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Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (08/11/2008)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Religion et Spiritualité

Faut-il redouter le retour du religieux ?

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Animateur - Bonjour à tous. Je vais vous donner quelques informations sur l’activité de l’association. Nous avons l’habitude de faire des Cafés Citoyens tous le deuxièmes et quatrièmes samedis de chaque mois sur un thème choisi par les participants à la fin de la séance précédente. De temps à autre, l’association propose des débats citoyens sur un thème qui n'est pas choisi par les participants mais par les membres de l'association. Cela permet par exemple de réaliser un débat d’actualité ou sur un thème qui semble important aux yeux des membres de l'association. Cette fois-ci, il y a une réunion en préparation pour tous les membres, le samedi 22 novembre. Nous souhaiterions organiser un débat sur l’avenir de l'hôpital. Déjà, quelques intervenants ont donné leur accord de principe, dont un directeur d’hôpital.

Passons à notre débat d'aujourd'hui. Le thème est « doit-on redouter le retour du religieux ? ». Je donne la parole à la personne qui a proposé ce thème.

1 - Bonjour, je m’appelle Jacky PION, je viens de Luc-sur-Mer. Faut-il avoir peur du retour du religieux ? Eh bien moi, en tant que laïc que je suis, je suis inquiet. J’ai fais un petit résumé. Si je fais un rapide tour du monde, on voit un boom des associations caritatives religieuses partout dans le monde qui comblent apparemment le manque d'implication des États dans le social. On voit un boom des mouvements sectaires, un boom des écoles confessionnelles, un boom des intégrismes, un boom des théories créationnistes, un boom du marketing forcené des évangélistes. Si on ajoute à cela la guerre sainte de Ben Laden, le dépeuplement des peuples palestiniens au nom de la Bible, Tony Blair qui dit que seul Dieu jugera en Irak et puis tous ces représentants au plus haut niveau qui se revendiquent de Dieu, en Pologne, aux États-Unis, en Iran. Si on ajoute à cela la Constitution Européenne qui reconnaît explicitement la prégnance chrétienne. Alors je me pose la question : est-ce que la France serait une exception ou pas ? Si on se rappelle les propos d'Aristide Briand le 9 Décembre 1905 : « la laïcité permet l’émancipation de tous en favorisant le libre accès au savoir et à la culture permettant le discernement de chacun pour un libre choix, une démarche rationnelle et critique ». Si je cite maintenant Nicolas Sarkozy le 20 décembre 2007 dans son discours à Latran : « dans la transmission de l’apprentissage entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer un curé ou un rabbin, il lui manquera toujours le charisme d’un engagement porté par l’espérance ». Moi je pose la question, l’espérance de quoi, de l’au-delà ? Il ajoute aussi devant le pape, « je reconnais là la souffrance provoquée par la loi de 1905 ». Il ajoute dans son livre, la religion est un calmant social, donnons des imams aux banlieues.» Et puis « je suis pour la laïcité positive », ce qui semblerait dire qu’elle est en ce moment négative. Alors ce retour du religieux dans la sphère politique est inquiétant, à quand un décret teinté de soi disant loi divine, que répondrons nous à l’affirmation "c’est comme ça, c’est écrit" ? Dans cet échange politico religieux chacun y trouve son compte sauf le citoyen que je suis, et en tant que laïc effectivement je suis inquiet.

Animateur - Merci pour cette intervention qui nous fait part de vos inquiétudes. Vous avez dressé quelques points concernant, à votre avis, le retour du religieux, vous avez parlé des dogmatismes, des théories sectaires, de l’implication éventuellement caritative des Églises, etc. Alors on peut se poser la question suivante : comment percevez-vous aujourd’hui ce religieux ? Est-ce que vous pensez qu’il est plus présent ? Est-ce que vous pensez qu’il s’implique de plus en plus, qu’il remplace l'État ?

2 - Pour ajouter à vos propos, je n’ai pas la phrase in extenso de Malraux, qui disait que « le vingt-et-unième siècle sera spirituel ou ne sera pas ». Le tableau que vous avez dressé, je crois que chacune et chacun d’entre nous fait aujourd’hui ce constat. Donc quelque part nous pouvons en ressentir, suivant nos affinités spirituelles, une inquiétude. Ce que vous avez mis en avant, c’est quelque part une connivence politique avec un rappel à la religion. Cela est inquiétant parce qu’effectivement notre constitution est laïque. Une laïcité où en fait la volonté était de pouvoir laisser la possibilité au religieux de s’épanouir quelque que soit l’origine de ce religieux. Donc dans ce sens là je peux effectivement l’approuver. Par contre, la religion est une aide avec les qualités et les défauts des humains et c’est là-dessus qu’il faut se protéger. Au-delà, je pense que c’est une erreur que nos politiques veuillent associer le religieux à la vie quotidienne du citoyen lambda. Le religieux doit être un choix personnel qui se ramène à la personne, le citoyen doit avoir une attitude tolérante à l’égard du religieux et admettre l’autre avec des pensées différentes des siennes. C’est là-dessus qu’il faut faire attention. Maintenant il y a aussi le problème de l’attitude possible du laïc à l’attitude d’un autre laïc qui n’aura pas les mêmes pensées que lui. On revient dans ce cadre là aux mêmes résultats, non pas que dans mon esprit j’appelle à un mot qui est pleinement d’actualité, être consensuel, il faut être consensuel aujourd’hui, mais ce n’est pas non plus mon attitude. Donc en fait, d’où ma présence d’ailleurs ici au café citoyen que je fréquente maintenant depuis quelques temps, c’est de développer chacun un esprit critique que les événements observés ou subits. Je ne vais pas aller plus loin car je ne veux pas monopoliser le micro, mais je me réserve pour intervenir à nouveau plus tard.

Animateur - J’aimerais juste, et là c’est intéressant parce qu’on a deux interventions qui se suivent et qui ont un angle d’approche différent. Est-ce que vous ne pensez pas qu’il y a une contradiction apparente, entre la crainte qu’on ressent à l’égard d’une plus grande implication du religieux dans la société, et puis l’espoir aussi que ça suscite ? Monsieur a rappelé que le 21° siècle sera spirituel ou ne sera pas, et c’est quand même aussi une sorte d’espoir. Alors est-ce qu’il n’y a pas une contradiction ?

3 - Moi je pense que monsieur a dit tout à l’heure quelque chose qui est très vraie, c’est que le religieux fait partie de l’humain. Effectivement il faut se poser la question comment est devenu le sentiment religieux, ce sentiment est venu lorsque l’homme a eu conscience de sa finitude, c'est-à-dire de la mort, il s’est posé la question, mais est-ce qu’il y a quelque chose en dehors de la mort. Cette pensée le taraude depuis des millénaires et quand on parle du retour du religieux je dis que l’on n’a pas à craindre le retour du sentiment religieux, c’est un besoin humain. Ce que disait tout à fait monsieur, est-ce que la question de ce retour n’est pas faite non plus par la déshérence que l’humanité sent de la part des hommes qui la dirigent, et est-ce que l’éducation qui a été faite jusqu’à maintenant a apporté toutes les réponses, depuis l’enfance jusqu’à l’adulte, aux interrogations. Alors c’est là que se pose le problème, faut-il redouter un retour du religieux, si c’est un retour du cléricalisme on peut évidemment se poser la question, il n’est pas question effectivement de revoir le retour des clercs dans la gestion de l’état, ça c’est la laïcité. Mais la laïcité qui serait la pensée unique ne serait pas bonne non plus. Je voudrais vous rappeler qu’Aristide Briand qui était le rapporteur de la loi de 1905, disait la libre pensée ne sera pas la pensée de la république. C’est quand même important parce que quelquefois si on est vraiment non croyant, on pense que l’on détient la vérité. Alors si on pense qu’on détient la vérité et bien on est soi-même dans une religion et à ce moment là on peut se poser la question et dire effectivement est-ce qu’il n’y a pas un danger du retour d’une autre religion.

