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Compte-rendu analytique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (23/04/2003)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Religion et Spiritualité

La laïcité est-elle en danger ?

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Vous consultez actuellement le compte-rendu analytique du débat (intégralité des échanges)

Vous pouvez également en consulter une synthèse :

1 – Cela fait plusieurs Café que je propose ce thème. Enfin nous y sommes. Et je suis heureuse que ce débat ait lieu. Si cela ne vous ennuie pas, je voudrais rappeler une définition de la laïcité d’après le Robert : « principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, l'État n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Églises aucun pouvoir politique. ». Un écrivain breton de la fin du XIXème siècle avait cette formule : « Un État neutre entre les religions. ». Je rappellerai aussi qu’en décembre 2005 on fêtera le centième anniversaire de la loi Combes. Je vous la rappelle : premièrement, séparation de l'Église et de l'État, deuxièmement, rupture du gouvernement républicain avec le Saint Siège et j’insiste sur le Saint Siège parce que quelques fois il outrepasse un petit peu ses prérogatives en intervenant dans la ville civile, notamment dans la vie des femmes. J’ai regardé récemment une émission dans laquelle on débattait de la question suivante : « l’Islam est-elle compatible avec la laïcité française ? ». Voilà, à vous de réagir.

A – Merci. On va pouvoir effectivement rappeler quelques événements historiques et définir la laïcité, avant tout peut-être ce que représente à vos yeux la laïcité. Et puis, oui, une préoccupation bien d’actualité, l’Islam, comment conjuguer cette religion avec la laïcité ?

2 – J’ai écouté une émission qui parlait de l’Inde, enfin des pays du Gange. En France, nous sommes plutôt confronté au problème de l’Islam, qui n’a pas encore mûri comme l’a fait l’église catholique romaine après bien des siècles. Là bas, des Hindouistes veulent imposer leur religion comme religion d’Etat. Il y a eu des massacres de musulmans épouvantables notamment l’année dernière. Tout cela au nom de la religion. Le problème de la religion qui rentre dans le champ politique est un problème qui se pose un peu partout dans le monde. La seule arme de combat là bas est un journal qui paraît avec beaucoup de difficulté, ils réclame la laïcité et la démocratie. Un autre problème : on sait que le pape a récemment excommunié sept femmes autrichiennes qui avaient été ordonné évêques par un évêque dissident d’Autriche parce qu’il ne reconnaît pas la parité entre homme et femme. Alors que la laïcité par contre est avance par rapport à cette vision.

3 – Je pense que dans le mot laïcité, on a tendance à expurger, c’est-à-dire à faire en sorte que dans laïcité il y ait un a privatif. C’est un peu ennuyeux que certains pensent que l’Etat impose une privation de religion. Le but de la laïcité à mon avis est qu’il y ai une ouverture plus grande entre les religions. On parle beaucoup aujourd’hui du voile islamique. Je crois que l’on y met trop d’importance. Je pense que les marques d’appartenance telle que le voile, ce n’est pas un manquement terrible à la laïcité. Évidemment il faudra mettre des limites. Ce qu’il ne faut pas souhaiter c’est que le maître d’école ayant une religion et les écoliers une autres l’impose, et inversement. Il y a un double problème : celui de l’ouverture, on ne peut pas nier que la laïcité ce n’est pas mettre Dieu ou Allah à la porte, mais l’autre problème c’est celui de l’immodération de certaines personnes qui ont la foi et du pouvoir qu’ils auraient sur les autres.

A – Effectivement, la laïcité ce n’est pas une négation des religions. Vous évoquiez les signes de distinctions qui font naître les sentiments d’appartenance. Et je pense que si aujourd’hui une problématique se met en place c’est d’abord parce que c’est visible. Est-ce que ces signes d’appartenance enfreigne la laïcité ? N’existe-t-il pas des chocs d’appartenance. Votre question c’est celle-ci en fin de compte : ces signes ne font-t-ils pas naître des sentiments d’appartenance, on se sentirait du coup plus de tel clan que citoyen ?

4 – J’ai l’impression que les Français sont choqués par ce problème d’une religion qui essaie de s’imposer. Auparavant, on vivait dans la laïcité, il y avait des Chrétiens, des Juifs, des Orthodoxes, etc., ils se sont adaptés à la Révolution Française. Et c’est la première fois que l’on tombe sur une religion qui dit : « Écoutez nous on ne peut pas changer nos lois. ON a un voile il faut porter le voile, les jeunes filles ne doivent pas se découvrir, elles ne doivent pas faire de la piscine, de la gymnastique, etc., parce que dans le Coran ce n’est pas autorisé. » Donc nous on se demande s’il faut avoir une ouverture ou dire qu’en France la laïcité s’applique et que ces personnes doivent s’adapter. Le problème c’est que dans le cadre de leur religion ce n’est pas possible. Ils sont Français, ils doivent respecter les lois de la République, mais le Coran leur impose des règles. On n’est pas clair. Sarkozy a dit dernièrement « pas de voile sur les photographies ». Administrativement, il a bien stipulé les lois. Mais le voile à l’école ce n’est pas encore net. Les Français sont un peu perturbés en fait, ils ne savent pas comment prendre le problème.

A – Alors à priori, pour certains le fait d’appartenir à une religion serait plus important que le fait d’appartenir à la nation française. Il y aurait un problème sur les distinctions, on le sent dans vos interventions, mais pourquoi cela pose-t-il tant de problème le fait de s’afficher comme faisant partie d’un sous-groupe, ni plus ni moins, de la société ?

5 – Pour moi, citoyen cela ne veut pas dire que tout le monde est pareil. IL faut surtout respecter les identités. A mon avis, il y a une seule chose, c’est la courtoisie, la tolérance, point final. Beaucoup plus encore, c’est l’amour. Nous n’avons pas à convertir les autres. Il faut un grand respect des autres. Citoyen c’est bien, mais cela ne veut pas dire que nous adoptons tous une philosophie citoyenne. Chacun doit garder ses convictions, parce que finalement nous devons savoir qui nous sommes, c’est très dangereux de perdre son identité, de penser qu’il y aurait une seule pensée. Tout le monde voit Dieu mais de façon différente. Avec sa sensibilité profonde.

