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Compte-rendu analytique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (19/02/2003)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Politique et Société

Comment percevons-nous les jeunes ?

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Vous consultez actuellement le compte-rendu analytique du débat (intégralité des échanges)

Vous pouvez également en consulter une synthèse :

1 – J’ai souhaité débattre de cette question parce que je suis un peu irrité par la vision négative voire dis qualifiante des jeunes que je vois dans les médias. Ce qui m’intéressait c’était de voir ce qu’en tant que citoyen nous avions comme responsabilité. Et ce que nous pouvons faire pour que les jeunes soient réellement intégrés par la société, et vus par les adultes comme des citoyens à part entière. Ce que j’entend actuellement, c’est « l’insécurité, c’est les jeunes », « la conduite en état d’ivresse, c’est les jeunes », « qui se drogue et fume du hasche ? C’est les jeunes ». On a toujours une image dis qualifiante. Et je trouve qu’il y a d’autres valeurs actuellement chez les jeunes. Que nous adulte, nous sommes aussi responsable de l’image actuelle. Et surtout responsables de ce que nous leur donnons comme moyens pour accéder à leur autonomie et avoir une place réelle dans la société. On exige beaucoup d’eux. Est-ce que l’on exige autant de nous ? Je n’en suis pas sûre. Car on a des fortes exigences de niveaux de qualification, d’engagement dans la société. On leur demande beaucoup. Et je voulais donc parler de cette image disqualifiante.

A – Alors ce débat va peut-être nous permettre de savoir l’image que l’on a des jeunes aujourd’hui.

2 – Alors les jeunes, je les connais par mes enfants. Je ne suis pas enseignant. Effectivement, on parle des jeunes aujourd’hui. Mais est-ce qu’avant on ne parlait d’autre chose. Il faut considérer les jeunes à mon avis comme des enfants qui vivent dans un monde très différent du notre. Nous n’avons pas le même monde. Comment les jeunes nous verraient-ils. Comment les jeunes voient-ils « leurs vieux » ? Il y a une réciprocité. A telle point qu’il faut se demander si une éducation des « vieux » ne serait pas nécessaire.

A – La vous parlez d’un effet miroir. Et de quelque chose d’assez présent dans notre société, cette manie de sectionner la société en plusieurs corps, les jeunes, les vieux. On découpe la société, on en fait des bouts corporatistes.

3 – J’ai la faiblesse d’aimer les jeunes. La jeunesse n’est pas un état, c’est transitoire, on vieillit tous les jours. Les jeunes, ce sont des futurs adultes. Ils ne disent jamais « de mon temps ». Forcément, le leur, c’est l’actualité. Nous on leur dit quelques fois ce « de mon temps ». On dit aussi « tu verras, quand tu auras mon âge ». Cela veut dire : « tu as des idées, tu as de l’enthousiasme, mais un jour tu seras déçu ». Je pense que les jeunes ont plusieurs avantages : la santé évidemment, une foi dans l’avenir, même si celui qu’on leur a préparé n’est pas très souriant. Ils sont anti-raciste, anti-fasciste, solidaires, entre eux d’abord mais bon, ça c’est bien. Ils savent que pour avoir une place dans la vie, il faut faire ses études sérieusement, avoir ses diplômes, c’est difficile d’avoir un boulot même quand on est qualifié. Je pense qu’ils sont lucides sur leur société. J’ai vu par exemple le soir du 21 avril (présidentielles de 2001 NdT), les jeunes sortir dans la rue, et pas encadrés par des partis politiques, pour dire nous la République c’est important. Beaucoup n’ont pas voté, pas plus au deuxième tour qu’au premier, c’est leur affaire mais j’espère qu’ils reviendront au vote sérieusement. Dernier point, ils sont moqueurs, anticonformistes. Leur irrévérence me plait beaucoup.

A – Bon, il y a deux idées importantes. Alors on attribue de grandes qualités aux jeunes, ou alors on les descend en flèche. C’est soit loin soit l’autre. Vous nous dites que les jeunes sont anticonformistes, qu’ils refusent de manger toutes les couleuvres qu’on leur sert. Je n’en suis pas si sûr. La jeunesse peut être aussi très bien manipulée. Ceci dit un point important, c’est a vision que l’on a de la vie lorsque l’on est jeune. L’utopie. Ils rentrent dans une société, une nouvelle structure dans laquelle ils vont devenir des citoyens responsables.

