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Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (12/06/2004)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Démocratie et Citoyenneté

La publicité et le citoyen

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Aujourd'hui, la publicité est omniprésente. Pas de journal sans annonceur, pas de coin de rue sans affiche publicitaire, pas d'émission de télévision sans réclame. A tel point qu’elle est devenue un objet culturel en soi qui compte admirateurs et détracteurs.

L’essor de la publicité n’est que très récente historiquement. Elle ne se développe véritablement qu’à partir du XIXème siècle, à l’heure de la révolution industrielle, lorsque la consommation s’adresse au plus grand nombre. L’accès à la consommation de masse s'associe alors à une certaine idée du progrès et à l’amélioration des conditions de vie.

Le but de la publicité n’est pas caché : vanter les mérites d’un produit pour augmenter ses chances d’être acheté. Tout au long du Café Citoyen, nous nous sommes interrogés sur les moyens employés et les méthodes utilisées. Avec cette interrogation sous-jacente : la publicité nous ment-elle ?

Mais qu’est-ce que mentir ? Le Bureau de Vérification de la Publicité (BVP)1 a pour devise : « séduisez-moi mais ne trichez pas ». Où s’arrête la séduction, où commence la triche ? Il existe bien des règles déontologiques, ou plutôt des recommandations. Comme l’obligation de mentionner des informations importantes sur un produit, notamment le crédit à la consommation. Mais qui lit les textes défilant à vitesse grand V en bas de son écran de télévision ? « Et que dire de la notion de publi-reportage  ? » lance t’on dans la salle. On associe également à certains produits des vertus médicales, et plus généralement une quête du bonheur, du bien-être. Qui plus est, le monde publicitaire possède une capacité étonnante à s’adapter au contexte social, voire à s’approprier des préoccupations civiques ou humanitaires quitte à se faire le défendeur de telle ou telle cause. La frontière est mince entre la promotion et l’utilisation de ces valeurs. Il devient difficile de condamner une approche publicitaire qui promeut le bonheur des enfants, le respect de l’individu, la protection de l’environnement… On peut d’ailleurs interpréter cette forme de publicité comme une réelle volonté de sensibiliser la population. Ne rejoint-on pas ici la pratique du mécénat même si cette dernière ne se soucie pas ou peu des répercutions médiatiques ?

Notons toutefois que même si un forme de publicité véhicule des valeurs civiques et nous sensibilise à des questions sociales et collectives, elle peut avoir pour effet de seulement contenter nos propres souhaits d’un monde meilleur voire de nous donner l’impression que le monde change « tout compte fait ». La citoyenneté ne se résume pas à adhérer à telle ou telle valeur mais à donner de son temps. C’est un exercice régulier qui aboutit à la découverte du citoyen qui est en nous.

Plusieurs interventions dénoncent le caractère pernicieux des méthodes publicitaires. Les publicitaires font appel quelquefois mais très rarement à l'intelligence et au raisonnement du client potentiel en lui offrant une publicité informative. Plus souvent, les techniques publicitaires font intervenir certains automatismes mentaux, cherchant plus à frapper l'imagination qu'à convaincre rationnellement (technique du slogan, de la répétition). Enfin, une stratégie de plus en plus utilisée consiste à s'adresser à l'inconscient du consommateur à l'aide de messages suggestifs. C’est le cas lorsqu’« une femme très svelte à moitié nue mange un yaourt ». Par suggestion et associations d’idées, la publicité cible son message vers des segments précis de clientèle. Nul doute que la publicité s’apparente ici à une science qui étudie la psychologie du consommateur. Cette forme de publicité ne représente-t-elle pas un danger, une sorte d’étau psychologique moderne ?

Des mouvements « anti-pub » se sont développés depuis quelques décennies. Certains insistent sur les effets psychologiques de la publicité, d’autres sur la dégradation de l’environnement et du paysage (destruction des forêts pour le papier, pollution visuel, etc.), d’autres enfin sur le caractère sexiste de certaines publicités. D’autres groupes s’attachent au contraire à souligner le caractère culturel de la publicité, son côté novateur, expérimental, voire artistique. C’est l’objet de quelques émissions, par exemple la fameuse émission « Culture Pub ».