A – Sans déformer vos propos, deux choses à priori se confronteraient, la liberté d’appartenir à un groupe, à une communauté, d’une part, peut-être, certainement exacerbée aujourd’hui, et puis la citoyenneté que l’on vivrai aujourd’hui un peu comme une contrainte d’autre part. Ceci dit, être citoyen c’est vrai que ce n’est pas sans contrainte. Accepter sa citoyenneté c’est s’astreindre à des règles, mais ces règles sont non seulement comprises mais voulues et décidées. Mais aujourd’hui, il est vrai qu’aux astreintes on préfère plus le mot liberté. Mais cette opposition existe aujourd’hui dans les esprit.

6 – Je voudrais revenir sur la loi de 1905 qui a assez bien définit les attributions de chacun, c’est-à-dire d’abord c’est la séparation des Églises et de l'État, pas de l'Église et de l'État. Je crois que la loi de 1905 dit en gros : « il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». C’est-à-dire que l’intemporel serait du domaine religieux, le temporel du politique. Peut-être que l’on a du mal à gérer certaines situations parce qu’il y a des hommes ou des groupes d’hommes qui utilisent la religion comme un vecteur d’une politique qu’ils veulent imposer aux autres. Or pour moi, la laïcité dépasse largement la notion d'État. C’est un concept universel. On pourrait d’ailleurs être audacieux en disant que la laïcité a pris une nouvelle définition aujourd’hui dans la mesure où elle pourrait permettre d’identifier le domaine de ce qui est de la mondialisation par exemple de l’intérêt de l’homme en général au delà des contraintes économiques etc. La laïcité c’est peut-être une notion universelle et éthique qui peut aller au delà des systèmes inventés par l’homme. Je répondrai à la question « la laïcité est-elle en danger ? », un oui, mais pour ma part en disant que c’est comme la liberté, il faut qu’elle soit défendue en permanence, comme toutes les grandes victoires de l’Homme, les droits des femmes par exemple, ou d’autres droits encore, arrachés ici et là par les peuples. D’ailleurs, je crois que laïcité provient du mot grec laïcos qui veut dire « issu du peuple » (NdT : en fait de laos, signifiant en grec « unité du peuple ».).

7 – Je crois que la laïcité est incontestablement en danger. Parce que la tolérance se construit, un Etat aussi, une civilisation aussi. C’est très long à construire et amener un cheval de Troie dans un système établi amène un jour ou l’autre des problèmes qui iront s’accroissant. Un jour ce sera le voile islamique, un peu plus tard ce sera autre chose, voire la civilisation, parce que le rite des uns n’est pas le même que celui des autres, etc. la façon de vivre et de manger, etc. La tolérance se mesure en pourcentage, au delà d’un certain pourcentage c’est l’intolérance, une fois que l’on a franchi le seuil de la « maison tolérance », eh bien c’est le bordel. C’est ce qui risque de devenir en France le problème si on laisse rentrer des chevaux de Troie.

A – On avance pas à pas. Vous parlez de cheval de Troie. C’est une image qui pourrait convenir, on essaie de déstabiliser de l’intérieur. Mais lorsque l’on parle de signe distinctif est-ce que c’est vraiment le signe distinctif qui déstabiliserai la laïcité. Si on se remémore la Révolution Française, on constituait la mise en place de la citoyenneté, on essayait de fédérer des gens, n’y avait-il pas là non plus des signes distinctifs ? La cocarde, le bonnet phrygien, etc. Je vous laisse réfléchir.

8 – Définissons d’abord la laïcité pour savoir si elle est en danger aujourd’hui. Pour moi, cela constitue simplement à ce qu’aucune pensée philosophique ne s’interfère dans le domaine public mais qu’à l’inverse les citoyens qu’elles que soient leurs idées s’adaptent aux règles générales. Or, il ne faut pas focaliser sur les signes distinctifs. S’il n’y avait que cela… Quelqu’un qui porte un voile, pourquoi pas, il en existe bien des gens qui porte des casquettes, des boucles d’oreille. Mais tout cela c’est une façade, c’est ce qu’il y a derrière qu’il faut étudier. Et si on voulait adapter les règles à chaque pensée on ne s’en sortirait plus. Je me souviens lorsque j’ai fait l’armée j’avais un adjudant qui je crois était adventiste, je ne suis pas sûr du mot mais je crois que c’était cela. Eh bien les adventistes, ils ne travaillent pas le samedi. Alors il voulait bien remplacer tout le monde, le dimanche même, mais pas le samedi. J’ai eu aussi la surprise de constater l’absence d’une de mes employées parce qu’il y avait ce jour une fête juif je ne sais plus laquelle. Sans savoir si elle avait le droit de partir, eh bien elle n’est pas venue. Cela me parait des signes plus significatifs que le voile. Cela veut dire : « je vis ma religion, mais je m’en fous pas mal de savoir dans quel pays je suis, je vis comme ma religion me dit comme je dois vivre ». Et cela me paraît totalement incompatible avec une organisation de la société. D’aucuns rétorqueront que l’on fête bien Noël, mais à ma connaissance ce n’est pas l’église catholique qui a décrété que l’on fêterait Noël mais c’est l'État qui a considéré que Noël étant une fête on transformerait ce jour en fête officielle. De la même façon, il faut aussi se méfier d’un autre danger, quand on parle des religions, on parle des musulmans, des catholiques, des juifs, etc., on oublie souvent l’anticléricalisme viscéral. Et qui en soit peut être aussi dangereux qu’une religion classique. Cet anticléricalisme est une des conséquences de la loi Combes (NdT : loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État) qui a eu aussi ses effets négatifs.

A - Ici vous élargissez le champ de la religion ou de l'Église, lorsque l’on parle de la séparation des Églises et de l'État, à toute forme de dogmatisme qui veut imposer sa vision.

9 – Je crois qu’il faudrait que l’on se mette d’accord sur un certain nombre d’idées qui traversent la laïcité, je ne dis pas définir parce que cela me semble ardu. Il me semble que historiquement la laïcité nous a permis, c’est une idée ou une philosophie je ne sais pas, de prendre de la distance avec les luttes fratricides, avec les conflits religieux ou même sociaux. En partant de là, il me semble qu’alors que la laïcité était une idée qui progressait, il semble qu’elle soit attaquée. Est-elle en danger, je ne sais pas. Parce que lorsqu’il y problème il y a souvent prise de conscience et cela pourrait nous aider à redéfinir une nouvelle laïcité, peut-être pourquoi pas. En tout cas, pour essayer de définir la laïcité de façon un peu pragmatique, je dirais qu’il y a au moins deux dimensions, tolérance à l’égard de toutes les opinons, on s’est peut-être un peu trop focalisé sur le domaine religieux, mais c’est opinion politique, philosophique, religieuse, et aussi une idée qu’il y a au moins un domaine où l’on doit rester indépendant de toutes les prises de positions personnelles à l’égard des religions, etc. Il me semble que l’on devrait peut-être se poser la question suivante : n’y-a-t-il pas des domaines où l’on doit rester entièrement neutre, c’est-à-dire indépendant de la manifestation de nos idées politiques, religieuses ? Je pense évidemment à l’école, je suis enseignant. Il me dérange pas que l’on fasse état de ses opinions jusqu’au moment où c’est une limite aux règles que l’on s’est données y compris avant que ces problèmes se posent.

