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Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (26/01/2008)

Animateur du débat : Stéphanie Robledo

» Éducation

Peut-on encore faire l'éloge de la paresse ?

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Président - Quelques informations sur le réseau, un café citoyen dans le Nord à Templeuve a demandé à entrer dans le réseau. Un autre à Rennes, des personnes ont demandé à nouveau à entrer dans le réseau. Ca fait quelques années qu'à Rennes on a des gens qui viennent nous voir mais ça ne se met pas en place. Si vous connaissez des personnes sur Renne n'hésitez pas à nous les faire connaître. Puis une information concernant les activités caennaises, vous savez qu'on est en partenariat avec différents cafés de débat. Il se trouve que le café des sciences entame sa nouvelle saison, elle débute mardi prochain, elle entame la saison sur la génétique, ce qui peut aussi nous intéresser. J'ai reçu les invitations pour le prochain var des sciences : génétique l'avenir de ma médecine, toujours au café Mancel.

Animatrice - Bonjour et merci d'être venu aussi nombreux pour débattre du sujet du jour : peut-on encore faire l'éloge de la paresse. (Présentation de la nouvelle Arcadie et des règles pour le débat)
Dans la formulation du thème de ce jour il y a deux mots clé, éloge et paresse mais il y en a un autre aussi selon moi c'est l'adverbe encore sur lequel j'aimerais attirer votre attention puisqu'il tend à présenter la paresse dont je pense que les contours sont vastes, il tend à présenter la paresse comme une notion suspecte et sur laquelle on pourrait intervenir. Opposer le travail et l'hyperactivité qui sont présentes dans notre société comme des valeurs vertueuses. Il est donc intéressant de s'intéresser à la notion de paresse. Justement par rapport à la paresse on peut s'intéresser à son histoire puis qu'elle est attachée à l'un des sept péchés capitaux et forcément sa notion est douteuse et suspecte, assimilée à une répugnance à l'effort, physique, intellectuel, philosophique, politique, et souvent associée à une faiblesse de caractère qui tendrait à une forme d'oisiveté, de passivité, d'inertie, peut-être aussi d'indifférence et du coup à l'individualisme. Alors cette stigmatisation autour de la notion de paresse la rend moralement condamnable dans notre société. Pour autant on pourrait s'interroger sur la définition de la paresse et se demander si c'est forcément un non travail, s'il n'existe pas une paresse joyeuse, contemplative créative qui serait une voie vers la sagesse, vers une occasion ,d'une réflexion sur soi, une reconquête de soi, de positionnement, de réflexion sur le positionnement de soi par rapport au monde qui nous environne. Autant de questions sur les quelles on peut s'interroger et d'autres encore puisque le sujet est vaste. Pour lancer la discussion je vais remettre le micro à celui qui a proposé le sujet la dernière fois.

1 - Lorsque j'ai proposé ce sujet, peut-être par paresse, en opposition au slogan de notre président Nicolas Sarkozy, travailler plus pour gagner plus. Quelque part effectivement cela rejoint un peu votre préambule, aussi je ne vais aller plus loin dans les propositions. Il me paraissait par contre intéressant, nous sommes dans le cadre du café citoyen, de débattre sur deux axes, c'est-à-dire l'axe du personnel politique d'une part et puis aussi dans notre propre comportement à nous, citoyen. Si on veut parler de la paresse dans son ensemble, les deux heures que nous allons passer ensemble vont être un peu courtes. Aussi je pense qu'il est plus raisonnable de sérier dans l'espace du café citoyen. C'est la proposition que je fais, maintenant ce n'est pas fermé non plus.

Animatrice - Le débat est lancé.

2 - Je vais répondre un peu à coté de la question, peut-on encore faire l'éloge de la paresse, je dirais plutôt doit-on encore faire l'éloge de la paresse, et je pense qu'on le doit. Bien que ça fasse partie des sept péchés capitaux, personnellement ce sont les seuls capitaux que j'ai, je les ai tous à part l'envie et la colère, et je n'en porte pas plus mal. Je souhaiterais que quelquefois les gens qui nous dirigent fassent plus de temps en temps d'excès de paresse. Je pense aux dictateurs qui parsèment la planète un peu partout, je pense aussi à notre cher président qui pourrait être de temps en temps paresseux, cesser de s'agiter un petit peu, ça nous donnerait un peu de répit sur les petites lucarnes. Eurodisney n'est pas un endroit paresseux, et je pense aussi aux intégrismes religieux qui pourraient être paresseux de temps en temps. Donc je pense qu'il faut faire l'éloge de la paresse pour toutes ces raisons-là.

3 - Pour rebondit un petit peu dans le sens de ce que vous venez de dire, on ne peut plus faire l'éloge de la paresse intellectuelle qui habite les petites lucarnes, ça me venait à l'esprit en vous entendant.

4 - Ce qui a dominé mon esprit quand j'ai pris connaissance du thème c'est plutôt la distinction entre le travail obligatoire, celui dans lequel on est engagé socialement, structurellement et qui a des quantités de contrainte, et l'autre aspect de la vie qui est la liberté personnelle, donc la possibilité d'une créativité libre sans contrainte extérieure, en accord avec le voisinage qui fait qu'on peut avoir une vie tout à fait parallèle, différente, où l'on manifeste sa joie de vivre. J'en vois le symbole dans un film qui s'appelait « au hasard Balthazar » c'est un gars qui avait été marié, ça avait mal fini, il vit toute sa vie dans son lit. Ça intrigue pas mal les gens, il fait ce qui lui vient à l'esprit, il vit avec son chien, il fait sa petite balade, ah oui vous avez raison c'est « Alexandre le bienheureux », il finit par se retrouver avec une femme qui réussit à le séduire et à la dernière minute quand il fait le mariage, il s'en va. Donc c'est la manifestation d'une liberté intérieure. Et puis j'ai d'autres choses, mais j'en parlerai tout à l'heure.

Animatrice - Justement à la fin de ce film sa fiancée lui dit : Alexandre où vas-tu ? Il répond : je vais voir, et il part. Donc on imagine que l'étape de la paresse est terminée. Dans les interventions qui viennent d'être dites, on pourrait se demander aussi si effectivement la paresse est l'occasion d'une réflexion sur soi, une reconquête de soi, donc l'occasion d'une créativité, selon suppose peut-être un effort paradoxalement, est-ce qu'on ne serait pas tenté par une oisiveté qui serait aux antipodes de cette créativité, de cette réflexion et donc on serait dans une passivité. C'est une question sur laquelle on pourrait s'interroger.

5 - Si vous le permettez je voudrais vous fredonner un petit couplet du père de Michel Sardou : cette branche là je vais la couper, aujourd'hui peut-être, pourquoi pas demain, et si je ne peux pas la couper moi-même, je la ferai couper par mon ami Tonin qui la coupera aussi bien que moi-même. Alors on peut très bien voir une caricature de la paresse, mais à travers il y a toute la problématique de l'être humain dans ce couplet, l'être humain face à la nature, la nature qui lui est bienfaisante puisqu'il va se reposer sous son arbre, elle lui donne peut-être des fruits, des pommes des poires ou autres choses, mais il a un travail à faire, il y a une branche qui peut lui tomber dessus, il faut la couper. Lui finalement il aspire à un peut de liberté, à prendre son temps, à être maitre du temps, et puis il se dit je ferai ça demain, on verra bien, et puis il se dit pourquoi demander à mon voisin qui le fera pour moi. La c'est un petit peu celui qui se reporte sur autrui, sur la société. Alors je pense que dans la paresse il est difficile à la fois d'en faire l'éloge que de la blâmer, parce que c'est une zone d'ombre qui concerne le comportement humain avec toutes ses contradictions et je pense qu'il faut essayer de la comprendre, c'est la meilleure façon, la comprendre plutôt que de la blâmer ou de la sublimer.

Animatrice - On parlait tout à l'heure de la paresse intellectuelle de la population mais aussi de nos gouvernants et peut-être que si on fait l'éloge de la paresse d'après ce que vous venez de dire il y a peut-être une incitation, une forme de complicité avec l'inaction ou en tout cas avec l'état du monde comme il se présente, est-ce qu'on serait complice si on fait l'éloge de la paresse du monde qui nous environne et sur lequel on a aucune action, on a renoncé à avoir une action. Vous disiez qu'on ne peut ni en faire l'éloge ni la blâmer, je pose la question.

5bis - C'est une zone d'ombre la paresse effectivement on peut confondre forcément le vice et la vertu et réciproquement, pour certains se sera un vice, pour d'autres se sera une vertu, mais il faut faire la part des choses, essayer de la comprendre, comprendre l'individu lui-même, ses aspirations et puis se dire que quand même, puisqu'on a dit le travail, c'est vrai que le travail tel qu'on le conçoit actuellement, on peut le blâmer, mais il y a toujours eu du travail, même l'homme de la préhistoire il a fallu faire face à la nécessité, ça ne lui est pas tombé comme ça, il a fallu qu'il taille des pierres, il a fallu qu'il réfléchisse, pour tailler ses pierres il a fallu inventer des outils pour tailler la pierre le mieux possible, l a plus utilisable, donc on ne peut négliger ces aspects qui environnent l'individu.

Animatrice - Des réactions ?