4 – Je suis heureux que ce débat soit ouvert. J’apprécie beaucoup le thème. Je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir un malaise tout de même, parce que lorsque l’on pose ce problème de cette manière on s’enferme. Je pense à la réflexion de général MacArthur qui disait : « Qu’est-ce que c’est qu’être jeune, ce n’est pas un âge physique, c’est autre chose ». Je me souviens étant jeune, au sens conventionnel du terme, avoir chanté « jeunesse, jeunesse, printemps de beauté ». Et je participe, malgré ma vieillesse, ma vieillardise si j’ose dire, à des mouvements de jeunes. Il n’y a aucun problème actuellement parce qu’il y a un élan de vie extraordinaire. A l’université par exemple, un groupe s’est formé, certainement pas parfait mais qui est en recherche, qui s’appelle l’université autonome. J’ai pensé aussi aux travaux de Thérèse Brosse, qui a édité son livre « la Conscience Energie », dans lequel elle dit que les difficultés de transmission entre génération venaient de ce que les jeunes veulent apporter leur propre élan de créativité mais que l’on imposait des normes étroites et fermées. Ce qui explique les angoisses qui s’expriment par la révolte, la violence. En mai 68, j’étais à la fois étudiant et enseignant. Des groupes plus ou moins occultes ont manipulé les jeunes pour en faire je ne sais quoi. Ce n’est pas un constat désespéré que je fais. Car cette force de vie, elle est toujours présente.

A – Vous parlez de différents âges, l’âge légal ou sociétal, et puis d’un autre plus personnel. Vous parlez aussi du bridage de la jeunes qui peut s’apparenter à un bridage du renouvellement des idées. Ne sommes-nous pas dans une société en perte de vitesse qui a du mal à accepter la jeunesse parce qu’elle a du mal à se remettre en question ?

5 – Concernant ces âges, j’ai une autre piste à proposer. Il y a vingt ans, on ne se posait pas la question, la vie était orienté par le travail, et par conséquent dans la vie d’un homme, d’une femme, il y avait trois âges, trois périodes, l’apprentissage que l’on peut assimiler à la jeunesse, la vie active, et la retraite qui permettait de profiter des derniers moments de vie. Aujourd’hui, quand on a finit la phase d’apprentissage, on entre dans la vie active au niveau des statistiques mais pas forcément au niveau de la concrétisation. De plus en plus tard du moins y arrive-ton à cette vie active concrète. Par ailleurs, les problèmes de financement de retraite vont amener à ce que les personnes prolongent leur vie active. Il me semble qu’il y a une séparation moins nette entre les âges par rapport à il y a quelques décennies. D’ailleurs, il y a eu l’apparition bénéfique de la formation continue au sein de la profession. Avant, on avait a profession on la tenait toute sa vie, aujourd’hui dans un parcours on peut passer par plusieurs métiers. Pour cela aussi les jeunes ont moins de possibilité de s’orienter. La deuxième piste c’est que j’ai observé une capacité chez les jeunes à obéir aux règles de comportements de foule. C’est vrai qu’il y a une cristallisation plus facile, peut-être parce que la personnalité a pas encore éprouvé toutes les nuances et les difficultés de la vie. Cette capacité des jeunes est intéressante à observer.

A – Alors rapidement, la notion cruciale de notre société c’est le travail, on la sacralise peut-être un peu trop. D’ailleurs les jeunes qui ne font pas encore partie de la société du travail sont exclus, les personnes âgées aussi.

6 – Alors comme dans le dernier débat, où l’on parlait des femmes, des hommes, etc., j’ai du mal à parler des jeunes. Je vais peut-être parler de la jeunesse. Je pense que ce qui la caractérise, c’est la fougue les illusions, qui vont s’opposer plus tard à l’adulte, dit l’âge de raison. Or il me semble que notre société privilégie expérience et raison au détriment de la fougue. Or on le voit en politique, on croit avoir besoin de gens dit « d’expérience ». Ce qui laisse très peu de place aux jeunes qui n’en ont pas encore. Dans le milieu professionnel, on cherche des gens qui ont une expérience. Quid de ceux qui commence ? Il me semble que c’est obérer la capacité passionnelle, d’émerveillement, de fougue des jeunes qui a son importance dans un projet de société. Il faut savoir je pense très vite pouvoir s’émerveiller, s’emporter, être passionné pour avancer. L’expérience n’est pas forcément la force qui fait avancer les choses. On aurait peut-être besoin d’idéaliste qui nous montreraient d’autres voies. Et pas simplement de gens d’expérience qui vont parler du CAC 40 et de la façon de l’élever de 0,33%.