A – Vous nous dites que la laïcité a permis la constitution d’un corps social plus équilibré, plus uni en quelques sortes.

10 – Il me semble que notre questionnement sur le danger qui pèserait sur la laïcité est intimement lié à la tolérance, au droit à la différence, à la liberté d’expression. Je crois, mais c’est un débat certainement pas simple, je crois que l’on commet une erreur lorsque l’on parle de droit à la différence sans montrer ce que cela signifie réellement. Lorsque l’on parle de droit à la différence, de tolérance, on a bon an mal an l’expression que chacun peut dire ce qu’il veut quand il veut où il veut. Or il ne faut pas oublier que ces droits là fondamentaux sont inscrits dans un ensemble plus vaste que l’on appelle la pluralité, c’est-à-dire que le droit à la différence ne peut exister qu’à partir du moment où chacun a fait dans la société acte de volonté générale et s’est conformé à ce que Rousseau appelait la loi, alors la loi pour lui c’est la constitution, l’acte de volonté générale. Je prends un exemple, et d’ailleurs la loi le stipule très fortement, on n’a pas le droit au nom du droit à la différence de dire n’importe quoi sur la Shoah, on n’a pas le droit au nom du droit à la différence d’être les zélateurs d’une pensée raciste fascisante. Je crois que la tolérance et le droit à la différence il faut toujours rappeler dans quoi elle est inscrite. C’est en cela que l’on va pouvoir avancer sur la laïcité. Ce serait un contresens absolu de considérer que chacun peut dire ce qu’il veut quand il veut hors de tous cadres. Les cadres sociaux sont établis, l’acte de volonté générale a été établie, et par exemple quelqu’un qui prônerait la loi coranique au détriment de la loi de la société n’est clairement pas le bienvenu dans une société démocratique. Je le dis peut-être un peu abruptement mais je crois qu’il faut se rappeler ce que cela veut dire le droit à la différence, etc. Et c’est simple quand il s’agit du combat que tous démocrates doit embrasser, le combat contre le fascisme, tout bêtement parce que cette pensée ne rentre pas dans le cadre initialement voulue pour constituer la société, une société démocratique avec une constitution, basée sur des lois humanistes etc. C’est quand même un préalable à la tolérance, un préalable obligatoire à une tolérance sociale, après chacun en son fort intérieur peu penser ce qu’il veut, mais quand on parle de la laïcité il me semble que l’on est dans un problème social et non personnel.

11 – Je n’ai pas assisté au début du débat mais je voudrais ramener le débat sur le port du foulard dans le système laïc. Je crois que c’est avant tout le citoyen qui fait les règles, et pas les règles qui doivent faire le citoyen. Personnellement en tant que musulmane, j’ai eu la chance de rencontre la laïcité incarnée par une ancienne directrice d’école primaire, qui lorsque je suis arrivée enfant en France reste pour moi une femme extraordinaire malgré le fait qu’elle soit athée, mais c’était ma maîtresse d’école et qui me regardait avec des yeux… Je n’ai jamais ressenti un délaissement à mon égard. Est-ce que la laïcité ce ne serait pas avant tout l’amour du savoir, le don du transmission de ce savoir à toute personne. Maintenant le port du foulard, je suis musulmane pratiquante, eh bien le foulard, avant d’être un signe distinctif, c’est une injonction de Dieu, c’est être soumis à la loi divine. Concrètement cela suppose bien obligatoirement, il faut le dire honnêtement, que l’on devienne plus pudique, que l’on intègre des principes, et c’est vrai qu’il en découle des lois, et c’est vrai que par exemple à l’école, est-ce que gymnastique et foulard sont compatibles, est-ce que piscine et port du foulard sont compatibles ? J’ai appris à nager à la piscine. Je serais d’avis d’utiliser le système, pour l’avoir vu fonctionner en Égypte, le système qui sépare, je serais pour la création d’écoles religieuses comme il en a toujours existé, protestante, jésuites, etc., et à côté de cela l’école laïque n’est pas en danger, elle évolue, je veux dire qu’il n’y a pas d’angoisse à avoir, il ne faut pas parler de civilisation en danger, etc., elle ont toujours évolué les civilisations, et jusqu’à ce que l’on atteigne le niveau nécessaire cosmique, bon voilà tout. Mais avant tout il y a une solution à apporter parce que qui dit port du foulard dit comportement qui en découle. Je suis à cours d’idées.

A – Dans votre intervention vous mettez sur le même plan la laïcité et les religions en vous appuyant sur l’influence qu’ils peuvent avoir. Est-ce vraiment le concept de laïcité que de dire que la laïcité est une religion comme une autre ? Et je voudrais revenir sur vos dires, vous nous dites ; « c’est le citoyen qui fait les règles et non pas, les règles qui font le citoyen ». Peut-être qu’aujourd’hui on a trop tendance à considérer que le citoyen n’est qu’un individu et le fait de considérer cela c’est oublier que le citoyen est plus qu’un individu, c’est un individu qui appartient à une société, qui consent aux règles communes. Et donc en quelques sortes, c’est aussi les règles qui forment les citoyens. Il y a réciprocité là.

12 – Je voudrais dire en ce qui concerne le port du voile à l’école. Je pense que les islamistes essaient de casser la laïcité en France pour mettre tout leur poids sur la domination de notre pays. Quelqu’un vient avec une casquette en classe, on dit de laisser la casquette au vestiaire, mais une jeune fille musulmane vient en classe avec son voile eh bien il faut le mettre ce voile au vestiaire, c’est simple, c’est pour tout le monde. On ne peut pas dire autre chose. Je crois que le voile devrait être formellement interdit. Le fait d’avoir laisser trancher les proviseurs chacun dans leur coin a compliqué les choses parce que cela crée un climat qui n’est pas sain, l'État doit avoir quelque chose dans le pantalon.