Animateur - Justement pour continuer l’ouverture du débat, vous l’avez souligné, vous nous avez rappelé que c’était consubstantiel à l’homme que s’interroger sur sa propre mort et donc on peut s’interroger sur la formulation de notre question aujourd’hui, c'est-à-dire le religieux pour savoir s’il n’y a pas plusieurs facettes à tout ça, le religieux, les religions, les religieux, qu’est-ce qu’on craint, qu’est-ce qu’on espère. Et puis vous faites un petit rappel, le retour du clerc, le clerc étant celui qui sait, qui détient le savoir mais qui ne le dispense pas.

4-Moi je pense que le retour du religieux quand il devient une affaire politique, là c’est très dangereux. Comme dans tous les pays où la religion est une tendance politique qui devient obligatoire, là ça me parait très inquiétant. Et effectivement on peut le sentir actuellement an France, moi je ne suis pas laïque, mais je pense qu’on peut être laïc ou religieux et être inquiet de cette reprise de l’état. Moi je dirais aussi que la religion, effectivement comme disait monsieur, est faite avec des hommes, donc elle a du bon et du pas bon comme dans tout ce qui est humain. Je pense effectivement qu’il faut de la tolérance et ce n’est pas en mettant une religion au service de l’état qu’on devient tolérant.

Animateur - Vous avez précisé les termes laïc, je pense que l’on a parlé aussi de l’athéisme, ce serait bien d’approfondir ces termes là, laïcité, athéisme.

5 - Je repars de la question pour m’interroger par rapport à la question. Je pense que certains laicards, personnellement je suis profondément laïc, mais je pense à certains laicards qui peuvent trouver dans est-ce qu’on assiste à une résurgence du religieux, trouveront un angle d’attaque anti-Sarkozy. Personnellement je le déplore car je pense que Sarkozy est un grand manipulateur, qu’il est vrai que nous vivons dans une société en mutation rapide, permanente, que beaucoup de gens sont déstabilisés et s’interrogent sur leurs fondamentaux. A partir de ce moment-là effectivement on peut s’interroger sur quels seront les fondamentaux de demain pour, je dirais, avoir des bases solides et quelque part pouvoir répondre aux questions qui se posent à nous en ce siècle de mutation. Je ne crois pas du tout, aujourd’hui on est à l’heure d’Internet, de la diffusion extrêmement rapide de toutes les informations et je ne crois absolument pas que la société pourra, heureusement, quelque qu’elle soit en France ou dans le monde, revenir à des pseudos religions. Pourquoi, parce qu’il y a toujours une partie des gens qui chercheront dans des pseudos religions à calmer leur peur, à trouver une transcendance à ce qu’ils sont, trouver un alibi à toutes leurs inquiétudes, mais la grande majorité des gens qui, je dirais, réfléchissent un petit peu ne sont pas confrontés au retour de religieux, personnellement je n’y crois pas. Donc pour ma première intervention, s’il y en a une autre, je voudrais déjà dire que je me sens en porte à faux par rapport à la question dans la mesure où je pense que le problème ne se pose pas vraiment. Il y en a bien qui croient qu’on est en démocratie, ça existe, alors pourquoi ne pas croire à une pseudo religion. Sarkozy est un manipulateur, il n’est pas le seul, on nous manipule dans la société de communication où nous sommes, on manipule une certaine partie de la population ce n’est pas pour autant que la société deviendra religieuse, heureusement.

Animateur - Vous avez compris, il ne s’agit pas non plus de faire de l’anti-sarkosysme, ni du pro sarkosysme, vous auriez pu exprimer votre idée sans utiliser ces termes. Ceci dit pour vous la question ne se pose pas, vous ne pensez pas qu’il y ait un réel retour du religieux, vous pensez que c’est ^plus une affaire de communication.

6 - Je ne crois pas inutile de signaler en commençant que l’Arcadie est aussi un système religieux puisqu’à la base il y a une charte, il y a un accord sur des valeurs donc il y a un lien religieux entre nous, notre pape c’est le président. Ben oui, je raccourci, j’ai calculé que nous sommes une vingtaine, on a à peu près six minutes d’expression possible si tout le monde parle au cours des heures ? On peut comprendre aussi le terme religieux comme un accord sur certaines valeurs. J’ai avec moi un petit livre édité au PUF qui s’appelle « sociologie des religions » qui explore à fond la question en la mettant au point dans notre monde contemporain, je crois que c’est extrêmement intéressant parce qu’il y a toujours un chevauchement possible entre le religieux et le politique. Nous sommes en société, il est inévitable pour éviter les conflits qu’on se mette d’accord sur un certain nombre de valeurs, tant qu’on est ensemble on passe un temps à deux, on se met d’accord qu’est-ce qu’on boit, toi tu bois une limonade et moi je Bois un coca cola, bon d’accord on se respecte mutuellement, c’est déjà un accord en quelque sorte religieux. Religare c’est ce qui relie les personnes, qui permet de vivre en paix ensemble .On a peut-être une panique inutile avec le sujet qui traduit une angoisse, puisqu’on dit faut-il avoir peur du retour du religieux. Il n’y a pas de retour du religieux, il y a toujours eu du religieux et il y en aura toujours au sens profond et réel du terme. La question est d’apprendre à vivre ensemble en ayant des opinions différentes, une approche différente de la réalité, je crois que ça c’est fondamental. Il y a eu des régimes où l’on a dit-on exclu toute religion, par exemple je pense à l’ex union soviétique, à une période donnée toute manifestation religieuse était interdite et était susceptible de poursuite et même de mise à mort. Cela n’a pas empêché que des gens, dans le secret, se sont réunis parce qu’ils avaient d’autres valeurs que le système imposé par leurs dirigeants. J’ai chez moi un atlas des religions dans lequel il y a une photo assez insolite et amusante, on représente des enfants en prosternation devant le portrait de Mao. On se rend compter que l’athéisme est lui-même aussi une religion, on pourrait citer de nombreux exemples. Alors c’est trop facile de dire, moi je suis athée, donc je suis tout à fait libre de toute religion, non c’est une façon de fuir la question. Il faut voir aussi la question sur l’angle historique, là on met le doigt sur une véritable difficulté, il y a toute une période pendant laquelle on a vraiment voulu sacraliser le pouvoir et même dans l’état actuellement laïque, il y a une tendance qui est restée vivante de sacraliser le pouvoir, il y a des rites républicains, le salut au drapeau, allumer la flamme du soldat inconnu, on trouve des rituels qui sont analogues aux rituels religieux, il faut voir les choses en face, il faut être lucide. Il a fallu deux siècle pour se libérer de l’imposition d’une religion, obligatoire pour tous. Quand on a dit par exemple que le roi était, roi de droit divin, on se base sur quoi pour dire ça, il n’y a pas de certitude absolue que Dieu s’il existe ait choisi telle personne pour être roi. Et alors transmettre par copulation le droit de diriger tout le monde et de placer quelqu’un en prison par ordre du roi, hop à la Bastille. Donc il faut bien cerner la question, je crois que c’est fondamental.

Animateur - Ca ne va pas arranger nos choses parce que c’est vrai, vous soulignez la complexité du sujet, l’ambigüité entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique, l’un qui va avec l’autre et puis qu’est-ce que c’est la religiosité sinon celle de se réunir et de communier autour d’une même valeur. Je crois qu’il y a une notion que vous avez abordée qui ‘est intéressante, c’est la question de la tolérance, il faudrait approfondir la question.

7 - Moi aussi je suis un peu interloquée comme les deux interlocuteurs précédents. La question, faut-il avoir peur du retour du religieux, je ne me sens pas concernée par cette question. Je rejoins, il y a des fondamentaux dans la constitution. J’aimerais, si quelqu’un a l’impression, je parle de France, il faut avoir peur du religieux, est-ce que quelqu’un pourrait donner un exemple précis en quoi il peut avoir peur du retour du religieux.