Quelqu’un dans la salle précise que « la publicité est un art comme un autre. C’est tout de même le consommateur qui décide au final. Il ne faudrait pas déresponsabiliser le citoyen lambda ». Notre implication dans le processus de consommation est en effet importante. Il ne faudrait pas exclure ce consommateur qui participe grandement à huiler les rouages d’un système dont il profite. Il existe également des magazines d’information qui apportent aux consommateurs attentifs des données techniques et comparatives. Un autre intervenant explique que le problème de l’obésité aux Etats-Unis, attribué aux barres chocolatées et autres sucreries en tous genres, est en grande partie dû à une façon de vivre qui délaisse l’exercice physique au profit de la voiture et de la télévision.
Toutefois, les enfants, êtres dépendants, fragiles et immatures, échappent à cette louable notion de responsabilité. Aujourd’hui éduqués dans un fort contexte publicitaire, les enfants ne sont-ils pas plus perméables, donc plus vulnérables, au messages publicitaires ? Ceci est particulièrement préoccupant lorsque l’on sait que les techniques publicitaires reposent de plus en plus sur le sentiment. « Une éducation envers les enfants est nécessaire pour leur apprendre à démasquer certaines mécaniques. »

La publicité utilise tous les types de supports. De la télévision au papier journal, de l’affiche 4 par 3 au SMS2, jusqu’au Spam3. N’existe-il pas une confrontation entre espace publicitaire et espace public ? Certains parlent de privatisation de l’espace public au regard de la liberté individuelle bafouée. La publicité imposerait des représentations, formaterait les esprits. Quelqu’un évoque même un certain endoctrinement de notre société de consommation. Particulièrement visible dans le fait que les marques imposent leurs codes et contentent le besoin qu’ont les gens d’appartenir à un groupe.

Une grande part de l’économie française repose sur la publicité, les métiers de la communication notamment. Beaucoup de magazines adoptent pour modèle économique la publicité comme unique entrée financière. Quelles seraient les conséquences si demain la publicité n’existait plus ? Des pub nous invitent tout de même à aller au spectacle, à nous cultiver plus généralement. Doit-on dissocier une mauvaise publicité d’une bonne publicité, et selon quels critères ?

D’un point de vue plus global, auparavant le système économique français utilisait le bouche à oreille comme vecteur de croissance d’un produit. De nos jours, le développement de la zone de chalandise d’un produit (ainsi que sa durée de vie de plus en plus courte) et l’augmentation de la concurrence aboutissent à une véritable nécessité d’informer le consommateur que tel ou tel produit existe. Cette information irait même plus loin en créant des besoins factices. Avons-nous besoin d’être informés que les paquets de cigarettes existent ? Ou même que tel ou tel produit « nouveau » (et forcément révolutionnaire) a fait son apparition ?

Un message publicitaire, pour être efficace, doit être simple (et pour être facilement assimilé utiliser des valeurs universelles). Un intervenant nous fait remarquer que depuis que la publicité a investit le champ politique, le débat s’est appauvri, l’esprit critique et l’argumentation se sont effacés derrière la sacro-sainte communication. Le marketing politique est particulièrement visible sur les professions de foi électorales qui ressemblent désormais à des dépliants publicitaires. Le message est aseptisé, consensuel.

La publicité révèle finalement la société dans laquelle nous vivons et à laquelle nous participons. Il nous est finalement difficile de décider et de choisir en toute conscience tant les pressions qu’exerce sur nous notre société sont importantes.

Choix des thèmes pour le café du 12 juin 2004 :
Nombre de voix | Thème
12 - Doit-on tout attendre de l’Etat ?
11 - Le mariage homosexuel.
1 - Comment faire pour juguler l’abstention ?
5 - Tolérance entre citoyens.
4 - La jubilation de la provocation.
15 - Droite et Gauche ont-elles encore un sens aujourd’hui ?
7 - L’Europe et la campagne des Européennes.

Interventions

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