A – A priori, vous voulez que les règles soient respecter, je dirais même sévèrement appliquées. Ceci dit on ne peut pas faire de procès d’intention. Lorsque vous nous dites que les islamistes veulent imposer leur loi à la république, on ne peut rien dire.

12bis – Oui mais lorsque l’on voit des personnes bloquer une rue parce qu’ils font une prière, on ne peut pas passer, et puis il ne faut surtout pas les déranger, à tel point que la voie n’est plus publique, et bien il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

A – Manifestement, sans fustiger une partie de la population, il y aujourd’hui une montée du communautarisme, c’est important de la souligner, c’est un mouvement social qui accompagne ce délaissement de la laïcité.

13 – J’étais enseignant, et j’aurais voulu connaître la réaction des gens si un jour on n’aurait eu des personnes qui par réaction au port du voile se mettaient à porter la croix mais la croix à la « chanteur à la croix de bois ». Je ne sais pas ce qu'aurait fait l’inspection académique, la presse, etc. Je pense qu’il y aurait eu scandale. Donc je crois que la laïcité ce n’est pas du tout une religion, la religion c’est du privé et donc la laïcité c’est une attitude de vie. On peut sans doute être laïc et être un excellent chrétien, un excellent musulman, un excellent juif. Dans certains pays musulmans, la loi religieuse est aussi la loi civile. Nous, nous avons une loi civile. Et dans cette loi du citoyen eh bien il y a la laïcité. La laïcité ce n’est pas le refus des religions, c’est positif la laïcité. Cela ne veut pas dire non plus, attention, tolérer n’importe quoi. Ce n’est pas la neutralité bête, le Beni oui oui. Ce n’est pas l’abstention. C’est d’avoir une opinion, mais surtout d’accepter celles des autres.

A – Non, on n’applaudit pas. Ce n’est pas que l’on a pas le droit. Je voudrais pas faire en sorte que vous vous sentiez contraint et pas libre de vos mouvements. Mais il faut comprendre aussi que le débat a des règles précises. Et notamment si une opinion ne vous plait pas, vous ne huez pas, si une opinion vous plait, vous ne l’applaudissez pas. On reste neutre et raisonné.

14 – Je voulais simplement parler d’un Etat laïc et athée, l’union soviétique, et là on pourchassait les manifestations religieuses. Ce n’est pas de la laïcité mais ils se prétendaient laïcs. Une idée a fait son chemin depuis le début du débat. Dans tous les pays du monde, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes concernant la laïcité, et il faudrait trouver un moyen commun de vivre ensemble avec quelques lois communes qui permettent l’unité de l’humanité en même temps qu’en respectant la diversité. Je crois que laïcité est en chemin, comme la démocratie, mais elle est loin d’être réalisé. On trouve aussi des partis politiques qui se conduisent exactement comme des systèmes religieux, on trouve aussi dans les rituels propres aux Etats des attitudes religieuses. Quand on pense par exemple au salut au drapeau, à diverses cérémonies de vénération de certains morts, etc.

15 – Juste une petite chose quand même. On a parlé de laïcité et de religion mais je voudrais dire que l’on peut être athée et agnostique aussi, cela pour fermer la parenthèse. Je dirais que la laïcité, cela a été dit avant moi, c’est l’absolue liberté de conscience et sans doute le respect des autres et de soi-même donc la tolérance, mais au delà de tout cela, je crois que la laïcité est un concept de portée universelle, et ce qui m’inquiète c’est l’Europe. Cette semaine, on est passé à une Europe à 25, d’ailleurs dans l’indifférence générale, l’actualité irakienne l’emportant sur tout. On a oublié de dire que l’Europe maintenant c’est 25 pays. Or j’ai regardé l’ancienne Europe et la nouvelle configuration, eh bien on est toujours deux Etats laïc, la France et le Portugal. Bientôt la Turquie, si elle rentre. Elle frappe à la porte mais elle n’est toujours pas rentrée. J’en tire la conclusion arithmétique que la laïcité s’est diluée soudainement avec cette situation nouvelle. Ce n’est pas une angoisse vis-à-vis de l’Europe. Je dis qu’au contraire la laïcité est un combat à mener. Attention, le terme combat a des connotations un peu guerrière et intolérante. Mais je crois qu’il ne faut pas se tromper, il faut se donner les moyens de développer cette grande ambition qu’est la laïcité.

A – Bien évidemment, il faut entendre le terme combat avec com et battre, c’est-à-dire battre ensemble, vaincre les ténèbres. Alors la construction de l’Europe c’est une question importante. Il me semble que dans la Constitution Européenne, on fait référence à Dieu. Non ? Cela a été refusé sous la pression de la France.