Animateur - Je fais un rapide retour sur la question, ce n’est pas faut-il avoir peur du retour du religieux, c’est faut-il redouter, c’est différent à mon sens, parce que dans redouter il y a aussi le doute.

8 - On pourrait faire beaucoup de remarque sur tout ce qui a été dit. Sur la dernière remarque tout à l’heure, est-ce qu’en France, personnellement je ne crois qu’il y ait réellement un retour du religieux même s’il y a une plus grande visibilité du religieux pour un tas de raisons. D’une part parce que la pluralisation religieuse dans la société française continue, il y a des religions qui n’étaient pas présentes ou pas beaucoup il y a cinquante ans ou un siècle, comme le bouddhisme ou l’islam, qui sont évidemment beaucoup plus présentes aujourd’hui. Il y a une multiplication des sectes mais tout ça veut dire simplement que l’église catholique a perdu un peu plus de son ancien monopole. Donc ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres, c’est une redistribution. Mais ce n’est peut-être par ça qui donne une impression de peur, c’était très net, j’allais dire dans le montage, que nous a présenté le premier intervenant, qui a mis bout à bout une série de faits qui sont tout à fait indéniables en eux-mêmes, mais qui sont sans doute de nature assez hétéroclite, dont la plupart d’ailleurs sont extérieurs à l’espace français. Mais mon dieu la question est peut-être la peur des français face à la mondialisation et à d’autres phénomènes. Cette peur est accrue parce que le modèle français n’a plus le prestige qu’il avait. Il y a deux siècles c’était le modèle, disons, état nation républicain et par conséquent laïc, c’ait un modèle qui faisait florès presque chez tous les peuples du monde. Or aujourd’hui ce modèle est complètement relativisé, à l’échelle mondiale j’entends, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas encore des luttes nationales ou des besoins d’indépendance ou de construction d’état, mais à l’heure de la mondialisation ce modèle n’a plus de prestige même en Europe où l’influence de la France a beaucoup diminué. Ceci est un thème qui devrait être creusé parce que c’est au cœur de notre débat, y compris d’ailleurs jusque dans les maladresses de Sarkozy que je n’ai pas du tout envie de défendre, mais qui est sans doute l’un des mieux placé pour savoir que l’état même en France s’est beaucoup affaibli et que par conséquent il faut qu’il retrouve des appuis. La deuxième remarque que je voudrais faire c’est que je ne crois pas , moi non plus, au retour du religieux même s’il y a des mutations religieuses contemporaines aujourd’hui, mais ce n’est pas le retour du même religieux que ce qui était il y a cinquante ou cent ans ou au moyen âge, y compris dans les formes les plus offensives ou les plus inquiétantes qui pour moi sont les intégrismes religieux, mais les intégrismes religieux sont des phénomènes modernes, ce sont des phénomènes tout à fait contemporains et qui sont issus du choc et de la rencontre avec des situations de modernité ou d’échec de modernité. C’est comme les totalitarismes du 20° siècle, c’est une nouvelle forme de totalitarisme, c’est un phénomène de totalitarisme les intégrismes religieux mais c’est lié à la modernité ou à des échecs de la modernisation. Il faudrait réfléchir là-dessus. En fin la dernière remarque que je voudrais faire, mais il y en aurait tellement d’autres à faire, c’est que nous vivons une mutation de la modernité, ce sera ma conclusion. Non pas qu’elle s’arrête, certains parlent de post moderne, c’est très ambigu, post, ça voudrait dire qu’on est sorti du monde moderne, c’est complètement faux, on y entre pus que jamais mais il y a une mutation parce que précisément la modernité n’est plus une religion, elle l’a été et son dogme était le progrès. Le progrès a eu ses apôtres, ses martyrs, ses militants, ses fidèles, ses instituteurs qui faisaient la guerre aux curés au nom du progrès, monsieur le curé était en retard, etc. c’était une petite guerre de religion, chacun était dans sa religion. L’un avait plutôt la religion du passé, de la mémoire, l’autre plutôt une vision de l’avenir, mais bon voilà. Or aujourd’hui le progrès marche tout seul, ce que l’on sait est que le progrès n’est dirigé par personne, il échappe à tout le monde, il emporte tout le monde, il n’est maitrisé par personne, il n’y a pas de dieu du progrès ou c’est un dieu fou, on ne sait pas où il est. Donc il n’y a pas de providence de progrès. Donc le progrès est démythisé et il devient lui-même inquiétant parce qu’on ne sait pas où il va, on ne sait pas qui va le diriger, qui va s’en emparer, l’argent, le pouvoir, les mafias, je ne sais pas quoi. Donc le monde donne le sentiment d’être à vau l’eau parce qu’il n’est plus gouverné, ni par dieu, ni par les hommes. Donc ceci crée beaucoup d’angoisse et donc ça fait des mutations de la modernité. Mais le monde moderne continue, le progrès va plus vite que jamais, tous les jours nous sommes bousculés au nom de ce progrès mais il est démythisé, il est lui-même sécularisé, nous n’avons plus besoin d’y croire pour le faire ou pour le subir.

Animateur - Une intervention qui est assez fournie. Je voudrais juste poser deux choses. Si j’ai bien compris, d’après vous, rien ne se perd, rien ne se crée tout se transforme, c’est pareil pour le sentiment religieux, vous avez rappelé que la science a emprunté et c’est aussi quelque chose qui nous a fait évoluer. Et puis une question pour relancer le débat, est-ce que ce n’est pas plus l’impuissance du politique qui nous inquiète plutôt que le retour éventuel du religieux.

9 - moi je vais venir un petit peu en contradiction à différentes interventions qui se sont faites, pour me rapprocher plus de l’introduction. Je pense qu’en effet on a un retour du religieux, au moins dans l’idée de Dieu et peut-être pas du religieux dans l’idée du lien social. Par contre monsieur a soulevé un point intéressant, le retour n’est pas forcément au niveau français mais il intervient de manière importante dans la mondialisation. La constitution européenne, dans le projet qui a été débattu, de nombreux pays ont fait le forcing pour qu’on cite dans la constitution que l’Europe était chrétienne. A priori mon information est que ça n’aurait pas été retenu mais ça avait été quand même abordé, il y a quand même un intérêt de beaucoup de pays pour ça. Il ne faut pas oublier qu’il y a quelques années, la guerre en Irak nous a été présenté quasiment par certains comme une guerre de religion, ça a été un choc de religion. On a une présence sectaire qui augmente, alors est-ce une transformation de certains mouvements, peut-être, mais c’est quand même une démarche très visible et très offensive. Et puis l’intégrisme que vous rappeliez. Moi, d’une manière générale, j’ai toujours tendance à dire que le religieux est une conviction personnelle, et quand on commence à mélanger avec la politique on arrive à un cocktail détonnant, on l’a souvent vu par le passé, c’est quelque chose qui peut produire des effets à long ou moyen terme, des effets un petit peu désastreux pour la société. D’un point de vue historique, quand on a instauré la laïcité, au début du 20°, c’est aussi parce qu’il y a eu des idées émergentes un peu nouvelles, qu’ont été le capitalisme et le marxisme, et là on a sans doute trouvé un petit peu au autre type de religion. Quelque part on a trouvé des gens qui ont été déifiés, on a parlé de Mao, on peut parler de Staline dans certains cas, ou même l’argent pour le capitalisme. La chute de ces systèmes aujourd’hui entraine sans doute un retour des gens vers les églises parce qu’on s’est aperçu que les modèles politiques n’étaient pas capables de répondre à certaines aspirations. Par contre il me semble évident que chez l’homme il existe une aspiration au sacré, chacun de nous l’exprime d’une manière très différente mais on retrouve tous une aspiration au sacré. Je regardais l’autre soir le discours d’Obama, dans le regard des gens je n’avais vraiment pas l’impression de trouver un discours politique mais vraiment autre chose, il y avait une fascination, il y avait autre chose. Donc je pense que les gens aspirent au sacré et le chercher un peu partout. Des gens ont parlé tout à l’heure des rituels, il y a aussi dans le sacré une recherche du rituel, on est dans une république laïque, aujourd’hui il y a toujours un exemple qui me choque, c’est le mariage, on n’a pas réussi au niveau républicain à créer un rituel suffisamment fort pour que les gens s’en satisfassent. Aujourd’hui pour la plupart des gens correspond à la cérémonie à l’église, si on regarde le nombre de personnes qui se marient à l’église par rapport au nombre de gens qui fréquentent réellement, il y a vraiment un décalage très important, donc pour moi, ça tente à prouver que le rituel, l’aspiration au rituel que les gens font, on ‘a pas su le faire ailleurs que dans la religion jusqu’à maintenant. Dernier point, on a parlé de laïcité, je pense que la laïcité aujourd’hui évolue, on a eu au début du vingtième une laïcité très combattante parce que, et bien l’église était fortement impliquée dans la société et si le combat n’avait pas été mené il n’aurait sans doute été possible que ça se fasse de manière plus pacifique. Mais la laïcité, on a parlé de religion laïque tout à l’heure, certains essaient de faire de la laïcité une religion, pour moi c’est plus aujourd’hui c’est plus vouloir garder le religieux dans la sphère privée et une certaine tolérance par rapport aux idées de chacun. Je finirai par un exemple, je citerai deux personnes qui font partie de l’église chrétienne, une nous a quitté récemment, c’est sœur Emmanuelle, et l’autre le Pape. Pour moi sœur Emmanuelle a représenté la partie positive de la religion où l’on voit quelqu’un qui s’est donnée sans compter, qui n’a pas forcément cherché à être prosélyte mais qui par son exemplarité a prouvé quelque chose. De l’autre coté on prend le pape, on est là tout de suite dans une démarche beaucoup plus politique. C’est vrai que moi, quand on parle de laïcité j’ai plus tendance à rechercher des personnalités qui par leur exemplarité font faire avancer les choses plutôt que de rentrer dans la sphère politique et chercher à faire avancer les choses mais d’une manière de société.

