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Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (27/09/2008)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Politique et Société

Fichier EDVIGE : danger ou sécurité pour le citoyen ?

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Animateur : Nous allons faire la lecture du texte envoyé par celui qui a proposé le thème et qui est absent aujourd’hui.

Le secrétaire lit l'intervention n°1 - Nous savons que depuis le 11 septembre 2001, sous prétexte de protéger le citoyen, les pays occidentaux ont mis en œuvre toute une batterie de protection qui vont de la caméra de surveillance en passant par le fichage en règle de ses citoyens ou le patriot Act américain.
Le fichier EDVIGE n'étant qu'un fichier parmi d'autres puisqu'en France notamment nous avons également d'autres fichiers dont se servent les services autorisés, et ce depuis toujours. On peut discuter de leur utilité ou non, on peut surtout s'interroger sur les informations qui y sont ou sur celles que l'on veut y intégrer maintenant. Que veut dire « susceptible de troubler l'ordre public », pourquoi y trouve-t-on des enfants à partir de 13 ans et quid des informations les concernant au delà de leur majorité ? Cela n'a-t-il pas un lien avec le discours qui se fait entendre depuis un certain temps expliquant qu'il y aurait des prédispositions à être délinquant ? Pourquoi ficher les citoyens ayant une action dans la citée et surtout à quoi cela servirait-il de faire référence à leur préférence religieuse et sexuelle ? Nos dirigeants ont-ils peur de leurs concitoyens au point de les mettre en coupe réglées dans des fichiers aux buts douteux, ont-ils tout simplement l'intention de réduire notre liberté par des procédés plus que douteux proches du fonctionnement de l'ancienne Stasi ?

Secrétaire : Voilà comment se termine le texte, je profite d’avoir le micro, notamment pour poser une question, non pas qu’il y ait une Edwige dans la salle mais est-ce que quelqu’un connait la signification de cet acronyme ? Lisez-le car pour moi ses mots sont lourds de sens, c’est : exploitation documentaire et valorisation de l’information généralisée. Chaque mot a son importance et je pense qu’on devrait y revenir au cours du débat.

Animateur - Merci pour cette introduction. Alors effectivement ces mots qui composent l’acronyme EDVIGE on pourrait s’y attarder parce que c’est vraiment quelque chose qui est de l’ordre du renseignement. Bien évidemment nous avons quelques informations sur le fichier EDVIGE, je me suis moi-même documenté afin de pouvoir apporter des informations concrètes sur ce qu’est le fichier EDVIGE. Mais je pense qu’avant tout il faut qu’on puisse s’exprimer sur votre sentiment à l’égard de ce fichier, comment vous percevez ça, est-ce que ça vous angoisse ou est-ce que vous vous en foutez ?

2 - Merci de me donner la parole, ce qui m’a interpellé dans un premier temps suite à la réaction sur la création de ce fichier, ce sont les arguments justifiant la création de ce fichier. Il avait été exposé à la télévision par un haut fonctionnaire faisant probablement partie des proches du pouvoir. Celui-ci, déjà s’appuyait sur un fait que ce fichier déjà avait été établi par les renseignements généraux et qu’en fait ce nouveau fichier en précisait les limites, c’était son argument déjà au départ, donc la préexistence d’un fichier de même nature. Ensuite comme le journaliste s’étonnait que des personnalités étaient contre ce fichier, alors ce brave homme a dit que le problème était que lorsque vous avez une personne qui veut prétendre dans la cité avoir une action de gestion ou prétend bénéficier d’une médaille, le préfet devait fournir des renseignements, une fiche de renseignements concernant la personne pour éviter qu’un malfrat par exemple se présente à la candidature pour une action municipale par exemple. Alors ça me faisait un petit peu tousser parce que, bon, une enquête ne demande pas des mois, donc je me disais que l’argument n’était pas bon, il était fallacieux, de même que la préexistence du fichier des renseignements généraux. Et je me suis dit ce fichier on a ce développement du moyen de traitement de l’information, avec l’informatique et la question qui se pose pour chacune d’entre nous, dans combien de fichiers sommes-nous. Donc voyez déjà en dehors du fait de s’intéresser à la légitimité du fichier edvige, je trouve que les arguments avancés par les décisionnaires quelque part me paraissent biaisés.

Animateur - Vous venez de rappeler qu’il existe déjà des fichiers, le fichier des renseignements généraux, le fichier de la DST, il y a beaucoup d’autres fichiers, notamment du point de vue des contraventions, il existe des fichiers donc c’est déjà un motif de dire pourquoi ne pas augmenter ce fichier, ou rassembler ces fichiers. Je me pose des questions, qui est concerné par ce fichier edvige. A priori d’après ce que j’ai pu recueillir comme information, c’est tout citoyen ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel économique social ou religieux significatif. Et puis une différence avec les fichiers des RG, auparavant c’était toute personne pouvant avoir des activités violentes, alors qu’aujourd’hui c’est toute personne susceptible de porter atteinte à l’ordre public.

3 - J’ai essayé de réfléchir sur le plan juridique sur ces problèmes là. Il y a trois questions qui me sont venues à l’esprit. Première question, un fichier est-il légitime en soi. Le fichier ce ne sont que des instruments, le problème de la légitimité dans cette affaire, c’est le droit pour l’état de la légitime défense si on peut dire. Ce droit de légitime défense qui est un droit naturel, disons les citoyens dans une société démocratique et policée, l’ont délégué à l’état. Donc l’état a une obligation vis-à-vis des citoyens de les protéger contre toute les atteintes, soit disons à la sécurité intérieure ou extérieure évidemment mais aussi à leur personne. D’un autre coté il y a une autre légitimité, disons naturelle, c’est le droit des personnes à être libre. Donc je crois effectivement les deux problèmes, la conjonction de deux problèmes qui peuvent être antinomiques. Alors sur le plan de la légalité, autre point, je pense qu’il y a déjà une loi, n’oublions qu’il y a la loi informatique et liberté. Alors est-ce que ce fichier peut bien entrer dans le cadre de cette loi ou pas et à ce moment-là est-ce que ce fichier est adapté à régler un tel problème. Une deuxième question, on peut se dire, est-ce que la loi informatique et liberté est suffisante pour garantir la sécurité des citoyens dans ce domaine. Donc il faut peut-être réfléchir sur la possibilité de revoir une loi d’ensemble sur le problème de la sécurité et liberté. Car comme l’a très bien dit Marc, il y a énormément de fichiers, il y a des fichiers médicaux, il y a des fichiers bancaires il y a une prolifération des fichiers. C’est vrai que quelquefois ils peuvent être justifiés par des actions de délits, crimes etc., donc on ne peut pas non plus négliger complètement l’utilité d’un fichier, le problème est de savoir qu’est-ce qu’on met dedans. Alors la troisième question, est-ce que les garanties sont suffisantes, d’après ce qu’on a compris, beaucoup de gens ne partagent pas cette idée que toutes les garanties sont suffisantes. La loi informatique et liberté, qu’est-ce qu’elle permet, elle permet d’accéder à un fichier, de faire supprimer éventuellement des informations, mais le problème est que la CVNIL n’a pas les moyens suffisants pour pouvoir intervenir systématiquement. C’est là qu’est peut-être le problème, une loi pourrait effectivement apporter beaucoup plus de garanties sur ce domaine en donnant beaucoup plus de pouvoir à la CNIL. Par exemple vous dites que ce serait le préfet qui aurait certains renseignements sur des gens qui par exemple  ont des missions syndicales, politique etc., susceptibles de troubler l’ordre public. Je ne vois pas en quoi un député, quelqu’un qui se présente à la candidature d’un député est susceptible de trouver l’ordre public. Je pense que dans ce domaine il faudrait quand même qu’il y ait un contrôle, je ne sais pas par quel moyen mais il faudrait réfléchir sur cette question. Donc on peut conclure que des fichiers il y en aura toujours, il y en a toujours eu, n’oublions jamais que tous les gouvernements de la république ont utilisé des fichiers. Quand on se rappelle l’affaire des fiches, il y a des abus, c’est vrai il faut les prévenir mais on ne supprimera pas systématiquement les fichiers.

Animateur - Vous nous rappelez qu’un fichier est un outil comme un autre et qu’en fait tout dépend de l’intention, des valeurs qu’on utilise, des valeurs qu’on peut faire, et l’utilisation de ces fichiers. Et puis vous nous rappelez qu’il y a aussi une garantie de l’état, une garantie de protéger les citoyens, donc ça demande des renseignements, le fait de pouvoir avoir un fichage des personnes susceptibles de porter atteinte, de faire du terrorisme, effectivement il y a des obligations. Alors on a parlé de la CNIL également, on peut s’interroger sur qui peut consulter ce fichier edvige.