7 – Comment j’ai perçu les jeunes lorsque j’étais enseignant ? Ils sont souvent en porte à faux. Ils doivent souvent tuer le père, se détacher des adultes, prendre du recul, de la distance. Le jeune est méfiant. Il veut bien des références mais pas de modèles. Je trouve que les jeunes sont livrés à ce qu’il y a, c’est-à-dire presque rien. D’un côté ils doivent prendre du recul, de l’autre ils souhaiteraient avoir du soutien. Les jeunes développent je trouve quelque fois la philosophie de « l’à quoi bon ». Les adultes sont soit absents soit trop présents. J’ai vu des associations dans lesquelles les tenants, les responsables, ne cédaient aucune parcelle de leur responsabilité. L’accès à la responsabilité c’est une chose importante qu’il fat donner aux jeunes.

A – Je vais reprendre juste l’idée du modèle. Quel est la place du modèle dans notre société ?

8 – Je me souviens très bien dans ma jeunesse avoir eu des modèles source de dynamisme. Pour moi, un modèle qui en est resté un, c’est Saint-Exupéry. « Etre un homme c’est être responsable ». Je l’ai appris très jeune ça. Et dans ma famille c’était très développé. Ce qui me frappe dans la jeunesse actuelle c’est cette capacité d’enthousiasme, cet élan extraordinaire, et une générosité. Pourquoi avons-nous souvent des réactions négatives vis-à-vis de cette jeunesse. Eh bien parce qu’on en a peur. Nous avons peur des jeunes. Parce qu’il y a des approches éducatives extrêmement maladroites. J’ai connu une jeunesse où très tôt on rentrait dans la responsabilité de la maison. Il m’est arrivé aussi de récolter un peu d’argent, je me rappelle de récolte de patates dans les champs. De plus, s’il y a une frictions entre jeunes et vieux c’est je pense du fait de cette cristallisation qui se fait dans notre corps, c’est du au fait que la santé quitte au fur et à mesure notre corps.

9 – Sur le fait que l’on ne fait pas assez confiance aux jeunes et que les vieux veulent garder leur place, j’ai remarqué que sur des camions d’associations caritatives c’est écrit « aider nous à aider », autrement dit, « vous les jeunes vous êtes les esclaves, mais c’est nous qui avons la gloire, qui officiellement aidons. ». En vieillissant, on a notre expérience et on n’accepte pas d’être dépassé par les jeunes. Il y a un problème de complexe d’infériorité qui se produit par la vieillesse.

A – Alors nous pouvons analyser notre rapport à la mort. Ce rapport n’est je pense pas le même lorsqu’on est vieux ou lorsqu’on est jeune. Cela peut être intéressant de voir ce que cela peut avoir comme influence.

10 – Madame disait que l’on était dépassé par les jeunes. C’est vrai pour la course à pied. Par exemple lorsqu’ils vous chipent votre sac à main dans la rue. Il y a plusieurs types de jeunes, ceux qui travaillent et ceux qui sont là pour tout casser. Aujourd’hui, on ne peut plus trouver de personne qualifié dans les métiers manuels, les artisans ne peuvent plus embaucher de jeunes parce qu’ils n’ont pas les qualifications. Les professeurs donnent aussi beaucoup d’espoir aux jeunes quant à leurs prétentions financières. J’ai eu une jeune qui se défendait – j’étais ébéniste – mais à l’école on lui avait dit qu’il pouvait prétendre à un salaire de 11000 francs par mois. Je lui ai dit qu’il ne fallait pas qu’il se fasse d’illusion. Alors là aussi les professeurs sont fautifs de leur faire miroiter des choses. Les jeunes sont aigris de ne pas pouvoir s’exprimer, mais ils n’ont pas les qualifications pour rentrer dans la vie active. A qui la faute alors si ce n’est pas celles des enseignants.

A – Alors vous parlez des métiers manuels, et c’est vrai qu’il faut les revaloriser. C’est important de voir la façon dont on inculque la vie active à ces jeunes qui sont dans un enseignement professionnelle. Pour autant, on ne peut pas fustiger catégoriquement les professeurs.
11 – Je suis convaincu que les jeunes font peur. Nous font peur. Pourquoi ? Nous sommes par exemple parents, et par la force des choses il nous revient la charge de l’éducation et tôt ou tard le jeune, au fur et à mesure de son vieillissement, ce jeune nous retourne un miroir, il nous remet en cause. Et quelques fois ce n’est pas le problème du jeune qui ose, c’est le problème de savoir si on accepte sa contestation. Les uns comme les autres, on ne sait pas se mettre à niveau pour échanger. Et on a peur. Même dans le monde de l’entreprise on a peur. Le petit jeune qui rentre avec ses bagages dans l’entreprise, ça dérange aussi. Parce que finalement il brique peut-être la place que j’occupe. Il faut savoir accepter le vieillissement, mais à tout âge.