Animateur - C’est vrai qu’aujourd’hui on a peut-être le sentiment de se retrouver devant un grand point d’interrogation. Vous avez cité l’exemple du discours d’Obama, on peut s’intéresser aux Etats-Unis parce que c’est quand même, quoiqu’en en dise une grande démocratie et qui a encore gardé un petit sa pulpe du point de vue de l’énergie éventuellement qu’on pourrait déceler même chez un français, il y a quelque chose de très puissant chez les américains. On peut s’interroger sur ça, alors juste une question est-ce que finalement ce dont on a besoin, ce n’est pas de retrouver su sens, et c’est peut-être là qu’on peut s’interroger sur le politique, sur le religieux etc.

10 - Le danger serait de revenir, ça existe dans le monde et c’est peut-être l’une des raisons pour laquelle on s’interroge, il y a des pays dans le monde qui sont dirigés par des églises, des religions plus exactement. Ce danger signifie que si vous n’êtes pas membre de cette religion vous êtes exclus de la société, quelquefois physiquement comme récemment à Kossoul en Irak où des chrétiens ont été éliminés et ce malgré la présence des américains, ça s’est passé également aux Indes et ça existe dans d’autres pays également. L’autre danger est de considérer qu’être laïc c’est interdire toute autre religion et d’interdire l’existence des religieux sur son territoire. Ca veut dire aussi, si on pousse un peu, dire je suis membre d’une religion mais en même temps je fais de la politique, il faut donc que je cache que je pratique cette religion sinon on va dire que je mélange les deux. Le véritable danger est là, on a vécu en France sous l’ancien régime où la religion catholique était la seule permisse, à l’époque certains protestants ont subi cet ostracisme, mais il ne faut pas arriver à l’inverse et éliminer toute religion. La loi de 1905 qu’on appelle me semble-t-il à tort loi de séparation de l’église et de l’état était en fait une loi d’exclusion. Elle avait pour but de corriger la loi de 1901 qui n’était pas assez coercitive pour empêcher tout religieux. Heureusement on n’en est plus là. Mais encore une fois je vois mal le danger d’un retour du religieux sauf à laisser venir, mais je crois qu’en France on en est loin, une religion d’état. Vous dite qu’Obama a cité plusieurs fois Dieu dans ses discours, ça ne veut pas dire que les Etats qu’aux Etats-Unis n’auront droit de cité que les gens qui pratiquent sa religion. Dans les démocraties occidentales cette situation n’existe plus. Donc pour moi le danger n’est pas de voir revenir le religieux, il est de vouloir l’exclure.

Animateur - Merci, en effet ce rappel des expressions que l’on entend tous, pour les Français ça a l’air d’être choquant, God Bless, pour les laicards indécrottables c’est vraiment une insulte et pourtant ça fait partie d’une expression que tout le monde partage aux Etats-Unis qu’on soit chrétien ou de toute autre religion qui existe c’est quelque chose qui se partage. Effectivement est-ce que du coup finalement aujourd’hui on ne peut pas se poser la question inverse, est-ce qu’on ne redoute pas le manque de religieux.

11 - Je pense que cette peur du religieux c’est aussi due à la méconnaissance. C’est affolant de voir la méconnaissance des cultures religieuses. Je pense que si les jeunes actuellement avaient une meilleure connaissance des cultures religieuses ils auraient aussi des arguments pour pouvoir en parler et ne pas en avoir peur. Quelque chose que l’on connaît est quelque chose qui fait moins peur. Je crois qu’il est temps que l’on revienne à une éducation des connaissances des religions

Animateur - Ca vous semble un manque aujourd’hui ?

11bis - Je pense qu’au niveau scolaire simplement, on aborde la philosophie, on aborde l’histoire, on aborde des tas de points comme ça sans avoir aucune connaissance des religions qui sont quand même dans l’histoire du monde.

Animateur - Alors cette question, est-ce qu’on ne peut pas former un bon citoyen sans former à la religion, au fait religieux.

