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Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (23/02/2008)

Animateur du débat : Victor BRUN

» Monde

La langue française est-elle en danger ?

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Président - Nous allons commencer la nouvelle séance du café citoyen qui aujourd’hui est consacrée à cette question, à cette problématique, la langue française est-elle en danger ? Dans un premier temps, je vais récapituler les règles qui animent notre café citoyen, les principes qui nous permettent de débattre. Le premier café citoyen de Bourges se tiendra en Juin, l’inauguration se fera fin Juin, ne n’ai pas encore la date précise. On a été contacté par une personne de St- Brieuc qui souhaite monter un café citoyen. Si vous connaissez une personne dans ces villes vous pouvez leur dire qu’un café citoyen risque de se monter prochainement, en tout cas pour Bourges c’est sûr. Et puis une petite annonce, Aline, ici présente dans cette assemblée, est en train de réaliser une enquête sociologique sur les cafés débat et les cafés citoyen en particulier. Elle souhaite interroger six personnes, habituées ou non, donc si vous êtes intéressé par cette étude n’hésitez pas à prendre contact avec elle.

Animateur - Bonjour à tous et toutes. Donc le sujet d’aujourd’hui a été proposé par Damien qui souhaite nous parler de la langue française. La formulation est : la langue française est-elle en danger ? La tradition veut qu’on donne la parole en premier à celui qui a proposé le thème, je passe donc la parole à Damien.

1 - Ouest-France a annoncé le débat en disant, on s’inquiète de l’anglicisme, des régionalismes, de l’argot des cités, des sms, de la place du français en Europe et dans le monde. La langue de Molière est-elle vraiment menacée ? Voilà comment ça a été présenté dans le journal. Alors on dit qu’on laisse parfois la place aux spécialistes, en cette matière je peux me présenter comme spécialiste puisque j’étais enseignant en langue française, formé au latin et au grec, enseignant en lettres classiques et que j’ai fait des études linguistiques approfondies. Je suis heureux d’accueillir ce soir en même temps que les français du cru, des Malaisiens, des Chinois et autres qui s’intéressent aussi à la langue française. Si j’avais du formuler le sujet j’aurais plutôt dit, comment évolue la langue française plutôt que la langue française est-elle en danger. Je vous mets en garde tout de suite parce qu’il y en a certains qui sont déjà crispés en se disant, ça y est Damien va encore nous sortir son esperanto, mais ce n’est pas du tout mon intention, il se pourra qu’accidentellement j’évoque le rôle de l’esperanto à propos des langues et non pas spécialement à propos de la langue française parce que ça entre dans la logique du sujet. Et puis j’ai bien relu les consignes sur mon marque page qui se balade dans mes bouquins chaque jour, on se forge une opinion personnelle, donc mon opinion est personnelle, j’exprimerai la mienne, vous avez la vôtre et cette rencontre de différentes opinions personnelles nous permet d’enrichir son opinion personnelle et d’enrichir l’opinion personnelle des autres, je crois que c’est ça la démocratie. Plus on écoute, plus on entend l’opinion des autres citoyens, c’est ce que je viens de dire, on prend goût à la contradiction, tant mieux s’il y a de la contradiction et donc l’innovation. On propose des solutions, alors je proposerai la mienne et j’espère que d’autres proposeront la leur aussi. Pour moi la citoyenneté c’est apprendre à vivre la fraternité, donc ça suppose que chacun peut avoir des opinions personnelles, une écoute personnelle, mais qu’on est heureux de découvrir celle des autres parce que ah ! tiens je n’avais pas vu cette facette là. Donc je lance le débat, justement il est lancé en bonne partie avec l’annonce faite dans le journal, et puis pour lancer le débat je pourrais faire circuler une petite carte qui vous amusera beaucoup, qui présente en SMS, l’étranger d’Albert Camus. Vous verrez c’est très amusant. Alors moi en tant que pratiquant la langue française, je suis d’origine étrangère aussi, bon pas si loin que la Chine ou que le Japon mais je suis d’origine étrangère, j’ai été élevé dans l’école française et pour assimiler l’identité française et la citoyenneté française, puisqu’on est dans un café citoyen je peux parler de citoyenneté, j’ai appris la langue française parce que ça m’aide à identifier, à réaliser une identité française. Je pense que la question d’identité est liée fondamentalement à la langue. J’ai souvent des difficultés quand je rencontre mes concitoyens, parce que bon, hier quelqu’un dans un endroit qui n’est pas censé être un club de la langue française, un jeune homme entre vingt et trente an, me dit tiens pourrais-tu faire le bilan de ta vie, quel âge tu as, je disais 68 ans, je dis toute l’évolution qu’il y a eu jusqu’ici, c’est absolument prodigieux, extraordinaire. Ici je garderai uniquement sur le point de vue de la langue, je me rends compte qu’il y a certaines bases de langues qui ont été fortement attaquées et à amener des attitudes, des conduites, qui font qu’il y a confusion de la compréhension même entre français. Alors si on essaie de vivre la citoyenneté il faut tout de même retrouver une certaine rigueur, une certaine qualité comparable à celle qu’on a dans les mathématiques pour s’exprimer. Je connais une personne qui est ancienne enseignante qui a 84 ans que je rencontre assez fréquemment avec qui j’ai de très grosse difficultés, constamment je lui demande qu’est-ce tu veux dire par là, ton langage est confus, pourtant elle emploie des mots français et souvent les enfants c’est la même chose. Alors en classe ça a toujours été le problème. Voilà une petite ouverture, peut-être qu’on me donnera l’occasion d’intervenir aussi à nouveau.

Animateur - Donc en fait, le français c’est la langue qui sert à nous comprendre entre nous. Ce n’est pas toujours évident selon ton expérience, il y a des mots qui veulent dire quelque chose pour l’un, mais il veut dire autre chose pour l’autre, tu connais une personne que tu ne comprends pas bien, elle emploie des mots français mais mis les uns à la suite des autres ça ne semble pas pouvoir te parler beaucoup.

2 - Je vais commencer par m’excuser auprès de Damien, j’ai servi de porte parole la dernière fois. Quelques semaines avant on en avait parlé ensemble, j’avais compris que ton souci était de voir la langue française disparaître. J’ai donc traduit en disant, tu sais que je ne comprends toujours tout du premier coup, donc c’est pour ça que j’ai posé la question de cette façon et c’est la raison pour laquelle le sujet est présenté ainsi aujourd’hui. Pour ce qui me concerne je pense que la langue française peut être en danger parce qu’effectivement les gens parlent la langue de moins en moins facilement. J’ai des nièces dans le Nord, quand elles m’envoient un SMS il me faudrait un dictionnaire pour comprendre, mais je suis persuadé qu’elles seraient incapables de rédiger leur message en français normal. Petit à petit par cette habitude on finit par oublier. Et puis la langue française peut avoir une deuxième façon de disparaître, c’est dans le monde, parce que de plus en plus il y a contact avec l’étranger. il y a quelques années j’ai du rechercher du travail en direction financière, on demandait 9 fois sur 10 de parler anglais pour travailler dans des sociétés françaises. Il y a par exemple à Hérouville Saint-Clair une société qui n’embauche que des salariés parlant anglais. C’est donc par cette deuxième façon qu’une langue pourrait disparaitre. Mais cela veut peut-être aussi dire que si la langue est un moyen de communication, et on est bien d’accord pour dire que la communication est indispensable pour que les gens puissent vivre normalement entre eux, aujourd’hui c’est la mondialisation, peut-être qu’il n’y a pas forcément antinomie à apprendre une langue qui soit comprise par tous, sans que ce soit forcément l’espéranto, aujourd’hui c’est probablement l’anglais qui est le plus parlé dans le monde, non comme langue maternelle mais comme langue la plus utilisée. Par contre continuer à apprendre le français comme étant sa langue d’origine, sa langue maternelle, les deux ne sont pas obligatoirement contradictoires. Mais il faut prendre garde.

3 - Ce qui me semble intéressant dans ce thème ce n’est pas tant du point de vue de la langue française mais plutôt de la construction de la pensée. On sait, enfin moi ce que j’avais pu sentir en étudiant différentes langues que ce soit l’allemand, l’anglais, l’italien ou le français, c’est de voir à quel point les langues nous permettent d’appréhender le monde de manière différente. On voit bien d’ailleurs que dans un certains nombres de domaines, par exemple allemand, sont plus utilisés par les allemands, notamment la philosophie, un certains nombres de choses mathématiques et la langue française est plus au point de vue des arts. Alors il y avait des choses assez spécifiques du point de vue de la langue, de la façon dont la langue voit le monde en fait, ça nous fait construire nos liaisons de neurones, donc ça me semblait intéressant de voir dans quelle mesure il était important de garder cette diversité quitte à étudier et apprendre plusieurs langues pour découvrir plusieurs facettes du monde et sur le danger à l’heure actuelle, ce qui me semble important de souligner c’est plutôt le danger de notre capacité à devenir des citoyens. Si on apprend mal, ou si on fait apprendre mal la langue à des petits gamins qui ne savent pas du tout dans quel monde ils arrivent, si on fait en sorte qu’on ne les aide pas du tout à construire leur propre pensée avec des outils adaptés, le plus bel outil c’est la langue, pouvoir articuler ses idées, le fait de pouvoir construire intérieurement quelque chose qui nous constitue, si on n’aide pas les jeunes eh bien on va devenir des êtres qui auront plus de difficultés à l’être, citoyen. Donc ce qui me semble important c’est peut-être éventuellement de savoir si on fait tout pour que la jeunesse ait cette capacité à voir le monde de manière construite avec leurs propres yeux et si on leur donne suffisamment d’outils, notamment la langue française, pour pouvoir se débrouiller dans le monde qui va venir.

