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Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (12/04/2008)

Animateur du débat : Boris Vaisman

» Sciences

Suffit-il de savoir pour décider ?

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Animateur - Le 28 juin il y aura un café citoyen déplacé à l’Abbaye d’Ardennes dans le cadre d’un festival organisé par l’IMEC, sur l’alimentation en général. Ils nous ont proposé de participer à un débat sur les OGM, ils espèrent inviter José Bové ce qui risque d’être intéressant, sachant qu’on leur a dit que même s’il y a José Bové, ce qui n’est pas sur du tout, on essaiera quand même de proposer un thème ouvert et à priori sans affirmation péremptoire initiale sur les OGM au moins pour créer le débat. Vous aurez des informations supplémentaires sur le thème, il y aura une information spéciale. Alors le thème d’aujourd’hui : « suffit-il de savoir pour décider » un thème moins polémique que ceux qu’on a l’habitude d’entendre, mais tout aussi intéressant, un thème directement lié à la démocratie, et effectivement ce n’est pas sur qu’il soit moins polémique. Donc c’est madame qui avait proposé ce thème, je vais lui demander de nous préciser ce qu’elle a voulu traiter par ce sujet.

1 - Bonjour, au grand désespoir de ma fille je n’ai pas élaboré ni travaillé sur le sujet, donc je vais le faire au feeling. C’est une idée qui m’est venue suite à un questionnement permanent sur le sujet assez ancien puisque je pense que ça remonte à l’époque où j’étais enfant et comme chacun d’entre nous j’ai reçu le récit de la Shoah. Bien d’autres sujet ont généré ce genre de question, en tout ça m’a posé » beaucoup de questions sur tout avec le message parallèle de la part de nos ainés, comme quoi on ne savait pas. Ce qui pouvait sous-entendre que comme on ne savait pas, on n’avait pas pu faire grand-chose. Plus proche de nous il y a plein d’autres situations aussi délicates, aussi critiques qui ont fait évoluer ma pensée et qui montrent que même quand on sait quelque chose on n’agit pas forcément de façon altruiste. On a bien sur en tête des situations précises comme par exemple la situation en Tchétchénie, l’affaire du sang contaminé il y a des choses comme ça très, très fortes, on peut avoir des coups de colère vis-à-vis des décideurs mais ça fait aussi référence à nos petites lâchetés individuelles. Les décideurs même quand ils ont connaissance de choses importantes ne prennent pas forcément les décisions adéquates, mais nous à titre individuel, est-ce qu’on agit de façon toujours très sage. Par exemple on sait tous à l’heure d’aujourd’hui que notre planète est en péril, mais est-ce qu’on est tous venus à vélo, moi non déjà pour commencer. Donc voilà je n’ai pas de pensée très élaborée sur le sujet mais il y a plusieurs pistes que je voulais lancer pour dire, en général il faut avoir cv connaissance d’une situation pour avoir une décision en adéquation avec le fait, mais ce n’est pas suffisamment, on est tous mus par des forces qui ne sont pas forcément à des fins altruistes.

Animateur - Vous avez déjà orienté le sujet puisque suffit-il de savoir pour décider ça peut être plus large que ça, vous avez orienté le sujet sur le fait qu’il existerait, vous avez parlé des forces, lesquelles il faut en discuter, qui nous empêcheraient d’agir dans le bon sens. Alors le bon sens c’est déjà un terme de débat, qu’est-ce que le bon sens. Même si on sait, finalement on ne fait pas grand-chose, reproche à nos décideurs, vous l’avez dit, mais nous-mêmes à notre niveau que faisons-nous. Voilà le thème est posé, il peut être élargi, mais cette vision des choses qui est orientée est à mon avis un débat assez large.

2 - Pour moi c’est savoir qui pose problème, que savons-nous ou que croyons-nous savoir ? Et si nous avons la sagesse de penser que nous ne savons pas se pose le problème d’aller chercher l’information la plus large possible et les informations qui soient le plus dispersées possible de façon à pouvoir faire des recoupements. Je pense qu’il est très difficile aujourd’hui de pouvoir prétendre savoir. Nous n’avons pas, et loin s’en faut, je ne crois pas qu’il y ait eu à quelque moment que ce soit une connaissance universelle. Donc mon interrogation porte sur la qualité du savoir.

Animateur - Alors effectivement sommes-nous surs que nous savons ? Mais pour faire un lien avec ce qu’a dit madame, c’est là que le débat est intéressant, est-ce que cette façon de dire que finalement on ne sait pas grand-chose n’est pas justement l’une de ces forces qui font que nous n’arrivons pas à décider ? Donc on peut faire des liens ici, mais on peut raisonnablement aussi se poser la question, est-ce que nous savons que nous sommes en capacité de pouvoir décider en pleine connaissance des choses ?

3 - La question du savoir est importante parce que dans un processus de décision il y a trois facteurs de décisions à mon sens. C’est d’abord le savoir, le savoir faire et puis la volonté, parce que sans volonté on ne peut rien faire. En ce qui concerne le savoir, notre collègue a très bien amorcé le sujet. Socrate disait : » ce que je sais le mieux c’est que je ne sais rien ». Je ne sais rien pourquoi, parce que, ça a été abordé déjà, je sais ce que je crois savoir, je sais ce que je veux savoir, ça n’est pas forcément le savoir. Ensuite il y a ce que je sais, ce que j’apprends, c’est parce qu’on a bien voulu que je sache, celui qui sait veux que je sache. C’est un peu ce que madame a dit. Je dirais qu’il faut d’abord de l’humilité, de la prudence et de la méfiance. Quand on pense aux experts, aux technocrates qui malheureusement entourent tous les cabinets ministériels qu’ils soient de n’importe quel gouvernement auxquels on assiste depuis pas mal d’années, et bien tous ces gens-là se trompent, se contredisent souvent et ils nous trompent quelquefois. On a vu l’affaire de Tchernobyl, quand un professeur émérite, qui détenait tout le savoir du nucléaire en France, professeur Pellerin pour ne pas le citer, et qui disait le nuage s’arrêtera aux frontières de la France. Bravo. C’est pareil, je ne sais pas si vous avez écouté l’émission hier soir, Thalassa, et bien ce qui s’est passé à Mururoa on a dit aux gens ne vous tracassez pas, le nuage il va partir, il partira. Manque de pot le vent était contraire il est tombé sur eux et ils ont eu tous les problèmes que l’on connaît. C’est pour ça qu’il faut être excessivement prudent avec le savoir et c’est là qu’effectivement il faut faire appel à son savoir faire, c'est-à-dire à son expérience à son jugement.