4 - Je dirais qu’au-delà du fichier ce qui est inquiétant est la volonté d’un pouvoir autoritaire de ficher les gens. Mais on ne peut être forcément en désaccord avec tout ce qu’il y a dans le fichier mais ils ont oublié quelque chose, il y a un proverbe populaire qui dit : les menteurs sont pires que les voleurs. Là je pense qu’au niveau du pouvoir tous les politiciens, qu’ils soient de droite ou de gauche, devraient être soulignés à l’encre rouge car ce sont eux les premiers à mettre dans ce fichier. Ce qu’on oublie de dire, effectivement, entre un petit fichier des renseignements généraux qui n’est pas forcément connecté à l’ensemble, alors que maintenant on peut en quelques clics tout savoir sur les citoyens. J’ajoute qu’il y a un autre fichier qui n’a pas encore posé trop de problème mais qui à priori on exerce le contrôle sur les citoyens, est-ce que par internet maintenant, en tout cas c’est dans la volonté d’un ministre, de la ministre de la culture, qui vient du type qui la chapeaute, c’est quand même Sarkozy qui chapeaute tout, les ministres ne sont que des faire-valoir, donc par ce biais on contrôles les citoyens, celui qui aura fait trop, celui qui aura été trop consulter ou prendre je dirai qui se sera attaqué à ce qu’on nomme culture et qui n’aura pas payé sera viré momentanément de l’internet. Donc c’est quand même autre chose. Alors quand j’entends dire on est en démocratie, c’est une forme de démocratie, une pseudo démocratie, on est en démocratie si on veut mais ce sont deux clans qui se sont approprié le pouvoir, il y a d’un coté la droite institutionnelle et de l’autre la gauche institutionnelle, en gros ils ne se font pas trop de tort parce qu‘ils ont trop à y perdre mais ça n’a rien à voir avec la démocratie, c’est une forme de pseudo démocratie dont on s’accommode parce qu’il n’y a pas autre chose qui peut émerger. Alors bon,

Animateur - On peut revenir au sujet s’il vous plait,

4 bis - Mais je suis en plein dedans, donc ce qui est inquiétant ce sont les gens qui s’arrogent le pouvoir et qui se permettent de dire, c’est le problème de la bien pensance, encore une fois et surtout je ne vois pas ce que l’orientation sexuelle de quelqu’un peut à voir à ce qu’on pourrait appeler l’ordre, qu’il faut plutôt dire comme étant un désordre institutionnalisé.

Animateur - Je vais juste récapituler les données personnelles qui sont concernées par le fichier edvige. Les informations ayant trait à l’état civil et la profession, les adresses physiques, numéro de téléphone et adresse électronique, le signe particulier et objectif, photographie et comportementale titres d’identité, immatriculation des véhicules, informations fiscales et patrimoniales, déplacement et antécédents judiciaires, le motif de l’enregistrement des données, les données relatives à l’environnement de la personne notamment celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites, données autres relatives aux opinions politiques philosophiques ou religieuses ou à l’appartenance syndicale de manière exceptionnelle, l’orientation sexuelle supposée ou l’état de santé à condition que ces informations soient liées à la vie publique ou à l’activité militante de la personne concernée. Alors votre intervention monsieur nous donne, enfin apriori ce qui a été rapporté aux dernier ères nouvelles. Monsieur s’inquiétait en fait pourquoi on veut absolument conserver ces informations et vous avez l’impression que c’est plutôt pour protéger non pas les citoyens mais le pouvoir en place, les personnes qui quarraient usurpé le pouvoir, c’est votre analyse.

5 - Déjà ce fichier edvige est dans un contexte, et ce contexte est la réforme et le regroupement des renseignements généraux et de la dst pour faire un nouvel organisme qui s’appelle la DCRI, direction centrale du renseignement intérieur et donc la nécessité de rassembler les informations des deux organismes en un fichier, ou plusieurs d’ailleurs car on parle beaucoup d’edvige mais il y en a d’autres, Donc voilà c’est aussi dans un contexte qu’il ne faut pas oublier, la dcri s’est fait au mois de juin ou juillet dans l’indifférence la plus totale mais ça donne quand même le contexte. Alors après par rapport à ça ce qui pour moi est très important au-delà du fichage parce qu’on parle beaucoup du fichage mais je crois que c’est l’utilisation qui pourrait en être faite qui est plus importante. Si on se réfère à nos vieux principes démocratiques, le premier d’entre eux c’est la séparation des pouvoirs et lorsqu’on parle d’un fichier et lorsqu’on parle de renseignement sur des personnes on parle de liberté individuelle. Qui en démocratie est garant de la liberté individuelle, c’est l’autorité judiciaire, le juge, c’est lui qui est garant. Donc là où on peut s’étonner de l’existence des fichiers c’est qu’il n’y ait pas de regard du juge sur ces fichiers puisque l’ensemble de ces fichiers, grosso modo, sont soit au ministère de l’intérieur, soit au ministère de la défense, soit aux impôts, donc dans tout ce qui est l’exécutif et à priori sans contrôle réel de l’autorité judiciaire. Ca pour moi c’est déjà une première alerte parce que ça signifie, ce n’est pas tant qu’il y ait un fichier c’est le fait que la liberté individuelle des gens concernés n’est absolument pas garantie au sens où il n’y a pas un regard du juge, donc de la personne chargée de garantir cette liberté en démocratie. Donc voilà il y aurait d’autres choses mais jnée vais laisser la parole.

Animateur- D’accord effectivement pour revenir aux bases démocratiques, la séparation des pouvoirs n’est pas respectée dans la mesure où ce qui consultent et ceux qui remplissent ce fichier sont les mêmes, le pouvoir judiciaire n’a pas de possibilité de regarder de fichier.

6 - Première observation, je dirais que ce bruit depuis quelques mois, depuis deux mois à peu près, cache pas mal d’autres choses. Il me semble qu’actuellement il y a des problèmes bien plus importants que cette histoire de fichier, quand on parle de ça on ne parle pas d’autres choses. Alors avant d’aborder le fond j’aimerais faire un petit aparté mais rassurez-vous je vais rapidement revenir au sujet. Puisqu’on parle de danger je crois que ce fichier est révélateur d’un disfonctionnement de notre démocratie qui me semble bien plus dangereux que le fichier en lui-même. Boris vient de l’évoquer ce décret du premier juillet c’est la conséquence ou la suite d’une loi de l’année dernière, votée par le parlement et qui consiste comme il vient de le dire à rassembler plusieurs services de renseignements existants actuellement. Ce décret du mois de juillet ne fait que donner une légalité aux fichiers existants. Mais en démocratie il me semble que pour que ça fonctionne bien il faut une constitution, vous allez dire on en a une, oui mais faut-il encore qu’elle soit respectée. Or force est de constater que d’une démocratie parlementaire on est arrivé à un pouvoir présidentiel, voire monarchique. Alors pouvoir présidentiel je précise tout de suite que je ne suis pas contre mais je pars du principe que dès l’instant où l’on est en communauté il faut des règles et qu’arriver petit à petit à accepter des faits ou habitudes sans corriger les règles me parait dangereux à terme et plus on continue plus le terme devient court. Alors pour en revenir au fond de cette affaire, d’abord il faut dire que ce fichier edvige n’existe plus, il y a actuellement un décret en préparation qui crée un fichier edvirge qui modifie dans quelques-uns de ces aspects le premier fichier dont on parle, corrige les interprétations et non pas toujours les textes comme ceux que vous venez de lire. Par exemple dans le fichier de base on parle de comportement en faisant référence à la loi de Janvier 1978 qui a créé le CNIL dans laquelle on parle du comportement sexuel, religieux ou autre en précisant qu’il est interdit de faire un tri sur ces critères. Par exemple on peut noter dans un fichier que DUPONT ou DURAND est homo, protestant ou juif mais on n’a pas le droit de dire sortez-moi de ce fichier tous les juifs ou tous les protestants. Alors sur les conséquences pour la population de ces fichiers existants, il faut peut-être savoir ce qui se passait jusqu’à présent, tous les fichiers dont on parle ou ceux dont on ne parlait pas existaient. Par exemple ce qu’on appelait les blancs des RG donnaient confidentiellement des renseignements sur beaucoup de personnes, actuellement d’ailleurs on peut souvent trouver dans Google plus de précisions encore. Dorénavant personne ne pourra avoir accès à ces renseignements sans que ce soit noté. Le décret cite quelques hauts fonctionnaires habilités à consulter ce fichier, d’autres ne pourront y avoir accès qu’en passant par leur hiérarchie. Donc l’utilisation des renseignements contenus pas exemple dans ces blancs et accessibles «  clandestinement » à beaucoup dorénavant deviendra impossible. Cela me parait plus sain que le fichier en lui-même, comme on vient de le dire et je crois que c’est le point essentiel, ce n’est pas un fichier qui est dangereux c’est l’utilisation qu’on en fait et les individus qui peuvent s’en servir.