Animateur - Déjà deux interventions qui donnent pas mal d’idées. D’un coté la langue française, enfin les langues qui relient un peuple donné qui permet de se comprendre les uns et les autres et peut-être qu’avec la mondialisation on va trouver une langue qui va réunir tout le monde, ou peut-être pas, il y a une peut-être qui va dominer, peut-être l’anglais. Et d’un autre coté une autre idée qui me parait intéressante également, c’est qu’effectivement le langage, le verbe, toutes ces choses nous donnent une représentation du monde, tout le monde aura une représentation différente du monde en fonction de la langue qu’il va employer. Par exemple les peuplades sud-américaines, en Amazonie ne vont pas employer le conditionnel, il y aura des verbes, des temps qui n’existeront pas, donc cela va induire une certaine position par rapport au monde, ça donnera une vision du monde. C’est une chose intéressante mais c’est deux directions différentes qui peuvent se relier de toute manière.

4 - Je voudrais assister sur un point qui n’a pas encore évoqué. Celui qui dispose de l’outil, on peut le voir à l’examen de la préhistoire, la langue dominante est celle de celui qui a créé l’outil, l’autre qui voulait le copier avait besoin de communiquer et pour le faire il adoptait la langue de celui qui a créé l’outil. Donc celui qui crée l’outil a déjà une position dominante. Alors on peut se poser la question, dans le cadre du monde actuel, est-ce que la France a l’outil suffisant pour effectivement, l’outil je parle, on parlait de la pierre, à l’époque c’était la pierre taillée, la pierre polie, maintenant l’outil est industriel, outil de service, informatique etc. enfin tous les outils du monde moderne qui sont actuellement valorisés. Si on dispose, si on crée l’outil on crée en même temps la langue. Regardez le problème informatique, celui a créé l’informatique a créé en même temps une langue informatique. Donc il domine l’informatique, donc il domine le monde. La langue française ne peut être forte que si on arrive à créer l’outil qui créera la communication.

5 - Pour rebondir un peu sur les propos de notre ami, je vous signale au départ, il y avait quand même Pascal. Mais il me vient aussi un certain rapprochement parce que la langue française est-elle en danger. Ce qui est assez curieux c’est que la même question se pose pour l’anglais. Je trouve ça très, très étonnant parce que bon effectivement une langue qui est très utilisée et une expression qui est apparue il n’y a pas si longtemps que ça, c’est le globish, c'est-à-dire qu’en fait pouvoir communiquer, même si c’est imparfait, avec un minimum de mots, avec un minimum de grammaire. En même temps, alors c’est assez curieux, au moment où le sujet a été proposé et aujourd’hui, finalement apparaît à nouveau dans l’idée de la présidence de la république de réactiver le français, puisque nos chères têtes blondes vont se mettre au plus que parfait et au passé antérieur, ce quand même pas mal. Ca va nous changer des SMS. C’est vrai que le français était la langue usuelle des belles lettres et puis était aussi la langue de la noblesse et de la diplomatie. Bon et bien nous avons changé de statut, donc o n va dire que le commerce l’emporte sur la diplomatie. Mais puisque nous avons nos amis chinois qui viennent participer à notre discussion, est-ce que le mandarin est en danger en Chine ? Donc je crois que c’est un souci, et là je redeviens sérieux, la défense de la langue, quelle que soit celle-ci est très, très importante en ce sens qu’elle représente la sensibilité d’un peuple et d’une nation. En ce sens là c’est très, très important. Le dernier point que je voulais aborder avant de reprendre la parole le cas échéant, c’est que tous les ans il se perd des langues, et ça c’est important.

6 - Oui il me semble important effectivement, récemment notre gouvernement a pris conscience des difficultés des jeunes, il y a eu des sondages quant à l’orthographe, à la grammaire, la syntaxe, des jeunes par rapport à 1930, 1960, leur niveau d’études etc. Donc il fut revenir à des fondamentaux comme le français, et ça me semble important. Mais moi ce qui m’interroge quand on dit la langue française est-elle en danger, c’est en danger par rapport à quoi. Est-il vraiment important, à un moment dans notre histoire la langue française a été parlée par les ambassadeurs, par toute la culture française qui s’est exportée en Europe du Nord, il y avait une culture française, donc la langue française était un peu la langue des élites finalement. Mais aujourd’hui, moi je ne vois pas, alors je me trompe peut-être complètement, en quoi c’est grave, on parle de la francophonie, mais en quoi c’est grave que la français ne soit pas la langue tel que l’anglais. Je ne vois pas, du moment qu’au sein de notre pays la langue française fait partie de la constitution comme la langue de la république, du moment que nos jeunes, nous-mêmes parlions correctement français, nous utilisions le français.

Animateur - Donc d’un coté on a la langue française est-elle menacée et puis de l’autre coté une proposition, en quoi est-elle menacée. L’anglais apparemment se trouverait dans une situation un peu similaire, c’est ce que tu semblais vouloir dire. Maintenant par rapport à ce que j’ai entendu, j’ai cru comprendre que c’était aussi l’habitude, comme nous disais Damien, ou je ne sais plus, l’habitude de ceux qui pratiquent internet, vous vous êtes surement rendu compte qu’il y en a plein qui ne savent même plus, ils mettent « ez » au lieu de » er », ils confondent tous les temps, ils parlent phonétiquement, donc le sens des mots est complètement dévoyé, c’est quand même peut-être là-dessus, que certaines personnes ici se montrent sensibles.

7 - Pour répondre à la question, ce qu’on a dit tout à l’heure, il y a 6912 langues recensées actuellement dans le monde d’après l'« ethnologie » et tous les 15 jours il y a en a une qui disparaît, certaines ne sont parlées que par 10 locuteurs. Je me souviens d’un spécialiste des langues qui s’intéressait à une langue qui n’était plus parlée que par un seul locuteur, j’ai oublié son nom malheureusement mais il était très connu. La problématique à propos du français, c’est vrai pour toutes les langues, on a dit que l’anglais était en grand danger lui aussi, c’est absolument exact aussi. Je relie, je l’ai dit au départ dans mon introduction, la langue à l’identité. Le reproche qui est fréquemment fait à l’anglais, disons le point commun le plus souvent adressé, c’est que l’anglais est conçu comme la langue du faire, parce que nous sommes dans un monde dominé actuellement par l’économie, tandis que la langue française d’après les linguistes et les pratiquants passionnés de la langue française est plutôt la langue de l’être. Je trouve magnifique que ce soit dans un pays de culture française que l’on est énoncé le principe des droits de l’homme et du citoyen. La langue est un élément fondamental de la citoyenneté. Alors si l’on n’est plus reconnu dans sa propre langue, notre propre citoyenneté est en danger. J’ai une conception plus large de la citoyenneté puis que je suis inscrit comme citoyen du monde, je suis partisan comme des centaines de milliers dans le monde d’une autorité supranationale et il est nécessaire qu’on ait un moyen de communication qui permette d’éviter les rivalités. Je suis désolé, j’ai beaucoup regretté après coup, après réflexion, que comme tout gamin j’ai été désireux d’apprendre une autre langue, je n’ai pas pu apprendre la langue de mes parents, je l’ai apprise plus ou moins en les écoutant parce qu’ils voulaient apprendre la langue du pays où ils avaient migré, j’aurais aimé apprendre le flamand, le néerlandais pour dire beau quoi, et puis on m’a imposé d’office d’apprendre l’anglais quand j’ai commencé mes études secondaires. Je trouve anormal que les enfants qui entrent dans le cycle d’apprentissages des langues n’aient pas un choix tout à fait libre des langues. Si on a envie d’apprendre une langue qui n’est plus que parlée par 5 millions de personnes, parce que pour des raisons diverses de rencontres, d’amitiés, je ne sais pas, on dirait j’aimerais bien apprendre cette langue là, s’il y a des professeurs disponibles pourquoi on ne pourrait pas le faire en toute liberté ? C’est pour ça que, j’en parlerai plus tard, mais j’ai hésité un petit peu parce qu’on va dire que je suis un fanatique, alors que je ne suis pas du tout fanatique, parce que je pense qu’il y a une clé, on dit il faut trouver des solutions aux problèmes abordés, il y a une solution possible pour permettre d’aborder la langue en toute liberté et non pas sous contrainte.