16 – Pour moi, la laïcité ne peut pas être appliqué à un individu. Un individu ne peut pas être laïc. La laïcité se conçoit au niveau de l’autorité de l'État. Par contre si on veut parler de la mise en danger de la laïcité, il faut réfléchir à ce qui se passe actuellement. De dire qu’un État laïc se veut neutre, c’est-à-dire acceptant toute les religions, il faut aussi qu’il ai un comportement identique face à chacune des religions, et réciproquement que chacun des individus ait un comportement identique vis-à-vis de l'État. Prenons un exemple, quelqu’un qui veut inculquer à son enfant un enseignement religieux intégriste va mettre son gosse dans une école intégriste, il doit en exister. Il ne va imposer à l’école laïque de s’adapter à ses pensées. De la même façon quelqu’un qui veut vivre pleinement sa religion musulmane, eh bien il faut qu’il aille dans une école musulmane. Je n’ai pas dit tout à l’heure que le voile n’était pas important mais que c’était le symbole qui était derrière. Et que si on commence à discuter de l’habillement, on va enlever boucles d’oreille, etc. On met le doigt dans un engrenage pas réaliste. Par contre le comportement de l'État vis-à-vis des religions, il est important de savoir qu’effectivement s’il est normal que l'État se préoccupe du fait que les musulmans en France, qui sont nombreux, n’aient pas de lieu de culte, il ne faut pas pour autant faire une distinction dans le financement des lieux de culte. A part la cathédrale d'Évry qui aurait bénéficié d’argent public, les églises ne sont pas financées par l'État. La loi 1905, en la comparant à la loi de 1901, l'État peut financer des associations culturelles qui sont bâties selon la loi 1901 mais ne peut pas financer des associations cultuelles bâties selon la loi 1905. Alors que font certaines mosquées, ce qui a permis d’apporter des financements légaux, officiels ? Eh bien, on finance l’association culturelle qui loue le bâtiment à l’association cultuelle. Si demain on voulait bâtir une église, il y en a eu récemment des églises dans notre région qui ont été bâtie après la loi 1905 donc qui ne sont pas possession de l'État, parce qu’à l’époque toute les églises construites avant 1905 sont entrées dans le patrimoine de l'État, des communes plus exactement, eh bien pour ces églises construites après 1905 il n’y a pas eu ce type de financement public. De la même façon, quelqu’un a reproché au pape de faire des déclarations. A la limite, ses déclarations n’intéressent que les gens qui sont catholiques, il a droit de parler, ce quine sont pas catholique ne sont pas obligés de le suivre. De la même façon que lorsque l’on vit dans une société on côtoie toutes les instances qui existent. Un exemple, officiellement les évêques sont nommés par le pape, ceci étant il n’y a pas un évêque en France qui ne soit nommé sans l’aval, du moins sans concertation, avec les autorités publiques, et ce qui important ce n’est pas cela ; Ce qui est important c’est ce n’est pas écrit dans la loi et dans la constitution française qu’un évêque sera nommé par l'État. Ça, c’est un signe de laïcité, ensuite que pour des questions de courtoisie, je ne vois pas ce qui est choquant. La laïcité c’est bien vérifier que dans les règles d’un État il n’y ait pas de préférence ou de refus écrit. Qu’ensuite dans la pratique il y ait des petites entorses, on ne peut y échapper. Mais ce qui est important c’est que ce ne soit pas écrit dans les textes.

A – Vous insistez sur le fait que les différentes religions soient logées à la même enseigne.

17 – Avez-vous entendu dire que notre président a été à la messe pour le dimanche de Pâques ? Est-ce qu’il est normal que l’on en informe la société civile. Qu’il aille à la messe, peu m’importe mais qu’on le crie sur les ondes, non. Je trouve cela choquant parce que cela va à l’encontre de tout ce que l’on vient de dire. Je le dis avec humour mais dans les principes je trouve que cela ne devrait pas être mentionné publiquement. Pour la question du voile je me suis posé beaucoup de question. Il faut quand même penser à la mentalité des adolescent qui aime bien être conforme à un certain modèle. Je pense qu’il faut éviter de s’opposer à certains adolescents de front. Si on peut leur expliquer, évidemment ce n’est pas la peine qu’il se singularise. On peut leur dire gentiment genre « bof tu dois avoir chaud là dessous ». Faire comprendre la bizarrerie de la chose. Mais affronter cela de front c’est mauvais je pense. Il risque d’y avoir braquage. Et ça va dans le sens recherché c’est-à-dire la provocation. Pour certaines adolescentes, c’est une façon de s’affirmer. Et si on affronte cela, elles le prennent pour de l’intolérance et finalement j’ai remarqué que pour la plupart des élèves que j’ai fréquenté je n’ai jamais eu de problème parce que même si elles affichaient leur culture religieuse eh bien finalement elles aspiraient à être des jeunes françaises modernes et délaisser cette culture passéiste pour parler gentiment. Par contre un grand nombre de reportages montrent des influences extérieures. Donc il faut essayer de traiter le problème en dialoguant mais je crois qu’en tous les cas, quand il s’agit des jeunes à l’école il faut éviter l’affrontement. Je veux donner un exemple d’intolérance qui m’avait frappé, j’ai une excellente amie très militante, qui est dans toutes les associations, prof d’histoire géographie, eh bien elle avait mis un mot sur le tableau à propos d’une surveillante qui portait le voile, un voile discret, pas un gros voile. Le mot disait que c’était scandaleux de tolérer une chose pareille. Grosse polémique. Je l’ai prise à part en lui disant qu’elle exagérait et qu’elle risquait de cristalliser une chose qui s’accentuerait. Il y a quand même toute une culture catholique dans notre société. On ne peut pas demander à ces gens qui doivent devenir citoyen avant tout de tout arrêter, parce qu’à la limite on n’en fera des paumés. Il ne faut pas de fanatisme, qu’ils ne soient endoctrinés, ça d’accord, mais je pense que par moment nous sommes un peu intolérant.

A – Alors rapidement, sur l’avant-dernière intervention, on a parlé de l’ambiguïté ou de l’amalgame aujourd’hui entre culture et religion. Et tout de suite on a parlé de l’école, l’école qui forme avant tout le citoyen. C’est un des rôles premiers. Oui ces affaires d’identité, de quête de sa singularité, d’affichage, d’image est peut-être plus intensifiée à l’école. Vous parlez de la façon de porter le voile. Il y aurait donc une façon revendicative, vindicative, et une autre qui serait plus naturelle en quelques sortes.

18 – Je vais être un peu provocateur. On parle de temps en temps de convaincre par ici par là une personne. Mais on parle avec la laïcité d’un État, d’un pays. Quand il y a une loi, contrairement à ce que vous dites [ référence à l’intervention 17 ], il n’y a pas de dialogue. Le dialogue c’est avant. Quand la loi est faite, il n’y a pas de dialogue. J’exagère un peu. Mais bon. J’ai entendu parlé du pape. Eh bien oui, le pape a le droit de dire son opinion. Elle ne concerne pas que les catholiques de même que ce que disent les Américains et en particulier monsieur Bush ne concerne pas que les Américains. Je pense que tous les chefs de pays ou de pensée peuvent s’exprimer et il est un devoir de l’information de nous les faire connaître. Je reviens sur le fait que l’on a relaté que notre président aille à l’église et relier à cela les aides qui sont données aux églises pour construire. Là je pense que l'État n’est plus laïc et les aides pour construire un lieu de culte ne conviennent pas à la laïcité. Et il ne faut pas partir du principe si j’en donne à un je dois en donner à tout le monde. Ce n’est pas le problème. Jadis c’était les fidèles qui finançaient leur temple. Et puis je vous rappelle qu’à la première guerre du Golfe, la messe de minuit interdite sur le territoire de l’Arabie Saoudite et je vais parler des fidèles qui eux doivent entretenir les lieux de culte, doivent débourser. Supposons que je sois catholique ultra-pratiquant, multimilliardaire, et que j’ai envie de construire une cathédrale en Arabie Saoudite, est-ce que j’aurai l’autorisation ? Je ne crois pas. Je vous laisse réfléchir à cela. C’est un peu de la provocation, mais je crois que l’on ne transige pas avec la laïcité, le voile comme ça d’accord, la croix est toute petite d’accord. Non ! La laïcité est un principe, c’est une loi, un point c’est tout.