4 - Par rapport à ce que l’orateur précédent vient de dire, je m’inscris assez en faux. En faux par rapport au fait qu’au niveau du savoir je dirais on nous trompe volontairement. Il y a un certain nombre d’experts dans les cabinets, il ne faut pas croire que ces gens-là sont des sots, ils ont simplement pour seul et unique but de conserver leur place et de conserver la place de ceux qui nous gouvernent. Donc on nous dit, non pas ce qui est, mais ce qu’il faut penser pour qu’une nomenklatura puisse rester au pouvoir et continuer à faire ses petites saloperies à leur seul profit. Donc le politiquement correct ça existe, la pensée unique ça existe et les savoirs des experts et bien on prend le savoir de celui à qui on a commandité de faire un rapport sur telle ou telle chose, et il sait très bien qu’au cas où il ne dirait pas à la personne qui lui a commandé que ça aille dans le sens qu’elle pense, et bien il n’aurait plus de travail. C’est comme ça que fonctionnent tous les experts. Donc voilà je voudrais, c’était simplement un des aspects de suffit-il de savoir pour décider.

Animateur - Dans les deux interventions précédentes il y a le fait qu’on ne se pose pas seulement la question de savoir si l’on sait, mais aussi que les gens qui sont censés savoir ,ou qui croient savoir, pratiqueraient, je mets du conditionnel parce que c’est un débat, parfois des politiques dites de désinformation pour des intérêts personnels ou restreints en tout cas. Delà on a dépassé uns strate, avant je dirais on était dans l’esprit socratique, à titre individuel on sait que l’on sait. Là on dit il y a des gens qui sont censés savoir et qui nous désinforment, donc déjà deux bonnes raisons, peut-être pour nous-mêmes et pour faire le lien avec ce qu’a dit madame, pour avoir du mal à décider.

5 - Si on est sur d’être intoxiqué cela suppose que l’on connaisse la vérité. Si pour nous intoxiquer on dit c’est blanc qu’il faut penser, et qu’on pense nous raconte des histoires, ça veut dire qu’on est sur que c’est rouge. C’est donc une certaine forme de paradoxe. Ensuite savoir et connaissance ce n’est pas forcément la même chose. On peut avoir un certain savoir et ne pas avoir la connaissance d’un événement. On vient de citer une fois de plus ce qu’on pourrait appeler un marronnier, la fameuse soi-disant déclaration du professeur Pellerin, on n’a jamais été capable de la retrouver. C’est un amalgame entre la déclaration qu’il a faite, l’interprétation qu’en a faite le ministre Madelin et les commentaires faits par la presse. Dans l’esprit ça voulait peut-être dire la même chose mais ce n’est pas aussi caricatural que ça. Alors puisque le débat du jour porte sur « suffit-il de savoir pour décider, » j’ai tendance à dire qu’à l’évidence pour chaque décision que l’on prend il faudrait qu’on ait la capacité, donc le savoir pour faire l’analyse pour faire le bon choix .Or il faut bien constater que ce soit dans notre vie de consommateur, lorsque que l’on veut acheter quelque chose est-on bien sur d’avoir la connaissance suffisante pour savoir et faire la différence entre un article a ou b ; dans notre vie de patient, à nos âges on l’expérimente plus souvent que les plus jeunes, lorsqu’un toubib nous propose telle ou telle médication, ou telle ou telle intervention, est-ce qu’on est capable de discerner . Et dans notre vie de citoyen tout court, est-ce qu’on est capable chaque fois qu’on nous demande de faire un choix, de le faire avec la conscience du savoir. Tout cela est loin d’être évident. Alors quand on dit qu’on est en démocratie et qu’en démocratie c’est le peuple qui décide, et si on agrée à ce que je viens de dire , que personne ne peut tout savoir et que l’on a une connaissance très partielle des événements, quand on nous demande dé décider c’est une forme de paradoxe pour ne pas dire plus.

Animateur - Dans ce que vous avez dit je vais retenir la dernière partie. Effectivement c’est le problème de la démocratie, on nous demande de décider par notre vote de choisir quelqu’un à qui on va donner notre aval finalement. Le faisons-nous en pleine conscience, le faisons-nous comme cela, ou le faisons-nous guidés par d’autres forces ? C’est tout le principe de la démocratie, on demande au peuple, c’est ce que dit monsieur seeuws, et finalement on demande au peuple de décider et on n’est même pas sur qu’il sait. Justement suffit-il, est-il nécessaire et suffisant de savoir pour décider ?

6 - J’ai suivi l’ensemble des interventions et je dirais qu’on avance dans l’ébauche. Je vais m’intéresser plus à la notion de décider et éventuellement de vois si ça intègre une notion de savoir. Décider ne peut pas se décoréler d’une notion de temps, on décide de quelque chose avec un programme sur une période au terme de laquelle on doit décider quelque chose. Donc il y a cette notion qui intervient et elle peut effectivement aller dans le sens du savoir, on a le temps d’acquérir une forme de savoir. Ou alors comme j’ai pu entendre la réaction de Claude, travailler avec expérience, c'est-à-dire être plus sur une situation de réflexe pour déclencher une décision, trancher je dirais mais avec une habitude. Donc en même temps une décision ça peut être une répétition, on peut décider plusieurs fois de choses à peu près équivalentes. C’est le cas de la plupart d’entre nous au quotidien, on décide d’un certain nombre de choses qui finissent par être une habitude et plus on a l’habitude de la faire et plus on décide vite. Il y a des réflexes comme ça à la conduite par contre elle est conditionnée, donc la notion de savoir s’intègre sur un temps. Au départ on peut considérer que son expérience est ce qu’elle est, elle va s’agrémenter peut-être au fil du temps par le savoir. Ca c’est pour la décision à très court terme. Puis après j’imagine tel que le sujet est posé, il s’adresse au système démocratique donc au choix que l’on a de notre représentant d’une société en démocratie. Là c’est beaucoup plus compliqué parce lui va devoir régir les choses. Mais normalement en démocratie on a un perpétuel aller-retour. C’est à dire que tout le monde n’a pas le savoir, il faut éclairer les gens, mais il faut recueillir je dirais pour moi, une volonté générale éclairée. Donc en fait la décision dans ce cas ne se prend pas en cinq minutes, elle se prend avec tout un mécanisme extrêmement pénible à mettre en place. On n’a pas forcément l’expérience à l’heure actuelle dans le cadre du pouvoir. Alors là je vais contredire un peu monsieur qui disait que tous les experts sont foireux.

