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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (19/02/2003)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Politique et Société

Comment percevons-nous les jeunes ?

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Ne nous y trompons pas. Notre regard extérieur aux jeunes, à leurs préoccupations, nous éloigne probablement de leur propre perception du monde. Si notre débat ne nous a pas livré ce que la jeunesse pense du monde, il nous permis d’aborder néanmoins l’image que l’on a des jeunes, notamment celle que notre société fabrique.

On se contenterait de décrire les jeunes comme des « fumeurs de haschich » (soit pour les discréditer soit pour les flatter), des facteurs de l’insécurité (cages d’escaliers, accidents de la route), bref des individus difficiles à encadrer, pénibles à éduquer, perturbateurs, voire coupés du monde (virtualité des jeux vidéo). Un climat « anti-jeunes » semble ainsi régner dans notre société. Quelle maladie sociale cachent ces symptômes ?

D’abord, en malmenant les jeunes, n’est-ce pas la jeunesse, et ses valeurs, que notre société tenterait de discréditer ? Car les jeunes sortent de la frontière du cadre familial pour s’élancer dans le monde des adultes, celui - mais est-ce le cas aujourd’hui ? - de la responsabilisation et de l’autonomie. D’une part désarmés, ils se heurtent à la complexité du monde, d’autre part innocents voire naïfs, ils envisagent le monde des possibles. La capacité d’une société à intégrer sa jeunesse, non seulement en lui octroyant des espaces de liberté mais aussi en lui donnant la possibilité d’y prendre part, résume assez bien son degré d’épanouissement et d’ouverture vers l’avenir. Beaucoup d’éléments font dire à des citoyens que le déclin de notre société ferme petit à petit les portes à la jeunesse.

Dans le monde du travail, les jeunes diplômés éprouvent des difficultés à faire leur preuve. On y préfère une personne expérimentée à un jeune sans expérience, ce qui revient à ériger une barrière infranchissable pour la jeunesse. Dans le monde politique, ceci est particulièrement perceptible. Pour nous en persuader, il suffit de constater la moyenne d’âge des candidats à la dernière élection présidentielle. Quelqu’un cite Napoléon, premier consul à 25 ans, puis Saint-Just, mort à 26 ans seulement. Une époque où l’on n’hésitait pas à placer à la tête du pouvoir des gens non pas sans expérience mais chez qui l’expérience ne réprimait pas la fougue et la force des élans utopistes. Plus généralement, force est de constater que de nos jours la jeunesse peine à acquérir des responsabilités auquel le monde adulte s’accroche.

Cette dichotomie écrasante que l’on instaure entre l’adulte expérimenté et la jeunesse ignorante dont on se méfie est peut-être un faux problème. La difficulté se situerait dans notre incapacité (voire dans notre refus) à imaginer le monde autrement, dans le conservatisme sclérosant de notre société. Aujourd’hui on transforme volontiers l’ingénuité en crédulité, l’impétuosité, la fougue et l’ardeur en irrationnel, l’utopique en illusion. Toutes ces qualités persiflées de la jeunesse qui ont pourtant leur mot à dire dans un projet de société. Quid du renouvellement des idées ? De l’émerveillement et de l’idéalisme ?

Qui plus est, on simplifie grandement le rapport adulte/jeunesse par une dualité presque manichéenne. Alors qu’au contraire, pour retrouver un équilibre dans notre société, nous aurions besoin d’insister sur la complémentarité de ces deux âges. Chez les Anciens, et toujours chez des tribus que l’on qualifie maladroitement de primitives, il existait un conseil des sages regroupant les vieilles personnes riches d’expériences dont le rôle était de conseiller et non de gouverner. Nuance terrible et sans appel quant à notre fonctionnement social. Car gouverner demande d’être visionnaire et d’imaginer l’avenir en sentant la vie s’épanouir et non s’éteindre.

L’assemblée s’accorde à dire que notre société a peur de sa jeunesse parce qu’elle ne la comprend pas, et parce qu’elle a peur du changement. L’inexpérience de la jeunesse nous inquiète car on fait une fixation sur l’erreur qui peut en résulter. Et ne pas accepter l’erreur, c’est s’abandonner à l’immobilisme, se refuser à l’apprentissage. Tout ceci montrerait à quel point l’incertitude marque notre temps. Cette peur de l’inconnu dont la jeunesse n’a que faire tant sa confiance, pour ne pas dire sa foi en l’avenir (qui est le sien propre par ailleurs), est inaltérable.

A moins de généraliser à l’échelle sociale ce que nous voyons dans notre entourage, il est difficile de se faire une opinion sur l’état de la jeunesse en France. Mais quand bien même nous le ferions, imaginerions-nous les jeunes aussi vindicatifs qu’on le prétend ? Comment une image si négative, si discriminante, peut-elle s’imprimer si facilement dans nos esprits ? Le reflet des médias tente de peindre notre société, de la décrire. Ces images, car ce ne sont que cela, peuvent avoir des effets pervers. Aussi des images même fausses – non représentatives – peuvent générer des réactions qui les feront devenir vraies. De simples répercutions peuvent alors influencer les prises de décisions personnelles, donc les statistiques.

Goethe, par son Faust à la recherche de la jeunesse éternelle, nous fait sentir une vieillesse consciente des exploits qu’elle pourrait faire s’il lui était possible de combiner l’expérience de toute une vie à la vigueur de la jeunesse qui l’a déjà quitté. Ce sentiment de déception à l’origine de bien de jalousies et de clivages est une affaire individuelle. On ne saurait l’élever à l’échelle d’une nation. A moins que nos replis individualistes nous empêchent de voir que les générations qui se suivent font partie d’une entité sociale unique et qu’alors, la solidarité faisant son œuvre, jeunesse et vieillesse se trouvent complémentaires.

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