“La guerre, c'est la guerre des hommes ; la paix, c'est la guerre des idées.”

Victor Hugo (1802 - 1885)

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Comment vivre avec les souffrances de nos parents ?

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Quelle complexité que le rapport à nos parents ! Nous recevons en héritage leurs biens matériels, mais aussi leurs empreintes génétiques, leurs systèmes de croyances, leurs histoires de familles. Nous gardons en commun le souvenir de nos plus belles années : celles de notre enfance, le souvenir d’années passées ensemble. Ils nous ont mis au monde, nous ont donné tout ce qu’ils pouvaient, nous ont mené à l’âge adulte. Comment nous en séparer pour trouver notre individualité et leur rendre la leur ? Comment vivre tous ces passages, d’unions et de séparations, dans le respect et la bienveillance ? Comment voir ces personnes qui nous sont chères, souffrir de solitude, de leurs émotions, et de leurs maladies ? Comment dissiper cette fatigue qui semble les marquer jusque dans la tenue de leur corps ? Comment retrouver avec eux un nouvel équilibre, prendre conscience de notre propre individualité, rétablir avec eux un rapport d’égalité, et partager avec eux plus encore qu’une histoire commune ?

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Ce débat a eu lieu le 09/10/2009 à Bruxelles. Vous pouvez continuer à échanger sur le sujet.

Compte-rendus

Interventions

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Laurent Watrin

samedi 29 août 2009 17:48:30 +00:00

Tout d'abord, félicitations pour l'ouverture de ce nouveau café citoyen en Europe. Puisque nous sommes voisins (presque !), et que j'aurais peut-être l'occasion de venir vous saluer vivement le 9 octobre, je vous adresse une petite réflexion pour contribuer au premier débat bruxellois. Un thème fort et très philosophique pour commencer ! Il me semble que vivre avec les souffrances, qu'elles soient directes ou transmises par des proches, est le lot quotidien de tout homme conscient. Dès que nous entrons dans l'âge adulte, nous savons, et la société nous le rappelle, que le "principe de plaisir" (pour employer un terme freudien) n'est plus la règle absolue du bonheur, tel que la douceur enfantine nous en avait donné l'idée ou plutôt l'illusion ? Devenir homme, c'est peut-être aussi développer cette capacité à la souffrance sans laquelle la tyrannie peut vite nous rattraper pour nous-mêmes et pour les autres. En écrivant cela, je suis peut-être trop imprégné de dogme chrétien, sans le mesurer tout à fait, mais il me semble que le jugement humaniste perd de sa valeur si nous perdons de vue la souffrance, qui est aussi une condition de notre attention aux autres. C'est là que nous pouvons poser un problème de société qui rejoint la parenté. D'abord, dans un premier temps, disons que nous n'avons pas le choix : il faut accepter la souffrance de nos parents quand elle survient. Si nous les aimons, nous pouvons aussi trouver la ressource psychologique de soulager cette souffrance. Pouvons-nous la supporter ? C'est un autre problème, qui renvoie à notre égocentrisme. La philosophie bouddhiste, par exemple, enseigne que je peux très bien me détacher de la souffrance de l'autre sans pour autant y être indifférent. Ensuite, dans notre démocratie moderne, des mécanismes existent (notamment en Belgique) pour soulager les souffrances personnelles, lorsque celles-ci deviennt insupportables. Choisir de finir sa vie est l'un des aspects les plus troublants de la possibilité donnée à une personne aujourd'hui, dans l'espace européen. Je l'écris ainsi car, même si la plupart des pays interdisent cette possibilité, l'on peut toujours se rendre, en tant que citoyen européen de l'espace Schengen, dans un pays voisin qui pratique l'euthanasie. Mais ce choix-là doit-il être univoque, strictement personnel ? Ou nos parents doivent-ils nous en parler avant de prendre une décision ? Faut-il qu'un médecin valide ce choix (ce n'est pas le cas en Belgique, je crois) ? Ce sont des questions citoyennes, des questions de choix de société. Mais entre la souffrance acceptée, en famille notamment, et le choix de la fin de la vie, il existe un tas de nuances complexes qui interrogent le citoyen européen dans son rapport à la mort et à la condition des vivants. Vaste et beau sujet, donc.

A bientôt.