A – Alors à priori, ce qui se dégage globalement des interventions c’est cette idée que les jeunes font peur. On peut se demander ce que cela veut vis-à-vis de notre société. Comment est-elle ?

12 – Je trouve que la campagne anti-jeune est bien présente dans notre société. Je ne cache pas qu’il existe des voyous. Mais cette minorité entache la jeunesse dans son ensemble. Je crois que les jeunes font peur à ceux qui ont peur déjà de bien des choses et qui se laissent enfermer dans notre société. Alors aujourd’hui les idéologies sont moribondes, les religions on y croit plus trop. Alors j’espère que quand même un élan reviendra.

A – Vous parlez des bons et des mauvais jeunes, de cette classification. Et les bons jeunes ce serait ceux qui arriveraient à s’adapter à notre société. C’est ceux qui arriveraient à bien se faire considérer par ceux qui tiennent les rênes de notre société. Les mauvais eh bien ceux qui poseraient problèmes. En quoi ces jeunes, plus turbulents, ne seraient pas les plus nécessaires car remettant en cause notre société pas si recommandable que cela.

13 – Je ne sais pas s’il est juste de dire que la vision des vieux sur les jeunes est négative. Je pense que la généralité est l’incompréhension, incompréhension qui peut avoir de multiples sources. La première c’est que lorsque l’on est vieux la nostalgie nous gagne et que l’on oublie facilement comment on était lorsque l’on était jeune. Le jeune voit l’avenir comme il le rêve. Le vieux a plutôt tendance à penser que le présent devrait être tel qu’il l’a toujours connu. Alors l’incompréhension vient certainement en partie à certaines idées qui n’étant pas forcément fausses sont montées en épingle. On citait les accidents de la route en début de débat. La réalité c’est que dans les accidents il y a une majorité de jeune, ce qui ne veut pas dire que tous les jeunes sont « accidentogènes ». Que certains jeunes ne savent pas travailler, c’est probablement vrai, mais d’ici à généraliser… Lorsque j’avais trente ou quarante ans de moins, il y avait une part de vieux inactifs beaucoup moins importantes. On parle des problèmes de la retraite, on a raison. Mais vu la façon dont c’est traité, de façon superficielle par ailleurs, eh bien on peut soit si on est vieux se dire « ces salauds de jeunes, ils ne vont plus nous donner d’argent pour que l’on puisse vivre », soit si on est jeune « penser qu’on va lui prendre tout pour faire vivre les vieux qui ne foutent plus rien. ». Si on raisonne avec du recul, on peut se demander s’il n’y a pas besoin de corriger certains problèmes de société pour éviter des réactions spontanées. Un autre exemple, il y a quelques années on a monté en épingle le fait d’avoir un premier ministre qui avait moins de quarante ans. Moi je rejette la systématique de la négation, je crois qu’il existe plutôt un problème d’incompréhension.

14 – Je crois qu’il faut faire confiance aux jeunes. J’ai travaillé dans un grand groupe. Moi j’y ressentais des ruptures de liens entre génération.

15 – On a parlé de la peur que les jeunes inspiraient aux adultes. Cette peur d’où cela vient ? Ce qui fait peur c’est son énergie. Pour revenir aux enseignants, ce ne sont pas les enseignants qui diffusent les fausses valeurs, c’est la roue de la fortune, le loft story, c’est Zidane qui gagne avec un coup de pied vingt fois le smic, tout le monde aspire à… Et puis une minorité de jeunes qui rigole quand on lui propose du travail parce que le commerce de drogue lui rapporte plus et plus rapidement.

A – Alors vous parlez de l’argent et de notre société qui véhiculent des valeurs d’argent facile, certainement qu’il existe des jeunes qui sont séduit par ces processus, peut-être pas autant que ceux qui sont dans la vie active, parce qu’ils l’entretiennent cette société, peut-être qu’il existe des jeunes qui ne sont pas dupes de cette société, dans la mesure où ils y rentrent avec des yeux neufs.