7 - J’ai juste une question rapide, je me suis posé la question et n’ai pas trouvé la réponse, qui a sorti cette « affaire » du fichier edvige, comment est-il arrivé dans le débat public, qui est à l’origine de l’information, comment il l’a eu et comment il l’a donné aux oreilles de tout le monde et donner en pâture aux médias.

8 - Je crois que comme c’est un décret tout le monde y a accès, ensuite les journalistes ont traité cela.

9 - Il aurait pu ne pas paraître au journal officiel, la constitution le permet c’est donc le choix du gouvernement de l’avoir publié.

10 - Il y a deux points qui ont été soulevé tout à l’heure concernant la CNIL et le contexte dans lequel vient s’insérer ce nouveau fichier. Quelques chiffres, concernant la CNIL, les agents de la CNIL c'est-à-dire ceux qui sont habilités à contrôler ce genre de fichier, les effectifs ont doublé  en l’espace de cinq ans. Quand on a dit cela on est super content, oui il y a plus de gendarmes, mais ce n’est pas vrai, enfin c’est vrai que ça a doublé sauf qu’on est passé de cinq à dix. Alors ça veut dire quoi ? Ca veut dire que si on pose la question de savoir comment est alimenté le fichier edvige, il est alimenté par les mêmes personnes qui seront autorisées à le consulter, c'est-à-dire les policiers de tout bord c'est-à-dire à la fois ceux des renseignements généraux, ceux de la DST mais aussi les gendarmes, les agents du fisc, les services offensifs ou défensifs de la défense nationale, qui utilisaient déjà chacun leur fichier, lesquels étaient assez centralisés il faut bien le dire. Alors le contexte général fait que vous avez un effectif de quelques centaines de milliers d’agents qui vont collecter les informations, les incorporer dans edvige sur quelques centaines de milliers de concitoyens et en face de ça on a dix pèlerins pour aller contrôler le fichier. Donc autant dire que c’est une plaisanterie la CNIL en ce qui me concerne. Après le contexte, monsieur dans le fond là-bas à mon sens avait complètement raison d’insister sur le contexte beaucoup plus général d’edvige. Alors c’est vrai que comme le disait l’interlocuteur précédent lorsque l’on parle d’edvige on ne parle de rien d’autre, mais dès qu’on parle de liberté fondamentale je pense que ça vaut le coup des s’y attarder longtemps. Sur ce coup là, parce que ce genre de fichier ne surgit pas en quelques mois, l’idée même de concevoir ce genre de fichier ne surgit pas en quelques mois, ça prend plusieurs années pour en arriver là. Si on revient sur plusieurs années en arrière on s’aperçoit qu’à partir de 1995 à peu près on se rend compte qu’on arrive au fichier edvige de manière parfaitement logique. La centralisation des fichiers, la centralisation des renseignements de tout bord a commencé depuis environ douze, treize ans. Jusqu’à présent les RG, la DST tout le monde connaissait ça, maintenant on centralise. Les renseignements militaires étaient traditionnellement reliés au premier ministre, depuis moins d’un an maintenant ils sont reliès directement au président de la république, c'est-à-dire que le premier ministre aujourd’hui est interlocuteur pour étroite collaboration. En ce qui concerne les termes utilisés, j’attire bien votre attention là-dessus parce que ça vaut le coup de s’y pencher, lorsqu’on regarde la manière dont a été rédigé ce décret, les articles qui viennent justifier le pourquoi d’edvige, on nous dit que ça va concerner toutes les personnes susceptibles de porter atteinte à l’ordre public. Regardez les nouvelles règles de garde à vue, toutes les personnes susceptibles d’avoir commis ou tenter de commérer un dédit, la simple présomption est désormais suffisante. Ca veut dire que n’importe qui, si  simplement parce qu’un officier de police judiciaire a une présomption il peut le mettre en garde à vue. Ce sera pareil pour edvige, toute personne est susceptible finalement si on s’arrête à la sémantique du mot, toute personne est susceptible de porter atteinte à l’ordre public.

Animateur - Vous insistez sur la présomption d’innocence, pour vous c’est un contexte généralisé, le fichier edvige mais beaucoup d’autres modifications de fonctionnement de notre société éliminent de plus en plus cette présomption d’innocence en tout cas fait en sorte que l’on puisse rapidement selon vous placer le citoyen devant les faits.

11 - Monsieur parlait de la différence entre Google et edvige, il disait que l’on trouvait plus sur Google que sur edvige. Pour moi la différence entre les deux c’est qu’edvige vient prendre, par des moyens que je ne connais pas, des informations sur vous alors que Google c’est vous qui avec votre libre choix acceptez de mettre en avant que vous êtes homo, que vous êtes ce que vous voulez. Donc c’est une grosse différence. Le second point par rapport à la CNIL, si vous êtes fiché sur edvige, ce que j’ai cru comprendre, vous pouvez consulter la CNIL et si selon vous des erreurs ont été commises vous pouvez les corriger, il parait que ça demande du temps. Le troisième point, ce qui est important dans edvige que ce soit sexuel ou je ne sais pas quoi, ce qui va entrer dans edvige d’après ce que j’ai compris c’est uniquement ce qui à trait au politique. Par exemple on va prendre Delanoë qui est homosexuel, il l’a dit, on le sait, à ce qui me semble qu’il était homosexuel point barre, ça n’entrerait pas dans le fichier edvige. En revanche s’il appartenait à un groupe d’homosexuels qui pourrait faire en sorte que selon que vous soyez homo ou pas, pour avoir droit aux HLM là effectivement ça entrerait dans le fichier edvige. Vous n’avez pas compris ?

Animateur - Vous donnez un exemple qui consiste à prendre en compte des données personnelles seulement dans le cas où ça porterait atteinte aux lois de la république, à l'ordre public.

12 - Je voulais parler d’autre chose mais je crois qu’il faut que je réagisse aux affirmations que madame a faites. On peut trouver très facilement sur Google que Delanoë est homosexuel, mais lui a désavoué officiellement avoir jamais mis cette affirmation d’homme public. Donc ceci a été pris au dépit de ses intérêts. Alors il n’y a pas beaucoup de différence entre Google qui pique des informations de façon pas très propre ici et là, et les fichiers qui sont constitués par des agents de sécurité. Donc je ferme la parenthèse. Je reviens à ce que Boris a dit concernant la CNIL. La CNIL a été formée en 1978 par une loi qui a suivi un scandale qui s’appelait Safari qui a eu lieu en 1974. A ce moment-là et même un peu avant les services de sécurité  en France ont essayé de ramasser les informations qui existaient dans des bases de données disparates, information syndicale, fiscale, renseignements généraux etc., etc., ils ont essayé de monter un superbe grand fichier. Ceci a provoqué un tel scandale que finalement le pouvoir a été obligé d’instituer une sorte de garde-fou, la CNIL. Alors, écoutez, quand on nous dit, oui cette histoire d’edvige n’a pas beaucoup d’intérêt pour mon cas, les fichiers existaient avant. Ce n’est pas une question d’existence des informations, comme je dis justement à propos de Delanoë et Google, les informations on les trouve partout, ce qui compte c’est l’indexation correcte et avoir une sorte de corrélation et puis l’usage, bon ou mauvais. Sur ce plan malheureusement nous les simples citoyens n’avons pas beaucoup de contrôle. Je comprends les deux cotés, vous pouvez juger par mon accent que je ne suis pas le fils légitime de Guillaume le Conquérant et de Jeanne d’Arc, je suis d’origine polonaise, vous imaginez que je suis allergique à toute atteinte à la démocratie. Mais d’autre part je comprends la nécessité de fichiers comme celui-là, pas seulement d’edvige, edvige est presque caduc, cette histoire de treize ans est déjà morte. Maintenant il y a cet edvige, RG, sp, sécurité protection etc., il y a également la grande base de données du secret défense qui s’appelle Cristina dont personne ne parle, et là, pour un démocrate né, c’est beaucoup pire, nous n’avons aucun accès. Pour edvige il y a la publication des noms qui sont censés le contrôler, pour Cristina rien, c’est vraiment secret défense et très secret défense même. Alors je pense qu’il faut tout simplement rester cool, on a besoin d’une base de données de toute façon. Une fois j’ai regardé sur une page internet une institution qui est légitime, qui est démocratique, qui sont républicains, les libres penseurs. La ligue de libre pensée a fait par désillusion de l’école publique, a formé leur propre école. Ensuite dans cette école ils ont attiré des enfants d’autres lycées et bien maintenant ils sont tous fichés malgré eux. Donc si on a quelque chose comme une base de données mais qui est logique, bien contrôlée et qui à cause de tollé de nous les démocrates, contribue à la constitution de garde-fous, de moyens de protection des citoyens, je pense qu’il faut vivre avec et non pas commenter la question qui a commencé notre débat aujourd’hui, sous le prétexte de protéger la population on a blablabla etc. Même la façon de poser cette question est déjà partisane, ce n’est pas un prétexte on a vraiment besoin de sécurité.