12 - Beaucoup, beaucoup de choses de dites. Actuellement les gens se posent beaucoup de questions sur leur avenir, sur l’économie, sur leur attitude face à la mondialisation comme on l’a dit tout à l’heure. Je pense que les gens ont besoin de communiquer, de communiquer leurs angoisses, d’essayer de se rapprocher de leur famille déjà et puis d’essayer de communiquer leurs souhaits, leurs besoins auprès de gens. Peut-être qu’un certain besoin de communion intègre le fait qu’on essaie de croire à quelque chose pour essayer d’améliorer l’avenir en croyant que c’est possible d’avoir une amélioration de la situation personnelle de chacun. Ceci dit on peut constater que la fréquentation des églises, notamment le Dimanche, diminue fortement par rapport à certaines années, cinquante ans à peu près, moi je ne suis pas un spécialiste mais il est vrai qu’on dit que les fidèles ne viennent plus beaucoup à l’église. Ca ne veut pas dire qu’il n’y a pas de catholiques mais c’est peut-être aussi du à la manière dont la messe est faite. Personnellement je pense que ce n’est pas toujours très joyeux de passer une heure à écouter la messe, même si on est croyant catholique, je pense que les gens se sont un peu désintéressés de la pratique religieuse dans un cadre institutionnel religieux. Ce ne veut pas dire que les gens ne croient plus et n’ont pas leur propre conviction mais la pratique religieuse a changé. Actuellement par rapport au pape Jean Paul 2 qui a sauvé un certain intérêt pour la chose religieuse on va dire parce que c’était quand même un pape très médiatique qui a été adulé par les médias notamment et l’engouement que les populations avaient pour ce pape a peut-être fait revenir un certain nombre de gens dans la religion catholique. Celui qui est actuellement au Vatican a une vision différente plus traditionaliste puisqu’il veut remettre la messe notamment en latin, donc il a une vision, à mon avis, beaucoup moins moderne que l’avait Jean Paul 2, même si sur certaines valeurs il n’était pas dans la modernité, notamment auprès des jeunes. Alors il y a une contradiction entre la volonté de croire en quelque chose et puis de pratiquer la religion, qu’elle soit catholique ou musulmane puisqu’au fil du temps la religion musulmane est devenue la deuxième religion en France , je crois, et l’attitude qu’on peut avoir, enfin qui s’oppose, c’est que les dérives de l’Islam dans les pays qui pratiquent l’islamisme de manière dangereuse, qui détournent les valeurs de cette religion à des profits politiques, c’est peut-être là le danger, il y a un détournement des fondamentaux des religions pour les utiliser pour des raisons politiques. Donc on pourrait s’interroger, faut-il redouter le retour du religieux même si le religieux est beaucoup moins présent dans la société qu’il ne l’était au 19° siècle, je parle pour la France. Ce qui est étonnant aussi, c’est qu’aux Etats-Unis dans l’élection américaine qui vient de se passer, le religieux a été présent, mais beaucoup moins important dans les résultats qu’il ne l’était dans les deux mandats précédents, les deux élections américaines précédentes, puisque le crédo de Georges Bush était quand même de mettre en valeur les préceptes religieux, alors que là, l’élection du président ne s’est pas faite uniquement sur des valeurs religieuses. Les électeurs pour lesquelles les valeurs religieuses étaient fortes, enfin le candidat pour lesquelles les valeurs religieuses étaient fortes n’a pas forcément été élu sur ce crédo. Donc il y a un changement qui a pu se produire au niveau des Etats-Unis, est-ce que ça influencera les politiques étrangères, notamment par rapport à la guerre contre l’islam, enfin les guerres saintes qui sont menées par certains islamistes, on peut se poser la question. Et puis savoir comment va être intégrée cette valeur religieuse au niveau américain par rapport notamment à la résolution du conflit israélo palestinien. Donc une évolution de la manière d’appréhender la religion qui va dans le futur être intéressante à étudier. Dernière chose, ce qui pourrait peut-être être inquiétant, si jamais le religieux pouvait prétendre prendre une place plus importante qu’elle ne devrai l’être, ce serait par exemple la remise en cause de certains droits, certaines conquêtes, notamment au niveau du droit des femmes qui serait menée par des traditionalistes pour essayer d’abolir certaines valeurs qui ont été défendues par plusieurs années de conquêtes féministes, principalement la remise en cause de l’avortement par certains traditionalistes.

Animateur - Vous revenez sur une question qui semble tout à fait justifiée, c’est qu’on s’est un peu échappé de cette ambiance de peur, de crainte, concernant le religieux. Ceci dit on peut revenir à la question, d’ailleurs la question initiale était, est-ce qu’il n’y a pas une crainte que le religieux empiète sur le politique et restreigne les libertés individuelles fondamentales ? Avez-vous ce sentiment-là ? On pourrait éventuellement essayer d’élargir ça non pas simplement au religieux mais aux dogmatismes qu’ils soient religieux ou autres.

13 - Je voudrais aborder une question qui m’intéresse beaucoup, c’est est-ce qu’un croyant peut avoir une action citoyenne. Quand je pense que cantonner le religieux dans la sphère privée, à mon avis, c’est se priver d’apports intéressants en matière d’action citoyenne au même titre que d’autres non croyants. C’est pour ça que lorsqu’on dit le religieux ne doit pas se mélanger à la politique, mais on dit maintenant tout est politique. Quand vous allez défendre les immigrés, c’est politique, quand des chrétiens vont défendre les immigrés, c’est politique, quand sœur Emmanuelle va apporter pour alléger les souffrances, elle fait une action en tant que croyante mais elle fait une action politique quand même parce qu’elle essaie de modifier, par son exemple, le comportement des politiques des pays où elle va. Alors je pense qu’on n’a pas à craindre l’action citoyenne d’un croyant, ça me parait important. On ne peut pas non plus dire on va les refouler dans la sphère privée, qu’ils restent tranquillement dans leur coin, bien à l’abri, qu’ils nous laissent tranquilles bien enfermés chez eux et qu’on n’en parle plus. Moi je pense que tout le monde a son apport dans une société qu’il croit ou ne croit pas.

Animateur- C’est un pavé dans la marre, mais je pense que c’est intéressant de se poser cette question. Finalement est-ce que ce n’est pas aussi le fait de s’interroger sur notre façon de concevoir la laïcité aujourd’hui en France, est-ce qu’il n’y a pas une chose à faire évoluer, un concept à faire évoluer, est-ce que c’est si étanche que ça la barrière entre l’espace public et l’espace privé, le religieux qui serait du domaine de la foi personnelle et puis l’implication sociale. Mais ça peut faire l’objet d’un autre débat.

14 - Juste pour faire un retour en arrière, monsieur parlait du progrès tout à l’heure. Il disait qu’il n’y a plus de religion du progrès, et en même temps il parlait d’un progrès qui était irrépressible, qui de toute façon advenait même de façon un peu folle. Je voulais savoir ce qu’il entendait par progrès ce qu’il mettait derrière le mot progrès.

Animateur - On va poser la question à toute la salle, c’est vrai, le progrès est quand même l’une des bases de notre société donc on peut poser la question, qu’en est-il aujourd’hui, quel est notre regard à l’égard du progrès.

15 - Tout à l’heure on a posé la question de la tolérance après mon intervention. Pour moi un exemple, pour ne pas dire un modèle de tolérance, c’est celui de Voltaire, quand il y a eu le fameux procès Calas, il est intervenu, il a dit : « je suis absolument contre votre opinion mais je ferai tout pour que vous puissiez l’exprimer ». Je crois qu’il a posé là les véritables bases de la tolérance. Actuellement il y a une grosse difficulté, justement cette confrontation, croire que chacun sa religion propre, y compris l’athéisme que je reconnais comme une religion, serait la seule valable et devrait être imposée à tous. S’il y a un effort à faire au point de vue collectif, qui concerne tout un chacun, c’est apprendre à écouter les autres. Il y a quelques mois, il y avait un éditorial dans Ouest France, l’auteur jugeait que c’était regrettable, que c’était une observation sociologique qu’il faisait, que si peu de gens apprennent à écouter les autres. J’ai remarqué très souvent dans ma vie quotidienne, quelquefois si je fais un geste, que j’exprime une opinion, que je fais une démarche quelconque, souvent il y a des réactions très vives, d’ordre émotionnelle ou automatique, je voudrais bien pouvoir dire quelque chose à l’autre, dire écoute ta réaction me déconcerte, accorde-moi la parole, peut-être qu’on arrivera à trouver un terrain d’entente. Je crois que là il y a un problème quelque soit la référence religieuse que chacun peut avoir. Il y a aussi, puisqu’on parle de peur, de quelque chose qu’on redoute, il y a le risque si on exclut toute religion, ce qui est également impossible, c’est que l’état lui-même, avec ses constitutions, ses habitudes etc., devienne lui-même une religion redoutable et étouffante pour l’individu. C’est fondamental qu’on développe le sens de la fraternité entre tous les hommes, ça suppose de développer la maitrise de soi, savoir ne pas se précipiter pour contrer l’autre, il faut l’couter, la rencontre avec lui peut m’enrichir et pas imaginer tout de suite que c’est nous qui avons la vérité.

Animateur-Vous avez raison de souligner que c’est un travail personnel, un exercice régulier que d’écouter les autres.

16 - Je pense que la laïcité est au contraire une protection pour la diversité des religions, elle permet à chacun d’avoir sa propre croyance, elle permet à chacun d’être athée, voire agnostique. Le problème est de savoir quelle est la spiritualité de la laïcité, parce que la spiritualité n’est pas forcément religiosité.

Animateur - Effectivement ça relance le débat, la question du religieux, est-ce qu’on inclut ou pas la question de spiritualité qui est effectivement un autre pan.