16 – J’ai l’habitude d’être engagé politiquement, et lorsque l’on touche aux utopies, aux idéaux, on se prend souvent dans la figure le traditionnel « c’est pas possible ». Qu’une personne d’âge mûr et expérimenté me dise cela, après tout j’excuserait son expérience, mais q’un plus jeune me le dise, je reste baba. Quand j’entend dans les médias que les jeunes cherchent à se marier de plus en plus tôt, s’établir, eh bien je me demande le pourcentage de jeunes qui voit encore la plage sous les pavés. On est vraiment dans un monde complètement sclérosant dans lequel le sacro-saint concept de réalité il est là comme une mélasse et il n’y a pas possibilité de s’envoler, d’avoir la tête dans les nuages. Il me semble que lorsque l’on a vingt ans, on devrait plus penser à faire la révolution que vouloir faire chef de service et gagner des indemnités de retraite. Or on voit que le principe de réalité ramène plus vers les points de retraite que la révolution. Et je suis souvent étonnés de voir les jeunes depuis que je fréquente le café citoyen eh bien que l’on ai pas réussi à en établir un à la fac. Alors que cela devrait être l’un des lieux d’engagement, de discussions, de contestations, d’envolées lyriques. On devrait plus possible à ce qui possible qu’à ce qui n’est pas possible si on veut faire bouger les choses. Or ce qui est possible c’est vraiment du domaine du jeune. L’expérience va plutôt dire ce qui n’est pas possible. Mais il y a plein de choses qui deviennent possible si on oublie le principe de réalité qui est sacralisé aujourd’hui.

A – Le principe utopique que l’on attribue souvent à la jeunesse serait pour vous délaissé, c’est-à-dire que même les jeunes perdraient cette capacité de voir le monde meilleur ou d’accéder à un idéal. Pour vous répondre sur le Café Citoyen de l’université, des étudiants étaient venus nous voir pour animer des Cafés Citoyens. Le frein ne venait manifestement pas des jeunes. ON va dire que ce fut impossible de trouver des responsables pour leur octroyer une salle pour se réunir. Voilà.

17 – Je suis content d’entendre dire à peu de chose près cette citation : « Tous savait que c’était impossible, lui ne le savait pas, il l’a fait. ». Une réalité évolue avec le temps. A t0, c’est peut-être impossible, 10 minutes après, un facteur de l’environnement rend la chose possible, et quelques fois ce facteur est lié à la perception. On a beaucoup parlé de statistiques. Aujourd’hui les médias ont aussi ce rôle de nous donner des images générales, composites et globales, de l’ensemble des acteurs sociaux. Quelques fois cette image même si elle n’est pas vrai génère une réaction qui fait qu’elle devient vrai. Par exemple on dit « les employeurs préfèrent ne pas embaucher de jeunes d’une première expérience ». Bilan les employeurs en tiennent compte, les statistiques deviennent vrai ensuite et les jeunes du coup dans les cabinets de recrutement montre un malaise et deviennent mauvais… Ou autre exemple « la police interpelle plus souvent les personnes de couleur ». C’est l’image qu’on voit. Ce qui fait que la police tend à interpeller plus ces personnes. Ce qui finit par les agacer… Et deviennent agressif face à la police, chose qui n’était pas initialement vrai. La perception qui transite par les médias finit par forcer les choses à devenir des réalités. Il faut s’en méfier. Il était question tout à l’heure de compréhension. Je pense qu’il y a beaucoup d’histoire aujourd’hui dans notre société de mes-compréhension. On a toujours tendance à avoir une image unique de la société. La société dans laquelle sont ceux qui la décrive n’est pas forcément celle dans laquelle les jeunes vivent. Par exemple l’utilisation des multimédias fait que les personnes plus âgés vont avoir tendance à dire que les jeunes sont tous dans leur monde, etc.,. Ces barrières vont générer de la mes-compréhension. Si la mode des jeunes devient au survêtement, cela ne doit pas le véhicule de certaines valeurs ou du moins supposées valeurs par les gens qui observe un tel habillement. Après tout les valeurs véhiculées par le col cravate sont aussi remises en cause par beaucoup de gens. Et puis il y avait l’idée d’une peur. Je pense que quelque chose est en train de se liquéfier concernant les barrières jeunes/vieux. On parle beaucoup en ce moment de l’accession des jeunes au pouvoir, au responsabilité. Il y a certainement de la part de la personne de 45 50 ans une volonté de garder sa place parce qu’il la perd ils seront mal pour retrouver du travail. C’est quand même délicat parce qu’avant 35 ans, on est encore sans expérience, après 45, on a pas intérêt à perdre sa place… Ca réduit la fourchette de beaucoup. Imaginons une grand-mère d’il y a cinquante ans, eh bien là même aujourd’hui on peut croire que c’est une grande sœur quelques fois. L’amélioration de la médecine, des rythmes de vie… Rappelons que les religions perdent de leur crédit, mais elles ont toute plus ou moins été apporter par des jeunes gens, le Christ avait trente ans, Bouddha en avait pas tellement plus. Plus tard, chez Goethe et son Faust, la recherche de la jeunesse éternelle, pourquoi ? Parce qu’il y a quelque part l’idée « mince, si j’avais les capacités de ma jeunesse avec l’expérience que j’ai aujourd’hui ». Et ça c’est une déception que l’on a tous tout le temps. Et ça mettra toujours un clivage, des jalouseries réciproques. Pour finir, le monde a bien changé, mon père à 25 ans avait de hautes responsabilités dans son entreprise, aujourd’hui je ne vois pas de jeunes avoir de telles responsabilités avant d’avoir 35 ans et une grande école.