A – Alors vous avez raison de souligner que l’exercice démocratique est fait de telle sorte que l’on peut participer à l’élaboration de la loi, c’est même plus qu’une possibilité, c’est vivement conseillé. Mais lorsque la loi est faite, on s’y plie. On la respecte. Et pour remettre en cause une loi, il faut un entendement général, et non pas des contestations d’une partie de la population.

19 – Je suis content que cela ait été rappelé. Dire la loi et la faire respecter, ce n’est pas de l’intolérance, c’est l’expression de la loi et de la démocratie. On ne le répètera jamais assez. Ensuite je crois qu’il faut reprendre un peu le contexte historique de la séparation des Églises et de l’Etat. C’est d’abord une loi qui a été initialisé à la Révolution avec hélas force violence mais on a tenté de mettre en pratique la laïcité à cette époque. En 1905, il faut reconnaître que depuis longtemps déjà la République aidant la religion était déjà passé dans la sphère privée. Cela faisait longtemps que l’Eglise et l’Etat étaient séparés, indépendamment des problèmes de financement divers et variés. Mais déjà dans la conscience des gens, la séparation était là. Chez une grande partie de la population. Et je dirais que la loi a en quelques sortes entériné ces faits. Il me semble qu’en ce début de vingt-et-unième siècle on ne peut parler avec honnêteté intellectuelle de laïcité en mettant toutes les religions sur le même plan en France. Parce que si clairement à part pour une petite minorité d’intégristes l’ensemble de la population chrétienne en France a intégré que la religion était de la sphère privée, il me semble qu’il n’en ai pas de même ni pour les juifs ni pour les musulmans. Je pense que cela demande débat. Mais pour moi on ne peut pas parler de la religion en général. Que dire de quelqu’un qui au nom de la démocratie voudrait m’imposer sa loi sous prétexte que c’est la loi de Dieu et que dans ses textes Dieu donne des commandements de vie. Il me semble que les 250000 hadiths liés au Coran sont bien des règles de vie, de ce qu’il faut faire ou ne pas faire en société. Chacune des trois grandes religions du livre a ses spécificités. Et certaines de ces spécificités pour l’instant ne sont pas forcément en accord avec la loi républicaine, le but étant peut-être que d’un côté comme de l’autre des pas soient fait. Et je suis frappé que lorsque l’on parle de laïcité dans les trois quarts des interventions on ne parle que du voile et des signes distinctifs. Je crois qu’il faut savoir en quoi les zélateurs de chaque religion sont en accord avec les lois démocratiques. Sinon on parle dans le vide. Et c’est cela qui amène à faire quelques dérogations que je qualifie d’antirépublicaines et qui sont de créer des lois pour des communautés au lieu de créer des lois pour la nation. Or le concept de nation française est important parce que c’est de cela que naissent les citoyens. Je citerais notamment les dérogations à la loi 1905 faite en 1981 pour certaines associations musulmanes. Cela peut au moins poser questions.

A – Vous nous dites qu’en France toutes les religions n’ont pas le même vécu historique. Le christianisme ou le catholicisme s’étant confronté un peu plus avec l’établissement de la République.

20 – Récemment on entendait à la télévision Max Gallo qui disait que la laïcité est au dessus des religions, non pas au niveau des religions, mais au dessus. Cela veut dire qu’elle s’impose aux religions. Il faudra effectivement puisqu’elle est relativement récente en France que la religion musulmane comprenne son rapport à la laïcité. Donc il faut qu’elle se pose comme question ce qu’elle doit faire pour s’adapter à la laïcité. Pour revenir au voile, il faut savoir que dans beaucoup d'États musulmans, on ne porte pas le voile. Il y a peut-être la moitié du monde musulman qui ne porte pas le voile. En plus je serais intéressé de connaître quelle sourate parle du voile proprement dit. Il me semble que Mahomet n’a pas dit de porter le voile.

A – Prenons aussi l’exemple de la Turquie qui était composé à 90% de musulmans et qui a été laïcisé, Moustafa Kemal Atatürk l’ayant laïcisé.

21 – Je voudrais mettre en place un certain paradoxe de l'État envers la laïcité. Il existe en France des week-ends relatifs à la Chrétienté, Pâques, Noël, etc. Ces dates sont souvent fériées, ne favorise-t-on pas la chrétienté ? On parle toujours du voile en parlant de l’Islam. Mais est-ce que ce n’est pas une certaine idée d’appartenance à une religion lorsque l'État met en place des jours fériés pour ces fêtes chrétiennes ? On disait tout à l’heure que l’école créé le citoyen. Est-ce que l’on ne pourrait pas mettre en place à l’école un cours d’histoire des religions pour montrer aux jeunes les différences entre les religions et pour expliquer les particularités. Cela pourrait permettre d’atténuer l’intolérance.

A – Alors c’est une question importante. Doit-on éduquer à la religion. Non pas inculquer un culte religion, mais éduquer à l’histoire, à la religiosité ? Et puis vous parlez d’une culture catholique française qui donnerait l’impression que l’on favorise une religion plutôt qu’une autre. Mais à l’inverse est-ce que ce ne serait pas intégré à une culture ?

22 – Moi je voudrais poser une question. J’ai un problème de conscience par rapport à cette école dans laquelle le breton est parlé couramment à l’école. Personnellement j’ai été choqué de voir que le ministère de l’éducation nationale ait accepté une telle pratique à l’école. Parce que le breton est devenue la langue en quelques sortes officielle dans l’école. Or on est quand même dans une république laïque avec une langue commune, un enseignement commun et je ne conçoit pas que l’on puisse parler exclusivement en breton sur le domaine de l’éducation. Pour moi c’est un des problèmes de laïcité, c’est accepter le développement d’un communautarisme. Or c’est ça qui met en danger la laïcité, le communautarisme et son développement, religieux ou autres.

A – Alors pensons effectivement au moment où l’on a cristallisé la citoyenneté, à la Révolution Française, on a fait en sorte de rassembler, de fédérer ces cultures, on peut évoquer tout un tas de résistance chauvine qui se confrontait à la mise en place de la citoyenneté.