6 - Vous parlez de la préhistoire à juste titre, mais à l'époque on n'avait pas le choix, les femmes avaient leur rôle, les hommes allaient chasser. Aujourd'hui il me semble qu'on est dans la société dite des loisirs, tout le monde a du travail, depuis la révolution industrielle, je vous rappelle quand même que par rapport au travail il y a cette histoire, ça me revient j'ai vu cela hier soir, le roi Lude, je ne sais pas si vous connaissez, c'était, en fait ça a donné lieu à un mouvement qui critiquait les machines parce que ça allait enlever du travail aux ouvriers, donc on a toujours eu besoin de travailler. Aujourd'hui on est à l'époque des 35 heures, il y en a du boulot, mais les gens qui en ont ne peuvent en donner, là je fais un aparté personnel. L'éloge de la paresse donc me semble, moi je vais revenir à un truc basique très important, notamment en ce qui concerne les enfants. Aujourd'hui les enfants ont un planning de ministre, on les oblige à être dans la compétitivité, dans l'excellence, les enfants ont le droit de rêver. Moi je fais l'éloge de la paresse parce que j'estime qu'on a le droit au rêve. Quand on a lu, quand on a joué, quand on a étudié, le fait de ne rien faire, ce n'est jamais ne rien faire. La paresse c'est tout sauf l'oisiveté à mon sens. Un enfant qui rêve, il va justement faire une gymnastique intellectuelle peut-être, peut-être pas, qui va lui permettre de s ‘approprier ce qu'il a lu, ce qu'il apprit, les idées vont peut-être s'interconnecter. Pour finir, revenons quand même sur le discours de notre président qui a enterré Mai 68 avant même d'être élu, moi qui suis née en 68 qui a eu accès à cette contre culture à l'époque, on faisait l'éloge de la paresse mais on réfléchissait beaucoup.

Animatrice - Un éloge de la paresse mais aussi une activité intellectuelle.

7 - Je pense, à tort peut-être, que la paresse est dans la nature humaine. En tout cas en ce qui me concerne je me sens plus à l'aise depuis que je suis en retraite puisque je ne fais plus rien et que malgré cela je me sens très bien. Par contre en faire l'éloge, je suis un peu plus circonspect parce que pour vivre il faut travailler, et travailler qu'on soit salarié ou commerçant, c'est une espèce de forme de contrat avec la société et qu'à ce moment là, si on a cette obligation et qu'on paresse on ne respecte plus son contrat. Donc qu'on fasse l'éloge de la paresse comme étant quelque chose de naturel lorsque l'on peut, mais on ne peut en faire l'éloge lorsque la paresse devient une tricherie.

8 - Excusez-moi mais moi je reviens à mon propos de départ, sur le plan politique il semble donc que notre avenir soit obligatoirement, c'est la moins mauvaise des solutions, dans le développement anarchique du libéralisme. Alors c'est basé sur quoi, sur une paresse de l'analyse, une paresse de pensée, sur une facilité, est-on absolument certain que pour que le monde soit vivable il faut transformer tout le monde en hyper actif, et pour quoi faire ? De la même façon, la deuxième partie qui portait sur notre comportement, n'est-ce pas par paresse que l'on va adopter l'attitude de bon ! À quoi bon ? Je pense que si on accorde ces deux axes on est en plein dans le café citoyen sans rentrer dans les aspects purement philosophiques ou autres. En fait les réflexions sur ces deux axes, c'est tout à fait notre mode de vie qui est au creux de ces problèmes, c'est l'existence de chacun et de ceux qui nous suivent.

9 - Je ne sais pas si la paresse il faut en faire l'éloge ou le procès, simplement il me semble que la paresse est un élément qui est inné quelque part à l'homme, qui fait partie de sa vie. Ce que je trouve par contre différent, c'est qu'il me semble qu'il y a une paresse qui est dommageable à partir du moment où cette paresse là n'apporte que du négatif à l'homme, si elle le pousse vers un laisser aller, une lassitude, un enfermement. elle est négative. Par contre si cette paresse est un choix délibéré, et je rejoins la personne qui a parlé de la liberté, si cette paresse est un choix délibéré qui permet de laisser tout d'un coup le corps, l'esprit au calme pour, oui en fait inconsciemment on peut en faire quelque chose, mais quelque chose qui n'est pas bousculée, qui n'est pas précipitée, quelque chose dans laquelle on ressent une certaine jouissance. C'est peut-être lié à une notion de jouissance et de positivité, parce qu'effectivement cette paresse là permet à un moment donné de dire je laisse tout le reste à coté, j'oublie, je prends le temps pour moi de me laisser aller, de paresser pour retrouver peut-être soi-même et autre chose. Alors cette paresse là, oui, c'est la différence, mais celle qui conduit à l'enfermement, non.

Animatrice - Donc ça suppose qu'il y ait plusieurs définitions à la paresse parce que ça évoque pour vous bien évidemment, est-ce que c'est seulement de la passivité, est-ce que c'est l'occasion de ne rien faire véritablement pour se ressourcer, pour reprendre de l'énergie et repartir au combat. On peut s'interroger aussi sur les paresses obligées, celles qu'on nous impose, depuis les 35 heures il y a beaucoup de temps libre, est-ce que les gens arrivent à s'organiser, à organiser ces moments de paresse, de pause, est-ce que ce sont véritablement des moments de pause, est-ce que le monde, le temps libre ne s'est-il par organisé autrement vers une autre forme de travail, enfin autant de questions surs lesquelles on peut s'interroger.

10 - Depuis tout à l'heure on dit que la paresse c'est ne rien faire. Pour moi ce n'est pas la paresse, c'est la fainéantise qui est ne rien faire, d'ailleurs ça veut dire faire néant, fainéant c'est celui qui fait néant, il ne fait rien et ça ne doit pas être facile à faire. Je crois que ça ne doit pas être facile à faire, d'ailleurs c'est tout un art, il y a beaucoup de philosophies orientales qui sont basées sur ne rien faire, de chercher à ne rien capter. Je pense qu'il y a des philosophies « zen » où l'on s'assoit, on essaye de penser à rien, ça c'est vraiment un travail très difficile. Pour moi la paresse ce n'est pas du tout la fainéantise, c'est pour moi le moyen de se reposer, de se reposer en contradiction avec le travail, mais ça travaille quand même. Ce n'est pas un travail agissant, un travail social comme on l'a dit tout à l'heure, pour moi c'est la condition pour pouvoir s'extraire du monde dans lequel on est tous les jours, pour pouvoir mieux se pencher dessus. C'est vrai que c'est un péché capital comme on l'a dit, mais ça peut être aussi vécu comme un moyen de mieux recevoir ou mieux voir, mieux comprendre le monde dans lequel on vit. Moi je me demande simplement si aujourd'hui on a la capacité, les moyens, le temps de prendre du recul sur ce qu'on fait. Avez-vous le sentiment d'avoir aujourd'hui le temps, à part au café citoyen bien sur, de prendre du recul sur ce qu'on fait, c'est quoi le but, c'est quoi le sens de notre société.

11 - Moi je ne suis pas trop d'accord avec Marc, parce que la paresse, moi je ne la mettrais pas en opposition avec le travail, ce que je mettrais en opposition avec le travail c'est le loisir. Pour moi, à priori à brûle-pourpoint, la paresse renvoie immédiatement à une notion de culpabilité, c'est-à-dire, on a parlé de la religion chrétienne qui en a fait un des péchés capitaux et qui a d'ailleurs mis en corollaire derrière, tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. Ce qui a derrière ne veut pas dire qu'il faut absolument suer pour gagner son pain, mais par contre il ne faut pas demander aux autres de suer pour soi, pour subvenir à ses propres besoins. Je pense que c'est comme ça qu'il faut voir la chose, finalement quelque soit la société, son niveau de complexité, il n'y a pas vraiment de problème à l'oisiveté à partir du moment on l'on ne demande pas aux autres, à ses concitoyens, à ses congénères suivant le degré de complexité de faire à sa place ce que nous on devrait faire aussi pour la cité pour la communauté. Donc la paresse serait plutôt un comportement, ça peut être d'ailleurs à portée domestique au premier niveau, je ne fais rien chez moi, je me mets dans mon fauteuil et je laisse les taches domestiques aux autres, mais ça peut-être aussi au niveau de la cité, du village, de la société dans son entier. La paresse je la mettrais ici, tout ça pour bien distinguer justement le coté ne pas faire, du coté culpabilité par rapport au fait de ne rien faire et donc de le distinguer de l'oisiveté. Juste pour étayer un peu mon propos on peut observer aujourd'hui encore dans le monde un échantillon très vaste, très large de sociétés organisées, sociétés extrêmement complexes avec une foule d'activités liées au progrès et puis vous trouvez encore en Afrique des civilisations, des sociétés dites primitives, organisées autour d'activités infiniment plus simples que les nôtres, eux ne fabriquent pas d'Airbus, c'est compliqué de construire un Airbus, mais par contre ils sont quand même très occupés, ils vont passer un certain temps aux activités liées à subvenir à leurs besoins élémentaires, aller chercher de l'eau c'est long, c'est fatiguant, nous on ouvre le robinet, ça prend trois minutes. Par contre on est quand même toujours occupés un certain temps dans la journée pour faire autre chose, finalement ça renvoie à la deuxième question, qu'a-t-on gagné avec cette former de progrès, et justement la place de la paresse là-dedans, dans un cas et dans l'autre, où est-ce qu'on la met. C'est-à-dire est-ce qu'on la met à un moment donné chez nous, est-ce qu'on devrait la mettre comme une réaction à ce système déviant qui consiste de plus en plus aujourd'hui à faire qu'il y ait des gens, une minorité qui accumule énormément de richesses, pour le coup un droit un droit aux loisirs et à la jouissance matérielle complètement débridée, au prix de l'activité des autres qui eux triment dur, aujourd'hui pour subvenir à ses besoins élémentaires que sont le logement ou les repas, parfois trimer toute une journée ne suffit plus, il y a des travailleurs pauvres.