A – Alors juste une chose, c’est le fait lorsque l’on est vieux de s’apercevoir que les forces de la jeunesse, alliée à l’expérience, nous transporteraient. Est-ce que cette gêne que l’on éprouve ne résulte pas du fait que l’on réfléchisse tout seul. C’est-à-dire que l’on pourrait très bien penser que le groupe, notre société, fait une seule entité, et donc que la fougue, l’expérience se retrouve dans la même entité. Nos raisonnements individualistes ne nous empêchent-ils pas de percevoir la solidarité et cette entité supérieure qui nous rassemble ?

18 – On parlait tout à l’heure de la difficulté aujourd’hui de débattre dans les universités. Dans les années 50, il y avait 150 000 étudiants, qui avaient probablement une force de persuasion avec la parole. Aujourd’hui, la masse que représente les étudiants permet de les faire s’ exprimer autrement, les faire descendre dans le rue par exemple. En ce qui concerne l’expérience, premier exemple, quand j’étais gamin, persuadé avec mon frère que plus on s’éloignait d’une prise de courant moins on risquait de prendre un coup de courant, heureusement c’était à l’époque du 110, on prenait un grand fil de fer, on le mettait dans la prise, et évidemment l’expérience aidant aujourd’hui je dirai qu’il ne faut pas le faire. Deuxième, imaginez à l’entrée d’un labyrinthe un jeune et un vieux qui connais ce labyrinthe. Si le plus âgé sais la voie qu’il faut prendre, l’expérience lui demandera de conseiller le jeune. Une autre différence avec l’époque d’il y a cinquante ans, les jeunes sont beaucoup plus à l’école et plus longtemps, mais l’université c’est une expérience théorique. Prenez un avocat, s’il est docteur en droit et qu’il n’a jamais eu l’occasion de pratiquer il ne pourra même pas plaider. Donc les connaissances acquises et valorisées à l’université peuvent paraître inadaptées pour une personne qui recherche quelqu’un qui va pouvoir faire un travail. Alors la critique trop souvent entendue de l’enseignant qui enseigne mal. Mais l’enseignant il enseigne en fonction des directives qu’il reçoit. Et s’il n’y a plus de profession manuelle, c’est pas à cause des enseignant, c’est à cause de l’Education Nationale qui a modifié l’apprentissage des ces professions manuelles. C’est pas de la faute des enseignants, mais une chose que je n’ai jamais comprise, c’est comment on peut enseigner un métier sans jamais l’avoir pratiqué ? Vous avez des enseignements par exemple un professeur de comptabilité qui n’avait jamais exercer la comptabilité.

19 – Je fréquente quotidiennement l’université et j’observe la mutation sociale qui s’y passe aussi. Je crois qu’il ne faut pas s’enliser dans les vieux poncifs concernant la jeunesse et l’âge mûr. Il faudrait poser aussi la question de comment les jeunes perçoivent les adultes. La jeunesse actuelle qui est sous la coupe des ex-jeunes de 68 est plongé dans une atmosphère désespérante avec ce que j’appelle les trois M, la misère sexuelle, la misère culturelle, et la misère spirituelle, compensés par les trois B, la bière, la bouffe, la bagnole, et la baise, enfin il y en a quatre. Et lorsque l’on observe le climat des concerts, des cafet’, c’est mortifère. Je fais un constat de difficultés vécues par les jeunes. Ils sont contre un butoir. Un soir je descendais la fac en me disant que c’était effrayant de voir ces zombis en troupe. Je trouve pourtant que les jeunes attendent quelque chose qui les sorte de leur misère.

A – Alors tout au long du débat on s’est aperçu qu’il ne fallait pas stigmatiser la jeunesse et de ne pas verser dans la méconnaissance entraînant la peur. A juste titre. Ceci dit, il ne faut pas que cette attitude devienne un dogme et que l’on nie un malaise. Et c’est possible que des malaises existent chez les jeunes, qu’ils sont visibles.

