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Compte-rendu synthétique par Élisabeth RodotCafé Citoyen de Argentan (16/09/2003)

Animateur du débat : Élisabeth Rodot

» Politique et Société

La grève : seul moyen d'action pour les salariés ?

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La grève est un des moyens de lutte que le mouvement ouvrier a conquis au cours des luttes sociales du siècle dernier. Depuis 1946, « le droit de grève s'inscrit dans le cadre des lois qui la réglementent » (Préambule de la Constitution Française), c'est-à-dire qu'on ne peut plus licencier un travailleur pour fait de grève. Par définition celle-ci est la conséquence passionnelle d'un rapport de forces, un moyen de pression que les travailleurs utilisent pour obtenir du patronat la satisfaction de revendications précises. Mais les événements du printemps dernier nous conduisent à reconsidérer les effets plus ou moins pervers de cette forme d'action. Est-elle encore adaptée à la société française telle qu'elle est actuellement ? Pourrait-on imaginer d'autres moyens de lutte plus efficaces ?

Les grèves actuelles sont catégorielles, de sorte qu'une partie de la population qui revendique de cette manière gêne les autres catégories qui ne sont pour rien dans le conflit en cours. Par exemple le printemps dernier la grève des enseignants a plus perturbé les parents d'élèves que le ministère de l'Education Nationale. Notre société étant particulièrement individualiste, les couches de la population qui ne sont pas directement concernées par les revendications des « fauteurs de trouble » ont vite fait de se dresser les unes contre les autres, ce qui fait le jeu du gouvernement : on dresse le public contre le privé, on divise pour mieux régner.

Les syndicats ne sont pas non plus pour rien dans les échecs récents : avant d'en arriver à la grève, il y a des négociations, mais en France on a l'impression que les négociateurs ne sont pas vraiment mandatés par les militants de base. Il y a un problème de représentativité interne au mouvement syndical : ceux qui sont à la tête laissent difficilement la place aux remplaçants éventuels. La direction se coupe peu à peu de la base, du coup les salariés sont de moins en moins nombreux à adhérer, et ainsi les syndicats perdent de leur pouvoir lors des rapports de force avec le patronat. Quand on compare avec le mouvement syndical en Allemagne ou en Angleterre, où les dirigeants sont vraiment en adéquation avec la base, on constate qu'une plus grande cohésion renforce l'efficacité des négociateurs…

Devant la difficulté de se faire entendre, face au désaveu des autres couches de la population, les salariés sont souvent conduits à durcir leur mouvement, à se comporter de manière jusqu'au-boutiste et à employer des méthodes violentes et fascisantes (voir conflit des routiers de 1995) qui, si elles sont en général payantes, ne sont pas acceptables sur le plan éthique.

La grève, en paralysant l'appareil de production, peut aussi être suivie d'un effet boomerang néfaste aux salariés, entraîner des difficultés économiques telles que ceux-ci se retrouvent licenciés, par exemple.

En constatant tous ces effets pervers, nous nous sommes demandés pourquoi la grève était si peu productive aujourd'hui. Il y a eu des moments de notre histoire sociale où les mouvements de grève ont fait progresser les conditions de travail et ont été décisifs pour la conquête des droits des salariés. Mais dans le contexte actuel de la mondialisation, dans une société où les détenteurs du pouvoir sont de plus en plus difficiles à identifier (ex : actionnaires d'une grande entreprise), les travailleurs ont de plus en plus de mal à savoir qui affronter, comment construire un rapport de force bénéfique pour leurs revendications : l'ennemi est devenu diffus et insaisissable.

De plus, même si le droit de grève existe, peu de salariés y ont accès concrètement. Seuls les cadres moyens de la fonction publique peuvent « s'offrir le luxe » de faire une longue grève. Les salariés du privé risquent leur emploi ; les petits salariés (aide-soignantes…) n'ont pas les moyens de faire grève, et les chômeurs sont, de fait, privés de ce moyen d'action. Dans une société de plus en plus axée sur le service et de moins en moins sur la production, il nous faut bien reconnaître que les rapports de force ont changé. La force du patronat est de pouvoir délocaliser l'outil de production. Notre société est aussi de plus en plus composite, les intérêts des salariés ne sont pas forcément les mêmes pour tous. Quant aux ouvriers, ils n'ont plus le nombre pour eux et ne représentent plus une force significative. On peut se demander aussi s'il faut se crisper à tout prix sur certains acquis sociaux (retraite à 55 ans pour les conducteurs de train ???), dans une société où les données démographiques ont changé (de plus en plus de personnes âgées).

Dans ce nouveau contexte, il nous est nécessaire de trouver d'autres moyens d'action plus adaptés et plus productifs. Nous avons parlé du boycott, de cahiers de doléances… Il reste important de montrer à nos dirigeants qu'une grande partie de la population « ne baisse pas les bras » et est toujours prête à se mobiliser : peut-être faire une manif une fois par mois, le dimanche ? Il est important aussi de se servir des moyens de communication modernes (medias, Internet) pour promouvoir une auto-éducation de masse, favoriser les points de contacts entre les différentes couches sociales, et utiliser l'opinion publique comme un véritable levier. Les contre-pouvoirs qui sont apparus face aux nouveaux rapports de force (OMC contre Cancon) doivent être développés et étayés par un mouvement de fond, de masse, par une prise de conscience plus large des citoyens (d'où l'importance des cafés citoyens).

Thèmes proposés pour le Café Citoyen du mardi 14/10/2003 :

- Y a-t-il une évolution dans les relations humaines ?
- Comment définir la culture ? thème retenu
- Comment susciter l'envie de communiquer entre citoyens ?
- Comment vivre avec les personnes âgées ?

Interventions

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Laura

jeudi 17 janvier 2013 11:55:31 +00:00

Néanmoins trop de grève tue la grève. En France il y a des grève trop souvent, les gens ne réfléchissent même plus autrement que par ça.
Forcement, ils ne sont plus écouté.
De plus avec le service minimum obligatoire, le gouvernement s'est assuré des grêves light!!!!

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