Animateur - Alors effectivement toute la question réside dans le contrôle et l’utilisation de ce fichier et donc on pourrait aussi, je vais me faire l’avocat du diable, jusqu’à maintenant on a plutôt dénigré ce fichier, on pourrait s’interroger aussi sur le fait, effectivement faire des fichiers de cet ordre est très important pour faire respecter la liberté de tous les citoyens dans la mesure où ça permet justement un contrôle. Est-ce qu’en fonction justement des temps qu’on sent qui ne vont pas être joyeux, il va y avoir une certaine crise, est-ce que ce n’est pas important de pouvoir rapidement intervenir auprès des personnes qui sont finalement les plus dangereuses.

13 - Je reviens sur "Cristina", on n’a pas abordé le sujet à fond. Vous savez le dossier Cristina est un dossier de la DST, c'est-à-dire de la direction de surveillance du territoire, c'est-à-dire prévenir les atteintes extérieures. Dans ce fichier il y a notamment tout ce qui touche au terrorisme islamique. On voit difficilement l’accès de n’importe qui à ce fichier et ça se comprend. Imaginez qu’on donne accès à n’importe qui à ce fichier vous allez voir des gens qui sont liés au terrorisme qui risquent de fournir des informations qui vont contre justement l’action contre le terrorisme. Alors il faut être très prudent dans ce domaine, on ne peut pas non plus disons systématiquement condamner ce fichier là. D’autre part, vous savez on a beaucoup parlé du fichier pour les citoyens mais malheureusement disons les fichiers ont été utilisés aussi en politique, dans la lutte politique on a utilisé les fichiers et il y a ce qu’on appelait en plus, qui n’était pas du tout officiellement dans les fichiers, ce sont les fameuses notes blanches. Vous avez entendu après l’affaire clearstream, moi je pense que les notes blanches il faudrait les supprimer parce que vous pouvez très bien avoir accès au fichier mais s’il y a des notes blanches il y aura toujours quelques traces. Alors il y a une autre question, on a parlé d’internet, vous savez qu’internet risque d’être le plus terrible de tous les fichiers qui puissent exister à l’avenir, n’importe qui peut mettre n’importe quoi sur internet. On peut dans les fichiers, alors il y avait des ragots, il y a beaucoup d’information qui n’était que des ragots, mais dans internet n’importe qui peut dire n’importe quoi sur n’importe qui. A ce moment là vous aurez un fichier le plus terrible incontrôlable et d’ailleurs on voit déjà les dérives dans les campagnes politiques.

Animateur - cette question de l’information est importante aussi, comment on fabrique l’information ou la désinformation et donc, c’est peut-être un autre sujet mais c’est aussi important. Vous nous dites que ce qui est important est d’avoir accès à ces données pour pouvoir éventuellement vérifier et rectifier. Est-ce qu’aujourd’hui on a accès à tous ces fichiers, est-ce que le citoyen accès.

14 - Ca fait un petit bout de temps que j’attendais, je me souviens qu’il y a pas mal d’années, j’étais en Suisse ce devait être dans les années 80 ou 90, j’ai rencontré quelqu’un qui faisait partie de Greenpeace. Il était furieux parce que justement il y avait un fichier suisse et il a exigé d’avoir sa fiche sous peine de réaction, je ne sais pas encore lesquelles. Ce serait normal, je crois, que comme protection des citoyens, que le citoyen qui est fiché connaisse le contenu de sa fiche, ça entrerait dans l’esprit démocratique. Etre fiché à son insu n’est pas du tout démocratique. D’autre part je pense qu’il faudrait peut-être se guérir aussi d’une forme de psychose collective qui se manifeste à travers les réactions par rapport au fichier edvige. Je crois que c’est de tous les temps que l’on dit qu’est-ce qu’on pense de moi, qu’est-ce qu’on va me faire etc., etc. C’est une réalité, c’est vrai que l’on est en même temps sujet à tous les bonheurs et à tous les malheurs, mais de là à en faire une psychose, je crois que ce serait tout de même assez grave. D’autre part aussi je crois que ce qui s’est passé actuellement tient aussi au phénomène de mondialisation où des pouvoirs nationaux et nationalistes s’entredéchirent et on a toujours la hantise au niveau étatique d’intervention d’autres états qui prendraient la main sur la collectivité. Je suis frappé depuis des décennies de phénomènes tout à fait visibles. Je connais une époque où j’allais à la gare de Lille pour donner mes cours, je pouvais prendre le train, je n’avais jamais de problème et puis à partir des premiers attentats terroristes, il y avait des plans Vigipirate, des flics à tous les coins de rue et plus la paix, donc générateur d’un climat à tous les niveaux mondial, donc il faut réfléchir un peu là-dessus aussi.

Animateur - Effectivement on peut aussi s’interroger sur les données recueillies au niveau mondial, au niveau européen aussi puisqu’il y a quand même beaucoup de connexion qui sont entre les états. Et puis il y a un contexte mondial, je pense que le contexte de l’anti terrorisme mondial a quand même fait émerger beaucoup de problématiques et il faut peut-être se pencher là-dessus. Mais moi j’ai envie de vous poser la question pour essayer de relancer le débat, on en a parlé tout de suite, il y a une sorte de psychose qui se met en place, des comportements irrationnels. Mais finalement que doit-on craindre d’un fichier dans lequel il y a toutes les choses qu’on sait déjà nous-mêmes sur nous-mêmes et qui finalement ne sont pas dangereuses puisque nous n’avons rien à nous reprocher en tant que citoyen. Est-ce que finalement ceux qui s’interrogent sur ce fichier ne sont pas les personnes qui sont finalement les plus dangereuses où elles ont des choses à se reprocher. Non ce n’est pas provocateur, je pose la question simplement.

15 - La première fois que j’ai entendu parler d’edvige, c’était dans le courant de l’été et c’est un homme politique bien connu qui l’a révélé car à l’époque je ne connaissais pas l’existence de ce fichier, il en a parlé dans une émission de la radio et avant que tout le monde en parle. Donc c’était fin juillet début Aout à peu près. Alors moi je me pose la question, au mois de septembre il y a des hommes politiques qui se sont offusqués de l’existence de ce fichier et de ce qu’on y mettait dedans, je pense que c’est une des raisons pour lesquelles,  peut-être la crainte de ce qui s’était passé, c'est-à-dire pendant la présidence de François Mitterrand, il y avait des écoutes téléphoniques dont certaines personnes se sont trouvées victimes, donc peut-être que c’est une des raisons pour lesquelles certains hommes politiques se sont inquiétés de l’existence de certaines données qui seraient mises dans le fichier. Suite à ces revendications, il y a eu des changements, le ministère de l’intérieur, après la pression du président de la république, a changé certaines données, c'est-à-dire que l’orientation sexuelle, l’état de santé je crois, a été supprimé. Moi je me pose la question aussi, si cela n’avait été supprimé, est-ce que ce n’aurait pas été en fait une violation des lois existantes au point de vue de la discrimination, homophobie etc. Alors peut-être, je ne sais pas si ce décret a passé devant le conseil constitutionnel et qu’est-ce qu’il en a dit, c’était un peu flou pendant l’été, mais il est possible que cet élément n’aurait pas été accepté par le conseil constitutionnel puisque non conforme à la constitution pour certaines données. Maintenant c’est vrai qu’on s’interrogeait sur la présomption d’innocence, c'est-à-dire susceptible de porter atteinte à l’ordre public. Alors quelles sont ces actions qui pourraient porter atteinte à l’ordre public, sachant que les jeunes de plus de treize ans, je crois, vont être ceux qui font des actes de délinquance, mais ils auront la possibilité, un certain nombre d’années avant leur majorité s’ils ne commettent pas d’autres actes, de pouvoir demander la suppression de leur nom. Donc il y a des points d’interrogation sur la contradiction par rapport à des principes législatifs qui ont été mis en place par certaines lois, notamment le comportement sexuel. Maintenant ce fichier pourrait-il être utilisé à des fins civiles, c'est-à-dire pour des recrutements de certaines personnes, est-ce que les entreprises pourraient avoir accès à ce fichier ou demander l’accès à ce fichier. Là, quel serait le rôle de la CNIL dans ce cadre là. Une parenthèse, il y a une interview du président de la CNIL qui a été donnée dans un magazine télévisé la semaine dernière, moi je ne l’ai pas vu, c’est dans Télérama, je pense qu’il doit parler du fichier edvige notamment. Donc voilà, moi je me pose des questions par rapport à l’application des principes législatifs et constitutionnels et puis est-ce que n’est pas une étape, bien que je reconnaisse que pour lutter contre le terrorisme il est nécessaire de connaître les gens qui pratiquent ce genre d’acte, mais est-ce qu’un citoyen qui a des, comment une action politique, une action publique plutôt, est vraiment dangereux pour l’ordre public, on peut se poser la question. Pour finir est-ce que cette procédure d’indentification des citoyens ne présume pas tout ce qui va découler des nouvelles technologies c'est-à-dire les empreintes visuelles, génétiques, etc. qui peuvent se mettre en place petit à petit comme dans les pays anglo-saxons est-ce que ça ne va pas entrainer aussi, comme en Angleterre, l’arrivée de caméras dans les villes pour contrôler la délinquance parce que tout cela, ce fichier là n’est pas le début de la mise en place de procédure beaucoup plus poussée pour lesquels les citoyens auront peut-être du mal à faire face.