20 – J’étais une ancienne infirmière, ma fille est aussi infirmière. Elle a eu trois ans d’étude et je vous dit qu’elle a travaillé pendant longtemps et avec acharnement, mais malgré cela quand elle a été embauchée, elle est désormais titulaire, j’ai eu l’impression qu’elle connaissais pas mal de chose au métier. Et puis à part les enseignants qui ont été en contact avec les jeune, on les connais mal les jeunes. Moi j’avoue qu’à part mes petits enfants, et puis leurs enfants, eh bien je pense que l’on a souvent de mauvaises idées. Et je trouve que les contrôleurs de bus sont des anti-jeunes, quand ils descendent dans un bus on dirait la gestapo, ils rentrent dans le bus et se jettent sur vous comptant vous trouver en défaut.

21 – En ce qui concerne les transitions et les transfert de pouvoir entre générations, et pour reprendre l’image du labyrinthe, je ne pense pas que les jeunes veulent qu’on leur dise quel chemin prendre. Ils ont aussi intérêt à faire leur propre expérience. L’erreur est formatrice. Les guider, c’est une erreur.

A – Alors vous nous dites que les jeunes auraient besoin que leur laisse une autonomie. Certes. Mais ne pouvons-nous pas nous poser la question inverse : le jeune n’aurait-ils pas besoin d’un guide ? On a parlé de modèle, de référence, etc.

22 – Attention, le modèle c’est une copie, la référence c’est des valeurs en point d’appui !

A – Alors ces questions peuvent faire l’objet d’un prochain Café Citoyen.

23 – Je voudrais donner un exemple du monde du travail. J’ai connu ces ruptures pendant dix ans pendant lesquelles on n’embauchait plus de jeune. Et puis quand on regarde tous ces pays qui vivaient selon des économies particulières, le charbon, les mines, quand tout cela s’est écroulé, eh bien les personnes devenues inutiles ne peuvent pas se remettre dans la vie active. Eh bien les jeunes qui voient cela ce n’est pas très encourageant. Je poserai cette question à un jeune : avez-vous un projet ? Qu’avez-vous envie de construire, de démolir ?

24 – Je pensais à quelque chose d’actualité : le suicide chez les jeunes. Il y a environ 60 suicides par an chez les 15/24 ans. Ce qui représente la deuxième cause de décès après les accidents de la circulation. Cela a triplé en trente ans. Trois tués sur quatre sont des garçons. Un enfant ou un adolescent sur huit souffrent de trouble mental selon l’étude de l’INSERM, hyper-anxiété, boulimie, anorexie, trouble de l’humeur. Enfin, la résilience, terme venant des Etats-Unis, développé par des spécialistes du comportement, citons Boris Cyrulnik, qui explique à propos de jeunes à quel point un enseignant a pu modifier la trajectoire de leur existence par une simple attitude ou une phrase, anodine pour l’adulte mais bouleversante pour le petit. Il insiste en disant que l’institution scolaire doit être attentive à créer de tel nœud de résilience faute de quoi les problèmes s’aggraveront à l’adolescence, violence, toxicomanie, conduite suicidaire, qui relèveront des formes plus graves et dont les origines seront souvent moins faciles à déceler.

A – Alors cela nous pose d’autres questions. Notre société, au delà des jeunes, ne détruirait-elle pas l’individu, au sens où elle le rendrait beaucoup plus fragile ?

25 – Il me semble que la jeunesse souffre de cette idée : « on doit donner le pouvoir aux gens qui ont de l’expérience ». Alors si je suis d’accord avec cette phrase là, on ne doit surtout pas la transformer en « on doit donner le pouvoir aux vieux. » Or il me semble que comme on corrèle très facilement l’expérience avec l’âge, c’est-à-dire que quelqu’un de 60 ans aurait plus d’expérience que celui qui en a 40, lui même en ayant plus que celui de 20, on arrive à la situation suivante : finalement, toute notre pyramide sociale est faite avec les vieux à sa tête et les jeunes qui tentent de grimper. Et en plus c’est assez récent comme principe. Quand on voit l’âge des candidats à la dernière présidentielle qui je le rappelle sont censés puisqu’ils veulent devenir président être des visionnaire et penser à plus de trois ans, je ne suis pas certain que notre président dans vingt ans soit vivant pas plus que quatre cinquième des candidats. Cela pose u problème. Dans certaines société que l’on appelle maladroitement primitive, le pouvoir est donné aux gens d’expérience mais pas aux vieux. ON a souvent le cercle des sages qui sont des gens qui ne détiennent plus le pouvoir mais qui sont des conseillers. Or il me semble que l’on aurait tout intérêt à suivre ces modèles de société pour redonner une dynamique sociale. Lorsque l’on regarde la société française et quelque soit l’opinion que l’on peut avoir de ces hommes, j’en citerai deux : Napoléon, premier consul à 25 ans, Saint-Just, mort à 26 ans. On pourra me rétorquer qu’à cet époque on vivait moins vieux. Certes. Sauf que dans ces époques plus troublées que la notre, on a réussi à mettre des jeunes aussi d’expérience à la tête du pouvoir. Maintenant cela nous semble impossible, même à l’Assemblée Nationale, quelqu’un de moins de trente ans, c’est pas possible, il ne va pas pouvoir parler, il ne connaît rien. Je crois que l’on aurait largement intérêt à rajeunir considérablement nos cercles de pouvoir et à ce moment les jeunes qui passe aujourd’hui leur temps à gravir la pyramide pourraient s’en sortir.