17- Je dirai préalablement que l’homme n’est pas forcément naturellement bon, ça se saurait et ça s’observerait. C’était probablement plus facile lorsqu’il n’y avait qu’une seule religion, enfin disons trois qui étaient pratiquées en France pendant longtemps, du moins c’est ce que j’ai pu observer le long de mon existence. Aujourd’hui on faisait remarquer à juste titre que l’islam était la deuxième religion pratiquée en France. Etant, par nature, tolérant, j’attends que les autres soient aussi tolérants à mon égard. En fait si je fais cette observation c’est parce que j’ai senti aussi chez les autres un manque de tolérance. Maintenant je peux m’interroger aussi sur les efforts que la société française a pu faire pour accueillir aussi ces populations, pour leur donner la possibilité de vivre comme tout un chacun, par l’accès au travail, qu’il n’y ait pas de délit de sale gueule. Donc l’autre, quelque part, fait peur parce qu’il va avoir des pensées différentes, il va agir d’une façon différente. Donc comme Damien le faisais justement remarquer, ben oui il faut avoir cette tolérance à l’égard de l’autre en espérant qu’il nous la rendra. La conséquence de cette intolérance est aussi inquiétante parce que ça peut provoquer le développement du communautarisme et honnêtement ce n’est pas tout à fait ce que je souhaite pour un pays tel que le nôtre. Alors on va avoir les communautés d’origine asiatiques, on va avoir les communautés d’origine maghrébine, on va avoir les communautés d’origine antillaise. Je vais dire vive le métissage, mais le métissage est un enrichissement, l’autre va pouvoir m’enrichir. Donc j’espère une société plus ouverte, ben oui mais il y a aussi des problèmes de comportement, nous la famille nous sommes monogames, dans d’autres religions il est admis d’être polygame, alors ce n’est pas sans poser de problème, l’autre ne vit pas nécessairement de la même façon que nous, pourtant il m’enrichit, qui ne mange pas un couscous, qui ne va pas manger des rouleaux de printemps. Donc voyez cela influe notre mode de vie, notre alimentation mais tout ça pose beaucoup de question, c’est pour ça que dans ma première intervention je mettais en évidence cette tolérance à l’égard de l’autre et je disais en même temps garder mon esprit critique ce qui nécessité de ma part la prise de distance par rapport aux faits observés donc d’avoir une attitude citoyenne. Pour en revenir aux propos de notre ami qui est parti, le progrès n’est ni bon ni mauvais, il avance, et il avancera, il avancera, il avancera, ça ne sera jamais fini.

Animateur- Alors on peut aussi s’interroger pour essayer de revenir, parce que là on a bien travaillé la question du religieux, de l’importance de valeurs communes mais on peut se poser la question suivante, est-ce que vous ne craignez pas aujourd’hui qu’un dogmatisme intolérant embrasse toute la société et puisse s’imposer ? Avez-vous ce sentiment, ça peut être économique, ça peut être politique, qu’est-ce qui vous semble oppressant aujourd’hui au point que vous pourriez apparenter cela à du dogmatisme intolérant qui veut s’imposer ?

18 - Je voudrais prendre l’exemple du café citoyen. Tout à l’heure on parlait de l’implication de chacun en disant il ne faut pas empêcher les religieux d’intervenir dans la société, et je pense en effet qu’on est un peu un exemple par rapport à ça. Chacun vient ici avec ses convictions, avec ses idées, et puis comme le dit Marc ou l’animateur chaque fois, en entrant il ne laisse pas forcément à la porte mais il ne fait pas de prosélytisme avec, ses convictions aident à éclairer son action, à éclairer ses paroles mais il n’en fait pas l’apologie. Ca me parait une bonne règle, une bonne règle parce que c’est vrai qu’on est ici tous différents et ça nous permet de nous écouter. Et puis ce que je trouve un peu ici, il m’arrive d’entendre d’autres idées qui nous permettent de nous remettre en cause et de faire évoluer nos points de vue. Tout à l’heure madame a parlé de l’éducation religieuse, moi c’est quelque chose qui au départ, à priori, c’est quelque chose qui me choque parce que je pense que ce n’est pas forcément le rôle de la république. Après réflexion je me suis dit, l’animateur posait la question, est-ce que le citoyen doit avoir une éducation religieuse, après réflexion oui. Oui parce que c’est vrai que souvent on a peur de l’inconnu et quand on connaît les choses ça permet de mieux les comprendre et après réflexion je m’aperçois en effet qu’il y a plein de choses dont on parle et dont on connaît très peu. Quand on a, je dirais un petit peu bouter l’église hors de l’éducation, est-ce que quelque part notre école républicaine, on va rejoindre le discours de Latran, moi qui m’a choqué, mais après réflexion est-ce que l’éducation républicaine a repris un petit peu toutes les fonctions de l’éducation religieuse, est-ce que l’on n’a pas laissé quelques éléments sur le coté. Je n’en suis pas certain. Aujourd’hui on parle de démission des parents dans l’éducation, à une certaine époque est-ce que les parents n’avaient pas une certaine démission mais que c’était corrigé lors de l’éducation qui était faite par les religieux. La valeur de l’écoute, c’est vrai que la valeur de l’écoute est quelque chose d’essentiel. Généralement quand on assiste à une discussion on entend souvent deux personnes qui cherchent à prendre la parole plutôt que de s’écouter, c’est vrai qu’on n’est pas formé du tout pour ça non plus. Pour continuer dans une évolution d’idée, on parlait tout à l’heure, on citait un exemple pour dire que dans les cités un imam permettrait de calmer les tensions, on a dit tout à l’heure je pense, en effet encore une fois un échec de l’éducation, l’éducation de l’écoute. Alors la morale dans l’éducation est une valeur qu’on a complètement abandonnée, est que l’on a bien fait de gommer, est-ce que quelque part on n’a pas perdu du lien social avec ça. Donc c’est vrai que c’est un virage à 90° mais l’intervention de madame m’a éclairé un petit peu.

Animateur- Juste un petit point, effectivement l’intolérance provient en grande partie de l’ignorance. D’abord avec l’écoute on arrive à mieux comprendre l’autre et donc devenir de plus en plus tolérant ce quine veut pas dire ne plus se respecter soi-même, mais en tout cas de mieux entendre les arguments des autres, donc comment l’autre conçoit le monde.

19 - La nature a horreur du vide, donc dès qu’il y a un vide quelque part il y a un certain nombre de gens ou d’idées qui essaient de s’y installer, c’est une vérité pour tout un chacun, je l’espère au moins. Donc le problème est aussi le problème de société dans laquelle nous sommes, de société politique dans laquelle nous sommes. Les politiciens qui sont au pouvoir qu’ils soient de droite ou de gauche, c’est ma rengaine, tout le système est fait pour que le pouvoir ne leur échappe pas sous aucun prétexte. Ils se financent entre eux, ils sont copains, ils tiennent les médias, la communication, tout déviant de la pensée unique politiquement correcte subit l’opprobre de la bien pensance. Donc tous ces politiciens dès qu’il y a un courant porteur, courant porteur dans les banlieues, on le voit ici et là, il suffit qu’un groupe assez organisé demande une église, quand je dis une église, une mosquée ici ou là, je n’ai rien contre l’islam rassurez-vous, mais pour qu’on courre après ce groupe, qu’on lui fournisse une mosquée ici, une mosquée par là ou autre chose. En fait la société ne sait pas trop où elle va, pour moi c’est une évidence, les gens qui nous manipulent, je ne veux pas dire qui nous gouvernent, pour eux le sens de ce qui doit rester avant tout est qu’ils doivent continuer à avoir le pouvoir sinon en tirer des bénéfices. A partir de ce moment là ils sont prêts à toutes les turpitudes. Moi ce n’est pas du tout mon propos, ce n’est du tout de l’anti islam, ce que sais de l’islam c’est que c’est quand même une religion qui régit la vie de tous les jours, on l’a bien vu ici ou là que des groupes islamistes, par forcément extrémistes, réclament des créneaux pour la piscine pour les femmes, réclament autre chose etc. Je trouve qu’il faut que le religieux doit faire partie de la sphère privée et ne doit surtout pas en sortir, tout ce qui peut nous amener à vivre en commun doit rester laïc, on ne doit pas sortir de ça.