Animateur - votre sentiment est que tous ces éléments sont, c’est plutôt un sentiment, manifestement on ne peut dire avec certitude que le fichier edvige tel qu’il est conçu porter atteinte aux citoyens. Donc c’est un sentiment que vous avez qui consiste à dire que pour vous tous ces outils pourraient facilement, trop facilement peut-être être utilisés à mauvais escient. Est-ce un sentiment partagé parce voilà, c’est important d’avoir les sentiments des citoyens mais qu’est-ce qui vous fait dire ça, pourquoi vous avez l’impression, ou pas d’ailleurs, que ça pourrait de toute façon être utilisé& à mauvais escient, on peut s’interroger aussi, on peut dire finalement c’est un outil utile, ça permet de nous protéger contre ceux qui sont les personnes dangereuses.

16 - Je voudrais revenir, parce qu’au-delà du fichier edvige il y a tout le problème du renseignement, il y a des gens qui sont là pour en surveiller d’autres, on ne sait pas bien ce qu’ils font, ils prennent des notes, maintenant ils ont des ordinateurs, probablement ils mettent des petites bases de données. Tout ça est probablement inquiétant, il y a peut-être une forme de fantasme qui est lié à tout ça. Mais si on revient quand même à l’origine de ça, le renseignement, dans sa version moderne, c’est la guerre, c’est la seconde guerre mondiale, ce sont les anglais qui au-delà des opérations classiques de sabotage ont considéré que le renseignement contre l’ennemi était quelque chose de très important, on ne va pas refaire l’histoire. Mais en tout cas c’était très clair, déjà pour gagner la guerre au départ et ensuite pour à terme essayer de prévenir tout ce qui pourrait porter atteinte à la sécurité des états démocratiques constitués. Donc c’est relativement clair et c’est relativement sérié. Aujourd’hui on n’est plus dans ce qui pourrait porter atteinte à la sécurité de l’état. Ce qui pourrait porter atteinte à la sécurité de l’état c’est très clair, c’est un putsch, c’est un soulèvement, un attentat contre les membres du gouvernement, contre le président de la république etc., enfin voilà c’est déstabiliser l’état. Par contre, là on est dans un glissement sémantique qui transforme porter atteinte à la sécurité de l’état, en porter atteinte à l’ordre public. Là ce n’est plus pareil du tout parce que porter atteinte à l’ordre public c’est déjà avoir une vision de ce qui serait l’ordre public et moi là déjà, autant la sureté de l’état je vois bien, autant l’ordre public je pense que déjà ça peut être amené à discuter et forcément l’ordre public ça peut concerner plein de gens, ça peut nous concerner nous ici, parce qu’après tout on parle du fichier edvige mais ne sommes-nous pas déjà des gens dangereux. Donc voilà, c’est quoi l’ordre public. Je pense qu’il faudrait le définir de manière très claire. Alors pour retourner un peu à l’Histoire parce que j’aime bien ça, au départ effectivement porter atteinte à la sureté de l'état c’était quelque chose qui pouvait dépasser les gouvernements démocratiques en place, c’était des services constitués etc., or je dirais que la tentation était beaucoup trop grande de faire en sorte que ces services de renseignements, au lieu de servir l’état, servaient l’exécutif proprement dit, et ça c’est toute l’Histoire depuis les années 50 jusqu’à nos jours tant dans les pays moins démocratiques comme l’ex union soviétique que dans tous les pays occidentaux à commencer par les états unis et aussi chez nous. C’est clairement l’ensemble des services de renseignements je dirais sans trop me tromper qui sont directement inféodés à l’exécutif à plein et pas agent de l’état qui sont là et qui perdurent pour maintenir la sécurité de ce même état. Ca fait une énorme différence quand même.

Animateur - Là se pose la question effectivement de l’utilisation des fichiers et évidemment l’utilisation idéologique dans la mesure où l’exécutif en place met en place une politique particulière avec une idéologie particulière et que c’est évidemment un glissement sémantique de considérer la sureté de l’état en ordre public. L’ordre public peut être conçu différemment selon les exécutifs en place.

17 - De mon point de vue, il est intéressant, le simple fait que le débat ait lieu ici et un peu partout, on en parle beaucoup du fichier edvige aux informations, dans les médias, partout, je trouve ça intéressant. Si j’ai bien compris il était possible de la part de ceux qui l’ont mis en place de ne pas dévoiler ce décret, donc de ne pas le publier au journal officiel, donc ne pas faire sortir le débat sur la place publique. C’est intéressant de constater qu’on en parle alors que ceux qui sont au pouvoir auraient très bien pu faire en sorte qu’on n’en parle pas, ça me parait intéressant de le souligner. Après c’est vrai que je trouve ça également intéressant parce qu’il y a l’air de se développer une psychose, des fantasmes, alors c’est bien parce que je trouve que là au moins ça met en exergue la méfiance qu’on peut avoir par rapport à nos institutions de manière générale, on n’a pas tout à fait conscience. Le simple fait de commencer à dire, mais qu’est-ce qu’ils peuvent faire avec ça, chose que je ne ferais pas de ma mère par exemple, elle prend plein de notes, elle aura un fichier sur moi, elle ne me veut pas de mal, ça je le sais alors que là déjà il y a un manque de confiance même une défiance. Pourquoi on a porté au débat public quelque chose qui va susciter de la défiance. Troisièmement point, c’est vrai qu’on est fiché dans tous les sens et donc le fichier n’est pas le problème en lui-même, un fichier n’est rien, c’est celui qui l’utilise en qui on peut ne pas avoir confiance. On est fiché partout, je suppose que demander ici de lever la main qui n’a pas sa carte u, carrefour ou continent ou machin, la carte bancaire. Du coup on est fiché sur des trucs hyper intimes, hyper personnels, très personnels, tout ce qu’on consomme on va en faire un fichier psychologique, une analyse psychologique en fonction des consommations qu’on a. Donc ces fichiers on peut très bien aller les demander aux grandes surfaces, aux multi nationales qui nous ont toutes dans leurs fichiers, on ne s’en inquiète pas de ça parce que ça nous rapporte, ça nous fait économiser un peu d’argent et du coup on voit le coté positif mais on ne voit pas forcément tout ce que ça va impliquer, comment sont faites le publicités, et bien elles sont faites à partir des analyses qu’on fait de nos cartes, de toutes nos cartes commerciales. Quatrième point c’est par rapport à l’ordre public, moi ça m’a fait penser à un bouquin que j’ai lu, c’est un livre de Jacques Verges qui parlait de la justice et le propos de l’ouvrage était de démontrer que la justice, la justice française, n’était pas là pour découvrir la vérité, la rechercher, elle était là pour maintenir l’ordre public. C'est-à-dire que si quelqu’un, un homme public qui a des comportements qui ne sont pas normaux, du coup la justice ne va pas le monter on va dire que c’est quelqu’un d’autre qui l’a fait, comme les disparus de l’Yonne, c’est un gros thème. C’est vrai que ces fichiers, si la justice n’est pas faite pour découvrir la vérité mais uniquement pour maintenir l’ordre social, donc en écrasant tous ceux qui sont facilement écrasables dont on n’entendra jamais parler et en cachant ceux qui sont trop en vue pour être incriminés d’une quelconque lanière. Donc ce qui revient à la défiance, ce manque de confiance apparemment constatable facilement de la plupart des personnes qui veulent parler de ce sujet là.