8 - Il y a une question que j’aimerais voir abordée. C’est la langue française s’est imposée à travers le monde c’est aussi pour les idées qu’elle a véhiculées pendant longtemps. Par exemple ces idées de liberté, d’égalité et de fraternité qui ont été à l’origine d’ailleurs, qui ont servi de base à pas mal de révolution dans le monde, que ce soit la révolution russe, la révolution cubaine et même d’une certaine manière la révolution chinoise pace que Mao Tsé Toung lui-même se référait à la pensée des révolutionnaires. Aujourd’hui dans le monde où la pensée commerciale malheureusement s’impose à tout prix, j’aimerais savoir aujourd’hui quelles sont les valeurs qu’on veut véhiculer en priorité. Est-ce que c’est des valeurs de coopération, de rapprochement entre les peuples, ou alors est-ce que c’est celle d’une société de plus en plus impitoyable pour chaque personne où le profit devient la valeur suprême. Je crois que l’avancée d’une langue quelle qu’elle soit est avant tout idéologique. Le français, je ne pense pas qu’il soit aussi menacé qu’on le croit. Comme toute langue il a des mots qui disparaissent, d’autres qui s’enrichissent et d’ailleurs s’il était aussi menacé qu’on le dit, je ne comprends pas pourquoi il aurait tant de succès sur les ouvrages qui lui sont consacrés actuellement.

9 - Je pense effectivement comme vous qu’il n’y a pas une grande menace à condition effectivement, il faut que la pensée soit à la hauteur pour que la langue suive. C’est tout le problème, la France a rayonné pendant des années, peut-être qu’actuellement notre pensée rayonne un peu moins, effectivement on peut se poser cette question. Alors il y a une chose assez intéressante, j’en profite puisqu’il y a nos amis chinois ici, pour poser une question. J’ai lu dans la presse récemment que les chinois apprenaient beaucoup le français pour pouvoir communiquer dans les pays francophones, est-ce réel ? Ils venaient dans les universités, et même en Chine ils venaient venir des enseignants pour pouvoir bien apprendre le français pour communiquer avec les pays d’Afrique qui sont francophones. Je pose la question, vous n’êtes pas obligés d’y répondre, mais c’est intéressant dans une certaine mesure parce qu’on dit le français est en perdition etc., etc., Si c’est ça je trouve que le français n’est pas en perdition à condition d’abord parlons correctement pour que les autres puissent parler correctement notre langue.

Animateur - oui et puis au niveau d’une langue qui véhicule des valeurs, une morale, j’aurais plutôt tendance à penser que c’est l’activité, les actions de la population qui parlent cette langue qui après « imprègnent » la langue de telle ou telle valeur. Donc si vous voulez répondre à la question vous levez la main et je passerai le micro.

10 - Juste là, je ne voudrais pas vous décevoir, monsieur, mais si les chinois prêtent autant d’attention à notre langue, notamment pour communiquer en Afrique, ce n’est pas par amour de la culture française mais pour des raisons beaucoup plus triviales puisque je crois que la chine a plutôt envie d’avoir la main mise sur l’Afrique pour ses matières premières. Je rejoins plutôt le monsieur là-bas tout à l’heure en chemise rose, qui parlait de la primauté de la langue anglaise sur le reste du monde. Oui parce que les Etats-Unis sont la première puissance économique mondiale.la France effectivement à une époque a rayonné sur l’Europe, mais ce n’est pas à partir de la révolution française, c’est bien avant, c’est à partir de Louis 14, la France était la première puissance mondiale, la première armée mondiale et évidemment on a déferlé aussi bien pacifiquement que militairement sur toute l’Europe, c’est même allé jusqu’en Asie, enfin la Russie était asiatique, pour moi elle est plus asiatique qu’européenne, et nous avons énormément influencé à cette épique Pierre le Grand et Catherine 2 la grande. Donc on parlait d’outil, aujourd’hui c’est l’économie, ce sont les finances, et donc l’anglais s’impose d’office, naturellement ou bon gré mal grè. Ceci dit, alors je ne suis pas tout à fait d’accord quand on dit que le français n’est pas en perdition, n’est pas dangereusement t en voie d’extinction, on n’a pas employé ce mot là mais on l’a un peu pensé, moi je crois que si, mais c’est un point de vue personnel. On dit on est obligé de faire appel à d’autres langues de mélanger notre langue, de faire des ajouts parce que nous ne sommes pas assez riches en vocabulaire. Moi j’ai la prétention d’écrire, je sais par exemple que pour le verbe « dire » il y a 86 synonymes, pour le verbe « marcher » 40 ou 50, enfin etc. etc. Donc ça c’est un faux problème quand on dit que le français est une langue pauvre, qu’il faut faire absolument, ceci dit depuis toujours on a fait appel aux autres langues, on s’est enrichi à leur contact, eux se sont enrichis à notre contact. L’allemand contient à peu près 1000 mots d’origine française qui sont restés plus ou moins français ou qui ont été adaptés à l’allemand. Ceci dit la langue future sera peut-être le chinois, peut-être l’espagnol parce qu’il ne faut pas oublier les hispaniques qui sont extrêmement nombreux, ou peut-être tout simplement, alors là on va rigoler, la langue de bois qui marche dans tous les pays.

Animateur - Il n’y a pas d’époque effectivement. On peut peut-être souligner aussi que la plupart, je ne suis pas linguiste, peut-être quelqu’un pourra m’aider à préciser cette chose, mais il y a au départ la langue eurasienne, on parle de racine eurasienne. Aussi bien l’allemand, le germain, non pas le germain, les européens, enfin il y a beaucoup de langues qui viennent de l’indo européen. Donc le type eurasien, donc voulez-vous préciser.

11 - Du strict point de vue linguistique les langues européennes sont pour un grand nombre des langues indo européennes, donc par exemple en hindi qui est une langue de l’inde, grand se dit ma comme matma, donc c’est la même origine que le mot majeur, majuscule. Donc il y a effectivement un voyage entre les langues qui viennent de l’Inde. Je profite d’avoir le micro pour ajouter quelques remarques personnelles. Dans l’intitulé du débat d’aujourd’hui, il y a un terme qui m’intéresse, c’est la langue de Molière, la langue de Racine. Je crois qu’il faut raison garder, ni la langue de Molière, ni la langue de Racine ne sont la langue du peuple du 17° siècle et que lire Racine a toujours été quelque chose de difficile, c’est un exercice d’école, d’agrégation. Donc il y a un mauvais procès qui pourrait être fait à la langue dite populaire aujourd’hui, en disant qu’elle vient comment dire, encanailler une langue dite cultivée ou distinguée. Donc il faut faire attention à toutes les constructions idéologiques qui se font sur les images qu’on a de la langue. C’est le même point sur l’orthographe, la troisième république a eu une volonté normative par rapport à la langue, elle a construit un diplôme que vous connaissez, les certificats d’études dans lequel la clé d’or était la maitrise de la langue. Cela a des points négatifs comme positifs. C’est vrai que dans une communauté, partager la même langue est quand même un élément fondamental pour la communication, fusse-t-elle élémentaire. Donc il y a un troisième point que je pourrai ajouter, c’est qu’il y a effectivement, on pourrait se réjouir d’une certaine façon que la langue française emprunte à d’autres langues. Une langue qui se sclérose est une langue qui meurt. De la même façon que lors des croisades on a intégré thé, coton, café ou abricot, que le mot divan est persan, on devrait de la même façon se réjouir que l’on intègre aujourd’hui je ne sais pas, kimono, manga pour le japonais, bon etc. C’est un signe de diversité de la langue que d’intégrer, de digérer, parce qu’en même temps c’est un partage de langue culturel, d’échange culturel. On ne peut dire qu’une pensée est véhiculée par une langue et ne pas se réjouir qu’à travers la langue et l’emprunt fait à une autre langue et l’intégration d’autres langues on partage une inter culturalité qui se fait et qui puisque c’est le lieu qui donne cette tonalité, c’est aussi un élément d’échange où l’on peut construire une sorte d’inter culturalité citoyenne. Evidement chaque langue construit une interprétation du monde différente, mais quel autre moyen que de s’approprier la langue et d’échanger. Il y a cette espèce de don, on ne peut pas donner si on n’a pas de différence à proposer et donc donner, offrir une langue, l’enrichir et dans une réciprocité c’est une façon de construire et des identités et une sorte de structure, une communication des cultures qui soit irénique, qui ne soit pas agressive.

Animateur - C’est ce qu’on appelle une langue vivante, qui bouge.