Animateur - Il n’a pas dit cela.

6bis - non mais j’ai entendu la notion de tout expert, en fait on ne peut pas mettre tous les experts dans un même lot. effectivement j’ai compris que le fait qu’il y a l’expert qui est commandité par le pouvoir, par le décisionnaire, qui va avoir tendance à appuyer le décisionnaire dans ses opinions, encore que ce ne soit pas toujours le cas, au risque de perdre son crédit vis-à-vis de cet homme de décision, quoique parfois il arrive que les hommes qui doivent décider apprécient le fait de se faire contrecarrer dans leur opinion et ça leur sauve la mise, et quand ils sont capables de le reconnaître, je dirais, on a fait un pas. Moi je pense que les experts c’est comme les justes il y en a aussi des comme ça, il y a des experts qui à un moment ne peuvent pas cacher la réalité pour aller dans le bon sens, même si ils sont dans le bras droit d’un décideur. Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Par contre une chose est sure, je vois comme difficulté à l’heure actuelle, le dialogue va se faire plus entre le décisionnaire et l’expert et il manque une personne là-dedans c’est le citoyen. En fait l’expert devrait d’abord éclairer le citoyen pour qu’il puisse y avoir un retour, un système de Feedback, il n’y a pas de feedback à l’heure actuelle. On met un décideur, il s’adjoint quelque personnes pour que ça aille vite, pour répondre très vite à certaines problématiques, là où le temps serait nécessaire de réfléchir plus et donc la notion de savoir n’est pas pour moi le savoir de l’expert, c’est le savoir de l’ensemble, c'est-à-dire comment est-ce qu’on s’est assuré préalablement du savoir de tout un chacun sur la question pour après avoir un retour de la volonté générale dans un système démocratique. C’est peut-être cela aujourd'hui qu’on n’est pas capable de faire en démocratie, c’est un petit peu ce qui fait défaut à la plupart des hommes qui sont des décisionnaires.

Animateur - Beaucoup de choses ont été dites donc je ne vais pas tout reformuler. Dans ce que monsieur avait dit, la démocratie c’est le peuple qui décide, là j’entends le citoyen qui devrait être informé, avoir un feedback entre l’expert, le décideur et le citoyen. Alors justement est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de l’ordre de la contradiction. Tout à l’heure, et même dans l’ensemble des interventions lorsqu’on sait, on parle de nous, du citoyen de chacun d’entre nous. Or monsieur seeuws, lui, dit le peuple est censé savoir. Est- qu’on demande au peuple de savoir ? On demande au peuple de décider. Alors justement est-ce qu’il n’y a pas un lien à faire entre chacune d’entre nous, le citoyen le peuple etc., est-ce que chacun d’entre nous doit savoir ou pas ou est-ce que le peuple doit savoir. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

7 - On a parlé de l’histoire de Tchernobyl, il y a d’autres situations qui posent problème. Dans le cas de l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis, ils prétendaient savoir que d’après des experts, des connaisseurs, ils savaient que l’Irak préparait quelque chose qui aurait fortement nui aux pays occidentaux. En fait ce qui a fait décider n’est pas le fait de savoir, c’était une décision préétablie, c’était un désir préexistant depuis pas mal de temps et on a pris le prétexte de quelque chose qu’on prétendait savoir pour agir. Là je crois que le peuple a été largement dupé. C’est un peu comme dans les régimes totalitaires où l’on imbibe le peuple de certaines opinions, on lui fait croire qu’il croit quelque chose, en fait on décide au dessus de sa tête. Alors comment faire, c’est ça la grosse question.

Animateur - C’est effectivement la grande question même si on peut contredire, mais effectivement la grande question est là, entre l’information, entre ce qu’on sait, son intime conviction, son savoir-faire, ce que l’on nous dit, et puis les forces dont on n’a pas encore parlé, sommes-nous vraiment en capacité de décider on va dire en notre âme et conscience pour prendre un terme d’un autre domaine ?

8 - Les premiers penseurs de la démocratie pensaient qu’il fallait savoir pour décider, les philosophes qui ont imaginé la démocratie disaient que l’idéal serait que ce soient des philosophes qui accèdent au pouvoir parce qu’il fallait savoir pour décider. A cette époque peut-être que c’était plus facile de savoir pour décider parce que les choses étaient certainement moins complexes qu’aujourd’hui si on parle d’un point de vue démocratique. Aujourd’hui nos décideurs ne peuvent pas tout connaître, donc ils ont fortement besoin d’experts autour d’eux qui vont les conseiller, qui vont les aider à prendre des décisions. Ils ne peuvent pas tout savoir et pour autant ils doivent tout décider quand même. Le monde a quand même évolué, il est beaucoup plus complexe aujourd’hui. C’est assez délicat de dire qu’aujourd’hui il faudrait, pour répondre à deux ou trois interventions, je trouve que c’est délicat de dire qu’il faudrait tout savoir pour pouvoir décider. Quant au citoyen, il me semble que justement il élit des gens qui doivent prendre des décisions à sa place. Or aujourd’hui la problématique est que les citoyens élisent des hommes politiques pour les représenter puis au bout de six mois, si ce qu’ils font ne leur plait pas, ils voudraient bien que les élections se reproduisent pour les changer continuellement comme ça. Sauf qu’à partir du moment où l’on décide que quelqu’un est censé nous représenter et prendre des décisions à notre place on est aussi censé se dire qu’il sait, ou qu’en tous les cas il a des personnes autour de lui qui sont aptes à l’éclairer pour prendre des bonnes décisions.