12 - Je voudrais revenir sur les propos de Marc lorsqu'il nous a expliqué ce que signifiait le mot fainéant pour dire que quelqu'un de fainéant était quelqu'un qui faisait le néant. En réalité ce mot, c'est pour ça que je reviens là-dessus parce qu'il peut nous apprendre beaucoup de choses. Ce mot, fainéant, tout le monde a entendu parler des rois fainéants, toute le monde a dans l'esprit que cette lignée de rois était une lignée de rois paresseux et oisifs, or ce n'est pas du tout le cas. Si on les appelés les rois fainéants, d'abord ce sont les carolingiens, ceux qui ont succédé à ces rois fainéants qui les ont appelés ainsi. En fait on a fait de ces rois, rien en usurpant leur histoire, en galvaudant le récit de leurs exploits, et on les a fait néant, on a fait d'eux, rien, c'est surtout ça le terme fainéant. Donc je me pose la question à travers de cette petite histoire, moi je me dis qu'avec le discours d'aujourd'hui où l'on incite les gens à avoir un travail salarié, travailler de plus en plus pour gagner plus, finalement on les occupe à ce qu'on veut. en les occupant à ce qu'on veut on les réduit à néant, ce qui reste de leur personnalité n'a plus d'autre choix que de s'exprimer dans le quotidien de la maisonnée, dans le repos mérité après une charge de travail considérable, mais finalement on ne leur laisse plus d'espace pour penser. Donc il faut faire attention avec ce terme fainéant. Ce que je voulais dire aussi par rapport à la paresse, c'est qu'on peut très bien être paresseux et aimer le travail, l'un n'empêche pas l'autre. Simplement on s'accorde des petits moments de paresse et suivant qu'on se sent coupable ou pas on le nomme différemment. Certains vous diront qu'ils méditent, d'autres qu'ils se ressourcent, d'autres font des breaks, d'autres encore font des pauses, mais finalement tout ça c'est s'accorder un petit moment de paresse pour soi. Je crois qu'une grande partie de ceux qui sont ici seront d'accord pour dire qu'il n'y a rien de plus merveilleux que d'appuyer trois fois sur le buzzer du réveil rien que pour avoir le plaisir de se rendormir entre deux sonneries.

13 - La question est où met-on la question, où se situe cette paresse dont on parle, je remarque qu'on peut la mettre sur le plan de la morale, on est invités à le faire par l'énoncé initial religieux. Sur le plan de la morale si je réponds, moi, sur le plan de la morale ce que j'en pense, je pense qu'elle est très légitime parce que je n'ai pas beaucoup d'appétit pour l'ordre moral. Mais si je change de plan, si je me situe au plan de la psychologie par exemple, et bien à ce moment-là j'en récuse la définition, veut-on couper la branche ou pas, c'est un désir, ce n'est pas une paresse, c'est un refus, c'est cet adolescent qui ne veut pas faire la vaisselle, c'est etc. Donc on a changé de plan et on discute les uns et les autres tout le temps en changeant de plan, donc c'est très difficile. Si on se place sur le plan de l'économie, quasiment sur le plan de la politique, là va apparaitre encore une autre notion, quasiment révolutionnaire, de la paresse, c'est d'ailleurs le petit fils de Karl Marx, Lafargue je crois, qui a fait le droit à la paresse, et c'est un droit politique et révolutionnaire par un communiste notoire. Effectivement à ce moment-là le droit à la paresse, et d'ailleurs j'ai entendu des propos qui allaient dans ce sens, c'est par exemple refuser ce monde, cette croissance là, si elle nous amène au suicide du monde on a quelques raisons de la refuser. Donc faire aujourd'hui l'éloge de cette paresse, là c'est peut-être sauver le monde. Donc effectivement on voit que selon les plans sur lesquels on se détermine pour poser la question, il y a même eu le plan philosophique quand vous parlez du zen, ça fait déjà quatre, on pourrait presque s'interpeller les uns et autres pour savoir suivant le plan où on situe la question, comment on y répond. On peut être pour, contre, par exemple l'éloge de la paresse en terme de psychologie, je l'ai dit effectivement c'est un symptôme, c'est-à-dire quelqu'un qui n'a pas le désir de quelque chose et effectivement c'est peut-être là où le rebondissement de ce symptôme va amener la paresse mère de tous les vices. Mais effectivement celui qui est prisonnier du symptôme peut, je crois que c'est vous madame qui l'évoquiez, peut évidemment déraper complètement, et on connaît des pathologies de la paresse, c'est-à-dire la disparition de tout appétit. Encore une fois, il est souhaitable qu'à chaque intervention on dise sur quel plan on se situe.

14 - Je suis entièrement d'accord avec les plans, peut-être aurait-il fallu commencer par une définition, mais moi je ne suis pas latiniste. Par contre je rebondis sur ce que vient de dire monsieur, il parlait du petit-fils de Karl Marx et de l'ouvrage « le droit à la paresse », je souhaitais juste rappeler qu'il y avait eu de grandes luttes sociales pour arriver à ce que le travail n'ait pas lieu le Dimanche et qu'ensuite les gens aient accès à ce qu'on appelle maintenant les congés payés et que sans faire de prosélytisme politique, remercions le petit fils de monsieur Karl Marx et les luttes sociales qui ont permis de disposer du Dimanche matin pour ceux qui l'ont choisi on n'aille pas à la messe. Et enfin pour relancer le propos je souhaiterais à titre personnel qu'on oppose au péché capital la vertu cardinale de la paresse.

Animatrice - C'est le gendre de Karl Marx, Paul Lafargue qui a écrit le droit à la paresse qui commençait par une phrase assez choquante, assez provocatrice à l'époque, « honte au prolétariat qui réclame encore du travail ». C'est une question à laquelle on peut s'interroger

15 - Personnellement je pense que la paresse ne peut être qu'un choix, on ‘est pas paresseux de force, sinon ça devient une maladie ce n'est plus de la paresse. Je voudrais revenir sur la fainéantise qui n'a rien à voir avec la paresse, c'est un mot que je n'aime pas beaucoup, c'est plus joli farniente. Donc la paresse pour moi c'est un choix, j'ai travaillé quarante trois ans, j'estime en avoir assez fait et j'aime choisir mes moments. La paresse je pensais surtout à la paresse physique parce que ça n'empêche pas à la folle du logis de vagabonder et de se promener, et même sur les étranges lucarnes on a toujours le choix pour avoir des émission intelligentes, instructives, maintenant qu'on a presque vingt chaines, on n'est pas obligé de regarder la star académy tous les soirs. Donc moi j'ai fait le choix de la paresse, ma devise est un peu ne pas faire aujourd'hui ce qu'on peut remettre à demain, de toutes façons on finit toujours par être obligé de le faire et je ne m'en porte pas plus mal.

Animatrice - Est-il vraiment possible de faire le choix de la paresse, peut-on vraiment s'octroyer des moments de paresse. Tout à l'heure j'entendais, on s'accorde des moments de paresse comme si on s'obligeait à être paresseux de temps en temps.

16 - Moi je pars sur une idée que dans le comportement d'une personne il y a des attitudes qui peuvent être concomitantes. On peut avoir besoin en même temps de repos, on peut avoir besoin également d'activité et donc, car l'activité est une chose aussi importante que la paresse dans la vie d'un homme, c'est aussi important parce .si jamais l'inactivité totale est difficilement concevable car on peut arriver à l'ennui et à la dépression. Il y a beaucoup de personnes qui ont voulu se lancer dans l'inactivité totale, elles sont arrivées à la dépression. De même que dans le travail, l'excès de travail on peut arriver au stress. Donc il ne faut jamais abuser, comme on dit il faudrait une bonne utilisation de la paresse, c'est tout le problème, la bonne utilisation de la paresse et c'est chacun qui la voit suivant sa paroisse, mais en prenant bien garde de ne pas arriver au paroxysme, car là on peut tomber dans des situations complètement aberrantes qui n'ont plus rien à voir avec la paresse.

17 - Pour bien témoigner philosophiquement de ce que je fais de ma paresse, kil se trouve que je vais faire un aveu, je suis né en 1939 et je ne me suis jamais quitté, puisque je suis encore là. Autrement dit j'ai eu à me supporter un certain nombre d'années. J'avoue que par moment j'en ai ras le bol. Comme dirait Lévinas je suis obligé de m'accommoder de cette existence, je respire et je ne peux pas me mettre au frigo, ça n'existe pas. Alors je me mets en vacance de la vie, de tout, je suis un zombie et je le revendique. C'est peut-être à ces moments là, chacune l'appelle comme il veut, mais je ne sais pas comment vous faites à vivre en couple en permanence avec vous-même depuis votre naissance, je ne sais pas comment vous faites, moi je n'y arrive pas, je l'avoue, je n'y arrive pas. Le Dimanche après midi , je m'installe devant ma télévision pour dormir, pour m'avachir pour me zombiesquisé, c'est çà l'éloge de la paresse et croyez-moi je trouve la vie formidable parce que je m'accorde sous plusieurs formes d'ailleurs, ce qu'on pourrait appeler une petite mort, une petite absence, encore une fois il y a plusieurs façons de faire l'éloge de la paresse. Et peut-être le plus bel éloge qu'on puisse faire car il n'y a rien de plus vain et plus gratuit que ce qui s'appelle l'amour.