Animateur - Avez-vous le sentiment que de plus en plus de citoyens se méfient de leurs institutions, ou pas, ce n’est peut-être pas vrai, la plupart des citoyens peut-être font confiance aux institutions, aux différentes structures qui les accompagnent tout au long de leur quotidien. On a parlé des politiques mais aussi on a parlé des groupes commerciaux, avez-vous ce sentiment que les gens se méfient ou que les gens font confiance.

18 - Par rapport à ce qui a été dit, en effet l’Histoire peut nous éclairer sur des problèmes actuels. De tout temps les pouvoirs ont cherché à ficher les personnes, ça s’est vu au 19° avec Fouché et même bien avant. Aujourd’hui, moi personnellement par rapport à ce qui a été dit tout à l’heure par l’animateur, être fiché ça m’est un petit peu égal, je n’ai pas grand-chose à cacher, mes préférences sexuelles ça ne me dérange pas vraiment, tout le monde les connaît, donc peu importe. Par contre si on regarde un peu l’Histoire, c’est vrai que des fois on voit même des démocraties bien établies déraper au cours d’élection, de crise économique et ce qui est un peu inquiétant aujourd’hui c’est de voir avec quelle facilité l’information pourrait être traitée. On peut voir dans les années cinquante aux Etats-Unis le maccarthysme, à l’époque il y avait les fichiers, s’il y avait juste eu à appuyer sur un bouton pour retrouver toutes les inscriptions au parti communiste, les relations avec le parti communiste pour les américains de l’époque, cela aurait pu avoir des conséquences beaucoup plus importantes. Et puis il y a sans doute beaucoup de cas comme ça qu’on peut retrouver où l’on aurait pu trouver, enfin je pense, le pouvoir français aurait pu trouver dans les années quarante plus rapidement s’il y avait juste eu à appuyer sur un bouton. Donc c’est plus par rapport à l’exploitation qui pourrait être faite dans le temps et quelle protection mettre en place par rapport à des dérives pareilles.

Animateur - Là se pose clairement la question de l’alternative, que somme nous prêts à donner pour permettre justement de garantir une certaine sécurité, pour pouvoir appréhender rapidement, pouvoir collecter des informations sur des personnes dites dangereuses pour la sureté de l’état, et qu’est-ce que nous ne sommes pas prêts à donner pour que ça puisse être pris dans ces dérapages. Parce qu’en fait la constitution nous dit doit dépendre de cette interrogation.

19 - Moi je crois qu’il n’y a pas beaucoup d’opinions qui se sont exprimées en faveur de ce fameux fichier. Ce que je constate est quand même, qu’au lieu d’assurer la sécurité des citoyens, l’état autoritaire sarkosyste fait qu’on en vient à une démocratie un peu de la trouille. C'est-à-dire que chacun se méfie, chacun est inquiet. Dans quel état sommes-nous, je ne pense pas que l’état, je ne pense pas qu’un homme politique, puisqu’il s’agit du pouvoir personnel, sarkosyste en l’occurrence, ait à assurer la sécurité d’un état, il a surtout à assurer la sécurité de ses citoyens et à faire que par rapport à cet état impartial, se donner les moyens, contrôlé par les parlementaires, c’est fait pour cela, de telle façon qu’on ne soit pas dans ce dispositif, dans cet état, dans ce système où plus on moins confusément chacune d’entre nous, légitiment est inquiet/ Il suffit de le voir sur les blogs des journaux ou ailleurs pour constater cette inquiétude. Moi j’ai peur parce que par rapport, je trouve que cet outil, cette volonté de contrôle des citoyens, je vais employer un mot, est un petit conçu comme le calvaire de la pensée et ce qui m’inquiète.

Animateur - Je vais préciser qu’ici on n’est pas là pour faire du pro sarkosysme ou de l’antisarkozysme, vous auriez pu citer d’autres termes génériques pour exprimer votre pensée, je pense que ça n’a pas de rapport avec une personne particulière donc on peut parler de gouvernement.

19bis - Est-ce que je peux rectifier, on ne peut pas parler de gouvernement dans la mesure où Sarkozy a tous les pouvoirs.

Animateur - c’est votre opinion.

20 - Nous sommes tous victimes et ce qui s’est passé est déplorable, on a eu un exemple tout de suite d’une certaine politisation de cette histoire. On a commencé par dire qui est le dépositaire, qui fait le fichier, qui l’utilise et je crois qu’on est tous d’accord que la séparation entre le pouvoir et un contrôle qui serait légitime et représentatif est absolument indispensable. Mais cela ne signifie pas forcément qu’on doit se battre contre le gouvernement en place. Je vous rappelle que pendant le Maccarthysme, les américains en général sont assez sensibles sur le point de la séparation des pouvoirs et la totalité de leur bataille contre le communisme passait de la commission sénatoriale, directement aux juges, au pouvoir judiciaire et ce sont les juges qui ont fait des dégâts sociaux considérables, c’est à cause de lois en vigueur aux USA à l’époque du maccarthysme que des écrivains, des cinéastes ont en souffert, ce n’était pas une question de politiques. Alors quand je vois maintenant, ayant mon respect sur ces 180000 personnes qui ont signé les pétitions contre le fichier edvige, action parfaitement légitime, on doit s’exprimer parce qu’en fait c’est comme ça que nous pouvons sur le plan moral contrôler le gouvernement en place. Je ne peux pas quand même me libérer de la pensée que tout ceci procède en bonne partie d’une provocation parce que l’opposition me semble –t-il a la volonté, non pas d’améliorer ce fichier, mais tout simplement de casser l’initiative du gouvernement au nom d’une bataille politique. Alors si on réduit le problème de sécurité nationale au Ping-pong entre le gouvernement en place et l’opposition, c’est nous les citoyens qui en seront les victimes, on doit sur ce plan là, coopérer.

Animateur - C’est important de rappeler que les discours prosélytes et partisans ne permettent pas d’approfondir la question, il faut s’interroger sur le domaine du citoyen et au-delà de toute attache partisane nous avons des choses en commun et là sur cette question des choses cruciales et fondamentales.

21 - Puisque cela n’a pas encore été fait, je vais donner quelques avis positifs sur, non pas ce fichier, mais sur le décret. Si on estime que tout fichier est dangereux et il n’y a pas d’autre solution que de supprimer tous les fichiers, je considère que ce serait une grosse bêtise. Comme je pense que ce serait une grosse bêtise j’ai essayé de trouver dans cette histoire des points positifs. J’ai dit tout à l’heure qu’il me semble que ceux qui ont lancé cette affaire, ont, soit voulu faire parler d’eux, soit ont voulu brouiller les histoires plus importantes qui se passent tout de suite. Mais j’ai dit aussi qu’on était en principe dans une démocratie parlementaire. Si on avait des députés qui fassent sérieusement leur travail, lorsqu’ils ont voté la loi en 2007, je ne me souviens quel mois, loi fusionnant tous les services de renseignements DST, RG et autres, je ne dis pas que tous les députés pouvaient le comprendre mais parmi eux certains sont juristes, ils auraient du comprendre que cela allait se terminer par ce genre de décret. Pourquoi, avant tous ces services avaient leur propre fichier, plus ou moins officiel. Je vais donner un exemple pratique, il y a ici parmi nous un ancien officier de police qui pourrait me contredire, mais je pense que sur ce point il ne pourra pas le faire, je parle de ce qui se fait légalement et non de ce qui peut se faire sous le manteau, les renseignements généraux avaient un individu Dupont fiché  comme potentiellement criminel, quelque part en France est commis un crime, la police judiciaire n’a pas accès au fichier des renseignements généraux, elle ignore par conséquent que ce Dupont est susceptible d’avoir pu commettre ce crime. De manière plus positive, on est quelques-uns ici, en tout cas moi je suis sur de l’être depuis plus de trente ans, j’ai ma fiche aux renseignements généraux, cela ne m’a jamais empêché de vivre, je n’ai jamais été ennuyé à cause de ça. Cette fiche avait une utilité si je devais rencontrer le Préfet, je sais qu’il demandait les renseignements que contenait ma fiche de façon à faire semblant de me connaître quand j’arrivais. Ca n’a rien de dangereux et ce n’est pas pour autant que chaque fois qu’il y avait un crime dans la région la police judiciaire me tombait dessus. Donc il faut faire la part des choses. Un autre point positif qui me semble le plus important, celui que j’évoquais déjà tout à l’heure à savoir que dorénavant et encore une fois en supposant qu’il n’y ait jamais de dérive, je suis peut-être excessivement naïf en disant cela, dorénavant en respectant le décret en question y compris celui en préparation mais qui ne modifie pas ce point là, seuls quelques hauts fonctionnaires nommément désignés pourront accéder à ce fichier. Les autres demandeurs devront passer par leur hiérarchie. Enfin toute interrogation du fichier laissera une trace écrite. Dans le temps et peut-être encore récemment il suffisait de connaître quelqu’un pour obtenir des renseignements, par exemple avant d’embaucher un salarié. Certes ce n’était pas légal mais possible et relativement fréquent.