Animateur - Effectivement la démocratie, on emploie des gros mots comme ça, a évolué. Entre la démocratie telle qu’elle a été pensée, j’imagine que tu fais référence aux grecs, dans un monde où finalement les citoyens n’étaient que dix mille par cité, à Athènes par exemple il y avait dix mille hoplites qui étaient censés être citoyens, et puis notre démocratie représentative dans un pays comme le nôtre de 60 millions d’habitants, effectivement il y a déjà une complexité qui se forme. Un monde encore plus complexe de nos jours avec des rapports mondiaux le plus souvent, donc au niveau des états c’est aussi difficile, avec des strates diverses et variées, jusqu’à six strates il me semble pour aller de la commune jusqu’à l’état, des décideurs variés et donc une représentation nécessaire. Donc à un moment donné une délégation de pouvoir, de pouvoir du citoyen, qu’on va donner à quelqu’un censé nous représenter et prendre les » bonnes « décisions et faire ce que le peuple, c'est-à-dire nous tous, en état de voter au moins, a décidé.

9 - Justement à propos des décisions, la décision elle faite pour mener une expérience en définitive, on prend une décision pour mener une action et en définitive on ne sait pas le résultat de l’action qu’on va mener. C’est peut-être en cela que la démocratie ne s’adresse pas qu’à des sachants, qu’à des savants. Même si notre société en France s’appuie beaucoup sur la notion de sachants et de savants, la loi tourne beaucoup autour de ça, la loi que nul n’est censé ignorer, donc on est tout censés savoir. Effectivement la question de la représentativité par rapport à ça, je pense qu’aujourd’hui, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas que les citoyens soient informés ou s’informent, mais je pense que de même que le citoyen est appelé à voter pour quelqu’un qui va décider, n’importe quel citoyen quelque soit son degré de connaissance ou de savoir, peut aussi se présenter pour représenter les autres. Il y a une déconnexion à mon sens, j’allais dire fondamentalement entre le savoir et la décision. Mais peut-être aussi parce que la décision peut mener à des expériences dont on ne sait pas l’issue.

Animateur - Alors effectivement la décision, et vous le dites probablement mieux que je vais le faire, la décision n’est qu’une décision et donc il va se passer des choses après cette décision dont on ne connaît pas le résultat et dont on espère, on a foi dans le résultat parce qu’on espère que notre décision soit bonne. Mais finalement on n’en sait rien, et on n’en sait rien à postériori et on va mener l’expérience qui va être bonne ou mauvaise. Alors au niveau de l’état c’est probablement plus délicat parce que ça a des implications sur nous tous, mais encore une fois la décision ce n’est pas la vérité , c’est l’espoir que ce que l’on a pensé et décidé dans nos petites têtes va mener à quelque chose qui est de l’ordre du bien, encore une fois bien, c’est un terme un peu philosophique, mais c’est de l’ordre du bien ou ça va dans le bons sens, dans ce que l’on peut appeler le bon sens.

10 - Je voulais rebondir sur plusieurs choses. D’une part sur le recours qu’on pourrait avoir en tant qu’individu sur l’avis d’une expert, il y a une situation très précise qui me fait régulièrement dresser le poil, je suis dans le milieu médical, c’est sur cette information que l’on a tous reçu sur les conseils d’hygiène alimentaire. Que ce soit à la radio ou à la télé on a des pubs schizophrènes qui nous vantent les mérites et les cotés appétissants de certains aliments, on nous déconseille de les consommer puisque ce sont des aliments sucrés, salés etc. Donc on a reçu tous l’information, on a tous ce savoir là et pourtant on voit pousser comme des champignons des pizzerias minute, des kebabs, des petits stands à brioche, on achète ça pour trois francs six sous et il y a un accroissement phénoménal des maladies cardio-vasculaires, du diabète etc. Donc on est là avec un savoir dont on ne fait pas bon usage à titre individuel et on a des résultats sur le plan collectif. Donc comme on dit tout à l’heure qu’on prend des décisions quelquefois sans savoir ce qu’elles vont donner, là on a des décisions qui ont des résultats dramatiques, c’est même quelquefois un peu suicidaire et moi ça me hérisse le poil parce qu’on est là à se dire ah ! bien mince alors toutes ces maladies qu’est-ce qu’on peut faire ? On le sait ce qu’on peut faire à titre individuel. Voilà je voulais réagir un peu, c’est un peu épidermique mais c’est une situation, très, très précise sur laquelle on a tous une opinion.

Animateur - Ben oui mais c’est bon, comme tout ce que j’aime est immoral ou fait grossir, c’est toujours le même problème.

11 - A ce stade de la discussion nous avons constaté qu’il était très difficile de décider avec un ensemble de connaissances ou de savoirs bien bétonnés, je pense que c’est réel. Mais il y a quelque chose qui me chiffonne un peu, dans le fond dans le poids de la décision, de la décision et notamment dans la conséquence de cette décision. C’est là que ça m’interpelle. Lorsque l’on a un ensemble complexe à réaliser, que ce soit sur le plan commercial, publicitaire, manufacture qu’est-ce que l’on fait, on fait un pep. C'est-à-dire qu’on liste l’ensemble des opérations à réaliser pour obtenir le produit fini mais également on l’apprécie quantitativement. Telle ou telle opération peut se faire simultanément avant telle autre ou en même temps que autre. Je pense qu’il y a également ce que j’appellerai l’arbre de la décision, ça a du être formalisé. Or ce que je constate à l’échelon macro du poids des décisions c’est qu’on lance le coup et après on corrige en fonction de la réaction publique, ou on décide parce qu’il y a eu un accident déterminant qui a touché la collectivité, accident bénéfique ou malheureux. Alors tout ça, moi j’ai du mal, je ne perçois pas la finalité bénéfique de telle ou telle décision à partir du moment où on ne la laisse pas se développer dans son application, ou on n’applique pas les corrections. C’est là que le problème se pose parce qu’effectivement décider c’est déjà lorsqu’on raisonne sur le plan individuel à priori ce n’est pas toujours très facile en dehors du fait de marcher de courir ou de s’alimenter plus on moins bien je le reconnais, mais au moins ça n’a pas d’implication significative sur le plan collectif, sauf pour l’alimentation, vous avez raison parce que là on retrouve toutes les séquelles dans les populations, l’obésité ne conduit pas à des choses très bénéfiques, c’est le moins qu’on puisse dire. Donc pour en revenir à ce que je disais, j’ m’interroge sur l’arbre de décision le pep de la décision en quelque sorte. Et pour en revenir à ce que disais Damien tout à l’heure, non le fils a voulu terminer ce que je père avait commencé, il savait très bien à quoi s’en tenir là-dessus.