23 – Pour revenir à Jacques Chirac, il faut bien dissocier deux choses, la vie publique et la vie privée. Après c’est l’histoire de la presse, les journalistes ne devraient pas relater ce genre d’information. Dissocier l’information brute de l’analyse et des commentaires, très important. Aujourd’hui dans les médias on a beaucoup plus de commentaires que d’information. Vous ferez l’expérience vous même et vous verrez que dans les discours des présentateurs il y a beaucoup de commentaires, et ça c’est antinomique avec la profession de journaliste. De toute manière on ne peut pas empêcher un homme d’avoir ses propres pensées même s’il est à la tête d’un État laïc. Sous le règne de François Mitterrand, on n’a pas changé le statut des prêtres d’Alsace Lorraine qui sont toujours payé par l'État. Ensuite je suis tout à fait d’accord pour définir la laïcité, je suis d’accord pour parler d'État laïc, mais pas dogmatique. Soi-même, nous ne sommes pas laïc, mais nous sommes dans un pays laïc. Je ne sais pas encore ce que c’est qu’être laïc pour un individu. Je voudrais revenir sur la définition que j’aime le plus de la laïcité, c’est l’absolue liberté de conscience, mais je me pose une question c’est quoi la conscience et jusqu’où va-t-elle ? J’ai le sentiment que nous les hommes nous avons besoin de cadres et que la laïcité fait appel à des cadres nettement supérieurs à toutes les considérations que l’on peut évoquer au cours de soirées comme celles-ci. Je pense que la solution c’est de dissocier le spirituel du réel.

A – On a fait une distinction entre sphère privée et sphère publique pour définir la laïcité mais on n’a pas trop insister sur la distinction entre pouvoir temporel et intemporel, spirituel et politique.

24 – Je voulais revenir sur le financement des Églises. D’abord il y a la règle. Depuis 1905, toutes les églises qui existaient à l’époque, leur entretient est assuré par les communes, tout ce qui s’est construit après, par des société civiles immobilières généralement, avec des financements qui n’ont rien de publics. J’ai cité la cathédrale d'Évry comme entorse à cette loi parce que l’on dit que la cathédrale aurait bénéficié partiellement d’une subvention d’Etat en appliquant la règle qui semble-t-il est plus couramment utilisé pour la construction de mosquée c’est-à-dire qu’il se constitue une association culturelle régie par la loi 1901 qui elle peut être financée, alors à Évry par exemple on aurait trouvé que la cathédrale avait un aspect culturelle, mais c’est la règle systématique pour les mosquées, de Lyon entre autres. Il est vrai que ce qui est important dans le domaine de la laïcité, c’est de vérifier qu’aucun texte privilégie une religion particulièrement. On a parlé de l’Alsace-Lorraine, mais c’était antérieur à la loi de la séparation de l'Église et de l'État, c’est-à-dire à la rupture du Concordat. Il ne suffit pas d’un décret présidentiel pour supprimer cela. C’est une affaire comme tout Concordat, comme tout traité international, une affaire entre Etats, la France et le Vatican en l’occurrence. L’étonnement de voir des jours fériés légaux calqués sur le calendrier catholique. Mais j’imagine si un jour l’on disait que la laïcité voulait que plus qu’aucune fête religieuse ne soit fériée… Cela fait partie des relents de l’histoire. On a dit tout à l’heure que la loi 1901 et la loi 1905 sont les résultats de la Révolution. On peut dire cela comme cela. Mais ce qui est intéressant de constater c’est que la Révolution a cassé une chose c’est le privilège de la noblesse et de l’église mais ces privilèges étaient assortis d’obligations, pour l'Église en tant qu'institution avait l’obligation des œuvres sociales et de l’éducation, et en échange de quoi ils avaient le privilège de l’exonération de l’impôt de même que la noblesse ne payait pas l’impôt parce qu’elle avait l’obligation de défendre la nation. La loi 1901 a été modifié par Combes parce qu’il trouvait qu’elle n’était pas assez coercitive, le but de Combes et des anti-cléricaux était d’empêcher d’interdire toute activité de toute congrégation, actuellement encore cette loi a encore une disposition, même si elle n’a pas été appliquée depuis longtemps, c’est qu’un simple décret ministériel peut supprimer toute organisation cultuelle. Et toute création est soumise à l'État alors que pour la loi 1901 il suffit de faire une déclaration à la préfecture. Et on ne supprime pas une association loi 1901 sans raison. Alors qu’une simple signature peut supprimer n’importe quel culte. Quant à Chirac, je ne crois pas qu’il faille… tous les jours le calendrier du président est publié, et qu’il y ait des journalistes qui trouvent intelligent de stipuler cela, il ne faut pas y voir l’immixtion de l’église catholique dans l'État.

A – Ceci dit, concernant monsieur Chirac et que l’on nous fasse croire qu’il serait fou de la messe, à priori le président de l'État incarne l’intérêt général, c’est un homme public en entier.

25 – L’éducation religieuse se fait en tout cas à l’étranger. Ce n’est pas de la foi, ce n’est pas de la catéchèse. Et cela se passe très bien. Cela fait partie du patrimoine de l’humanité les religions. Quand on parle de tolérance, je pense que c’est parce que l’on ne connaît pas la religion des autres. Alors je trouve que le désir de monsieur Régis Debray d’enseigner les religions à l’école est très intéressant.

A – L’intolérance résulte souvent il est vrai d’une incompréhension et d’une ignorance.

26 – Je suis un peu obstiné mais je reviens sur l’aspect juridique et constitutionnel du problème : pour redire que seules le Portugal et la France font référence à la laïcité, qui n’est peut-être pas la même d’ailleurs, dans leur Constitution. Ce qui n’est pas le cas des autres pays européens sui font tous référence à Dieu, sous une forme ou une autre. Tous. Je voudrais insister sur cette question qui me semble très importante. A la découverte de cela, je pense que la laïcité a un immense domaine à gagner. Et je voudrais lier à cela la notion de liberté absolue de conscience, ou en tous cas d’exercice de la confession de son choix. C’est la libre pensée, et l’exercice de sa propre conviction. Et d’ailleurs j’ai été toujours été extrêmement surpris de voir que dans les systèmes politiques où la laïcité n’est pas reconnu c’est la notion de Concordat qui est en place. Cela veut dire que l'Église est dépendante de l'État directement. Elle est sous autorité de l'État. Ma conviction est celle-ci : si l’on veut vraiment être libre pour exercer une confession, qu’elle quelle soit, c’est la laïcité qui le permet, plus que tout autre.

