il y a une vingtaine d’années. Les trois derniers jours avant son décès il a eu ce que j’appelle peut-être à tort un cocktail léthargique, c'est-à-dire qu’on l’a mis dans un état semblable à l’anesthésie pré- opératoire. Cela a été fait en accord avec la famille. A l’époque tous les services du CAC n’admettaient pas ce genre de traitement, c’était donc à l’appréciation du chef de service. A un étage au dessus ou en dessous mon ami serait mort peut-être un ou deux jours plus tard mais en souffrant, alors qu’endormi il est mort comme on peut mourir sur une table d’opération. Mais ce fameux cocktail léthargique qui je pense est actuellement beaucoup plus pratiqué, j’ai l’impression que faute de législation et compte tenu que l’habitude est maintenant de tout contester, puisqu’on a même vu des gens attaquer les fabricants de cigarettes parce qu’ils avaient trop fumé, je crois que les médecins peuvent hésiter à le faire parce qu’ils ont peur que la famille intente une action contre eux. Pour en revenir à ce que j’ai vécu plus récemment, un autre ami a eu ce cocktail à 22 heures, il est mort à minuit. Or son état ce jour là était exactement le même que trois semaines avant. Il y a des maladies dont le diagnostic fatal est certain, le seul doute est le temps que durera l’agonie. A partir du moment où vous êtes nourri par sonde, que pour calmer la douleur on vous donne de la morphine par doses de plus en plus fortes qui finissent par de plus faire d’effet, c’est un cas qui ne devrait pas poser de problème. Si une législation existait on obligerait à passer par une réunion entre le corps médical et la famille, le médecin traitant et un médecin indépendant, et on décide ou non de procéder à l’euthanasie active ou passive. Injecter une dose de curare c’est actif, couper l’alimentation serait passif, mais dans les deux cas on provoque la mort. Mais si on est sur que la mort est inévitable on devance la mort et on évite les souffrances. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut hésiter à permettre aux gens de disposer de leur vie et surtout d’éviter des souffrances lorsqu’on sait qu’une guérison est impossible.

37 - Je m’excuse d’être en retard, j’ai écouté avant d’intervenir parce que je ne voulais pas prendre la parole sur quelque chose qui aurait été dit avant. Quand monsieur parle de la différence des individus, dans le même cas chacun choisit sa vie d’une manière différente et peut choisir sa mort. J’ai eu la douloureuse expérience de connaître quelqu’un qui s’est euthanasie, cela existe effectivement en Suisse et en Belgique. Elle est allé mourir en suisse avec l’accord de sa famille, l’accord de ses enfants qui se sont déplacés avec elle. Et dans son choix, quiconque la connaissait aurait pu dire mais elle n’a aucune raison de faire ça. Deux ans avant elle trottait dans Paris partout, elle avait toute sa tête quand elle a choisi de faire ça. Elle est devenue aveugle à cause d’une dégénérescence de la rétine de plus en plus grave, elle ne pouvait plus bouger seule alors qu’elle aimait le faire, elle était belle, elle était en forme, elle avait tout pour vivre, mais psychologiquement elle ne supportait plus d’avoir à faire aux autres pour l’aider. Elle a essayé ce que fait quand on parle de la mort, le suicide en France, avalait des comprimés deux fois de suite. La deuxième fois elle est restée quinze jours dans le coma, on se demandait si elle allé revenir avec une tête normale, des fonctions intactes. Toute la famille souffre du choix de non vivre de cette personne. Et au bout du compte elle a choisi une association. Ca fonctionne avec deux médecins, il faut que les médecins français envoient le dossier médical, là-bas quand elle arrive pendant deux ou trois jours toutes les trois heures, deux médecins différents passent pour être bien certains que sa volonté » à elle seule est préservée, qu’il n’y a pas un pouvoir familial derrière. Il y a des avocats qui passent qui recueillent aussi la volonté de la personne. Au bout du compte elle a choisi de boire une potion, elle est morte en dix secondes. Ses enfants, ses petits enfants étaient présents, même son arrière petit fils. Mais dans la même situation la belle-mère de ma sœur choisit de vivre, elle a exactement la même maladie il ne lui viendrait jamais à l’idée de faire cela, psychologiquement elle n’a pas le m^me drame. Donc passer par ce chois de mourir dans la dignité d’une manière, quand la vie ne signifie plus ce qu’elle signifiait avant. C’est en fonction de chacun, ça peut s’adapter à chaque personne. Oui c’est un suicide assisté, je comprends également le suicide puisque quinze jours après j’ai un ami qui s’est suicidé de mon âge, c’est moi qui l’ai trouvé, c’était horrible. Je comprends la douleur de madame, des jeunes, c’est extrêmement lourd, la mort est lourde pour tous mais chacun devrait avoir le droit de choisir sa mort comme il a choisi sa vie.