A – Et puis se sentir utiles. Il y a la contraposée aussi, le jeune que l’on dote de qualité révolutionnaire parce qu’il est jeune.

26 – Olivier Besancenot pour ne pas le citer, s’il est jeune, défend des idées très vieilles. Pour reprendre sur l’expérience, il y a des choses dans lesquels la tradition a du bon. C’est vrai que pour faire des métiers manuels, du bon pain, il faut de l’expérience. Par contre, pour le cas du labyrinthe, que l’on va dire en gros savoir prendre des responsabilités et s’adapter à notre environnement, eh bien si on apprend pas à faire des erreurs, on n’a pas le mécanisme d’apprentissage qui nous permet le jour venu de prendre la bonne décision. Donc si on a toujours besoin de demander à l’aîné quel est la bonne décision à prendre, le jour où l’aîné n’est plus là et que l’on a une décision à prendre, que fait-on ? Il y a un passage de la Kabbale qui exprime cela : « Si quelqu’un te dit qu’il connais le chemin, ne le suis surtout pas, tu risquerais de ne pas te perdre ».

27 – Les travailleurs qui ont l’art du travail manuel devraient être gardé dans les entreprises au maximum ou faire du bénévolat dans les lycées techniques. Personnellement, j’ai été contacté pour donner des cours à la prison de Caen et lorsque j’ai donné mon âge on m’a dit que ce n’était pas possible. Et pourtant j’avais développé des thèmes avec le juge qui était entièrement d’accord avec moi. Parce que les jeunes ne demande qu’à comprendre, qu’à travailler mais il faut leur donner l’envie de travailler, de faire quelque chose. Si vous saviez la fierté qu’a retiré un jeune que j’ai eu en apprentissage qui malgré ses réticences avait réussi à faire un coffret en marqueterie, eh bien son comportement a changé ensuite à l’école. Il venait de créer de ses propres mains. Maintenant on ne connaît plus les mains aujourd’hui. L’intelligence des mains, c’est très important.

28 – Aussi bref que possible, je reprend la question du modèle. Essayez de travailler sur un modèle, c’est impossible de faire une copie conforme. Le modèle pour moi c’est une source d’inspiration. Je voudrais signaler qu’il existe depuis très longtemps des conseils municipaux de jeunes. Et c’est relativement connu en France et on est toujours émerveillé d’entendre les propositions que ces jeunes pouvaient faire, même si elles n’avaient pas force de loi. C’était stimulant pour les adultes. Bon ensuite, c’est vrai que j’ai pu brosser un tableau assez sombre de l’université, qui devrait être le point culminant de la jeunesse avant la pleine responsabilisation, mais je dois signaler qu’il existe tout de même un élan des jeunes, une recherche vers les adultes. Il m’est arrivé qu’un jeune me demande de l’aider pour sa scolarité. Il arrive aussi que des étudiants à l’université « au flaire » ont repéré quel était mon travail et qui régulièrement me demande assistance en particulier en littérature. Donc il y a une recherche et il n’y a pas nécessairement une attitude négative de leur part.

Thème proposés pour le 12/03/03 :

- L’image des USA dans le monde.
- Réussir ou travailler à la réalisation de soi-même ?
- La famille comme noyau n’apprentissage de la démocratie ?
- L’emploi en question.
- La civilisation judéo-chrétienne est-elle en sursis ?
- La laïcité est-elle en danger ?
- Activités et société de loisirs.
- Il est bon de suivre sa pente pourvu que ce soit en montant (Gide)
- Quel mode de scrutin respecte mieux la démocratie ?
- Télévision et virtualité.
- Don d’organe, un autre espoir de vie ?
- Doit-on intervenir en Irak ?

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