Laurent Watrin, animateur régulier des cafés citoyens en Lorraine.
lwpf2003@yahoo.fr

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Anonyme

mardi 01 septembre 2009 10:58:52 +00:00

mon rapport à la souffrance de mes parents est plus intense que mon rapport à la souffrance de l’autre en général car je me sens plus proche de mes parents que de l’autre que je connais moins. lorsque je suis avec des personnes proches, moins proches que mes parents mais tout de même proches, comme mon conjoint, un ami, un collègue, je souffre de la voir souffrir. il m’arrive de leur en vouloir de ne pas en faire plus pour souffrir moins, car je me dis que s’ils souffriraient moins, je souffrirais moins également. je n’ai pas l’impression d’avoir une quelconque prise sur leur souffrance, si ce n’est de me détacher d’eux à mon grand regret. j’aimerais comme l’enseigne la philosophie bouddhiste pouvoir "me détacher de leur souffrance sans y être indifférent", mais je ne vois pas bien comment.

Mhoussaye

Marc Houssaye

mardi 01 septembre 2009 21:08:45 +00:00

Ce débat pose la question de la compassion. Quel est notre rapport à la souffrance de l'autre ? Pourquoi nous sentons-nous parfois démunis devant celui qui souffre ? Ne faudrait-il pas néanmoins apprendre à faire la part des choses ? Parfois, écouter a plus d'effet que partager notre désarroi. Il n'y a peut-être pas de "solution" à ce que l'on vit. Pourquoi devrions-nous forcément chercher une solution à la souffrance de l'autre ? Je me veux volontairement provocateur. Mais sait-on ? Pour aborder autrement la question, nous pouvons nous interroger également sur notre rapport au bonheur de l'autre.

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U

vendredi 04 septembre 2009 18:31:48 +00:00

Un voisin a mis sa mère en maison de repos parce qu'elle avait des soucis de santé. Elle ne voulait pas quitter son domicile et aurait préférer mourir chez elle. Elle n'était pas de ma famille mais ça m'a rendu malade de la voir partir contre son gré. Je ne sais pas ce qu'elle est devenue mais je sais que le fils a vendu la maison car il avait besoin d'argent. Drame de la fin de la vie, drame de la maladie, drame de quitter son domicile, tout ça sur drame de crise sociale et financière. Ma tête me dit de penser positivement mais mon coeur souffre de voir tant de drame. Comment parvenir à concilier le coeur et la raison dans le monde d'aujourd'hui ? En publiant plus de nouvelles positives, en partageant plus son bonheur, en s'ouvrant à celui de l'autre ? Dit comme cela, ça me parait inhabituel, mais c'est peut-être une nouvelle alternative ?

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Sophie

mardi 29 septembre 2009 12:00:57 +00:00

Pour ma part, j’ai envie de regarder la souffrance de mes parents sous deux angles différents:
Tout d’abord, cette souffrance visible, celle de l’âge qui rend douloureux, qui fait perdre l’autonomie et qui pose la question de l’avenir qui se raccourcit, l’approche de la mort…
Puis, cette souffrance invisible, celle qui ne s’exprime pas car elle n’est pas assez consciente pour pouvoir poser des mots qui sauront la définir. Elle s’exprime au travers de leurs actes, de leurs pensées et dans leurs relations, et ce, tout au long de leur vie.

J’entends la première. Elle est naturelle. Elle prend de l’ampleur dans notre société car elle semble être un tabou. J’essaye de l’accompagner, d’y apporter des réponses pratiques. J’essaye de l’adoucir en recentrant nos échanges sur l’aspect positif des expériences que la vie leur a donné, du savoir-être que l’âge leur a permis d’acquérir. Je suis patiente quand ils cherchent leurs mots ou lorsque tout prend du temps…

En revanche, je me suis construite au travers du filtre de leurs souffrances invisibles. Ce sont elles qui m’ont donné une définition de moi-même. Inconsciemment ils m’ont transmis très tôt la peur de l’existence, la peur de l’autre. Leur besoin de contrôle m’a par la suite niée, vampirisée. Leurs souffrances ont ouvert une brèche en moi qui a permis à d’autres, aux souffrances identiques, de s’engouffrer en moi, jusqu’à me disloquer.
La souffrance “à être” de mes parents, leur habileté à l’enfouir, et leur incapacité à la surmonter m’ont fait plonger dans un univers faussé, tronqué, mais qui était ma seule référence possible pendant presque 40 ans.
Ce n’est qu’après avoir sombré que j’ai eu la “chance” d’être aidée à ouvrir cette petite porte sur toute cette souffrance cachée.
J’ai pu alors m’individualiser, me construire, découvrir que mes parents portaient en eux la boussole de mon chemin de vie.
De là est né un profond respect envers eux, une empathie pleine et joyeuse. Je suis maintenant apte à les écouter, les guider, les accompagner. Je sais que quoiqu’il arrive, si on sait ouvrir “cette petite porte”, la souffrance peut s’apaiser.

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