12 - Tout simplement pour éventuellement revenir, comme l’a dit l’intervenant précédent, sur cette idée de norme. Si on doit la grammaire à quelqu’un, c’est bien à Vaugelas, qui était un grammairien du 17ème siècle, il me semble, qui a décidé tout simplement de figer la langue française, la façon dont elle devait être écrite, surtout en s’inspirant de la cour, de ce qui se disait à la cour. Il faut bien voir que ce qui se disait à la cour était différent de ce qui se disait dans le bas peuple, à la campagne, partout sauf à la cour. Donc la grammaire française est quand même née dans un environnement, on va dire très sélectionné, où les règles ont été établies en fonction de ce qui se disait dans un cercle bien précis, la grammaire est née comme cela. C’est une façon de normer les choses, c’est aussi une façon d’imposer, une façon d’écrire et donc n’unifier tout un peuple de différents pays qui parlaient différemment sous une même entité. C’était aussi intéressant de ce coté là, une façon de ne pas se faire flouer quand on échangeait des choses, même du point de vue du commerce, si on ne parle pas la même langue on peut se faire léser. D’autres outils ont été mis en place, par exemple les mesures universelles comme le mètre, bien après, mais c’est aussi dans cet esprit là, faire en sorte que tous les citoyens, à l’époque ce n’étaient pas des citoyens mais des sujets, mais qu’ils soient en tout cas libres et sur un même pied d’égalité. Le fait de normer les choses est intéressant mais il ne faut pas tomber dans le fait de normer trop et d’exclure la vivacité d’une langue. Donc c’est intéressant d’intégrer petit à petit tout en cultivant une certaine identité, parce que l’identité ne se fait pas forcément sur la grammaire, elle se fait à mon avis sur un état d’esprit. C’est là qu’il est intéressant de garder cette idée de la langue française et surtout la sous-couche qui est sous cela, l’esprit français, l’esprit de faire des ponts entre les différentes cultures. Alors j’ai une proposition pour faire en sorte que cette langue, en tout cas la structuration de la pensée soit revigorée, c’est de faire en sorte de mettre en place des cours pas de langue, mais d’histoire des langues. C’est peut-être un peu trop l’histoire des langues, ça peut être très complexe, il faut à mon avis atteindre ça après avoir compris sa propre langue, mais par contre en faisant des analogies, comme l’a fait monsieur lors de la dernière intervention, c’est de faire comprendre qu’il y a des racines communes et qu’on peut en ayant compris, en ayant aperçu ces analogies, finalement désacraliser le fait que ce soit différent ou étranger. Il y a plein de mots qui sont on le voit, rien que le mot soleil, sun en anglais, sonne en allemand, et il y a plein d’autres mots. On voit bien qu’il y a une certaine analogie et de faire prendre conscience de notre voisinage surtout du point de vue de la pensée car après tout ça il y a aussi des socles communs. Ca permettrait à mon avis de plus facilement aider les jeunes à intégrer d’autres langues et de découvrir la sienne propre.

13 - Le principal d’une société développée veut bien dire la mondialisation se montre complètement dans une société. On a eu le problème comme ça parce que le mandarin, le chinois n’a pas eu le même problème parce que la plupart des chinois qui ne savent pas parler l’anglais, peut-être que le mandarin sera menacé dans trente ans, dans cinquante ans. En chine on devient de plus en plus pragmatique, c'est-à-dire dans les contrats commerciaux entre les français et la chine, il y a de plus en plus d’étudiants qui apprennent le français. Mais il y a une différence entre le français et la langue français, c'est-à-dire la langue littéraire. Quand je dis j’apprends le français on me dit oh là là c’est une langue de luxe. Mais par rapport à l’anglais, c’est utile n’est-ce pas pour communiquer parce que les français qui font du commerce international, qui savent parler l’anglais donc ils n’ont pas pensé à cela.

Animateur - Vous voulez dire ce n’est pas la peine d’apprendre le français si les français parlent anglais et nous aussi.

14 - Je reviens sur ma première intervention en donnant pour exemple ce qui se passe actuellement en Belgique, d’ailleurs ce n’est pas qu’actuel c’est beaucoup plus ancien. Actuellement on en parle plus mais j’ai connu cela de près il y a une dizaine d’années. Je dis cela pour montrer que préserver sa langue parait utile, mais encore faut-il marquer un point d’arrêt, évité d’aller trop loin. En Belgique il y a environ dix millions d’habitants, dont en gros six millions de flamands. Aujourd’hui il y a des gens de 25 à 30 ans, j’en ai rencontré il n’y a pas longtemps à la frontière franco-belge, qui ne parlent ni comprennent le français et réciproquement des wallons qui ne comprennent pas le flamand Ils se referment sur eux-mêmes. La préservation d’une langue pour la préserver doit s’accompagner de l’obligation d’apprentissage d’une autre langue qui permet l’internationalisation. Au niveau de la Belgique ce serait déjà un premier pas de faire qu’un Belge puisse parler à un autre Belge habitant à quelques dizaines de kilomètres de chez lui, or ce n’est plus le cas. Donc la préservation d’une langue est forcément indispensable pour sauvegarder une communauté, mais il faut aussi être pragmatique Aujourd’hui et l’exemple de la Belgique on peut l’étendre à n’importe quel pays, aucun pays ne peut vivre sur lui-même. Donc le fait de trouver rapidement une langue que tout le monde comprenne me parait quelque chose de tout à fait nécessaire et ce n’est pas antinomique avec la préservation de sa langue. Autre exemple, j’ai travaillé dans une société internationale, on ne peut pas imaginer que l’on ait à chaque poste quelqu’un qui parle la langue de tout client ou fournisseur. Donc une langue commune à tous me semble pragmatique et cela va devenir de plus en plus nécessaire. Pour terminer, je dirais que les prisonniers du goulag soviétique ou cubains doivent penser que la révolution française n’est pas la meilleure chose que la France a exportée.

15 - C’est vrai que la remarque qui a été faite sur le développement du français, notamment pendant la période de la troisième république, pour établir une langue normalisée, avait son importance. On peut se rappeler le bouquin de Jacques Hélias, « le cheval d’orgueil ». Mais aujourd’hui nous n’en sommes plus là, à telle enseigne que l’on a découvert qu’il était tout à fait souhaitable de permettre le développement de langues régionales et que ce n’était pas pour cela l’appauvrissement du français, mais au contraire un enrichissement. Le fait d’acquérir la pratique d’une langue à coté du français permet l’acquisition d’une troisième langue ou du moins rend beaucoup plus facile l’apprentissage d’une troisième langue. C’est un fait que nous sommes dans une société totalement ouverte. Je reprends l’expression que vous avez donnée du pragmatisme, il est tout à fait là. Je ne veux pas être dans l’esprit de ce dernier village gaulois résistant à l’invasion des romains. Par contre ce qui est aussi intéressant, on parlait d’identité et de l’expression de la pensée, de structure la pensée, je pense qu’il serait aussi très important, quoique je ne considère pas que le français soit en danger, mais ces réflexion appellent aussi la nécessité, l’obligation qu’il y aurait permettre aux enfants de développer la confrontation des idées par l’expression orale dès le plus jeune âge. J’en suis le premier témoin, autant j’étais à l’aise dans la pratique du métier qui était le mien, lorsque j’ai commencé à aborder d’autres rivages je me suis senti bien désarmé et bien maladroit dans l’expression. Ca va un peu mieux, j’essaie de me soigner mais ce n’est pas encore ça. Il y a aussi une autre idée qui me venait à l’esprit, c’est qu’on a jamais tant édité et avec des traductions d’auteurs de toute origine. Donc nous devons en fait bien nous ouvrir aux autres nations, dans le concert des nations et avec cet axe directeur nous ne pouvons que nous renforcer. Je ne pense pas que la langue française soit en danger. Par contre il peut y avoir un appauvrissement tout à fait transitoire parce qu’effectivement la culture sms ça serait plutôt inquiétant, mais on n’a jamais tant lu qu’aujourd’hui et je me réjouis quand mes petits enfants qui au fur et à mesure qu’ils grandissent commencent à me solliciter sur le bouquin, je me dis tant mieux, ça me donne aussi l’espérance. Donc nous sommes en premier chef responsables un peu de tout ça. Et puis dernière réflexion, c’est que tous les ans notre langue s'enrichit et c’est ça qui est très, très important, je ne crois pas que nous soyons menacés de sclérose.

16 - Les mots et les expressions qui viennent d’ailleurs et puis c’est ce que disais l’un des linguistes, Alain Rey dans sa culture des mots, la langue française est en évolution, en constante évolution. Puis il y a aussi, on n’a pas du tout parlé de l’académie française où il y a quand même un groupe, des commissions qui réfléchissent et qui sont vigilants quant à la langue française, quant au langage. Ils ont proposé, ils ne vont pas imposer, mais ils proposent, la loi Toubon, il y a un certain nombre de choses qui sont faites, la féminisation aussi d’un certain nombre de mots. Ils proposent des choses, moi j’ai toujours eu du mal avec le pluriel des noms composés, machin, perce neige ou machin, les noms composés ils ont proposé une simplification. Ils ont quand même une vigilance et je dis que c’est quand même intéressant à souligner.