Animateur - Alors effectivement il existe des méthodes pour décider et ces méthodes vous dites que parfois on ne les emploie pas, on va au petit bonheur et qu’après on regarde. Alors ce qui est sur, et je fais très court, les méthodes de décision sont valides dans des environnements peu complexes et qu’on est en train de créer d’autres outils de décisions qui prennent en compte les environnements complexes, à savoir le retour d’observation. Vincent a parlé de feedback, le retour d’observation parce qu’on est à peu près certain qu’on va décider sans avoir toutes les informations dans les environnements complexes. C’est là justement tout le paradoxe des choses.

12 - Je voulais revenir sur l’arbre de décision. En fait une décision est prise en fonction d’un certain nombre de savoirs qu’on pondère. En fait la pondération va être propre à chacun. Une décision que quelqu’un va considérer bonne, pour une autre personne qui a d’autre savoir, ou moins de savoir va peut-être penser que cette décision est pour elle mauvaise. Et même pour une personne, c’est parfois très difficile de pondérer le savoir, il y a des savoirs qui sont incompatibles parfois pour aller vers une décision. Savoir pour décider, c’est aussi savoir pour choisir parmi des savoirs lesquels on va décider de garder ou de prioriser, c’est très lié à l’expérience de chacun, ou son vécu.

Animateur - Alors en plus c’est déjà suffisamment complexe et tout ça serait très relatif ce qui recrée quand même une complexité supplémentaire. Justement ça serait très relatif, ça serait relié à chacun d’entre nous, tout à l’heure Vincent a parlé de la volonté générale. Alors justement la volonté générale, le peuple tous ces espèces de concepts un peu nébuleux mais voilà quand on dit que le peuple est censé décider on abolit cette idée de relativité, du chacun d’entre nous qui pense que, on essaie de créer une volonté générale. alors les philosophes ont créé ça un peu de manière probablement idéale à savoir qu’il y aurait quelque chose qui émanerait de chacun d’entre nous pour créer la volonté générale, une espèce de quintessence des choses qui amènerait vers une bonne décision et bonne pour chacun d’entre nous ensuite. C’est là que c’est très complexe parce que c’est très relatif.

13 - On utilise souvent l’expression, agir en connaissance de cause. Je pense que savoir englobe plusieurs choses. Il y a l’information, c’est souvent du matraquage, c’est plus ou moins fiable, c’est envoyé par les médias. Il y a aussi l’instruction, peut-être que c’est une information mais plus argumentée, c'est-à-dire que les gens peuvent être instruits mais on leur donne des arguments contrairement à l’information matraquée. Ensuite il y a la distinction entre être informé et être instruit, parce qu’instruit il y a une argumentation qui est apportée à l’information. Et puis une troisième chose, c’est la culture, c’est que la personne qui s’approprie des choses et peut prendre de la distance par rapport à ces choses parce qu’elle a réfléchi, elle a eu plusieurs informations, plusieurs instructions et a pu approprier d’avantage choses. Dans le savoir je vois l’information, l’instruction et la culture.

Animateur - Il y a effectivement différentes strates, monsieur seeuws faisait la distinction entre savoir et connaissance, là on parle de culture où il y aurait une idée que l’on a muri les choses, une espèce ce terreau qu’on alimenterait au fur et à mesure pour ensuite prendre de la distance sur les événements. Effectivement le savoir qui est un mot assez générique englobe un certain nombre de paramètres assez complexes.

14 - J’ai une autre interrogation, c’est le savoir appartiendrait-il au citoyen ou à ceux qui décident, qui sait exactement ? Entre savoir et décider j’ai un autre plan, c’est qui agit. J’ai l’impression qu’on est tous capables d’agir, on agit tous, est-ce qu’on peut décider tous ? Dans le cadre de ma carrière, ce que je con nais pour l’avoir vécu, j’ai su ce que j’ai su, mais je crois n’avoir jamais décidé quelque chose d’important quant à ceux qui m’entouraient, quant à la façon de vivre, quant au but, quant au moyen. En fait les décisions, pour moi, viennent toujours ou bien de décisions financières, ou bien des décisions politiques, elles viennent d’un chapeau, du dessus. Mais ceux qui décident, parfois ils s’entourent d’experts comme vous dires, mais est-ce que ceux là s’informent réellement, savent réellement comment vivent les citoyens qui s’occupent de la question qu’ils vont décider. J’ai l’impression qu’il y a des propulsions d’un ministère à l’autre, d’une politique à l’autre, ou des choix financiers en dehors justement de notre pouvoir. Par contre en tant que citoyen comme disait madame, est-ce qu’on agit en fonction, est-ce qu’on agit bien dans le bon sens, alors c’est du domaine de chacun de pouvoir agir, mais est-ce du domaine de chacun de pouvoir décider et ceux qui décident est-ce qu’ils ont cette honnêteté de retour ?

Animateur - Alors effectivement vous faites la distinction entre décider et agir en ayant l’impression qu’on ne décide pas tant que cela, mais par contre qu’on aurait une espèce de sphère d’action qui noua serait privilégiée en tant que citoyen. Donc on revient à la problématique initiale de madame, c'est-à-dire que la décision serait quelque chose, alors si tant est que cette décision soit un peu politique, qu’elle ait des répercussions sur nous-mêmes, sur nos proches, donc vraiment une distinction forte entre une décision dont on ne sait pas si on détient tous les facteurs, et quand même une sphère d’action possible qui serait propre et personnelle.