18 - Il me revient en mémoire un mot que me disait mon papa, il disait j'ai toujours été un grand paresseux et ça demande beaucoup de travail. Pour preuve quand on n'a pas envie de faire beaucoup ses devoirs la première chose à faire c'est d'écouter en classe comme ça on a moins de devoirs à faire parce que on a intégré la leçon. Donc en fin de compte voilà ce que je voulais apporter dans la conversation, la paresse est un travail, demande beaucoup de travail, l'art de la paresse tout d'abord. Ensuite il me revient un article que j'ai lu dans la presse il n'y a pas longtemps, il s'agit d'un monsieur qui je crois est en Allemagne et qui depuis trente ans vit des prestations sociales, donc il revendique un droit au non travail, attention on a dit repos, on a dit fainéantise, or on est sur la sagesse, euh lapsus, la paresse. donc cet article revenait sur quarante ans de la vie d'un homme qui vivait pendant quarante ans en ne » faisant rien », sauf que non, il finançait des activités artistiques en touchant des prestations sociales, en travaillant forcément ponctuellement pour renouveler ses droits. Toujours est-il que la nouvelle directive prise par le gouvernement récemment élu l'a mis au pied du mur et figurez-vous que cet aboutissement a amené ce monsieur à créer une société, donc aujourd'hui il se trouve chef d'entreprise. Voilà ce que je voulais dire, peut-être que d'aucuns ont lu cet article il faisait l'objet d'une pleine page dans un quotidien que on trouve tous les matins en kiosque et je ne ferai pas de prosélytisme.

Animatrice - On a entendu dire que la paresse demandait beaucoup d'efforts, c'est un paradoxe, est-ce que cela fait réagir quelques-uns.

19 - J'ai l'impression qu'on est arrivés à ce stade du débat à faire plus l'éloge de la paresse et puis certainement en contre réaction beaucoup ont le sentiment qu'on est dans une société où il faut de plus en plus travailler. Moi j'aurais plutôt tendance à dire que finalement aujourd'hui on est plus paresseux que travailleurs dans la mesure où si on va dans un café citoyen ce qu'on demande c'est quand même un travail de citoyen pour développer notre propre citoyenneté. aujourd'hui j'ai l'impression que c'est vraiment la paresse citoyenne qui est bien pratiquée , en France, éventuellement dans les pays occidentalisés, dans les pays d'occident, parce que finalement on a du mal à remettre en cause le système dans lequel on est et que ça demande certainement du travail intellectuel, du travail de prise de recul, du travail sur soi, du travail d'analyse, du travail de repositionnement, le fait de ne pas se laisser aller dans le sens de la marche du monde ou en tout cas de ceux qui voudraient nous emmener quelque part. Moi j'ai plutôt l'impression que plutôt que faire l'éloge de la paresse avec des beaux mots, il faudrait plutôt être révolté, se dire qu'on est paresseux, encore une fois de ce point de vue là et qu'on a du mal à se remettre en cause sur notre propre activité.

20 - Là encore il faut s'entendre sur les mots qu'on emploie, cette intervention a été occultée car changement de bobine elle se termine par le mot travail par exemple, l'assortir d'un qualificatif parce qu'autrement on n'y comprend rien.

Animatrice - Vous parlez de travail contraint, on peut aussi parler de paresse contrainte quand elle est liée au chômage, qu'est-ce qu'on fait de ces moments là, et comment on s'organise. On disait tout à l'heure, on a entendu dire qu'il fallait organiser sa paresse selon sa propre nature, est-ce que c'est si simple que ça, est-ce que la société nous permet d'organiser cette paresse, est- ce qu'on a des armes, des outils pour le faire.

21 - Moi je voudrais aborder plusieurs aspects de cette paresse même si on pourrait ne pas appeler cela paresse. Tout à l'heure on parlait de cet état où finalement on n'avait plus de désir, plus envie de faire quelque chose, qu'est-ce que c'est sinon une sorte de mélancolie. Moi j'aurais tendance à croire que c'est un état qui nous pousse de plus en plus parce qu'on perd un petit peu le goût et le sens des choses, on ne sait plus vraiment dans quelle direction on va et pourquoi on fait des choses. Beaucoup de personnes dans notre société se trouvent désarmées et de plus en plus inutiles parce qu'il y a de plus en plus de choses qui ne riment à rien, même du point de vue de leur travail et finalement est-ce que cette mélancolie n'est pas dangereuse puisqu'elle nous pousse à ne rien faire à rester dans l'inaction, à ne pas se remettre en cause, à ne pas agir. Finalement on ne fait rien, j'ai plutôt tendance à considérer qu'aujourd'hui on est dans un état végétatif de cette sorte là. C'est sur c'est écrasant, on est dans une société qui a mis en place beaucoup de ressorts pour qu'on n'ait pas notre mot à dire, mais finalement qu'est-ce que ça nous coûterait, nous personnellement, d'agir, de changer.

22 - Ce que vous évoquez s'appelle de la dépression, enfin on peut en faire le variable, sauf que je crois me souvenir que l'ami Deleuze nous disait bien que c'était bien un des objectifs des maitres de ce monde que de nous mettre cet état dépressif, de plaintes constantes, j je me plains, je suis malheureux etc. Finalement ça inhibe aussi la capacité de révolte, autrement c'est un objectif de ceux qui sont censés exploiter le travail.

Animatrice - On pourrait s'interroger si effectivement ça ne sert pas un peu les projets de ceux qui nous gouvernent qu'on soit dans une sorte de paresse inutile, inactive, oisive, est -ce que ce n'est pas l'occasion puisqu'on a parlé de la paresse imposée avec les plages qui nous restent de temps de loisir, d'inactivité. Et puis c'est aussi l'occasion d'une sorte de surconsommation de masse et par forcément l'occasion d'une réflexion sur le monde qui nous entoure. On peut se demander si ce n'est pas un piège aussi cette forme de paresse.

23 - Je voulais juste réagir au terme qui a été employé tout à l'heure, qui était par rapport aux personnes qui sont en recherche d'emploi. Le terme paresse par rapport aux personnes qui sont en recherche d'emploi me choque. C'est-à-dire, à mon avis, les personnes qui cherchent du travail sont tout sauf paresseuses, elles sont au contraire dans une sur activité et dans un temps d'activité intense pour offrir leur compétence, pour pouvoir se vendre. Pour moi en rien elles ne sont paresseuses.

24 - Je veux réagir aussi à ce propos parce que je suis en recherche d'emploi. En fait ce que j'ai entendu dans le mot c'est qu'en fait c'est une paresse imposée ; Pour le coup pour résumer un peu tous les termes de travail, de paresse qu'on a pu entendre, il y a un mot qui me revient à l'esprit c'est l'activité. Même le travail est un mot qui représente la torture dans son origine latine. En définitive sur la notion de paresse on a besoin de temps d'activité et on a besoin de temps d'inactivité, comme la pate à crêpe, on a besoin de se reposer. Je branche aussi un petit peu sur ce qui a été dit sur le zen, qui effectivement la fainéantise de faire le vide, ce n'est pas pour qu'il ne se passe rien, c'est pour faire éclore des idées, pour laisser, la paresse c'est aussi la notion du lâcher prise par rapport à un certain nombre de choses. Sur le chômage effectivement, c'est un travail mal payé, la recherche prend du temps et c'est laborieux, maintenant socialement parlant c'est une paresse imposée qui effectivement est difficile. Pour le coup aussi pour rebondir sur ce qui a été dit sur le phénomène de société par rapport à ca et de paresse intellectuelle dans la société ambiante et la façon dont on peut en tant que citoyen générer son activité ou générer une activité, je pense faire un constat, il n'engage que moi, sur la société de consommation dans la quelle on se trouve, de consommation et de profit frénétique voire hystérique, un petit peu quand même, je la qualifierais comme ça, qui fait qu'en fait quand on veut aujourd'hui faire quelque chose on est confronté à un phénomène de paresse généralisée qui se transforme en inertie. Aujourd'hui dans nos sociétés complexes, le mot a été employé aussi, on a créé des systèmes qui plombent tout initiative, plombe l'envie, qui en définitive ne servent que ceux qui sont aux commandes, je résume ma pensée, pour effectivement nous faire travailler plus pour gagner plus. Je rassure tout le monde il y en a très peu qui gagneront plus, sinon ça se saurait, cette phrase là ne date pas d'aujourd'hui, c'était déjà des propos dans la société bourgeoise du 18°/19° siècle. En définitive effectivement s'il y a l'éloge d'une paresse à faire, d'une paresse personnelle, d'un droit individuel de réflexion de poser es valises et de réfléchir un petit peu, il y a effectivement peut-être à avoir un œil averti sur la paresse généralisée qui nous gangrène un peu.