Animateur - Effectivement le contrôle d’accès à ce fichier est beaucoup plus important et aujourd’hui il y a des dérives qui existent sur les fichiers, les assureurs, les employeurs, il y a tout un tas de dérives qui pourraient être mises en place avec ce genre de fichier au contrôle très restreint, beaucoup plus restreint.

22 - C’est souvent ennuyeux de prendre la parole après quatre cinq ou six interventions différentes, je signale ce malaise dont je ne suis pas seul à subir. A propos de la hantise devant ce fichier edvige, je me dis quelque part, nous quand on veut essayer d’avoir un avis sur les institutions, mais est-ce que nous connaissons réellement l’institution. Je me rends compte que depuis tant d’années, ici au café citoyen on est censé avoir une connaissance du fonctionnement de la société, mais si on faisait un examen sur la connaissance des institutions, on serait étonné du résultat de chacun des membres de l’assemblée, moi en premier. Par exemple je me pose une question à propos du fonctionnement, de l’utilité, de la raison d’être du sénat. En fait on a vécu des années et des années sans avoir conscience du rôle réel du sénat. Je crois que justement par rapport au fichier c’est un peu la même chose, qu’est-ce qui en retourne en profondeur autour de ce fichier, finalement on est tous, enfin en grande partie , dans l’imaginaire, c’est ça peut-être la cause de nos difficultés et qui entraine justement des fantasmes qui sont en grande partie sans doute inutiles.

Animateur - Vous insistez souvent sur la méconnaissance du citoyen à l’égard de ses institutions et c’est vrai que c’est important de connaître nos droits, comment fonctionnent nos institutions.

23 - Plusieurs points, je voulais revenir sur un point qui a été tout à l’heure abordé par mon voisin de gauche, c'est-à-dire immédiatement à ma gauche, donc mon voisin de gauche, je voulais revenir sur cette notion d’ordre public pour essayer de schématiser un peu comment il me parait convenable de voir les choses en ce qui concerne edvige. Tout à l’heure il a été dit le garant des libertés individuelles c’est le juge, donc le pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire répond à une règle d’indépendance, le magistrat sort de l’école de la magistrature, il y a un poste de libre, il est inscrit au poste mais il reste indépendant. En ce qui concerne l’ordre public, et c’est là que se positionne edvige, en ce qui concerne l’ordre public, le garant de l’ordre public c’est le préfet. Le préfet, c’est le pouvoir administratif et la règle ce n’est pas l’indépendance, la règle c’est la subordination. Le préfet est nommé, si je ne m’abuse, par le président sur proposition du premier ministre, donc il y a bien subordination et il a le pouvoir administratif et il fait ce qu’on lui demande. Alors là-dessus on pourrait, je ne vais pas le faire parce que le débat serait encore plus long, on pourrait revenir sur cette manière, depuis 1995 je le disais tout à l’heure, de mettre en exergue la délinquance de voie publique, pour à terme, favoriser l’émergence du préfet et renforcer son pouvoir. Là on en arrive en fait à des situations comme edvige. Je voulais revenir également sur un autre point, c’était les modifications apportées au fichier et la précision qui a été faite tout à l’heure concernant la possibilité d’en sortir sur demande dans certaines conditions. Alors sur ce point, pour moi-même avoir travaillé longtemps avec ce genre de fichier, je voudrais rappeler, je vais utiliser la formule de Lavoisier, en ce qui concerne la sortie du fichier, c’est que rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. C'est-à-dire que vous allez sortir du fichier pour aussitôt partir dans le fichier de ceux qui ont demandé à être retirés, vous voyez le truc. Donc en fait l’information sera disponible tout le temps, il ne faut pas croire que parce qu’on fait la demande on n’est plus nulle part, et je parle en connaissance de cause. En ce qui concerne toujours ces exceptions, vous remarquerez que dans les nouvelles modifications, on a utilisé plusieurs techniques qui consistent à enrober un peu les choses et à noyer le poisson. Déjà on a changé de nom, en rhétorique manipulatrice, en technique de persuasion, ça dépend comment on veut appeler ça, on va être politiquement correct ou pas, on reformule souvent quand on veut convaincre. Reformuler c’est nommer autrement, là c’est que l’on a fait, on a pris edvige, on a donné un autre nom, ce n’est pus edvige, donc c’est moins grave. Ensuite on a dit bien non ce n’est plus les mineurs de treize ans, c’est les mineurs de seize ans. Là il y a quelque chose à dire quand même. Du point de vue juridique, en tout cas dans le domaine pénal, quand on parle d’un mineur de quelque chose ça veut dire tout le temps la même chose, un mineur de seize ans c’est un mineur qui a moins de seize ans. Dans une action pénale par exemple, pour définir la responsabilité des jeunes, l'ordonnance de Février 1945 qui parle des mineurs de treize ans, des mineurs de seize ans et après il y a les majeurs. Qu’est-ce qui se passe de treize à seize, l’ordonnance ne le dit pas, le droit pénal ne le dit pas, le droit en général ne le dit pas. Seulement quand dans edvige on dit que maintenant on ne parle plus des mineurs de moins de treize ans mais de moins de seize et bien implicitement à treize ans et un jour on peut entrer dans le fichier parce que l’on est mineur de seize ans on n’est plus mineur de treize ans, on est mineur de treize ans et un jour. Donc pour moi ça ne change pas grand-chose. On utilise également des termes qui sont des absolus, comme circonstances exceptionnelle. Là aussi c’est une technique très connue pour noyer le poisson. Circonstance exceptionnelle pour moi c’est exactement du même acabit que susceptible de, c’est encore une fois un garde-fou que se donnent les rédacteurs de ce texte pour, je pense en tout cas, noyer le poisson, ça n’engage que moi. En ce qui concerne l’accès au fichier, je termine avec ça, effectivement pour accéder au fichier il faudra être identifié. Alors ça peut être par un numéro d’identification ou par une référence à un positionnement dans la hiérarchie des différents services. Seulement ça aussi c’est une manière courante de travailler dans les différents services, il faut savoir par exemple que dans le système judiciaire, quand il y a une commission rogatoire délivrée par un juge d’instruction, elle n’est pas délivrée directement à l’opj qui va en être chargé, elle est délivrée à l’autorité sous laquelle l’opj travaille, donc finalement l’opj n’apparaît nulle part sauf que c’est lui qui fait le boulot. Ca veut donc dire que lorsqu’il s’agira dans un cas comme celui-ci nous aurons par exemple le commandant de la sureté urbaine qui sera habilité en permanence à consulter edvige, mais vous vous doutez bien qu’au quotidien ce n’est pas lui qui va consulter, ce sont les agents suis sont se subordonnés et donc il y aura une délégation permanente en règlement intérieur qui fera que ces gens consulteront edvige tout le temps. Donc c’est encore une fois faire fausse route que croire qu’il y aura des garde-fous réels.

Animateur - Selon vous, dans la rédaction des textes, dans la rédaction des décrets, le flou selon vous est entretenu pour mettre d’avoir une latitude la plus large possible pour utiliser cet outil. On va essayer de revenir sur cette interrogation, en va prendre les quelques dernières interventions, il reste dix minutes, et s’interroger aussi, parce que là on est dans le domaine de l’inquiétude quand même, et des possibles déviances.