15 - Il y a plein de niveaux dans cette discussion, j’en prendrai juste deux ou trois. En premier en ce qui concerne la décision individuelle par rapport à quel savoir. En fait je crois que l’individu en fonction de sa culture et de son cadre de vie a des connaissances et des savoirs qui le concernent en propre. C'est-à-dire ça concerne à la fois l’information par rapport à la santé, à l’environnement, le milieu dans lequel il est. Je veux dire entre un indigène en Amazonie qui a un savoir qu’il vérifie au jour le jour de son expérience, entre quelqu’un qui vit dans une cité et qui est confronté à ce milieu là, et quelqu’un qui vit à la campagne, il y a du savoir et des expériences tout à fait différents qui l’amènent à prendre des décisions pour lui. Je ne parle même pas des décisions individuelles par rapport à ce qui peut se vérifier par rapport à la santé ou à la conduite par exemple. Ca c’est un premier niveau de décision qui concerne l’expérience de chacun. Le deuxième étage, vous avez rappelé la démocratie directe. On peut se poser la question si le système de démocratie directe est viable et jusqu’à quelle échelle. Effectivement quand on parle de décision ça suppose d’avoir connaissance d’un certain nombre d’éléments et des différentes facettes d’un élément pour prendre une décision qui aboutit à une action ou à un choix. Donc il reste à voir dans les sociétés telles que nous les connaissons comment aller vers cet idéal de démocratie, est-ce que c’est possible vu la complexité des choses. Troisième étage pour faire vite, au niveau des décisions qui sont faites j’ai entendu par rapport à des choix, je pense que les décisions qui sont prises à un niveau international ou national, même à des échelles plus petites au niveau d’une commune par exemple, elles le sont en fonction de savoir, mais elles le sont surtout en fonction d’intérêt et d’objectif. C’est la question, est-ce que ces intérêts et ces objectifs sont connus et perçus par le citoyen qu’il peut y avoir débat. Si ces objectifs et ces intérêts, même sans avoir la connaissance de toute la complexité du problème, le citoyen peut exercer un choix, mais s’il n’a pas conscience de ces intérêts et des objectifs, qu’elle est la nature de son choix ?

Animateur - Tout le principe de ce qu’on pourrait appeler la ou les raisons d’état, c'est-à-dire le fait qu’il y ait des objectifs pour les décideurs. alors que les objectifs soient individuels, voire un peu égoïstes comme disait monsieur, ou des objectifs affirmées allant dans un sens, en avons-nous nous-mêmes conscience et pouvons nous avoir, je dirais, notre mot à dire parce que peut-être n’avons-nous pas du tout conscience de ces objectifs, pas du tout conscience de ces intérêts que nos décideurs, eux perçoivent bien probablement parce qu’ils ont plus d’informations due nous, donc voilà c’est effectivement quelque chose de très important.

16 - D’abord je voudrais faire part de ce qui me semble une évidence, en tous cas par rapport à ce que j’ai vécu ça ne me parait pas très contestable. Plus on éloigne la décision de la source d’information, plus on s’écarte de l’argumentation pour aller vers l’intoxication ou la propagande. Si vous avez à convaincre un interlocuteur vous devez le faire avec des arguments solides et vérifiables. Vous passez devant une commission c’est déjà un peu plus facile même si tous ont un peu travaillé le sujet. Et puis si vous êtes en meeting il suffit de trouver des bons mots et vous entrainez facilement l’adhésion de l’assistance. Alors la démocratie, on l’a dit tout à l’heure, évolue, elle a évolué, mais est-il raisonnable de penser qu’un jour le peuple puisse décider sérieusement. Si on considère le peuple comme un tout quoique qu’on sache très bien que dans ce tout beaucoup ne participe pas. Donc ça voudrait dire qu’on fasse décider un individu qui n’utiliserait que 20% de son cerveau. Ca me parait donc assez utopique. La démocratie pourra continuer à vivre si l’on s’en tient à une stricte démocratie représentative, à condition que ceux qui se présentent et sont élus changent leur attitude, il y aurait beaucoup de choses à dire à ce sujet. Alors on a cité aussi les experts parce que bien sur un élu quel qu’il soit ne peut tout savoir, il doit forcément s’entourer d’experts. Alors il y a toute sorite d’expert, mais je pense que l’expert logique, objectif, est un expert qui va se contenter d’analyser une situation et proposer pour solution différentes options mais ne pas conclure. Je cite un exemple que les anciens doivent connaître, ça se passait en 1956 à l’assemblée nationale, c’est une phrase prononcée par Poujade qui dans un discours à l’assemblée s’en est pris aux énarques qui à l’époque étaient encore jeunes, l’ENA n’avait que onze ans. Il a dit, si on confie une puce savante à un technocrate, il va lui dire « saute » la puce va faire un bond. Il lui coupe une patte donne le même ordre, la puce saute moins haut. Quand il a coupé toutes les pattes forcément elle ne saute plus. La conclusion de l’expert est de dire »une puce sans patte devient sourde » C’est une illustration imagée d’un certain nombre de conclusion d’experts qui souvent confondent le concret avec une tentative d’orientation du décideur. Dans la vie politique il ya énormément d’intoxication de ce genre et comme je l’ai dit tout à l’heure plus on s’adresse à un grand nombre plus c’est facile d’intoxiquer. Tout le monde s’y met, la presse, les élus. Comme je le dis souvent les campagnes électorales sont des campagnes publicitaires et une campagne publicitaire s’appuie rarement sur des arguments sérieux mais bien sur des slogans. Donc la démocratie telle qu’elle est vécue actuellement est très vulnérable, j’ai même peur qu’aujourd’hui nous soyons en 1849.

Animateur - Alors effectivement jusque là on a tenté de penser qu’on pouvait, qu’il était possible même si c’était difficile, qu’on décide en conscience avec notre savoir, notre culture, notre savoir-faire, plein de choses.et puis là vous êtes en train de nous dire que finalement il y a aussi des forces qui font qu’en gros à titre individuel on est nettement moins intelligent dans un meeting que quand on est face à face. Je reprends ce que vous avez dit, on a besoin d’avoir plus d’arguments sérieux lorsqu’on est en face à face et puis trois phrases suffisent lorsqu’on est dans un meeting. Alors justement est-ce qu’il n’y a pas, on va essayer de reparler des forces, qui font que finalement lorsqu’on décide on est soumis à des choses pas simples qui nous font agir, psychologiques allons y peut-être, mais en tout cas qui ne seraient pas de l’ordre ni du savoir, ni de l’expérience, ni du savoir faire et qui pourtant nous font agir, ni du rationnel, allons-y.