25 - C'est intéressant de parler de la paresse imposée car il peut y avoir effectivement deux finalités, c'est de faire des consommateurs de loisirs au profit des publicistes, des voyagistes, donc on est encore en plein dans la société de consommation, et d'autre part ça peut aussi être un moyen, comme a dit monsieur, de pousser les gens vers un travail. En fait pour sortir d'une situation difficile, au bout d'un certain moment on peut être poussé à accepter un peu n'importe quel travail. Alors il y a une expérience assez curieuse qui a été faite aux Etats-Unis, dans une entreprise, le chef d'entreprise qui avait du être influencé par les psychologues, a donc trouvé une sorte d'astuce. Un jour il a dit on ne travaille plus, on se repose, et puis on a dit, ce n'était que des da mes qui travaillaient dans cette entreprise, on leur a dit mais vous ne faites rien, interdiction de faire quoique que ce soit, par question de faire des mots croisés, de tricoter etc., etc. Et bien on s'est rendu compte qu'au bout d'un certain temps l'ennui a commencé à gagner et il y en a qui ont commencé à réclamer du travail. Donc vous voyez qu'effectivement on peut très bien exploiter l'inactivité et la paresse pour remettre les gens au travail.

26 - Je ne sais pas si c'est une réaction, mais en tout cas on est parti sur l'approche économique on va dire de la place de la paresse dans le système. J'ai une petit opinion personnelle sur ce qui s'est produit en deux phases, qui devrait normalement se produire, qui je pense est souhaitable pour l'avenir de l'humanité, mais qui ne s'est de mon point de vue pas encore produit. Très rapidement, très schématiquement, la dernière grande révolution qu'a connu l'humanité, c'est le passage au néolithique, quand les gens ont commencé à s'installer, à rester au même endroit, à s'organiser entre eux pour subvenir à leurs besoins essentiels. Avant c'était chacun pour soi, à l'échelon domestique, les gens étaient nomades et puis en effet l'homme chassait. Au néolithique les gens se sont organisés les uns avec les autres mais à ce stade de développement on va dire que tout le monde avait besoin de tout le monde. Il y avait des chefs, il y avait des sous-chefs parce qu'il y en avait qui étaient un eu plus malins et qui organisaient justement pour diriger les autres. Mais enfin tout ça fonctionnait à peu près en concordance. Ce qui est quand même spectaculaire depuis le triomphe, on va dire des grands civilisations occidentales et depuis l'accélération vertigineuse de la capacité de s'organiser pour subvenir à ses besoins élémentaires et au prix des autres d'ailleurs, depuis les grandes découvertes et la colonisation on allait se servir à coté, on n'a pas été fichu alors qu'on en aurait parfaitement les moyens, de subvenir confortablement tous à un niveau minimum d'existence matérielle, et après éventuellement à laisser libre cours à l'émergence, à l'activité personnelle, à la créativité de chacun en fonction justement de son unicité, chaque individu est unique, chaque individu voit midi à sa porte. On a le sentiment qu'on n'a pas été capable de franchir ce pas et que finalement on est tous coupable de près ou de loin, une petit minorité ne l'est pas , je vais y revenir très rapidement après, mais une immense majorité l'est parce que finalement dans nos sociétés j'ai le sentiment quand même qu'on est une très grande majorité, les classes moyennes on va dire, on pourrait se passer d'une bonne partie de ce qu'on a, on pourrait travailler moins, je schématise un petit peu. Mais en ayant tous toujours plus d'appétit de plus en plus divers, on est constamment, alors peut-être piloté par les grandes puissances de marketing, je ne rentre pas dans ce débat, mais on est tous plus ou moins désireux de plus en plus de choses et on traine un système économique divergent, qui ne sait plus où il va, mais par contre qui oblige en, cascade, une infirme minorité, ceux qui sont, qui ont du mal à trouver un job, une minorité qui n'en est pas forcément une, parce que 15% de la population ce n'est pas vraiment une minorité, qui elle n'a pas sa place et qui elle a du mal à subvenir à ses besoins essentiels . C'est quand même incroyable qu'avec tout ce qu'on consomme en moyenne par tête de pipe on ne soit pas capable en travaillant quelques heures par jour de subvenir à nos besoins essentiels et en même temps finalement de pouvoir s'arrêter deux secondes et de lever la tête et de contempler autre chose. Alors je parlais de révolution de civilisation, il y en a un qui a récupéré ça ces temps ci, la politique de civilisation, c'est très la mode, et bien moi je la vois là la révolution de civilisation, c'est de se dire maintenant stop, c'est vrai qu'on bosse comme des dingues, on cherche tous des pleins temps et après on va claquer notre fric en prenant l'avion deux fois par an pour aller se dorer les fesses à 20000 kms d'ici dans des trucs, en prenant des vols low-cost et Cie, un petit peu de responsabilité peut-être, arrêtons ça et peut-être qu'il y aura, un du boulot pout tout le monde et peut-être qu'il restera demain ou après demain un petit peu de matière première et d 'élément de subsistance essentielle pour tout le monde.

Animatrice - Est-ce qu'on est prêt néanmoins à accepter d'arrêter de surproduire, de surconsommer, est-ce qu'on, est prêts à renoncer à ce qu'on a, à répartir le travail, à travailler moins puisque finalement on demande toujours de travailler plus, on s'inquiète de n'avoir qu'un temps partiel, on voudrait bien un temps plein, autant de paradoxes sur lesquels on pourrait s'intéresser, se pencher.

27 - Plutôt sur ce qu'a dit monsieur tout à l'heure, il parlait de la difficulté des gens qui sont en recherche d'emploi et la paresse, enfin le travail non imposé. Je parlais des enfants et de leur droit à la paresse qui me semble vital, je suis désolée d'y revenir mais c'est comme ça et je parlais du rêve. Il me revient quelque chose à l'esprit par rapport à ce que vous disiez et par rapport au propos qui a été évoqué, sur le fait qu'on est paresseux nous-mêmes à part quand on est tous présents ici, trente cinq personnes pour venir réfléchir ensemble et parler, là on a une démarche pour le coup pas paresseuse. Je pensais à Oscar Wilde qui disait les gens qui rêvent les yeux ouverts ont plus de chance de voir leur rêve se réaliser que ceux qui rêvent les yeux fermés. Cette petite phrase que j'aime beaucoup, là c'est tout à fait partisan, j'y crois dur comme fer, je crois qu'elle est également dans notre propos, c'est-à-dire la paresse pour moi est plus proche du rêve que du repos, c'est plus proche de ce que disait monsieur qui vient d'intervenir, c'est-à-dire la période où on se ressource, on fait un break, ou se retrouver pour repartir au combat, ça a été dit, peut-être, peut-être pas pour repartir au combat mais pour redéfinir un autre combat et peut-être trouver des paresseux comme nous finalement pour s'accompagner ensemble. Voilà ça me venait à l'esprit.

28 - C'est juste pour rebondir sur un mot, je ne crois pas qu'on soit paresseux pour repartir au combat, je ne comprends pas bien la notion de combat, on est paresseux pour vivre parce que on est fait par alternance de temps de paresse, de ne rien foutre, de fainéantise je ne sais pas et de temps d'activité, on a envie de faire quelque chose. Parce qu'on a été paresseux on a retrouvé l'envie d'effort physique, une idée parfois qui fait qu'il faut qu'on repart. Et puis comme dans toute chose, ça a été dit et pour le coup je pense que ça marche sur tous les plans, le travail a des aspects positifs et des aspects négatifs, et la paresse aussi. On est fait à chaque fois de choses qui fonctionnent comme ça par antagonisme, par contradiction, ce n'est pas tout paresse et tout travail, c'est indispensable.

Animatrice - Ce n'est pas tout paresse ou tout travail comme vous disiez mais on est quand même dans beaucoup de travail dans notre société, donc c'est le sur travail qui génère la surconsommation, la surproduction, toujours plus, présentées comme des valeurs encore une fois vertueuses, on a du mal à les remettre en question.

29 - Pour sortir un peu de l'opposition entre paresse et travail, travail productif, d'abord une parenthèse, on peut rêver à une société dans la quelle il n'y aurait pas besoin de travailler, mais ça n'est qu'un rêve donc…. Mais la question du jour est de savoir qu'il faut faire l'éloge de la paresse, on peut la trouver hors du travail. Quelques idées, en cuisine, vous avez le choix entre un plat cuisiné que vous passez au micro onde, ou passer trois heures à le préparer. Est-ce que c'est bien, on a le droit, mais peut-on considérer que le micro onde est mieux que la cuisine, c'est une question de goût, ça peut être par incompétence ou incapacité, mais c'est aussi souvent par paresse. A l'école, j'en faisais partie, je ne faisais que le minimum syndical pour avoir la moyenne, ce qui me donnait l'occasion d'avoir plus de temps pour le loisir que certains copains que j'ai encore en mémoire qui frisait avec des 18 ou 19 de moyenne. Que sont-ils devenus je n'en sais rien. Est-ce que c'est moi qui avait raison, est-ce que c'était eux, je n'ai pas de réponse mais j'étais considéré paresseux et eux pas. Lorsque vous êtes demandeur d'emploi, j'y suis passé, effectivement je considère que ce n'est pas ni paresse ni une période d'inactivité, je n'ai jamais autant voyagé pour chercher du travail, mais il m'est arrivé plusieurs fois de me trouver devant des recruteurs qui manifestement n'avaient pas ouvert leur dossier, peut-être par paresse, et quand vous subissez les conséquences de la paresse d'un autre, c'est compliqué même en voulant chercher des références dans le passé ou les écrits, c'est compliqué d'en faire l'éloge. Donc votre paresse, vous pouvez considérer que c'est bien et donc en faire l'éloge, mais dès l'instant où vous subissez celle des autres ou que la vôtre apporte des inconvénients à autrui, je ne pense pas qu'on puisse en faire l'éloge.

