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Victor Hugo (1802 - 1885)

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La recherche scientifique est-elle vraiment indépendante ?

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Qui doit déterminer les priorités de recherche ? La communauté scientifique ? Le personnel politique ? Les citoyens ? Comment les recherches peuvent-elles être menées, évaluées ? Quid des considérations économiques, politiques et idéologiques ?

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Ce débat a eu lieu le 24/04/2010 à Caen. Vous pouvez continuer à échanger sur le sujet.

Interventions

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Meyer

mardi 11 mai 2010 08:44:50 +00:00

La recherche scientifique est-elle réellement indépendante ?
Introduction (Jean-Luc Meyer, Caen)
On peut d’abord s’interroger sur ce qu’est la science : on peut proposer comme définition qu’il s’agit d’une démarche de l’esprit humain qui tend à expliquer ou comprendre les phénomènes naturels par une méthodologie qui lui est propre, par des moyens empirico-rationnels. A priori, également, la science – en fait la recherche fondamentale - doit par nature être « désintéressée », c’est-à-dire ne pas être soumise (où le moins possible) à des impératifs politiques, économiques ou sociaux. Dans les faits, à partir du moment où la science et les scientifiques sont rétribués par l’Etat, donc les citoyens, comment la science peut-elle ne pas être orientée en fonction des besoins socio-économiques, cad devenir utile et utilisable ?: d’ailleurs ne parle-t-on pas de produire des connaissances, comme on produit n’importe quel bien ? Mais comment concilier utilitarisme, voire dirigisme et découverte fondamentale par nature aléatoire, si ce n’est au détriment de la manière même de concevoir la science ? Sans doute le savant devait-il descendre de sa « tour d’ivoire », mais comment ne pas se perdre au sein d’une société multiforme aux intérêts divergents ? C’est me semble-t-il l’un des grands enjeux du devenir scientifique.
Bien que beaucoup considèrent la science comme une activité autonome par rapport aux autres activités humaines (conception internaliste), on doit pourtant s’interroger sur son indépendance relative par rapport aux autres activités humaines : politique, économie, technique…On constate ainsi qu’un grand nombre de facteurs peuvent influer sur l’activité scientifique et donc interférer plus ou moins sur celle-ci : les éléments participant à l’élaboration de la science sont non seulement très nombreux, mais reliés les uns aux autres : dans la recherche contemporaine, tel chercheur va utiliser un produit « X », produit par telle entreprise, pour réaliser une expérience « Y » en se servant d’instruments produits par une autre entreprise, pour obtenir une réponse à une question qui intéresse tel sponsor ou telle institution publique, ou privée.
Les diverses activités humaines agiraient ou influeraient donc plus ou moins consciemment sur l’activité scientifique elle-même ( conception externaliste ) : ainsi, l’économie, la technique, la société interagissent en déterminant à leur tour une représentation du monde dominante à une période donnée, laquelle fixerait un cadre de pensée à la science.
De même, les facteurs sociologiques, comme la place du chercheur dans la société, l’influence des Institutions où il travaille, ainsi que sa psychologie propre influeraient sur ses recherches. L’acceptation on non de ses travaux dépendrait aussi pour partie de sa notoriété, de la non remise en cause de certains consensus implicites, voire de l’attente des principaux décideurs .
On peut ainsi légitiment s’interroger sur l’influence du contexte social sur la production des connaissances scientifiques. Certains sociologues, comme Gérard Lemaine et Benjamin Matalon envisagent la science comme un « système d’échanges » et de lutte . Pierre Bourdieu (1930 – 2002) voyait aussi l’espace scientifique comme un espace dominé par les règles du marché et de la compétition : le champ scientifique est un lieu de lutte entre scientifiques pour le pouvoir, la reconnaissance, les postes, les crédits, l’orientation donnée aux recherches....Pour d’autres, Barry Barnes et David Bloor, le contexte social et culturel général détermine la science, c’est-à-dire le contenu même des théories scientifiques.
? Pour prendre un exemple du poids des Institutions dans la propagation de certaines « valeurs », on peut noter la nomination à un poste important d’un représentant d’un courant de pensée que certains veulent faire prévaloir : Ainsi, P. Singer, qui tend à nier une certaine spécificité propre à l’embryon humain en regard de l’animal, s’est vu proposer le poste de titulaire de bioéthique à l’université de Princeton aux USA.
? Il y a donc nécessité, pour bien évaluer un concept ou une théorie scientifique, de comprendre les motivations, les valeurs et les institutions d’une époque donnée, en un mot, le contexte dans lequel s’inscrit la science.

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