17 - Vous introduisez effectivement la question, la deuxième question du problème, c'est-à-dire le vouloir à travers ce que vous venez de dire. Monsieur a parlé du choix, tout le monde sait que le choix, ben c’est douloureux, le choix est toujours douloureux et incertain. Quand on sait, qu’on a analysé les enjeux, les contraintes, on a étudié les solutions avec les avantages et les inconvénients et on se trouve au moment du choix, là on est devant un mur. Il faut décider, alors soi-même si on n’a pas la volonté on peut être perturbé par trop de savoir aussi. On sait de partout, les uns nous disent il faut faire ci, les autres nous disent mais non il ne faut pas faire ça. A ce moment-là on se dit et bien on ne décide pas. Nos hommes politiques sont pareils, il ne faut pas vous faire d’illusion. J’en veux pour preuve, je parle des réformes, j’ai vécu énormément de réformes au cours de ma carrière. On a parlé de la réforme de l’état, en 89/90 ; il y a eu les assises sur la réforme de l’état pendant deux ans, ensuite pour la sécurité sociale, il y a eu un livre blanc en 1983 et 1985 ; il y a eu pour l’assurance maladie encore un libre blanc en 1992 et des assisses en 1993 ; pour les retraites un livre blanc en 1994, des réformes partielles en 1995 et encore des réformes partielles en 2004. Alors je me rappelle les paroles célèbres d’un président qui disait il faut laisser le temps au temps. Ce qui veut dire qu’on peut très bien savoir et ne rien faire.

Animateur - Je vais laisser à chacun le plaisir d’aller vérifier toutes ces dates.

18 - Je rebondis sur la dernière phrase, savoir et ne rein faire. Je pense aussi, parce qu’on disait que la décision n’est pas rationnelle. On sait qu’il ne faut pas manger gras, qu’il ne faut pas manger sucré et pourtant on ne veut pas faire autrement à certain moment à titre individuel et à titre collectif puisqu’on accepte que ça nous coute cher. C’est aussi peut-être, et je rejoins ce qu’on disait tout à l’heure sur le processus de décision, accepter l’idée qu’une décision n’est jamais définitive, on a parfaitement le droit de la remettre en question, de recommencer, de choisir autre chose. En l’occurrence ce n’est pas forcément ne pas faire, savoir et ne pas faire, ça peut être aussi savoir et faire un morceau, voir comment ça va fonctionner, revenir en arrière, aller de coté, c’est comme cela que ça fonctionne de fait.

19 - Il y a savoir et ne pas faire, mais il y a faire et ne pas savoir. Si on prend l’avis d’un individu, quand je suis à l’école et qu’on me demande de prendre une décision sur quelle direction, quel métier je veux faire plus tard et donc quelles études vers lesquelles je veux m’engager, est-ce que je sais, non, et pour autant je décide. Quand je me marie et que je décide au bout d’un certain temps de faire un enfant, est-ce que je sais ce que c’est de faire un enfant, non, et pour autant je décide. Nos hommes politiques, je crois que malheureusement quand ils prennent des décisions, ils essaient de le faire pour l’intérêt général, tout au moins je l’espère, suis-je utopique ça, mais en tous les cas je l’espère, donc voilà je crois aussi qu’il y a forcément faire sans savoir. Lorsque l’on commence par exemple sa carrière professionnelle les anciens disent souvent aux jeunes, tu ne sais rien, tu sors de l’école mais tu ne sais rien, tu verras l’expérience te feras savoir. Donc je crois qu’on peut penser aussi que des décisions peuvent être prises sans savoir justement, aussi parce qu’il y a des forces. Alors Boris a commencé en parlant de forces psychologiques, enfin de psychologie peu importe, mais on sait tous très bien qu’on parle notamment aujourd’hui d’héritage trans générationnel, c’est à dire de choses qui nous viennent de générations passées et qui nous amènent à titre individuel par un vécu familial, donc trans générationnelle à prendre telle décision ou telle décision, auquel cas on décide et on ne sait pas. Donc suffit-il de savoir pour savoir ? Pas sûr.

Animateur - Tu ne m’aides pas tellement, il faut bien reconnaître que ça se complexifie d’intervention en intervention. Mais effectivement quand même on se rend compte qu’il ne suffit pas de savoir pour décider, qu’on peut décider sans savoir, que c’est même très courant d’ailleurs, que comme monsieur disait tout à l’heure, je ne sais pas si vous avez fait cette expérience de grande décision à prendre, vous faites la colonne des avantages et celle des inconvénients et qu’une fois que vous avez fait ça et bien je ne suis pas sur, vous avez deux colonnes et que c’est très difficile. Je ne sais pas s’il y a un agent immobilier dans l’assistance, mais ça ils le disent très bien, il y a des gens très rationnels qui pour choisir une maison font les avantages et les inconvénients et finalement reviennent à ce qu’ils appellent le coup de cœur initial. Donc qu’est-ce que le cop de cœur ? Tout ça est effectivement suggestif.