24 - Dans ce débat on a beaucoup parlé de l’ordre public. Je voudrais apporter quelques précisions là-dessus. Le préfet n’est pas garant de l’ordre public, le préfet est habilité à prévenir les troubles à l’ordre public, empêcher des manifestations éventuellement qui troublent l’ordre public, c’est sa mission. Par contre le garant de l’ordre public c’est le conseil d’état. Moi je peux vous dire par expérience que j’ai vue des arrêtés de préfet notamment en matière d’expulsion, même du ministre, qui ont été cassés par le conseil d’état car il a considéré qu’il n’y avait pas atteinte à l’ordre public. Donc le garant en matière d’ordre public c’est le conseil d’état, ce sont les tribunaux administratifs. Alors l’ordre public, on peut se poser la question, qu’est-ce que c’est l’ordre public. C’est une notion qui a été définie par la jurisprudence administrative, l’ordre public c’est tout, atteinte à l’ordre public c’est tout ce qui concerne les atteintes à la tranquillité publique, à la sécurité publique, voilà exactement ce que c’est l’ordre public, ca a été défini par les juridictions administratives. Je reviens sur ce qu’a dit Marc tout à l’heure, pourquoi les gens ne réagissent pas. Vous savez qu’on est dans un état providence, quand vous interrogez les gens ils disent mais que fait l’état, on a besoin de l’état etc. Alors là il y a quelque chose d’un peu schizophrénique quand on voit à la fois, on veut beaucoup d’état et puis d’un ordre coté on dit ah ! Oui mais l’état il en fait trop, il nous étouffe.

Animateur - Ca peut être aussi une autre question pour un autre café citoyen, notre rapport à l’état ?

25 - Je voulais juste abonder dans le sens du monsieur au fond qui a parlé tout à l’heure. Il n’y a pas que dans les textes du fichier edvige ce que j’appelle le flou artistique, mais aussi dans les textes qui sortent régulièrement dans tous les domaines, pas forcément liés au fichier edvige. Je pense que l’on ne peut pas ne pas y voir la volonté de pouvoir à la suite interpréter quand ça peut être utile selon le moment, selon le pouvoir en place. Si les fichiers existent, ils existaient avant, ils existeront toujours, on est tous d’accord, il y a quand même des choses qui moi me gênent beaucoup surtout en ce qui concerne l’enfant. Ca n’est pas que le fichier edvige, on peut me contredire, je me trompe peut-être, mais il n’y a pas si longtemps on parlait d’un autre fichier qui avait été demandé dans les établissements scolaires sur les enfants perturbateurs, et ce n’était pas là à l’âge de treize ans, c’était beaucoup plus petit. Je me demande comment on peut ficher un enfant dès l’âge de la maternelle ou du primaire parce qu’il a des réactions violentes. J’ai trois petites fils, on pourrait les considérer comme des futurs bandits parce qu’ils se tapent dessus. Je crois qu’il y a quand même une convergence de textes qui sont, je suis désolée mais peut- être qu’on peut étudier les textes autrement et en tout cas ce qui me semble très important c’est que même si certains fichiers doivent exister surtout pour la protection du territoire, il importe que les citoyens soient très vigilants pour réagir immédiatement quand il y a des dérives de ce type là.

Animateur - On peut aussi s’interroger sur le fait que ça peut aussi permettre d’aider tout un nombre de personnes qui aident l’enfant dans son parcours sachant qu’il peut être violent.

26 - Moi je reste toujours aussi troublée par l’ordre public, monsieur tente de nous donner une définition de l’ordre public, il semble que ça reste aussi flou, tout ce qui porte atteinte au public, c’est quoi exactement. Est-ce que c’est la même chose que pour tout état en place, toute philosophie en place, j’ai l’impression que c’est un peu flou ça.

Animateur - Comment définissons-nous l’ordre public en fait, qu’est-ce que c’est que cet ordre public ?

27 - Je vais essayer d’être rapide pour dire simplement ce que je crois d’un point de vue général, on se rend compte avec toutes les interventions et edvige en est un symptôme, on se rend compte quand même que la démocratie risque, ou ses valeurs risquent quand même d’être un peu mises à mal. Je crois que ce n’est pas, j’ai envie de dire c’est quasi normal au sens où, si on regarde un peu ce qui s’est passé pendant ces cinquante dernières années, ou ces cent dernières années, l’essor de la démocratie occidentale, c’est en même temps l’essor d’une puissance économique, un état qui se structure, je dirais des besoins fondamentaux qui augmentent, on sort de cette nécessité, je dirais de manger, on arrive à des besoins un peu plus élaborés. Et puis il y a aussi, depuis les années cinquante jusqu’au début des années 90, on est quand même dans une bipolarisation du monde, et cette bipolarisation favorise quand même la stabilité, elle favorise entre autres choses le développement de nos démocraties occidentales. Aujourd’hui il y a plusieurs facteurs qui à mon avis mettent à mal cette démocratie, c’est la multi polarité, le mur est tombé et c’est relativement important parce qu’on ne sait plus où sont les pouvoirs, c’est aussi la crise économique très forte qui est en train comme par hasard d’arriver chez nous en passant toujours comme d’habitude par les USA. Sans vouloir me tromper je crois que ces événements là vont être très, très graves, du coup moi ça me fait comprendre pourquoi, je dirais, la démocratie en tant que système politique qui sépare les pouvoirs, qui fait du débat, qui fait de la discussion, crée des lois lentement etc., je dirais que ce système en tant que tel pourrait être mis à mal par une nécessité impérieuse de sauvegarde de choses plus importantes. Ca je crois que nos gouvernants l’ont peut être compris. Alors je ne dis pas que c’est bien, j’essaie de comprendre ce qui amène toutes les démocraties occidentales à raisonner de la même manière. Quand on a fait la cinquième république, De Gaulle a en même temps inventé la loi d’exception, ça prouve bien qu’à un moment donné, il y a des choses de l’ordre de la démocratie, du fonctionnement habituel en temps de paix qui s’adapte mal à la période de crise. Ca il faut en être parfaitement conscient, c’est l’histoire de la démocratie qui le dit, ça s’est toujours fait comme ça, la démocratie c’est compatible avec la paix, lorsqu’on est en période très troublée, en général ce n’est pas la démocratie qu’on prend comme système politique. Ca je pense qu’il faut en être conscient parce que je crains que des temps troublés nous attendent quand même.

Animateur - Il ne faut pas relancer le débat non plus, mais ça peut nous permettre de formuler une autre question pour un prochain café.

28 - Je veux simplement faire observer une chose. On a pas mal discuté d’un texte mais en ne discutant pas forcément sur le texte tel qu’il existe aujourd’hui au journal officiel, mais beaucoup plus sur les interprétations données, soit par la presse écrite ou parlée, soit par les politiques. Le décret en préparation on ne peut pas se le procurer puisqu’il n’est pas encore publié, j’ai trouvé le projet sur internet mais ce n’est pas encore le texte officiel. Mais je me demande dans quel but précis on manipule ainsi les gens, dans un sens ou dans un autre en parlant de texte mais en sortant du contexte des phrases, quelquefois des mots, alors que la seule façon de juger que ce soit un texte ou autre c’est d’avoir la réalité, de juger quelque chose de réel et non pas une chose présentée de façon tronquée. Monsieur l’a dit tout à l’heure lorsqu’on amène un débat au niveau de la bagarre politicienne ça devient ridicule.

Animateur - Et inefficace effectivement. Gardons-nous bien de sombrer dans les combats partisans, ici on s’intéresse vraiment aux intérêts du citoyen, à l’intérêt général et donc il faut se préserver de toute interprétation d’une partie d’un texte avec toute l’idéologie qui va derrière.

28bis - Je n’évoquais pas spécialement le débat de ce jour.

Animateur - Bien sûr, je généralise. C’est effectivement ce vers quoi il faut tendre. Merci d’avoir participé à ce débat, nous allons maintenant choisir le thème du prochain café citoyen. C’est important parce que ça fait partie du fonctionnement démocratique tout le monde peut proposer et ensuite on vote ensemble.

Thèmes proposés et votes :

1 - Nécessité de la transparence : leurre ou réalité ? 11 voix
2 - Comment expliquer la longévité de la cinquième république ? 4 voix
3 - Entre les murs : comment lutter contre l’exclusion en milieu scolaire ? 11 voix
4 - Que penser du projet Google sur le mieux être mondial ? 4 voix
5 - En tant que citoyen, de quoi suis-je responsable ? 19 voix
6 - La lutte pour la protection de l’environnement nécessite-t-elle la création de nouveaux projets ? 4 voix
7 - La crise internationale menace-t-elle l’économie française ? 6 voix
8 - Quel est le rôle du Sénat ? 6 voix
9 - Ou en est l’instruction civique ? 5 voix
10 - Opinion publique : les démocraties occidentales sont-elles prêtes à faire la guerre ? 13 voix
11 - Laïcité, exception identitaire ou véritable universalisme ? 7 voix
12 - L’Europe est-elle hrétienne ?9 voix

PROCHAIN DEBAT LE SAMEDI 11 OCTOBRE : En tant que citoyen, de quoi suis-je responsable ?

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