30 - Pour réhabiliter un peu la paresse, autorisez-moi un tout petit témoignage, quoique je me pense quelqu'un de très intelligent, il se trouve que j'ai constaté qu'en dormant je l'étais plus. Dieu sait que quand je dors, je ne fais pas grand-chose. J'appelle à témoignage d'ailleurs, il est vrais qu'en dormant nous sommes en activité et que devant certains problèmes insolubles en état d'éveil, un bon sommeil me restaure dans l'intelligence du problème que j'avais et à ce moment là je résous ce problème. Autrement dit à un moment donné il faut avoir l'intelligence de sa paresse, autrement dit savoir dormir au bon moment. En tout état de cause pour sa vitalité savoir dormir, s'inquiéter, c'est comme le zen, c'est une façon toute simple de se restaurer dans sa dynamique psychique, sa capacité d'agri, d'intervenir, de se battre ou pas, tout est ouvert. Vive le sommeil.

31 - Moi je ferais l'éloge de la paresse jusqu'au bout en pensant à mon chat qui fait la sieste régulièrement dans le meilleur endroit de la maison. Voilà ce que m'évoque l'éloge, oui faisons encore l'éloge de la paresse. Je ne crois pas à la réincarnation mais je souhaiterai me réincarner en char dans une bonne maison. Vive la paresse.

Animatrice - Tout à l'heure on a évoqué le zen, je crois que dans, justement aujourd'hui on n'a jamais autant fait l'éloge de la méditation. Si vous allez dans les librairies on a sur le bien-être, on a beaucoup d'ouvrages, il n'y en a jamais eu autant je crois, comme si les gens n'arrivent pas à se poser et à avoir une réflexion sur eux tout simplement. Donc c'est intéressant parce que cette société ne nous permet pas de le faire.

32 - Simplement par paresse, moi j'entends lâcher-prise. Ca me permet très important, c'est là que les choses se passent on est dans une crispation et quand on laisse les choses venir c'est là qu'on les trouve.

Animatrice - C'est aussi tout un art le lâcher prise, c'est aussi pour ça qu'il y a beaucoup d'ouvrages qui nous ouvrent la voie vers le lâcher prise et tout le monde n'est pas en mesure de le faire. Donc on pourrait s'interroger pourquoi cette société ne nous permet pas de le faire, peut-être qu'il y a trop de pressions pour relâcher prise précisément.

33 - En ce qui concerne la paresse je considère qu'on peut revendiquer son droit à la paresse et en même temps avoir beaucoup d'activités. Moi j'ai beaucoup travaillé, j'ai toujours aimé mon travail, maintenant que je ne travaille plus je me sens paresseux mais ça ne m'empêche pas, au lieu d'utiliser le micro onde je peux mijoter un pot au feu, des moules à la crème ou tout autre chose de ce genre. Je fais mon ménage régulièrement, bien que cela ne me plaise pas particulièrement, mais enfin je le fais, je n'ai personne pour me le faire, et en plus j'adore le travail, je pourrais regarder quelqu'un travailler toute une journée avec plaisir.

34 - Je reste quand même dubitatif sur cette capacité à faire l'éloge de la paresse. Aujourd'hui je trouve qu'il y a en gros deux parties de la population. Il y en a qui sont quand même assez privilégiés, qui peuvent en gros se foutent du travail et puis qui ont un certain plaisir à prendre du loisir. Dans ce cas ils peuvent bien évidemment revendiquer le droit à la paresse, la paresse comme emblème. Mais je dirais que finalement c'est la paresse dont ils profitent. Et une autre partie de la population qui trime, on l'a rappelé, qui n'arrive pas à sortir la tête de l'eau, mais qui dans une sorte d'accablement, qui est une sorte d'état ultime de la paresse, où finalement on a du mal, parce qu'on travaille toujours dans le même sens et qu'on n'arrive pas à redéfinir soi-même ses propres directions, on est dans une sorte de paresse intellectuelle et ça je pense que c'est aussi quelque chose de subie. Alors moi je pense que la paresse est un peu partout dans notre société, en tout cas ceux qui auraient le loisir, parce qu'en fait on peut opposer le travail et le loisir, ça a été fait depuis l'antiquité, c'est le moyen justement d'avoir une activité créatrice et le moyen de se libérer actuelle. Mais je pense que ceux qui ont le plus le moyen aujourd'hui ne le font pas pour le bénéfice de la communauté, ils le font pour leur propre bénéficie parce que c'est classe ou quelque chose à la mode de prendre plaisir pour soi-même et de ne pas travailler. En fait on peut faire un parallèle avec le 18° siècle ou la Du Barry et tout ce milieu, toute cette clique avait pris le pouvoir avec tous les politiques et finalement c'était une sorte d'orgie, plus personne ne s'occupait de la cité, plus personne ne s'occupait de leur devoir et finalement il est fait aussi l'éloge de tout un tas de fêtes, tout un tas de paresse, d'élucubration pour leur propre profit, mais à coté il y avait des paysans qui bossaient et qui n'arrivaient pas à joindre les deux bouts.

35 - Juste un mot, moi en fait je suis un peu gênée par le terme éloge de la paresse, dans la mesure où pour moi il y a le travail depuis les romains, le travail et puis les loisirs. La paresse on l'a vu peut être aussi bien dans les loisirs, que la paresse intellectuelle, que physique, que spirituelle, c'est tout ça. Mais la paresse pour moi c'est ne pas faire à un moment ce qu'on doit faire, c'est remettre à plus tard ce qu'on l'on fait. Pourquoi pas prendre un break et puis un temps de paresse, mais ce qui me gène c'est que la paresse c'est un désengagement au sein de la vie citoyenne. Pour moi c'est le terme désengagement qui me vient à l'esprit.

36 - La paresse donc on l'a définie comme soit ne rien faire, soit se désengager d'une action citoyenne. c'est vrai que la paresse pour moi, je rejoins ce que disais Marc, c'est mettre un temps de pose entre l'activité, le travail pour ceux qui travaillent ou une activité quelconque et puis prendre le temps de rêver, de réfléchir, de dormir et c'est un moment pour se régénérer physiquement, faire autre chose pour observer, pour penser et puis en ayant ce temps de pose pour ensuite redémarrer, faire autre chose, pas forcément comme on disait, aller au combat, je ne vois pas trop quel combat on peut mener dans cette optique là, mais c'est aussi pour être mieux physiquement mentalement pour pouvoir redémarrer autre chose et mieux s'investir dans ce qu'on veut faire. Il y a différentes formes de paresse, il y a des gens qui se disent, souvent des artiste, moi, on leur dit vous avez fait quelque chose de bien, moi je suis un gros paresseux, je ne crée que quand je suis dans une phase de paresse énorme. Je pense à quelqu'un, un monsieur qui a 90 ans maintenant, c'est Henri Salvador, qui a toujours dit moi je suis un gros paresseux, je profite de la vie, mais il est toujours là, il a quand même fait pas mal d'albums, pas mal de chansons, donc si c'est ça être paresseux et bien ça permet de prolonger la vie vraiment de façon joyeuse jusqu'à 100 ans. Je reviens pour ce qu'on appelait le modèle occidental, c'est vrai qu'on a tendance à être très actif, en ce moment la grande mode c'est travailler plus pour gagner plus. Mais c'est vrai que c'est paradoxal, les sociétés orientales comme l'Inde ou la Chine, alors qu'elles préconisaient des philosophies comme le bouddhisme, le taoïsme, etc. qui privilégiaient justement la sagesse, l'observation, le repos, actuellement on est en train d'exporter nos modèle occidentaux d'activités, de productivisme, de travail à ces gens là qui pendant des siècles ont eu des doctrines, des philosophies contraires à ce qu'ils sont en train de mettre en place dans leur propre pays. Alors c'est assez paradoxal, nous justement on voudrait être un peu plus paresseux parce qu'on nous demande de travailler de plus en plus et c'est pour ça qu'on apprécie quelquefois se reposer le dimanche matin. Donc voilà, la paresse c'est à la fois se reposer et puis c'est se désengager. C'est vrai que la société actuelle, notamment en politique, un peu moins cette année, vont avoir des actions citoyennes, les gens se désengagent un peu plus, ils disant il y a d'autres personnes pour le faire, moi je ne m'engage pas ; C'est vrai que là on peut dire c'est une forme de paresse qui peut quelquefois être nuisible aux gens.