17 - Je suis arrivé en retard alors peut-être ces choses ont déjà été dites. D’abord lorsqu’il est question des échanges internationaux et de l’impression qu’on aurait que la langue française est en danger parce que supplantée par une langue, alors on parle de l’anglais, ou pourrait parler de l’espagnol, du chinois que sais-je. Il me semble que ce n’est pas la langue française qui est en danger, il y a comme un écran de fumée. Pour avoir travaillé à l’étranger et donc parlé obligatoirement anglais, ce n’est pas l’anglais que je parlais, c’était le jargon de ma profession et c’est très différent. Je crois que ce n’est pas, la langue a avant tout une vocation d’échange de compréhension commune, et quand on dit que la langue française est en danger, ce n’est pas la langue en tant que telle, c’est la façon que l’on a de parler ensemble avec des mots qui représentent le plus grand nombre. Il se trouve que ça a été le français, c’est l’anglais maintenant, ça peut être une autre langue plus tard. Mais si j’utilise un jargon très français par exemple qui est le jargon de la vie maritime et la marine, j’emploierai tout un tas de termes parfaitement inconnus des français et pourtant qui sont de la langue française. Ca signifie que, si je parle par exemple d’une bouteille sur un bateau, je défie un grand nombre de gens de dire ce que c’est, ça n’a rien à voir avec la bouteille qui est sur la table, pourtant c’est le même mot, c’est un terme français mais c’est avant tout un terme du jargon d’un métier. Donc je crois qu’il n’y a pas de danger de perte de langue, il y a simplement nécessité dans la multiplication des échanges de parler un langage commun qui est principalement un jargon compréhensible par l’ensemble de protagonistes. Que ce jargon soit issu d’une langue anglaise, d’une langue française, d’une langue chinoise ou d’une langue espagnole ne m’apparaît pas important puisque de toute façon dans l’exemple que je viens de donner une bouteille ce n’est pas du tout ce que vous croyez. Donc que ce soit un mot français, le tout est que les gens qui parlent dans ce jargon sachent de quoi ils parlent. Donc je ne crois pas qu’il y ait forcément danger à proprement parlé d’extinction de la langue. La deuxième chose concerne l’orthographe qui me semble relativement important à contrario parce qu’il représente l’essence de l’esprit de la langue. C'est-à-dire lorsqu’en français par exemple, à chaque sujet il y a une façon différente d’écrire le verbe, ça signifie fondamentalement que le sujet dans la phrase peut être plus important que le verbe. Alors que dans une langue, comme l’anglais, le verbe s’écrit toujours de la même façon quel que soit le sujet, c’est probablement le verbe qui prend l’importance. Ca veut dire que pour dire la même chose il y a une espèce de culture, un ciment commun qui est différent. La France, pays des individus, des droits de l’homme, de l’importance du je, du tu, etc. c’est le pays en même temps qui donne au sujet toute son importance et qui crée on l’a dit les droits de l’homme etc. L’individu prend une place très importante. La langue anglo-saxonne c’est la langue de la vie, la langue du pragmatisme, c’est la langue qui donne de l’importance au verbe, au faire, à l’action. L’un ne supplante pas l’autre, simplement l’essence de l’esprit commun qui jaillit par les mots, ça me semble très important justement de comprendre ça pour comprendre qu’on ne peut probablement pas dire la même chose de n’importe quelle manière. Je crois en ce sens que l’orthographe français en tant que, je dirais de représentation d’esprit français prend toute son importance, tout comme il semblerait tout à fait incongru, et je ne connais pas le chinois, d’écrire n’importe comment un idéogramme, parce qu’on ne comprendrait pas le sens que ça signifie. Lorsque je dis tu fais, ou lorsque que je dis il fait, je n’écris pas fait de la même manière parce que ce n’est pas les mêmes gens qui font, et donc peut-être qu’inconsciemment on dit que les choses en français ne sont pas faites de la même manière.

Animateur - Vous prenez une idée juste un peu développée du fait que la langue induit, impose une vision du monde. Comme les anglais, une chaise c’est a chair, c’est neutre, comment polonais on peut avoir le neutre, le masculin, le féminin etc.

18 - Quand on dit que le français s’enrichit au contact des langues étrangères, à une certaine époque peut-être, mais aujourd’hui je ne crois pas. A une certaine époque il n’y avait pas le hasard, je crois que ça vient de l’arabe zéro ou le vide. Il n’y avait pas de magasin on l’a récolté dans notre vocabulaire. Il y avait tout un tas de mots, comme par exemple en allemand le vasistas, ça n’existait pas en français. Vasistas c’est une déformation de was ist das, qu’est-ce que c’est. Aujourd’hui, je suis désolé, on n’enrichit pas la langue française, on remplace des mots, on remplace un vocabulaire par un autre. Maintenant on dit coaching, pourquoi on ne dit pas parrainage, mécénat etc. Week end, on avait fin de semaine, on dit prime time, ça c’est le langage des journalistes branchés parisiens qui se la jouent haute etc. On n’emploie plus les mots français donc on ne s’enrichit pas puisqu’on a remplacé, voire supprimé les mots français, les expressions françaises par une espèce de jargon qui n’est pas spécialement compréhensible pour la plupart des gens qui eux, excusez-les ne sont pas spécialement branchés sur certaines choses. Pour rebondir sur ce que disais monsieur à ma droite, dans le langage français il y a énormément de termes marins qui sont devenus des termes courants, et ça on ne le sait pas. Moi je joue à un jeu, ça va faire rire tout le monde, je joue au scrabble, et bien la plupart du temps, il y a plein de mots que je ne connais pas, au moins une fois sur quatre c’est un terme marin. Alors on parlait des jeunes aussi, les jeunes il faudrait peut-être voir un peu l’éducation du français, l’apprentissage du français etc., mais je pense que le langage qu’il soit français, qu’il soit anglais peu importe, il a été galvaudé, il a un très grand ennemi, c’est l’image. Maintenant on privilégie l’image, le mouvement, il n’y a plus de support, on ne voit plus les lettres noir sur blanc. Et puis aussi un phénomène de désaffection en ce qui concerne la lecture, la littérature qu’elle soit grande ou petite, voilà.

Animateur - Votre intervention m’amène à poser une question, est-ce que le remplacement d’expression française, franco française par des expressions qui utilisent des mots étrangers ne revêt pas quand même une modification ne serait-ce que subtile, du sens. Le week-end c’est samedi dimanche, la fin de semaine peut commencer un vendredi, ça dépend des métiers. Il y a peut-être, comme le prime time, c’est une question je n’en sais rien, je ne me positionne pas.

18bis – Souvent les termes que nous employons, que certains emploient, c’est du franglais, ce n’est même pas de l’anglais. Les anglais les premiers sont effarés par l’emploi que l’on fait de leur langue.

[Ici des propos sont échangés hors micro et donc inaudibles]

Animateur - Oui la question était juste, n’y a-t-il pas une modification du sens en changeant un mot français par un mot équivalent anglais ou d’une autre langue. Il me semble qu’il y a peut-être une modification du sens, sensiblement.

19 - Je dirais pour paraphraser un chanteur, c’est un beau roman, c’est une belle histoire. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est Michel Fugain, un chanteur français qui a chanté cette chanson il y a quelques années. Je dis ça parce qu’en fait un beau roman, dans un roman il y a de l’amour et la langue française est une belle langue que l’on peut aimer. Pour pouvoir l’aimer il faut la protéger, et je pense que la langue française fait partie d’un élément de notre patrimoine national. Il ne s’agit pas de faire du nationalisme pur, il s’agit simplement de penser que la langue français est riche, riche par les mots utilisés dans le passé, qui ont été ajoutés dans le passé, mais riche aussi, je ne suis pas tout à fait d’accord avec le précédent interlocuteur, riche parce qu’on ajoute des mots nouveaux qui sont, qui font renaitre d’autre vocabulaire, qui sont repris par des générations, donc c’est une langue qui peut, si on l’utilise correctement, et si on la respecte, peut évoluer et évoluer pour les générations futures. Pour que les générations futures puissent s’accaparer cette langue française, il faut aussi qu’on puisse leur donner l’envie d’apprendre la langue française, je parle aussi bien des jeunes français que des jeunes étrangers, et on peut aussi leur apprendre, non pas forcément de façon didactique comme à l’école, quelquefois de façon ennuyeuse qui peut les barber, mais sous forme de pédagogie, de jeux. Cela n’existe peut-être plus, mais je pense aux histoires qu’on racontait aux enfants lors des veillées, qui fait aimer découvrir du vocabulaire aux enfants et qui permet d’enrichir leur vocabulaire. Alors la langue française est quand même, existe depuis des siècles et s’enrichit au fur et à mesure des années et je pense qu’elle s’enrichira encore par d’autres mots nouveaux qui n’existent peut-être pas encore mais qui seront utilisés par des gens. La langue française est quand même respectée dans le monde puisque notamment dans les pays de l’est il y a quand même pas mal de gens qui parlent français donc les pays de l’est rejoignant l’Europe vont continuer je pense à véhiculer cette langue, même si l'anglais est quand même important dans les affaires commerciales, mais c’est aussi à la France de pouvoir véhiculer son image, sa langue dans diverses formes d’activités touristiques ou culturelles ou autres. Donc la langue française peut continuer à vivre à condition qu’on veuille bien la respecter, la respecter dans l’orthographe qui n’est pas forcément respecté actuellement. Moi je pense qu’il est important même s’il faut quelquefois simplifier certaines règles de grammaire, il faut respecter l’usage des mots, la façon dont s’écrivent les mots. Je suis assez surpris, bon je ne suis pas un puriste, je ne suis pas quelqu’un de très vieux, mais je suis surpris de voir des gens de ma génération ne pas savoir écrire certains mots, et moi je pense qu’il est important de bien savoir écrire les mots pour bien les interpréter et bien les utiliser et notamment s’il y a des gens qui ne connaissent pas la langue française, si on leur transmet des choses qui sont fausses, ils n’apprendront pas la langue correctement.