A – Alors on a peut-être pas assez insisté sur ce point là, c’est que la laïcité permet un libre exercice de sa propre religion, non de contrer une pratique religieuse ou philosophique. Et c’est peut-être quelque chose qui n’est pas très bien compris. Un autre point : c’est vrai que l’on sent aujourd’hui la montée des communautarismes, de groupes de population qui tentent d’imposer leur lois, que ce soit religieux ou autres, est-ce que tout cela ce n’est pas parce que nos propres rituels, parce qu’il existe des rituels républicains, qui rassemblent, qui unissent les citoyens, est-ce que ce n’est pas parce que ces propres rituels républicains sont à l’abandon, délaissés ? Ne doit-on pas les stimuler, ou en créer d’autres ?

27 – Je voulais simplement attirer l’attention sur l’attitude assez souple de la religion catholique, celle qui a bercé mon enfance, parce qu’à l’école, même catholique, sur le plan politique, on parlait de devoir de voter, de citoyenneté, etc. Lorsque j’étais à Lille, une de mes amies musulmanes a mis son fils dans une école religieuse, les bernardines qui tenaient l’établissement avaient fait tout le nécessaire pour que l’enfant ait sa formation religieuse dans sa propre religion, l’Islam. Je pense que ce sont des démarches positives. Il ne faut pas avoir une attitude constamment craintive vis-à-vis des religions, je pense qu’il y a une maturité qui se fait d’un côté comme de l’autre, aussi de la part des religions que des Etats, bon qui ont toujours eu raison d’être prudents vis-à-vis des religions qui veulent se présenter comme des absolus mais il y eu aussi des Etats qui se sont présentés comme des absolus aussi.

28 – Dans la dernière intervention, j’ai entendu ce que je redoute le plus. C’est de dire que les Etats ont aussi commis des horreurs. Je crois qu’il y a quelque chose que l’on a totalement oublié, et ça c’est hélas le 20ème siècle qui a montré effectivement que l'État dans sa forme la plus dur pouvait créer des abominations, et ça je pense que l’on est tous d’accord, pour autant il me semble que la dérive qui consiste à ne plus considérer l'État en tant que tel, à ne plus considérer la démocratie comme l’acte de volonté générale des citoyens, cette démocratie qui ne doit laisser place à aucun communautarisme que ce soit, je le dis avec la plus grande force, c’est-à-dire que lorsque l’on parle de combat ça peut être dans les idées mais ça doit être dans la rue pour faire respecter les règles républicaines eh bien ce sera dans la rue. La démocratie ne peut se permettre de laxisme parce qu’elle comporte en elle-même par sa tolérance absolue les fondements de sa perte si on ne fait pas attention. Je crois que la démocratie c’est le combat permanent de la valorisation de l'État dans tout ce que cela signifie de bien l'État. C’est-à-dire faire en sorte que les citoyens soient tous égaux. Lorsque l’on voit « liberté égalité fraternité » sur les frontons des bâtiments publics cela veut dire de grandes et belles choses ; Alors je sais bien qu’aujourd’hui tout le monde s’en fout un petit peu mais être citoyen c’est grand, appartenir à une nation, faire œuvre commune c’est une noble cause. Par contre revendiquer son identité sous prétexte qu’on est dix et vouloir faire une loi parce que l’on est dix, c’est, et là je suis très dur, c’est une œuvre anti-démocratie voire fascisante lorsqu’elle s’accompagne de lobby et de groupes de pression suffisamment puissants pour que les politiques se mettent à genoux devant eux. Je suis très dur mais je pense que les principes démocratiques ne sont jamais assez défendus quand disant haut et fort ce genre de chose. C’est vrai que c’est un peu dur mais il me semble que la citoyenneté, l'État, la représentation, la loi et justement le fait que cette loi si on y tient c’est peut-être parce que l’on a envie tous ensemble de la changer, de la modifier, de l’améliorer, donc d’aller voter, donc de participer, tout cela, c’est bien plus grand que les petites problématiques personnelles qui tendent à la modifier par groupes de pression interposés.

A – Alors sans employer vos termes ni même modérer vos propos, je pense que l’on ne favorise pas assez la citoyenneté et le fait d’être citoyen. C’est important d’être citoyen. Il faut le vivre, chaque jour, c’est quelque chose qui s’apprend. Et c’est aussi dans ce lieu qu’est l’Arcadie, dans ses Cafés Citoyens que l’on essaie de découvrir ce qu’est la démocratie, ce que c’est qu’être citoyen. Et pour revenir au rituel républicain dont on a parlé dans le débat, cela peut être une habitude, celle de se fixer des moments pour débattre, comme ici, toutes les deux semaines comme ici.

Thèmes proposés pour le 14/05/2003 :

1 - Morale et religions
2 – Peut-on être citoyen en monarchie ?
3 – La laïcité peut-elle se développer ?
4 – Citoyenneté locale et citoyenneté mondiale
5 – Existe-t-il une foi du citoyen ?
6 – Les devoirs de la presse à l’égard du citoyen – thème choisi
7 – Quelle Europe pour demain ?
8 – La philosophie comme moteur de citoyenneté
9 – Nation et nationalisme
10 – Laïcité et Éducation Nationale

Interventions

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Jacques

mercredi 17 avril 2013 07:26:01 +00:00

Le problème, c'est peut-être qu'aucun intervenant n'arrivait à sortir de l'existant : dire que l'administration n'est pas aussi une éthique, de la spiritualité, c'est faux...ou pour le moins coupable : on se lamente que les politiciens ne se conduisent pas bien...mais on les a excusé par avance !?!
Côté clergés, on voit bien qu'ils se laissaient absorber par des préoccupations bassement matérielles, la palme semblant devoir revenir aux desservants de l'église du saint-sépulcre, à Jérusalem.
Bref, pour être en danger, faudrait-il d'abord exister !

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Jacques

mercredi 17 avril 2013 15:20:33 +00:00

...et pas du tout d'accord, côté synthétiseur...on peut dire qu'en 1901, les scientistes français se sont fait avoir comme des bleus par les papistes ! La vraie question, maintenant, c'est pourquoi les administrateurs civils sont toujours aussi mauvais !
Premières raisons, pour être élu, il fallait promettre la lune, pouvoir boire comme un trou, avoir 49,9999999 % des voix contre soi : ça n'aidait peut-être pas !?!

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