Animateur- Vous avez parlé du religieux qui s’immiscerait dans le quotidien, sans forcément critiquer l’islam, parce qu’on pourrait très bien s’interroger sur le jour du Dimanche qui fait dans l’actualité, bien des échos, pourquoi privilégier le dimanche qui est un jour, on le sait bien, lié à la religion, à une religion. Cette question est intéressante parce que ça concerne notre vie de tous les jours et finalement, je pose la question, est-ce que ce que l’on craint n’est pas plutôt l’utilisation par le politique du religieux.

20 - On touche à un point qui me semble très intéressant, finalement quand le danger arrive. Ce qu’il ne faut surtout pas à mon avis c’est que la religion devienne un prétexte politisé. Lorsque la religion devient un prétexte politique à mon avis c’est là que le danger arrive. Partant de là, à mon avis il n’y a pas de remise en cause possible de séparation de l’église, du religieux donc, et de l’état car ça pourrait ouvrir la porte à ce qu’on appelle une théocratie. Seule la laïcité peut permettre à chacun de pratiquer un culte dans le cadre d’une sphère strictement privée.

Animateur - Là, on revient à la question de la loi de séparation de l’église et de l’état, de 1905, donc on peut aussi s’interroger sur cette frontière qui a été délimitée, il me semble que c’est un peu flou en ce moment, ou pas, il ne faut pas y toucher, ou essayer de s’interroger sur la laïcité à notre époque.

21 - Est-ce que le problème ne viendrait pas des mots en religions. C’est-à-dire quand on entend par exemple que c’est mis à toutes les sauces, à savoir le 20 heures c’est une grande messe. Quand on entend aussi que dans un parti politique il y a des questions économiques, il y a des questions politiques stratégiques est-ce qu’on n’a pas le sentiment de parler de religion. On parle de religion au niveau du culte, des prières, aussi bien musulmanes, catholiques ou asiatiques, là comme disait certains, la peur vient simplement parce qu’on ne sait pas et d’être moralement embrigadé alors qu’on souhaiter plus de liberté de choisir, d’analyser, de comprendre. Dès que le pape parle, dès qu’il y a imam qui parle, parce que maintenant les médias ont pris une telle importance, je reviens aussi dans les discussions que j’ai, le problème est que les médias ont pris trop d’importance et que les médias finalement ne regardent que d’un coté de la lorgnette, à savoir ce qui va faire vendre. Donc on préfère montrer par exemple un imam qui va écrire la guerre sainte que d’essayer de comprendre la religion musulmane. Quand on sait qu’on a quand même assassiné un homme qui était peut-être pour certain dictateur mais comme disait un interlocuteur tout à l’heure, c’était quand même un homme qui a défendu toutes les religions dans son pays, ou du moins qui les respectait, même la religion catholique était respectée en Irak. Donc ça pose aussi le problème, il faut simplement que tout un chacun puisse se respecter et ne pas avoir peur de la possibilité d’être embrigadé dans telle ou telle religion. Je crois qu’il est là le vrai problème.

Animateur - C’est intéressant parce que là vous utilisez un terme qu’on n’a pas encore utilisé, embrigadé. Finalement est-ce que le religieux ne nous inquiète pas quand il s’impose à nous et pas quand on y participe. Quand on y participe finalement il ne nous inquiète pas, mais quand il s’impose à nous c’est alors qu’il nous inquiète. Juste pour poser cette question, qu’est-ce qui selon vous pourrait vous empêcher de vivre aujourd’hui votre vie comme vous l’entendez dans le respect d’autrui évidemment, qu’est-ce qui selon vous serait de ce domaine là, le religieux inquiétant qui pourrait vous empêcher de vivre votre vie.

22 - Je vais répondre dans un premier temps, il n’y a rien qui nous empêche de vivre ce qu’on pense profondément. Je pense effectivement comme ça a été dit tout à l’heure, dans n’importe quel pays quand il y a eu des répressions les gens ont continué à penser leur religion comme ils la pensaient, en la faisant évoluer ou régresser, c’est une autre affaire. Ce que je voulais dire aussi, je pense que c’est dangereux quand la religion est reprise par le politique, ceci dit je pense que toute religion doit s’engager de manière citoyenne et donc politique forcément. On ne peut pas être religieux et ne pas avoir une opinion politique, ce n’est pas possible. Je parlerai de l’église catholique que je connais plus qu’une autre, je pense que si elle a perdu beaucoup de pratiquants, c’est qu’elle ne s’est jamais engagée au niveau politique. Je voudrais faire cette distinction là, il y a un sens qui est dangereux, mais l’autre me parait indispensable.

23 - Vous posez la question de savoir si on peut nous imposer une religion. Je crois qu’actuellement, en tout cas en France on ne nous impose pas de religion. Néanmoins lorsqu’on regarde d’un peu plus près, la deuxième partie de votre question étant est-ce qu’on vivre sa religion, et là on s’aperçoit qu’il y a des problèmes pratiques. Pour un musulman qui ne mange pas de porc, c’est maintenant généralisé dans presque toutes les écoles, il y a des menus musulmans. Donc quand on dit qu’il ne faut pas que la religion s’immisce dans le laïc, est-ce que cela n’est pas déjà une entorse à cette règle. D’autre part selon la loi de séparation de l’église et de l’état, les pouvoirs publics de financer la construction d’une église. Toutes les églises que vous voyez, autour de vous à Caen comme ailleurs, construites après 1905, l’ont été sur fonds privés, officiellement sans participation de l’état. Il y a eu une première entorse, c’est la cathédrale d’Evry qui a été financée en partie par des fonds publics au moyen d’artifices juridiques. Vous avez eu ensuite des mosquées qui sont également financées plus ou moins sur des fonds publics, là encore avec des arguties juridiques. Ces entorses me semblent plus dangereuses que des citations dans des discours ou des appels à Dieu. Après tout quand on dit « nom de Dieu » ne serait-on pas aussi répréhensible. Ce n’est pas facile de faire une réelle distinction, quelqu’un l’a dit, on peut dans certaines circonstances tenir des discours dans le but de ratisser large. Quand on écoute les discours de certains politiques qu’on ne peut citer et que donc je ne citerai pas mais d’autres l’ont fait ici avant moi, sur une période assez longue on s’aperçoit qu’ils comportent des propos quelquefois contradictoires qui prouvent bien que c’est plus dans le but de ratisser large que dans celui de casser cette séparation on d’endoctriner les laïcs. Une observation à propos de l’éducation religieuse dans les écoles, souhaitée ou réelle. Il ne faut pas confondre éducation religieuse et enseignement des religions. Il me parait tout à fait utopique de croire que l’on puisse enseigner le religieux, par contre que l’histoire des religions soit enseignée ça me semble utile, je pense que ça permettrait d’éviter de dire certaines « conneries ».

Animateur - Est-ce que finalement un état ne doit pas aider tous ces concitoyens à vivre et à pratiquer comme ils le souhaitent ces aspirations personnelles, à disposition ce qu’il faut pour ça.

