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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (05/02/2003)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Politique et Société

Le rôle de la femme dans la mutation sociale

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Au delà des revendications des féministes, il s’agit d’imaginer dans quelles mesures les femmes, mais aussi la féminité dans son acception la plus large, peuvent contribuer à l’élaboration d’un nouveau projet de société.

Tout au long du débat, plusieurs interventions tentèrent de définir l’essence féminine, soit en qualifiant la sensibilité et la créativité de féminine (et la force de masculine), soit en déclarant ces valeurs comme des composantes féminines ou masculines de notre individualité alors androgyne. Mais ces raccourcis ne risquent-ils pas de figer notre approche de la féminité ? Ou pire réduire les relations entre féminité et masculinité à de simples dualité ou complémentarité. Ceci dit, s’il existe une mutation sociale actuellement, nous pouvons la ressentir dans les changements d’aspirations, des hommes qui se laissent de plus en plus séduire par le cadre familial, des femmes qui trouvent à l’extérieur du foyer une dynamique épanouissante.

La répartition des tâches dans les sociétés s’est globalement établie selon la dichotomie entre le foyer (ce que les Grecs nommaient oïkos) et la politique. Les contraintes naturelles ont ainsi cantonné les femmes à la gestion du foyer et à l’éducation, les hommes à la politique et à la guerre. La domination de l’homme sur la femme est en outre historiquement très ancrée. L’évolution aussi bien matérielle que morale de nos sociétés occidentales nous a affranchis progressivement de certaines contraintes naturelles. Fort heureusement pas de toutes, mais nous pouvons dire aujourd’hui que toute activité dans notre société est réalisable aussi bien par un homme que par une femme. Pour autant, force est de constater que les métiers de l’éducation sont plutôt conquis par les femmes. Et que dire de la scène politique en majorité composée d’hommes ? Les professions restant en grande majorité masculine ou féminine semblent être une affaire de mentalité. L’assemblée s’accorde pourtant sur le fait que l’investissement des hommes dans le milieu éducatif est bénéfique à la pédagogie, qu’une participation plus active des femmes en politique contribuerait au renouvellement de notre classe politique.

On évoqua aussi la revalorisation du travail dit « au foyer » ainsi que celui de l’éducation au sein de la famille. Il ne s’agit pas en effet de dénigrer ces activités forts nobles et utiles tout comme nous devons nous garder d’imputer le délaissement du cercle familial à l’émancipation féminine. Le combat de l’égalité se situe justement dans la conquête du choix pour les femmes, soit de rester au foyer, soit d’en sortir.

Concernant la loi du 6 juin 2000 sur la parité, des citoyens n’y voient qu’un jeu politicien supplémentaire. Tout d’abord parce que l’Assemblée Nationale n’est constituée de nos jours, malgré l’adoption de cette loi, que de douze pour cent de femmes. Ensuite parce que ce qui importerait en politique, c’est la compétence. Qu’un poste soit attribué à une femme ou à un homme ne changerait rien qualitativement. Il est question ici de l’incarnation de l’intérêt général, donc de l’«asexualisation» de l’élu(e). Cependant, cette mesure rigoureuse peut se lire comme un message fort destiné à un rééquilibrage de nos institutions. Une citoyenne a même ressenti lors de la création du ministère des droits de la femme une forme de ségrégation des femmes, « les femmes seraient perçues comme des citoyens à part ». Or, et nous pouvons établir un parallèle avec l’actuel débat sur le vote obligatoire, même si des mesures semblent en apparence contrecarrer l’idéal (idéalement, le vote ne doit pas être imposé, il doit être ressenti comme un acte librement consenti, tout comme théoriquement le femme doit être l’égale de l’homme), appliquée temporairement elles peuvent endiguer des problèmes et redresser des situations vicieuses.

Durant le siècle précédent, des femmes, des hommes aussi, ont mené des combats acharnés pour l’accession à l’égalité. Contre la toute-puissance maritale, notamment concernant les délits d’adultère. Pour le droit de vote qui fut accordée aux femmes en 1945. Le célèbre procès de Bobigny précéda l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse de 1975. Depuis les années 80, les discriminations dans le milieu professionnel sont interdites. Pour autant, ces acquis restent fragiles, et l’éducation des mentalités doit demeurer une priorité. Des inégalités de salaire sont effectivement toujours visibles.

Tout commence donc avec ce constat que le monde qui nous entoure s’est principalement construit sous la domination de l’homme ; et les modèles économiques selon des visions masculines. La hiérarchisation semble être d’ailleurs un concept typiquement masculin. Inquiets par la tournure de notre société, il est judicieux de penser qu’une contribution plus forte des femmes à la marche du monde pourrait nous libérer de mécanismes aliénants. L’essence féminine doit alors s’extraire du carcan social si familier, échapper au mimétisme de l’homme, pour s’épanouir.

Mais la tâche est rude. D’autant plus rude qu’il faut jeter les bases d’une nouvelle société en faisant abstraction de celles qui composent notre quotidien et surtout nos traditions. Ces fondements sont peut-être par ailleurs bien plus imperceptibles qu’on ne le croit. On ne défait pas l’Histoire si facilement.

L’avènement d’une société égalitaire ne s’établira pas uniquement sous l’impulsion de luttes féministes revanchardes. Car les processus de domination sont dangereusement inversables. Gardons en point de mire l’équilibre égalitaire et écartons les luttes simplistes entre hommes et femmes. Ce sont bel et bien les valeurs de notre société qu’il faut modifier tous ensemble. Toujours est-il que les femmes doivent s’engager sur deux plans. Et les hommes doivent les y aider (commençons dès maintenant à en faire une affaire commune). Non seulement conquérir le champ social tel qu’il existe, mais aussi participer à la réflexion sur la méthodologie qui fabriquera le moule de la société de demain. Et c’est sur ce dernier point que notre culture d’hier et d’aujourd’hui risque d’être un frein à ce nécessaire élan utopique.

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