Animatrice - On a vu là que faire l'éloge de la paresse pouvait surprendre certains, et cet éloge était remis en cause

37 - Comme notre collègue a abordé de nouveau l'expression travailler plus pour gagner plus, moi je ne peux m'empêcher de revenir à chaque fois sur cette notion par rapport à la paresse et au temps de travail parce que j'observe quelque chose d'assez stupéfiant, finalement depuis qu'on progresse pour aider l'homme, disons à le dé asservir des taches les plus laborieuses, grosso modo depuis trois ou quatre siècles, de grandes progressions des civilisation moderne on va dire, matérialistes, le temps de travail dans la journée n'a pas beaucoup changé. Bon il y a eu un gros pouic au 19° on l'on travaillait 15 heures, aujourd'hui on est plutôt entre 8 et 12, 8 officiellement et puis on va dire 12 pour une large part. On a remplacé les hommes par des machines mais pendant que les machines font quelque chose il faut bien qu'on fasse autre chose et donc on remplit ce temps, vous observerez qu'il correspond de près ou de loin au temps physiologique de l'être humain, quand vous avez travaillé dix heures, après il y a les repas, il faut se laver, il faut se déplacer pour aller à son boulot, il faut dormir, après il y a une petit part de loisir. On dit qu'on est dans la civilisation du loisir parce que grosso modo aujourd'hui on dispose d'un petit peu plus de loisir, de minutes de loisir que peut-être les ouvriers les pauvres mineurs du 19° et début du 20° siècle. Alors je vais finir sur une chose une comparaison et puis après j'arrête.sur le plan économique, parce que ce n'est pas forcément, c'est un peu en marge du sujet mais pas tant que ça. On parle aujourd'hui de la sphère financière, je ne vais pas gaver les gens avec le fameux ¨PIB, le produit intérieur brut, mais juste une petite remarque. Le PIB correspond grosso modo à ce qui est palpable, c'est la vraie richesse, ca petit être une richesse économique matérielle ou immatérielle, mais c'est ce que valent en gros les valeurs de l'économie mondiale. On sait aujourd'hui que la masse monétaire mondiale est à peu près, la masse qui correspond au PIB est de 8%, tout le reste appartient à ce qu'on appelle pudiquement la sphère financière. Alors pourquoi je parle de ça, il ne faut pas s'imaginer que quand on passe de 8 à 100% on augment la richesse de 92%, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Dire qu'on a une masse monétaire infiniment supérieure à ce qui correspond à ce que font les gens qui travaillent dans le monde, ça veut dire qu'on gros le gâteau est le même mais on coupe des parts de plus en plus petites et puis quand j'appelle ça des parts je ferais de dire des miettes. Chaque fois que la sphère financière augment la richesse globale n'augment pas donc on contracte ce qui revient aux gens qui produisent vraiment les choses. Alors je termine là-dessus, si je pousse mon raisonnement grosso modo les gens aujourd'hui dans le monde travaillent 35 ou 40 heures pour produire tout ce qui est produit, et bien s'ils étaient rétribués à la juste valeur, à la part de ce à quoi ils participent pour créer cette richesse mondiale, on devrait travailler 2 ou 3 heures par jour.

38 - On a beaucoup parlé d'hindouisme, de taoïsme de bouddhisme on aurait pu ajouter le shintoïsme dans tout ça et on s'est inquiété de voir nos modèles occidentaux partir s'implanter là-bas. Alors moi je dirais qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter et qu'il n'y a pas d'antinomie dans l'affaire. Si vous prenez une plante marécageuse et que vous la plantez dans un terrain argileux, soit elle ne pousse pas soit elle s'adapte. Donc en l'occurrence notre pensée, nos modèles occidentaux si on les emmène là-bas si on veut qu'ils continuent à vivre il faudra qu'ils s'adaptent à la pensée locale. La pensée locale même s'il y a des différences notoires entre ces différents mouvements de pensée, hindouisme, shintoïsme etc. il n'en reste pas moins qu'il y a un point commun qui s'intitule la vacuité, du vide absolu. Tout à l'heure on parlait du lâcher-prise, le lâcher prise est une autre traduction d'un terme chinois qui s'appelle le Bou Wai et qui se traduit principalement par le non agir. Alors la paresse ce n'est pas du non agir, ou plutôt l'inverse le non agir ce n'est pas de la paresse. Je veux dire par là que lorsqu'on recherche absolument à faire des poses on n'est pas forcément paresseux et quand on parlait du zen tout à l'heure, essayez de vous mettre en position zazen, c'est la positon qu'on adopte qu'on on fait du zen et essayez de parvenir à cette vacuité à ce non agir à ce vide et vous verrez qu'en l'espace d'une heure de temps vous serez complètement crevé, parce que s'asseoir dans une position qui n'est pas confortable et essayer de faire le vide dans sa tète est particulièrement difficile. Donc voilà je voulais juste vous faire part de ce petit moment du retour sur le zen et le vide.

39 - Tout à l'heure on a parlé de moyen de la paresse, il me semble avoir entendu ce mot. Je ne voudrais pas revenir là-dessus. Pour certains je considère que la paresse est un véritable luxe, je pense notamment à la jet société que l'on voit dans les magazines people, et je pense aussi aux bourgeois du 19° siècle qui toléraient que leurs fils vivent la bohème à condition de ne pas faire un bâtard, c'était ce qu'ils pensaient. Mais pour beaucoup la paresse ce n'est pas un luxe, c'est un manque à un certain moment c'est un véritable manque, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas se comparer avec disons la société des loisirs telle que certains la conçoivent car ils n'ont pas les moyens d'en profiter. Donc je voudrais dire que certains ont les moyens de leur paresse, d'autres n'ont pas les moyens de la paresse.

Animatrice - Donc, la paresse qui serait l'apanage des classe privilégiées.

40 - Je voudrais juste un tout petit retour en arrière, parce qu'il me semble qu'il y a quelque chose d'important qui a été dit derrière moi tout à l'heure. La paresse c'est ne pas faire ce qu'on doit faire et je crois que c'est tout l'enjeu de la citoyenneté du monde dans le quel on vit, c'est de définir le devoir. Qu'est-ce qu'on doit faire, de quoi est-on obligé pour soi-même et pour les autres, les uns vis-à-vis des autres ou nous tous ensemble. La dessus c'est la définition de projet qui vient derrière ça, quel est le projet individuel, quel est le projet collectif, comment on articule tout ça et finalement on sous-entend dans les propos d'autres personnes des notions de décroissance par exemple, c'est ça l'enjeu aujourd'hui effectivement. Qu'est-ce qu'on doit faire, finalement à part manger, dormir, éventuellement se laver, c'est même pas une garantie, on ne doit pas grand-chose d'autre, on doit quoi à qui, c'est cette définition qui nous manque aujourd'hui.

41 - Quelque chose m'a choquée dans les propos tenus par le président et par monsieur il y a deux secondes, c'est cette opposition, pourquoi mettre en opposition, c'est pas quelque chose qui m'a choquée, c'est le fait qu'on mette en opposition deux catégories sociales. Les gens qui ont les moyens soi-disant de la paresse, et les gens qui ne l'ont pas. Attention on ne parle pas des privilégiés qui ont accès aux loisirs, ce n'est pas la même chose que les gens qui ont la possibilité d'avoir la paresse. Les peoples dont vous parlez, la jet set, ils font leur travail quelque part sans vouloir faire de mauvais esprit. Moi je ne comprends pas très bien le propos de l'opposition entre les gens qui auraient donc les moyens d'une paresse et donc d'accès aux loisirs, ce n'est pas la même chose, et ceux qui triment. Ce qui me choque dans cette opposition que vous faites, c'est particulièrement ce devoir qu'on a, vous parliez de devoir à l'instant, de respecter notamment le fait que des gens qui triment ont aussi gagné grâce à des luttes sociales, un temps de repos. Donc on a droit à la paresse, et on doit se poser la question, je ne donne pas une réponse, je me fais peut-être un peu l'avocat du diable de forcément faire l'éloge de la paresse, mais on a peut-être le devoir de se poser la question par rapport à ces gens là qui ont un temps de repos, peut-être un temps de paresse, et on n'a pas besoin d'argent forcément. Je ne veux pas parler de loisir, je veux parler de paresse pour lire pour rêver pour écrire de la poésie pour aller au musée le dimanche, c'est gratuit. Donc attention encore une fois aux mots qu'on emploi, la société des loisirs et l'accès aux loisirs n'oint rien à voir avec la paresse.

Animatrice - Est-ce que c'est si facile néanmoins, est-ce que la paresse c'est forcément pour tout le monde, écrire de la poésie, se faire plaisir, est-ce que aussi simple que ça.