20 - Je vais peut-être en faire bondir quelques-uns en vous donnant un avis, tout en sachant d’ailleurs que l’avis que je vais exprimer n’est pas forcément ce que je fais au quotidien parce que quand j’écris le français j’essaie de le faire le mieux que je peux. Tout à l’heure un participant nous a dit que le français était la langue de l’homme, je dirais en opposition à la langue de la monnaie, en opposition à la langue de l’économie qui est l’anglais. Alors moi je rejoins tout à fait cette idée que c’est la langue de l’homme, mais pas du tout dans un sens forcément positif pour l’homme en question. La langue de l’homme d’un coté, une langue très riche de l’autre dit-on, on nous le dit aussi ici avec une multitude de synonymes pour tout un tas de mots. Moi je pense que si la langue française et les languies occidentales en règle générale, sont des langues d’homme c’est parce qu’en réalité ce sont des langues de paresseux. Pourquoi langues de paresseux, parce qu’on s'est mis à chercher tout un tas de synonymes pour décliner tout un tas de concept, là où les langues orientales, on parlait du chinois tout à l’heure, on peut parler également du japonais et également de l’écriture coréenne qui est très riche, quasiment en disparition. On peut parler on est dans l’extrême orient mais on peut se rapprocher un peu et en allant au moyen orient parler de la langue hébraïque, ce sont des langues qui en réalité ne se contentent pas d’écrire des mots mais ces langues orientales, extrême orientales et moyen orientales, sont des langues qui parlent aux idéogrammes par des alphabets spécifiques comme l’alphabet hébraïque, démontrent les idées . Lorsqu’on prend un idéogramme chinois ou japonais, cet idéogramme nous raconte tout un tas de choses, il exprime plusieurs mots mais aussi plusieurs concepts différents. Ce n’est pas le cas d’un mot bien choisi dans la langue occidentale, on choisit un mot et il veut dire ça et pas autre chose. Donc éviter à l’homme qui l’entend et à celui qui le dit, de faire un effort d’imagination, de se creuser la cervelle pour aller plus loin dans la compréhension de ce qu’il entend ou de ce qu’il dit. Prenons un exemple, lorsqu’on apprend aujourd’hui aux enfants à lire, on ne commence pas par le cours préparatoire à le faire, ça c’est une vue de l’esprit, on commence aujourd’hui à le faire en troisième année de maternelle. On apprend aux enfants, non pas à lire, mais à reconnaître des formes et à mettre un mot une idée sur une forme. Si on veut expliquer à un enfant comment on lit le mot cube, on écrit le mot cube et au dessus de ce mot on dessine un cube. Allons plus loin dans l’idée de l’idéogramme par exemple, ce cube qu’est-ce qu’il pourra figurer, il va figurer un cube, il va figurer un volume, il va figurer la notion de carré, il va figurer tout un tas de concepts. Or la langue française avec ses synonymes et leurs mots bien choisis évite aux gens de faire cet effort. Ce n’est pas le cas en ce qui concerne les idéogrammes chinois ou japonais. Mais j’aurais été très intéressé d’entendre nos amis chinois là-dessus. Tout à l’heure on nous a dit à propos du français, il y beaucoup de chinois qui apprennent le français, alors je vous rassure tout de suite y a-t-il beaucoup d’étudiants français qui apprennent le chinois, en occurrence le mandarin. Aujourd’hui la grande difficulté est l’écriture parce trop habitués à utiliser une langue de paresseux ils ont du mal à aller vers les idéogrammes qui sont à mon sens bien plus riches que le pauvre alphabet latin que nous utilisons.

Animateur - On pourrait leur demander s’ils ont du mal à écrire le français.

21 - Comme l’a dit tout à l’heure Damien, il y a la moitié des langues sur 6000 qui disparaissent, qui ont disparu, il y a une langue qui disparaît tous les quinze jours et dans chacune de ces langues il y a une vision particulière du monde, chaque langue présente sa vision du monde. Par exemple les Inuits ont quarante mots pour désigner la neige, désigner les ours. Dans la mesure où ces langues disparaissent, surtout les langues orales c’est un appauvrissement pour tout le monde, non seulement pour la langue française mais aussi pour toutes les autres. D’ailleurs les italiens sont en train, à la demande de l’Unesco, de faire un musée pour essayer de maintenir toutes les langues orales qui disparaissent et qui sont un apport pour nous tous. Toujours il y a eu un apport de chaque langue, il y a eu des passerelles entre les langues, entre les civilisations grâce aux langues. Je donnerai cet exemple bien connu, le mot flirter, c’était conter fleurette au moyen âge, les anglais l’ont repris en disant flirter, nous on se l’est approprié en employant le mot flirter qui finalement venait de la France. Donc il y a toujours eu des voyages entre les langues. Ce qui me semble plus dangereux, c’est non pas que la France n’ait plus cette expansion due au colonialisme dans le monde, que le français ne soit plus parlé dans le monde entier, c’était surtout au moment de la colonisation, mais c’est surtout qu’il s’appauvrit. L’anglais maintenant avec la globalisation est à 72% sur les sites internet, arrive ensuite je crois le japonais 7%, le français, l’espagnol, l’anglais à 3% sur les sites internet. Donc il y a un problème d’appauvrissement, parce que l’anglais s’appauvrit, j’ai par exemple une amie qui est journaliste à new York, à la télévision, elle m’a souvent expliqué qu’on leur demande d’employer un langage compréhensible, un vocabulaire, un champ sémantique très réduit qu’un enfant de onze ans puisse comprendre. Je pense que ce qui est plus grave c’est l’appauvrissement des langues puisque c’est grâce au vocabulaire et à l’élargissement des langues des adjectifs des verbes que l’on peut nuancer sa pensée et peut-être faire barrage à certaines violences. Le plus dangereux c’est l’appauvrissement plus que l’expansion d’une langue.

22 - Je vais sans doute faire bondir beaucoup de monde parce que je vais prendre le contre point du précédent avis et de beaucoup d’avis qui ont été exprimés. La question posée pour moi à priori ne m’intéresse pas tant que cela. Est-ce que le français est en voie de disparition ou pas, ce qui me parait intéressant dans la langue qu’elle soit français ou anglaise, c’est l’échange et la communication, ce sont les concepts et les idées. Par rapport à ça l’anglais qui se développe dans le monde entier, l’anglais qui est parlé en Angleterre, celui parlé aux Etats-Unis, ou celui parlé en Extrême Orient, il est souvent très différent et souvent entraine des difficultés de compréhension de l’un à l’autre, du fait que la langue qui va rencontrer des concepts ou des environnements différents va devoir se développer et s’adapter. Ce qui me parait important c’est au contraire la partie échange et le fait qu’on arrive à des langues qui se généralisent, qui suivent la mondialisation, c’est aussi une chance de pouvoir échanger avec des gens qui vont avoir des idées et des avis complètement différents. Il ne faut pas oublier qu’en France on avait une langue qui était très régionale, il y a de cela quelques siècles, et c’est par un pouvoir fort et l’obligation de l’école que l’on a unifié la langue et permis aux français de pouvoir échanger. Il est important de pouvoir se comprendre d’une région à l’autre. Il me semble qu’aujourd’hui, c’est vrai que d’un point de vue nationalisme on ressent le français comme une perte d’identité, mais quelque part on subit aussi au niveau mondial ce que nous avons fait dans notre pays, cette possibilité qu’on s’est donnée d’échanger les uns avec les autres. La langue peut être aussi une richesse mais c’est parfois aussi un obstacle. Quand on ne se comprend pas comment transmettre les principes de liberté d’égalité et de fraternité.