38 - Justement je pense que chacun doit avoir le droit de choisir mais en connaissance de cause et non pas en agissant sous l’empire de la souffrance au moment où ça se pose. Pour en revenir aux critères, effectivement ça dépend du moment où on pose la question. Mais si on est obligé de se la poser de façon régulière tout au long de sa vie on va dire presque, le moment on ça se passe on ne saura plus ce que voulait la personne. Je connais des gens qui disent je voudrais être euthanasié le jour où je deviens incontinent, on ne peut pas répondre à une demande comme ça. Est-ce que la personne est en état au moment où elle pose la question, mais si j’avais connu sa position avant que le problème se pose je ne saurais plus si cela correspond toujours à son désir sous l’empire de la souffrance et je ne serais peut-être plus à même d’y répondre, ça place dans une position impossible.

Animateur - Il faut aussi préserver une certaine valeur à la vie, et ne pas accepter une demande de mort pour tout et n’importe quoi.

39 - Je pense qu’on a été très sensibilisé par l’affaire Humbert qui est une affaire tout à fait particulière, où une mère souffrait énormément. Je pense qu’une mère, qui par exemple elle aidait son enfant comme ça à mourir, je pense, c’est même pas un problème d’euthanasie, c’est un problème humain. Effectivement on a le malheur d’être traduit devant les tribunaux. Je pense qu’une justice qui serait juste considérerait qu’il y a état de nécessité et absoudrait la personne. Je pense que c’est très difficile de demander à un médecin de prendre la responsabilité de commettre un acte de mort, un médecin n’est pas fait pour ça, il est fait pour aider pour accompagner quelqu’un dans sa souffrance et réduire sa souffrance. On va pouvoir arriver à avoir des moyens pour alléger et peut-être supprimer la souffrance avec les progrès que l’on peut avoir que l’on peut attendre. Donc moi je pense que faire une loi, je pense qu’en France on fait beaucoup de lois sous l’effet d’émotion et on appelle ça la démocratie de l’émotion. Je pense que si on fait une loi sous l’effet de l’émotion on ne fait pas une bonne loi.

Animateur – Pour les dernières prises de parole, il reste à peu près dix minutes.

40 - Tout d’un coup il reste une question qui me vient. Je pense à un ami qui est décédé dans un hôpital ici à Caen. C’était un guérisseur qui était totalement opposé à la médecine actuelle. Il était très agité, le médecin interne à qui il avait di qu’il souhaitait partir, quitter l’hôpital n’a pas voulu l’écouter et lui a fait une piqûre pour le calmer, il était dans un état de déshydratation assez avancé, il était sous perfusion, il est mort une paire d’heures après.. Une question a jailli dans mon esprit au cours du débat : quelle était l’intention secrète de ce médecin ? Je n’en sais strictement rien. J’ai senti quand j’étais en face d’elle, j’ai essayé de lui dire quelque chose, une autorité. Bon, je sais qu’au cours de leur carrière les médecins rencontrent de plus en plus souvent la mort, il peut arriver aussi un stade sans chercher la mort tout en ayant le souci d’exercer leur métier de meilleur façon possible, puissent être moins gênés par la mort que peut l’être le quidam que nous sommes. Alors interrogation ! Mon sentiment à propos de la législation c’est qu’on ne pourrait légiférer, ce seraient des problèmes de jurisprudence en fait, plutôt à posteriori qu’à priori, si vous voulez avant que cela ne se produise, parce que si on défi bit une position légale, ça peut servir d’appui pour le meilleur comme pour le pire et ça devient une habitude, et pour en sortit ça devient extrêmement difficile.

41 - Moi je pensais à quelque chose de tout à fait différent beaucoup plus littéraire, je pensais au dernier livre de Noël Châtelet, qui s’appelle : la dernière note je crois, dans lequel une mère prépare ses enfants au fait qu’elle va s’en aller en laissant des petits mots dans les tiroirs. Or cette mère était sage-femme, c’est assez littéraire, c’est vrai. Sa façon de dire adieu à sa fille, les derniers jours, quand elle téléphonait à sa fille pour son anniversaire elle imitait le vagissement d’un bébé et le dernier jour elle ne l’a pas fait, sa fille a compris qu’elle allait partir. C’est peut-être littéraire effectivement mais c’est très beau.

Animateur - je propose de passer au choix du thème pour le prochain café citoyen

1 - Petit plaisir et futilité le Français connaît-il le détachement ? 12 voix puis 6
2 - Un parti extrémiste peut-il gagner les élections en France ? 8 voix
3 - Un état fort est-il forcément impuissant ? 2 voix
4 - Mais que font nos députés ? 3 voix
5 - Lois de la république ou la rue, qui l’emporte ? 12 voix puis 13
6 - Pourquoi le rejet du droit de pétition ? 4 voix
7 - Ne peut-on remettre en question les formes du scrutin électoral ? 7 voix
8 - Quelle importance de connaître ses racines ? 6 voix

PROCHAIN DÉBAT LE SAMEDI 13 MAI 2006 : LOIS DE LA RÉPUBLIQUE OU LA RUE , QUI L’EMPORTE ?

Interventions

Participer au débat

Les champ marqués d'une * sont obligatoires

Marre de retaper vos coordonnées ? Créez un compte ! Créer un compte permet d'être averti des nouvelles contributions, d'être reconnu et donc de ne pas avoir à taper ses coordonnées pour participer aux débats.

Premier ouvrage des Cafés Citoyens

Où en est l'esprit démocratique aujourd'hui ?

La démocratie, c'est nous !

En savoir plus