24 - Pour terminer je voudrais dire que ce qui m’inquiète c’est le fondamentalisme et j’ai peur, ce n’est pas la religion en elle-même qui est à craindre, c’est le fondamentalisme, c'est-à-dire ce qui ne tolèrent pas la religion des autres ou alors qui veulent imposer, même au sein de leur religion, leur vision de la religion. Alors il y a une chose qui est, en France on a la laïcité, c’est clair, je ne suis pas contre du tout attention, mais j’ai peur que comme en Angleterre où l’on voit quelque chose qui est un peu déroutant c’est ce que je crains. En Angleterre il se passe quelque chose d’assez curieux c’est qu’on est en train de vouloir créer des tribunaux religieux pour l’islam, c'est-à-dire que les affaires familiales entre les islamistes seraient jugées non pas par les tribunaux britanniques, mais par des tribunaux religieux. Quand on sait, moi qui ai vécu pas mal en Algérie, et qu’on sait un petit peu comment fonctionnent les tribunaux religieux, je ne souhaite qu’en France on ait des tribunaux religieux. Là il y a une grosse crainte, mais tant que la religion restera, pas seulement dans la sphère privée totale mais qu’elle participe à la vie citoyenne, c’est un plus pour l’état. L’état n’a pas à s’appuyer sur les religions mais il peut écouter les religions, lorsque les religions ont un rôle citoyen elles peuvent jouer un rôle dans la société. Par contre gardons-nous de ce genre de chose, que les tribunaux religieux, parce que là les libertés fondamentales seront complètement atteintes.

25 - Je voulais juste réagir, tout à l’heure j’ai bien apprécié les paroles d’un intervenant sur l’apport que l’autre nous faire, celui qui vient avec une autre culture. Par contre il y a quelqu’un qui a dit, j’espère ne pas déformer ses paroles, qu’il avait été choqué, tout au moins interloqué par le fait que dans la constitution européenne on avait cherché à mettre les références au judéo-christianisme, comme des valeurs communes. Or ici des créneaux de piscine, ailleurs des tribunaux, alors en fait là où on n’est pas capable de se mettre d’accord sur des mesures purement de gros sous, on l’a vu il y a quelques semaines, est-ce que dans la constitution européenne on n’a pas cherché à mettre tout simplement une valeur commune, un héritage culturel commun. Il ne s’agit pas d’instituer une théocratie européenne mais simplement de se dire et bien voilà on a ça en commun et les gens qui viennent vivre chez nous, qui nous apportent certes beaucoup, il faut aussi qu’ils sachent que notre culture vient de ce monde judéo-chrétien.

Animateur - Ca pourrait faire l’objet d’un autre café citoyen.

26 - Je voulais juste signaler à l’interlocuteur qui est derrière moi qu’à Mayotte qui est un territoire français, ce sont les imams qui pratiquent la justice de première proximité. Le sens de mon intervention, le droit des uns contre le droit des autres, je voudrais souligner un fait. Au niveau du droit des enfants, citoyens en devenir et en construction, je ne vois pas au nom de quoi aujourd’hui dans les écoles les petits musulmans ou autres devraient avoir obligatoirement la religion de leurs parents. Je pense qu’on choisit une religion lorsqu’on est apte à en choisir une, c'est-à-dire lorsqu’on est construit, apte à en choisir une ou pas, je trouve qu’il y a là une lâcheté absolument incroyable de la part des politiques que de laisser faire ce scandale qui est pour moi d’imposer à des enfants la religion de leurs parents.

Animateur - Il reste quelques minutes, tout le monde du coup veut s’impliquer, mais alors voilà, on va essayer de calmer, on va essayer de terminer sur un bon sentiment, parce que finalement on a bien travaillé.

27 - On peut se poser la question, est-ce que la véritable religion, puisque les hommes apparemment ne peuvent pas s’en passer sous différentes formes, même la religion de l’état, est-ce que la véritable religion ne serait pas au-delà de toutes les religions existantes. C’est un sujet de réflexion qui pourrait peut-être être très enrichissant. Je voudrais faire référence à une expérience vécue personnellement il y a pas mal d’années au début où j’étais à Caen. Je fréquentais un café où je lisais beaucoup, et entre autres une période où je lisais des livres sur la spiritualité. Une chose m’a beaucoup frappé, j’ai fait inconsciemment une enquête sociologique parce que les gens me voyant lire cela disaient ah !tu lis des livres de spiritualité, es-tu croyant. Je dis ce n’est pas parce que je lis des livres sur la spiritualité que je suis croyant, et toi ? Ah ! Non moi je suis athée. Alors j’ai enregistré l’information et au bout de plusieurs semaines, l’expérience s’étant renouvelée plusieurs fois, je me suis dit c’est curieux. Si je retourne vingt ou trente ans en arrière, j’aurais posé exactement la même question à mon interlocuteur, je sais, les enquêtes sociologiques l’ont montré, la plupart des gens m’aurait répondu je suis croyant, e comme on est dans un pays de tradition catholique, ils m’auraient répondu probablement catholiques. Donc j’en ai tiré une conclusion assez intéressante c’est que, ça revient à la question que j’ai posée tout à l’heure, il y a une inculture, une irréflexion autour de la question religieuse, les gens suivent des courants de pensée. Je crois que le courant de pensée dominant actuellement pour différentes raisons que l’on peut analyser sans parti pris, c’est probablement une réaction contre une emprise excessive en particulier d’une forme religieuse, je ne dis pas d’une religion mais d’une forme religieuse parmi d’autres qui en quelque sorte tyrannise les esprits. Alors s’il y a un aspect positif pour moi dans l’athéisme actuel, c’est cette volonté de se déterminer par soi-même.

Animateur - On peut parler de l’athéisme comme un élément important du fait religieux, et pourtant c’est quand même, et vous l’avez précisé, une évolution notable de notre société, très notable.

28 - Lourde tâche puisque l'animateur me demande de finir par un bon sentiment, je ne suis pas sûr d’être à la hauteur. J’ai l’impression quelque part que ce qui fonde aujourd’hui notre société et le consensus social dans lequel on vit, c’est plus la philosophie des lumières où avec la tolérance, avec beaucoup de choses, plus qu’une religion plus qu’une autre. Ce qui peut paraître choquant lorsqu’on cite une religion plus qu’une autre dans un document officiel c’est que quelque part on lui donne une primauté. Donc c’était plus le point qui me gênait. En fait quand on dit faut-il avoir peur du retour du religieux, on a parlé de la politique et de la religion et aujourd’hui on arrive dès fois un petit peu à des conflits, ou que se passe-t-il quand telle ou telle religion dans ses préceptes se retrouve en non con formalité ou en opposition avec nos lois. Je n’ai pas forcément de réponse à ça mais personnellement en tant que citoyen la primauté c’est ce que notre collectivité a décidé et par rapport à ça l’une des craintes que l’on a du retour du religieux c’est que le consensus social sur lequel on vit soit remis en cause par une religion ou par une autre.

Animateur - Merci d’avoir terminé ce débat en renouant avec la question initiale qui nous importe tous en tant que citoyens, c’est la loi et la modification des lois. Nous allons maintenant passer au choix du sujet pour le prochain café.

Thèmes proposés et résultat des votes :

1 - Quels objectifs aujourd’hui pour une politique de défense ? 3 voix
2 - Qu’est-ce qu’une entreprise citoyenne ? 8 voix
3 - Assistons-nous à la fin de l’enfant roi ? 11 voix
4 - En tant que citoyens européens, que pouvons-nous attendre du nouveau président américain ? 7 voix
5 - Qu’en est-il de l’égalité parentale ? 7 voix
6 - Que pouvons-nous attendre du développement de la communauté européenne? 8 voix
7 - Que signifie le mot démocratie, aujourd’hui ? 19 voix
8 - Comment concevoir la gouvernance mondiale ? 7 voix
9 - L’incarcération est-elle un remède à l’insécurité ? 16 voix
10 - L’élection du président des Etats-Unis peut-elle permettre l’accession des minorités au pouvoir ? 5 voix
11 - La bonne gouvernance exige-t-elle que les idées se mesurent à la réalité ? 7 voix
12 - La réalisation de biographie cinématographique a-t-elle une influence sur l’opinion publique ? 4 voix

PROCHAIN CAFÉ LE 22 NOVEMBRE 2008 : Que signifie le mot démocratie, aujourd’hui ?

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