Animateur - On trouve ici une idée sur laquelle je pensais qu’on irait et qui a été évoquée par ici, de la diversité des langues et du fait que ça fait un barrage entre différentes choses. On l’apprend en cours, on a le français, on a l’anglais maïs l’on a rien qui nous montre qu’en fait ça vient de l’indo européen. Donc c’est vrai et c’est partout pareil dans toutes les disciplines, c’est vrai que dans notre manière d’éduquer on a tout divisé. Ca nous vient de Descartes. Il y a peut-être des liens, des ponts hyper importants qui pourraient être faits pour montrer ce lien et ce qui briserait une partie de ces barrages. Quand on est face à un anglais, si on ne connaît pas du tout l’anglais, si on se retrouve il y a 500 ou 1000 ans, ben on a plutôt tendance à lui taper dessus plutôt que de savoir ce qu’il voulait nous dire. Donc créer des ponts, du lien pour créer de l’intelligence et de la paix surtout.

23 - Je voudrais revenir sur une question qui a été soulevée, c’est le pragmatisme. Je ne pense pas qu’il faut condamner le pragmatisme systématiquement. Je vois par exemple, je vais vous parler de la langue basque. Le basque c’est la plus vieille langue d’Europe, elle date du paléolithique, elle avait 3000 mots, elle en a actuellement 300000.Elle n’est peut-être pas parlée par énormément de personnes mais c’est une langue qui a su s’adapter. Les basques sont coincés entre l’Espagne et la France, ils parlent français, espagnol et maintenant ils parlent anglais, comme tout le monde dans les écoles. Les basques sont des gens qui se sont adaptés partout dans le monde, vous en trouvez partout des basques, vous en trouvez en Amérique, vous en trouvez en argentine, vous en trouvez dans tous les pays de langue anglaise, de langue française et de langue espagnole. Ca prouve bien quand même que l’ouverture à plusieurs langues, et un linguiste disait pour sauver une langue il faut en parler trois ou quatre.

Animateur - Les basques se sont infiltrés un peu partout...

24 - La langue désigne une identité et désigne également un rapport à l’environnement, à la façon d’appréhender le cosmos. Elle définit également des mythologies. Par exemple en ce qui concerne l’Amérique du sud et notamment un pays qui me touche beaucoup, c’est celui de la Bolivie où actuellement on assiste à une réappropriation du quechua. Le quechua pour ceux qui ne savent pas c’est la forme actuelle du langage que parlaient les incas autrefois. Lors de la conquête espagnole, pendant longtemps jusqu’à récemment cette langue avait été oubliée bien qu’il y ait des communautés qui luttaient pour qu’elle soit respectée et inscrite au programme. Donc les langues on le voit expriment avant tout des manières culturelles d’appréhender la société. Si je prends l’exemple du français, la question que je me pose est de savoir de quel français on parle, est-ce qu’on parle du français qui est parlé par les élites parisiennes, du français de n’importe quelle région de France avec ses tournures régionales qui ne sont pas forcément compréhensibles en Bretagne ou ailleurs, est-ce qu'on parle du français parlé dans les différents pays de la francophonie. Si je prends par exemple le français parlé au Québec et bien on s’aperçoit qu’on mot utilisé en français en métropole n’aura pas le même sens au Québec. Je vais certainement vous faire sourire en prenant l’exemple du mot turlutte, chez nous ça désigne une pratique sexuelle, au Québec c’est une danse. Donc comme on peut le voir on n’est pas forcément compris d’un pays à l’autre en parlant le même mot.

Animateur - On voit que les danses ont inspiré beaucoup parce que ça m’a fait penser à une danse moyenâgeuse qu’on appelle le branle, c’est une danse du 15° ou 16°

25 - Je pense que la langue française est toujours en train de changer mais c’est comme cela pour toutes les langues je pense. En anglais on a des mots français, comme je ne sais quoi. Je pense que dans un sens, dans la traduction c’est toujours en sens perdu même si on lit une traduction de Camus ou Zola en anglais il y a quelque chose de perdue dans la traduction et même si on traduit du Shakespeare en français il y a de jeux de mots qui disparaissent et je pense que c’est toujours comme ça, même si le français vient en direct du latin, de l’espagnol. On a le mot palabré qui vient du mot espagnol palabre.
Animateur- C’était très bien dit. Une langue est vraiment unique de tout manière et la traduite, essayer de retransmettre ce qu’elle voulait dire est toujours hyper délicat dans une autre langue.

26 - Traditore es traductor, un traducteur est un traitre. Sicelides musao, paulo mayaura canamus, to be or not to be. Mon enfant, ma sœur songe à la douceur d’aller vivre là-bas au pays qui te ressemble. Alors c’est pour attirer l’attention sur un aspect de la langue dont je n’ai pratiquement pas entendu parler, c’est la musique. Il m’arrive très souvent depuis pas mal de temps de rencontrer, ici à Caen il y a énormément d’étrangers et comme il y a 6912 langues je ne peux pas toutes les connaître. Je m’intéresse tout de même à eux et j’écoute et à défaut de pouvoir comprendre ce qu’ils disent j’ai eu l’attention de plus en plus attirée par la musique. C’est extraordinaire le plaisir exquis qu’on peut vivre en écoutant les étrangers qui parlent entre eux sans parti pris, ni pour, ni contre, c’est extraordinaire. Vous rencontrez un chinois, vous dites Ni Ho, toute de suite il va sourire, vous rencontrez un coréen Anyang aseo, vous rencontrez un malien vous dites ani sokama, il vous regarde comme ça. Je me suis dit c’est impossible d’apprendre toutes les langues, mais quand on a la possibilité de savoir au moins dire bonjour il y a tout de suite une porte qui s’ouvre c’est absolument extraordinaire. Alors j’en ai appris pas mal de langues africaines et je me suis rendu compte que tout de suite ça permet de communiquer. Le régal même à l’intérieur de la langue française par exemple toutes les particularités, je dirais musicales si vous permettez le terme. Il m’est arrivé d’aller à Paris dans un bistrot tout à fait quelconque, d’entendre parler la gouaille parisienne, çà n’était pas du tout sous les feux de la caméra ou de micro elle s’exprimait spontanément, c’était un régal. Moi je suis originaire du Nord, j’ai baigné dans le son du ch’timi, ça m’est arrivé de retourner à Wazemmes un des quartiers les plus populaires de Lille et de me régaler pendant une heure d’entendre une bonne femme qui racontait des histoires, j’étais effaré, ses disputes avec son mari et tout ça. Mais il avait le plaisir d’entendre comment elle s’exprimait. Entre français je crois qu’il y a beaucoup, beaucoup la même chose. Alors si on parle du danger du français, il y a quelques petites choses que je voudrais dire aussi brièvement que possible. Si le danger existe il est à la fois intérieur et extérieur. C'est-à-dire que, j’ai constaté en tant qu’enseignant, que beaucoup de gens souffraient de ne pas posséder à la fois un vocabulaire de base assez riche et aussi des techniques de communication, donc la maitrise de la phrase. Regardez le malaise des banlieues, à défaut de pouvoir communiquer dans la langue commune, ils inventent un vocabulaire à eux, c’est un système de défense, c’est un système de protection, ce n’est pas haine, c’est pour se sentir solidaire d’un groupe. Alors le danger extérieur, c’est quand des gens qui viennent de l’extérieur pour des raisons, la plupart économiques, veulent imposer leur langue pour imposer leur présence, leur technique, à un moment donné il y a un malaise qui s’installe. Supposez qu’il se passe la même chose dans un autre pays, les gens qui voudront participer à un enrichissement se sentiront mal à l’aise s’ils ne maitrisent pas suffisamment la langue. Il y a du travail à faire de cette côté là. Je me permets pour terminer de donner le point de vue de l’africain qui est assez connu, je dirais son nom après : si nous avons besoin d’assistant technique francophone, d’autres qualifications c’est avant tout pour nous de la francophonie et culture et non d’assistant technique. C’est une autre façon de pensée et d’action une certaine manière de poser les problèmes et d’en chercher les solutions. Encore une fois c’est une communauté spirituelle une oosphère autour de la terre. Bref la francophonie c’est par delà la langue la civilisation française, posséder plus précisément l’esprit de cette civilisation, c'est-à-dire la culture française que j’appellerai la francité. Donc nous nous accueillons l’anglicité mais nous espérons, entre autre puisque c’est la question dominante actuellement, que le fait d’accueillir l’anglicité n’efface pas la francité.

Animateur - Tu parlais justement du chant du langage, ça m’a fait penser, j’ai entendu une fois à la radio, ils parlaient des langues d’une manière générale, et apparemment le français était l’une des langues qui avait la plus grande amplitude hertzienne dans les aigus et les graves, du point de vue vocalique, alors après ?