42 - Je suis frappé par le fait qu'on se sert du problème de la paresse pour stigmatiser, et là on est dans l'ordre moral, je suis désolé. On a plein d'exemples, on a parlé de la Du Barry et autres, les aristocrates étaient dans une configuration sociale précise qui leur interdisait de travailler, ils n'étaient pas forcément paresseux. On voit que par le changement de plan passé à la morale, alors ils sont paresseux. Je vous signale que la colonisation s'est faite en accablant les colonisés de ce stigmate, ils étaient paresseux, on leur apportait la civilisation, ça existe encore aujourd'hui, c'est une instance du racisme à savoir qu'effectivement les gens du sud seraient moins courageux que les gens du nord etc. ? Mesurons bien qu'il y a des plans précis et que si l'on stigmatise aux mauvais endroits, c'est-à-dire dans l'ordre moral on s'évite de faire au bon endroit, c'est-à-dire dans l'ordre du politique et de l'économique, parce que c'est le système social qu'il faut remettre en cause et donc pas effectivement les gens comme si nous étions par essence paresseux ou ceci, ça c'est la pensée de Sarkozy d'ailleurs, bon. Donc on peut penser qu'effectivement on a des super structures philosophiques, morales, c'est bien au dessus de nos réalités, notre réalité ce n'est pas la morale qui l'a fait, ce n'est pas la philosophie, c'est une autre instance qui s'appelle la vie matérielle, les besoins matériels etc. Alors qu'effectivement on dénonce la société du super profit, une société qui ne s'est pas s'arrêter, une société de la croissance bidon parce qu'on nous fait croire qu'on est en croissance mais à quelle condition, l'endettement. Personne ne va nous expliquer ce qu'est la dette, sauf je pense il y a un camarade là qui surement saurait le faire, donc là on va comprendre qu'effectivement on est dans du faux, de l'archi faux, c'est-à-dire dans l'aliénation par la consommation ou l'exploitation par le travail. Dans tous les cas de figure cela fait longtemps qu'on a perdu notre propre réalité de vue, mais moi je me reconnais comme un pauvre aliéné.

43 - Je pense que monsieur apporte quelque chose d'important, c'est qu'aujourd'hui la paresse est connotée négativement, on se dit rarement paresseux. D'ailleurs on se dit rarement chômeur mais à la recherche d'emploi, on n'est jamais femme au foyer. Tout ça pour dire et l'on a touché plusieurs fois dans ce débat, c'est que notre société, société moderne, valorise le travail alors que les sociétés antiques le méprisaient. On sait très bien que dans l'antiquité l'excellence était citoyenne et non pas au travail, alors qu'aujourd'hui l'excellence est au travail et absolument pas citoyenne. Peut-être que, c'est là-dessus que je voulais revenir, il ne faut pas oublier cependant que ce modèle un peu idéal, une page d'or de la démocratie où le citoyen se trouvait sur l'Agora pour discuter et où le travail était méprisé, il ne faut pas oublier que c'était au dépend des autres, de la majorité de la population qui trimait. C'est pour cela que finalement on retrouve ce qu'on a pointé, la paresse quand c'est au dépit des autres, il faut faire attention en tout cas à l'utilisation de la paresse.

44 - Ca n'a pas grand-chose à voir, sauf que je voulais vous dire que le Mémorial propose un cycle de conférences, je crois que c'est le 7 Février, il y a intervention de Christian Salmon qui a sorti son dernier ouvrage qui s'appelle Storytelling et il va intervenir sur son précédent je n'ai pas le titre en tête, sur le formatage des esprits, ça revient à l'instrumentalisation faite aujourd'hui du terme paresseux, pour monter les uns contre les autres, ceux qui travaillent contre les méchants chômeurs qui n'ont pas choisi de l'être.

Animatrice - il va a falloir conclure maintenant pour passer au choix du sujet pour le prochain café. Donc quelques interventions encore pour arriver à la conclusion si une conclusion est possible, ce n'est pas une obligation, on n'a pas de réponse obligatoire.

45 - une intervention assez courte, tout d'abord pour dire que quand je me suis exprimé ce n'est pas en tant que président, il faut faire la part des choses, je m'exprime en tant que Marc, j'ai des opinions et puis voilà. Deuxième point je n'essaie pas de mettre en opposition des catégories sociales, je me disais tout simplement que, même si on l'a rappelé, dans l'antiquité, c'est vrai que l'Agora était quand même le privilège de ceux qui avaient le temps d'y aller. Pour autant ce loisir, ils le consacraient à la collectivité et que ça ne se faisait donc pas au détriment des autres ou en tout cas il y avait un sens du devoir, un sens de la citoyenneté qui faisait que l'on servait la cité. Aujourd'hui et c'est pour ça que je faisais un parallèle avec les fastes du 18° siècle, aujourd'hui ceux qui ont le plus de temps, puisqu'aujourd'hui la richesse c'est le temps, et de pouvoir l'utiliser comme on veut, cette richesse ces personnes qui peuvent utiliser ce temps et les moyens de l'utiliser revendiquent être paresseux mais pour elles-mêmes. Finalement la collectivité n'est pas, il n'y a pas de devoir envers la collectivité. Oui c'est tranché, mais c'est aussi pour relancer le débat.

46 - Merci président, pour ma part j'ai retenu deux choses principales dans nos échanges d'aujourd'hui, et vous allez me dire, s'il n'a retenu que deux choses c'est qu'il est paresseux. Je retiens d'abord qu'effectivement, dès lors que notre paresse a une implication collective on n'a pas le droit d'en faire l'éloge et que donc d'autre part dans son acception individuelle la paresse est quasiment incontournable, je m'explique là-dessus. Moi je pense que de tout temps l'homme a été paresseux, l'homme est paresseux de toute façon, et de tout temps il a travaillé pour gagner son temps de paresse. Chaque fois que l'homme travaille c'est pour se faciliter la vie derrière. Alors aujourd'hui avec le travail salarié, bien entendu, ceux qui ont « la chance » d'avoir un salaire vous diront qu'ils aimeraient bien avoir un plus gros salaire, pourquoi, parce que quand on a un plus gros salaire, on s'accorde un peu plus de temps de paresse, on fait un peu plus ce qu'on veut, plus facilement, on va s'acheter des appareils électroménagers qui vont faire le boulot à notre place, voilà ce genre d'exemple. Donc je pense que par essence l'homme est paresseux, il ne s'agit pas d'en faire l'éloge ou le contraire, de la même manière et bien l'homme est parfois coléreux et je ne connais personne calme à 100%, on a parfois des moments de grande colère, on a parfois des moments de sagesse, on a parfois des moments d'amour mais on a le droit aussi d'avoir des moments de paresse.

47 - Moi je n'associe pas du tout le temps à l'argent, je crois qu'il y a une autre notion, bon je ne veux pas prendre exemple de moi mais le jour où je me suis trouvée en retraite, je crois que j'ai été paresseuses toute ma vie et je n'en fais pas l'éloge parce que le terme d'éloge me gène. Mais quand je travaillais, je faisais un travail, ce n'est pas celui que j'avais choisi mais j'ai appris à le regarder avec plaisir et à le faire avec plaisir, et je disais toujours, parce que mes patrons disaient que je travaillais vite, j'avais toujours l'esprit qui me permettait d'aboutir mon travail beaucoup plus rapidement. Je disais toujours c'est parce que je suis une paresseuse qui s'ignore, parce qu'en fait mon esprit fonctionnait comme ça, donc je disais je suis une paresseuses qui s'ignore. Quand je suis tombée en retraite, et justement je ne l'associe pas à l'argent, je pense que je ne suis pas la seule, j'ai tout de suite dit après quelques jours de retraite, en fait le luxe absolu n'est pas l'argent c'est le temps. Le temps ce n'est pas forcément pour se dire, bon je vais paresser toute la journée, je m'aperçois qu'être en retraite, je n'ai jamais fait autant de choses mais des choses choisies, des choses libres, des choses qui me permettent justement, je ne suis pas la seule, parce que je fais partie d'autres associations où l'on se tourne vers l'autre, des associations qui sont humaines, j'aime bien dire humaines mais aussi citoyenne, mais c'est choisi, il n'y a pas cette pénibilité, on n'arrête pas. Juste un terme qui m'a un peu gênée, c'est le terme pour les gens qui sont chômeurs, dire que c'est une paresse imposée, non parce qu'on connote déjà le manque de travail à paresse. Pour moi c'est une exclusion à l'activité, c'est plus exactement cela le terme. Mais je crois que la paresse, il n'y a pas à en faire l'éloge, et je rejoins Fabrice quand il dit que ça fait partie de l'homme, ça fait partie de l'homme, mais je crois qu'il faut savoir se l'accorder cette paresse là mais pour en faire quelque chose dans la cité, dans la vie, dans l'humain.

48 - Je voulais simplement intervenir pour dire qu'il serait nécessaire puisqu'on est constamment poussé au travail, à l'activité etc., qu'il y aurait une évolution qui serait possible dans les institutions si on reconnaissait institutionnellement la nécessité de réaliser des activités permettant l'épanouissement par le jeu, le mot, les plaisir etc. Je crois que ce serait très positif, ça permettrait de valoriser la vie par contraste.

Animatrice - On va terminer, Damien, avec cette ouverture que tu viens de mentionner. On va maintenant passer à la proposition des sujets pour la séance suivante.

Choix du thème pour le prochain Café Citoyen :

1 - La finance est-elle au service de l'économie ou une fin en soi ? 11 voix
2 - Quel recours face aux promoteurs et aux agences immobilières qui nous mentent ? 5 voix
3 - Faut-il abolir les frontières ? 13 voix
4 - Quelle est la valeur de l'inutile ? 13 voix
5 - Faut-il changer rapidement la constitution ? 4 voix
6 - La peopolisation du monde politique rend-t-elle le politique plus proche du citoyen ? 10 voix
7 - Comment le consommateur peut-il agir sur l'augmentation des prix ? 15 voix
8 - Existe-il une spiritualité laïque ? 20 voix
9 - Comment reconnaître l'égalité parentale ? 13 voix

PROCHAIN CAFÉ CITOYEN, SAMEDI 9 FÉVRIER 15 HEURES : Existe-il une spiritualité laïque ?

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