27 - Damien a déjà parlé de la musique, moi je vais parler de la poésie, vis-à-vis d’une langue c’est la même notion. Je voulais ajouter simplement quelque chose qui va peut-être s’effacer, s’éteindre petit à petit, je n’espère pas en tout cas, c’est le tracé. Une langue c’est aussi le fait de coucher sur le papier, des lettres. Alors on a parlé de la différence entre un idéogramme et un alphabet, pour ma part je trouve que les deux sont intéressants ,et que l’alphabet a aussi beaucoup de sens du point de vue de la structuration de la pensée, c’est aussi incroyable de dissocier le tracé de l’idée, en tout cas ça a beaucoup d’implications. Il y a quand même à priori quelque chose d’intéressant dans le fait de tracer des mots, tracer des phrases, ce n’est pas pour rien d’ailleurs qu’on parle de déchiffrer un texte quand on essaie d’en connaître le sens, même s’il n’y a pas de chiffre, qu’il n’y a que des lettres. Il y a une sorte de combinaison qui se fait par assemblage de mots, de lettres d’abord, et avant tout des traits. Donc ça me semble intéressant de préserver cette façon de s’exprimer. Je me demande quelle est la place de l’ordinateur, enfin ce que l’ordinateur va donner avec ce tracé qui est aussi à mon sens une facette importante de l’écriture, avec le clavier on n’a plus ce sens du tracé, de la lettre.

28 - Très rapidement je voudrais revenir sur ce qu’a dit mon voisin quand il parlait de la langue des fainéants. Sans rire, il y a deux visions du monde qui s’opposent radicalement dans leur conception. Il y a une vision globalisante du monde, l’idée de penser le monde dans sa globalité mais de ne pas forcément le déchiffrer. Et il y a une vision qui est une vision de compréhension par son déchiffrement, son déchiffrage mais je préfère déchiffrement, et sa réduction à un élément plus simple. Qu’est-ce qu’un alphabet si ce n’est la réduction du monde de l’alpha à l’oméga, du début à la fin. Qu’est-ce que la musique si ce n’est sa réduction en sept notes, c’est une vision très occidentale. Si l’occident a créé la philosophie n’en déplaise aux autres, c’est que la philosophie c’est la compréhension du monde par son concept, c'est-à-dire la réduction de la vérité, de l’ensemble de la création à l’ensemble des concepts immédiatement compréhensibles par l’homme. C’est une vision très occidentale, de là nait le cartésianisme, ce n’est pas par hasard. Qu’est-ce que la pensée cartésienne sinon la volonté de résoudre un problème en le décomposant toujours en éléments plus simples. Mais on voit bien que le cartésianisme a aussi des failles, une fois qu’on a décomposé le problème en éléments simples, on a aussi éliminé un certain nombre de composants qui faisaient que quand on rassemble ces éléments on n’obtient pas le problème initial. Parfois ça ne marche pas. Je crois qu’il ne faut pas y voir une opposition franche entre une langue alphabétique de réduction et de compréhension à une langue idéogrammatique de globalisation, il faut simplement voir deux visions du monde qui n’ont pas forcément à s’opposer mais à se parler. La médecine occidentale est une médecine de réduction, si j’ai mal au pied on va plutôt regarder mon pied. La médecine orientale n’est pas une médecine comme ça, c’est une médecine globale. Tout ça est très lié, très compréhensible et nait d’un inconscient très collectif qui fait que si on crée l’alphabet c’est qu’on a réduit le monde, si on crée l’idéogramme c’est qu’on a peut-être aussi l’appréhension de le comprendre dans sa globalité. Donc ce sont deux choses à mon avis différentes mais deux façons qu’ont eu les hommes de voir qu’ils avaient nécessité impérieuse de comprendre le monde et d’échanger leur propre compréhension du monde parce que finalement la langue ça sert à ca, c’est comment je vois le monde et est-ce que tu vois le monde de la même manière que moi et ça c’est le langage qui permet de le dire. Donc il n’y a pas d’opposition flagrante, il n’y a pas de langue de fainéant et de langue de gens qui ont envie de travailler, il y a simplement des cultures, des civilisations qui voient le monde de manières très différentes. Encore une fois la philosophie dans sa conception dite de philosophie est une conception largement occidentale et grecque, la spiritualité extrême orientale n’est pas considérée par les puristes comme une philosophie, ce n’est pas pour ça qu’il n’y a pas de pensée très profonde, mais ce n’est pas ce qu’on appelle une philosophie au sens de compréhension du monde par réduction des concepts.

29 - Je voudrais revenir un peu sur ce qu’a dit Damien, il a parlé de la civilité d’une langue. La langue est l’expression d’une civilisation et un outil de civilité. Je me rappelle que Charles Quint disait toujours quand je parle à mes chiens j’emploi l’allemand, quand je parle à mes domestiques je parle espagnol et quand je parle aux dames de la cour je parle en français.

30 - Pour terminer sur une note humoristique ou utopique je dirais puisque vous voyagez, que les gens voyagent à travers le monde, donnons l’occasion aux agences de voyage de nous offrir la possibilité d’apprendre des langues étrangères, c'est-à-dire dans le forfait voyage donnons-leur la possibilité de nous offrir gratuitement ou à prix réduit l’inscription dans des cours de langue étrangère, notamment le japonais, le chinois etc. pour être au top et pouvoir mieux communiquer. Et dernière chose il y a un humoriste qui a disparu qui s’appelait Raymond Devos qui maniait la langue française de manière très soutenue, très rigolote mais très respectueuse, il faudrait des centaines de Raymond Devos dans l’avenir pour permettre d’une part de nous faire rigoler et d’autre part de transmettre la langue française aux générations futures.

31 - Dernière intervention puisqu’on demande à la fin de trouver des solutions. Moi j’ai beaucoup souffert, j’ai appris la langue anglaise, obligatoire, j’ai appris le latin et le grec, ça je l’avais choisi ce qui m’a ouvert, donné des clés extraordinaires pour l’ensemble des langues européennes et j’ai appris spontanément à cause de liens d’amitié la langue allemande. J’ai appris aussi le Hongrois qui m’a absolument émerveillé et une langue qui ne fait pas partie des langues indo-européennes qui fait partie du groupe indo altaïque. Mais ma douleur n’était pas apaisée, je me suis rendu compte que souvent, avec le phénomène de la mondialisation on rencontre de plus en plus d’étrangers, dans les transports en commun, dans la rue, dans des rencontres fortuites, et malheureusement on voit des têtes très sympathiques, on voit par leur allure, leur comportement qu’on a envie de communiquer et on a la souffrance. on parlait d’obstacle tout à l’heure, en cherchant pendant des années, des années, j’ai fini par trouver une clé, ça m’a permis de rencontrer : japonais, il faut des années pour apprendre le japonais, mais c’est très difficile et ces japonais souffrent du fait que pour apprendre la langue française, il y a 2145 formes verbales à apprendre, vous vous rendez compte le travail que ça représente. J’ai pu rencontrer un tadjique, il y a une langue spéciale au Tadjikistan je ne vais tout de même par sympathie pour les tadjiques apprendre le tadjique, cubain c’est vrai qu’on peut apprendre l’espagnol. . Il y a d’ailleurs tout un travail qui se fait actuellement, à défaut d’apprendre toutes les langues européennes avoir au moins une capacité d’inter compréhension des langues c'est-à-dire que même si on ne la parle pas qu’on puisse au moins se comprendre. J’ai pu rencontrer des tchèques, des russes, bon ces langues là ils ne connaissent pas parce qu’il y avait une clé qui permettait de les rencontrer et ça sans aucune hostilité et sans aucune rivalité dans l’amitié. Alors il existe dans le monde une langue pratiquée par plusieurs million de personnes, non ce n’est pas langue des signes, et qui permet de se rencontrer sans qu’il y ait rivalité de culture, parce que c’est une langue pivot. Cette langue n’a jamais été impliquée dans un conflit de civilisation, dans une guerre ni quoi que ce soit. Elle a été interdite par les dictatures mais elle existe, alors cherchez.

Animateur - Et bien voilà la conclusion : cherchez. Je me demandais dans quel sens le débat allait se déplacer, c’est vrai qu’il y a la question de l’utilité de la langue d’un point de vue commercial, pourquoi pas en créer une autre. Mais alors celle-là induirait une vision du monde différente de chacune des autres. Donc il y a bien de question sur les langues, il y a l’espéranto qui n’a été évoqué qu’au début en fait, si le mot a été prononcé.
On va passer maintenant au choix du thème pour le prochain café.

Choix du thème pour le prochain Café Citoyen :

1 - Quelle est l’importance des élections municipales ? 10 voix
2 - Peut-on imposer le devoir de mémoire ? 16 voix
3 - Est-il vraiment nécessaire d’être citoyen ? 14 voix
4 - Comment protéger les jeunes des dangers d’internet ? 8 voix
5 - Comment le consommateur peut agir sur le pouvoir d’achat ? 8 voix
6 - Qui éduque aujourd’hui ? 15 voix

Prochain café citoyen : samedi 8 mars 2008 : Peut-on imposer le devoir de mémoire ?

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