20 - Après l’intervention de Bruno, ça me faisait penser à quelque chose effectivement dans la forme de décision. Il y a d’une part la décision qui est prise avec des priorités, quelque chose qu’on matérialise bien. C’est-à-dire quand on gère un état, il y a des choses qui sont inévitables, il y a des écueils qu’on ne peut pas prévoir. Il y a des priorités, est-ce qu’on met en priorité l’écologie, est-ce qu’on met en priorité le pouvoir d’achat, ça c’est du domaine de l’opinion. Il faut présenter les choses comme ça, quand dans un programme et on a des priorités, on sait très bien quelles sont les priorités de chaque candidat. Ce n’est pas toujours vrai que les candidats, tels qu’ils se présentent, présentent des priorités différentes, donc le choix est un peu flou. C’est la première chose que je veux dire en matière de politique. Par contre je me place dans le domaine du savoir avec les chercheurs. Les chercheurs n’ont pas forcément de priorité ou de but à atteindre, de finalité, ils cherchent, ils ont une expérience en cours et savent qu’ils font telle ou telle chose, ils ont mesuré les risques, surtout dans une recherche très fondamentale où l’on va en tâtonnant sur des expériences qui peuvent être dangereuses. Dans ce cas là il y a ce qu’on appelle la décision du savant fou, un petit peu, est-ce que je tente le tout pour le tout avec peut-être une trouvaille derrière qui va révolutionner quelque chose. Moi ce que je veux faire c’est le parallèle entre les deux, entre la décision qui priorise des choses que l’on veut, en fait ça rejoint tout bêtement le fait de savoir que si on mélange telle ou telle chose on nuit à sa santé, donc est-ce que l’on a comme priorité de faire attention à sa santé, ou est-ce que la priorité est plus tournée vers le désir de la chair, de la bonne chère. En politique il faut trancher. Effectivement on va revenir de l’un à l’autre, c’est pour ça qu’on dit que l’alternance c’est intéressant, mais en aucun cas le décisionnaire peut décider l’un pour l’autre, sinon ça devient peu clair vis-à-vis d’une démocratie. Par contre le chercheur lui va développer les choses, il va peut-être dire ces choses qui finalement sont si bonnes ne sont pas si mauvaises pour votre santé, et effectivement le décisionnaire qui a des priorités va pouvoir prendre cet argument pour dire au final et bien les gens peuvent bien se faire plaisir, donc je ne vais peut-être pas être aussi strict. ? C’est vraiment pour schématiser mais ce que je veux dire c’est qu’il y a aussi cette interrogation , l’homme qui cherche mais qui ne sait pas où il va, et celui, notre cerveau est ainsi fait, celui qui expérimente au quotidien les choses et ne veut absolument pas se borner à des priorités, et il y a des nécessités parce que de toute façon sinon c’est le chausse trappe, on tombe tout de suite, ce n’est plus la peine d’avoir un système de décision parce qu’on se plante en grand ? Donc en fait on est entre une raison qui veut que l’on fasse bien les choses dans un sens de priorité et donc avec un savoir qui n’est pas forcément très compliqué, et un coté, une face un peu expérimentale qui mène aussi à des décisions mais qui là sont beaucoup moins, sont plus de l’ordre du non raisonnable. Alors la loi ne prévoit pas ça, la loi ne prévoit que la fonction raisonnante, il faut être, donc en fait si on dit l’état c’est la loi et tout le monde doit agir dans ce sens, enfin, et bien on devient un système autoritaire et en fait on perd toutes les opportunités du coté expérimental. Donc comment est-ce qu’on peut aujourd’hui fabriquer un système où la décision s’asseyerait sur ces deux savoirs, sur un savoir je dirais basé sur des objectifs qu’on connait bien qui sont des priorités bien affirmées et qui sont du domaine de la sauvegarde de tout un chacun et puis tout un champs qui fait qu’on a envie de vivre, qu’on est tous différents, qu’on a tous des objectifs différents qui est une autre forme de savoir. Je reviens sur ton intervention, tu parlais de la notion d’instruction et de culture, le fait qu’on ait intégré une somme de choses très importantes qui vont nous enrichir et nous faire poser des questions et le fait qu’on va continuer une recherche dans un domaine etc., c’est pas du tout pareil que ce que mes parents m’ont appris pour cadrer la vie du quotidien ou ce que l’instituteur au départ a mis comme bornage, donc on sait qu’il faut les respecter pour pouvoir vivre en société. Donc voilà c’était pour résumer mon, idée.

Animateur - Alors je ne vais oser résumer le résumé, oui on fait ce qu’on peut. Par contre il y a cette idée de priorité qui me semble intéressante dans le débat, c'est-à-dire qu’on va prendre une décision selon des priorités. Nos décideurs ont l’air de faire la même chose. Alors on l’a dit des objectifs, des priorités. Je vais essayer de prendre un exemple, est-ce qu’il y a une compatibilité possible entre l’écologie et la production qui amène au pouvoir d’achat et quel est la priorité à adopter pour aller dans ce qu’on a appelé le bon sens. Justement est-ce que le fait de mettre des priorités, mais peut-être pas, est-ce que ce ne serait pas là l’erreur, est-ce que le bon sens n’est pas justement de choisir des priorités. On se doute bien qu’ entre une production qui va nous faire avoir, allez consommer plus travailler plus pour bref, je ne sais plus, mais en tout cas consommer plus, et puis cette idée d’écologie de sauvegarde de la planète, on se rend bien compte qu’il y a des incompatibilités fortes et que même si on nous parle de développement durable, ce qui est peut-être possible, on se rend compte qu’il y a quand même une antinomie dans les esprits entre ces deux choses qui pourtant sont des priorités fortes pour nos gouvernants. Donc est-ce que le fait de donner des priorités est une bonne chose finalement ?

21 - Savoir pour décider ça peut être aussi avoir des connaissances pour pouvoir anticiper dans le futur, c’est-à-dire, je pense par exemple, on parle souvent des chefs d’entreprise comme des décideurs. je reviens un peu dans le passé, je pense à l’époque Pompidou où il y a eu tout un ensemble de chantiers qui ont été lancés pour l’avenir et à l’époque on a anticipé les choses, décidé des objectifs, des priorités pour la France qui ont déterminé pour une décennie tout un ensemble de technologie, tout un ensemble d’industrie qui ont préparé l’économie, ou qui ont boosté on va dire l’économie du pays. Actuellement j’ai l’impression que justement il y a un manque d’anticipation, c'est-à-dire depuis quelques années on a l’impression qu’on gère au quotidien plus ou moins et on ne prends pas forcément des décisions qui engagent l’avenir sur cinq ou dix ans, je parle un peu de façon générale, il y a des secteurs où ça se fait. Ce que je veux dire par là, par exemple un chef d’entreprise, qui crée une entreprise, il étudie, il fait une étude de marché, il étudie un certain nombre de choses, les goûts des consommateurs, les besoins etc., tout un ensemble de technique marketing qui font qu'on est amené à faire ce genre de démarche pour pouvoir ne pas se planter. Créer une entreprise dans un objectif le plus idéal possible, c'est-à-dire répondre aux besoins des consommateurs, anticiper les besoins, anticiper les goûts pour pouvoir répondre à une demande future. Alors là on sait les choses, on a tout un ensemble de données objectives. ça peut être au niveau gouvernemental, la population a augmenté d’une certain nombre d’habitants, la fécondité a augmenté, etc., le vieillissement , on fait des choix, on sait des choses, on étudie ces connaissances là pour pouvoir bâtir des objectifs, pouvoir prendre des décisions pour l’avenir, pour les cinq ou dix ans qui viennent, pour soit une population ciblée, soit l’ensemble de la population et pouvoir ensuite appliquer ces décisions pour les années qui viennent. J’ai lu par exemple un article, il y a actuellement, c’est plus dans le domaine de la mode, du stylisme de l’habitat, ils sont en train d’ étudier les perspectives dans les dix années qui viennent au niveau vestimentaire, au niveau logement où l’on projette dans le futur en connaissant ce qui se passe actuellement et en ayant des nouveaux par exemple dans le domaine du bâtiment , de nouvelles techniques de fabrication de vêtement, on prévoit dans l’avenir ce que les consommateurs vont pouvoir obtenir ou consommer. Donc ces gens là ont des connaissances actuelles, ils les extrapolent avec des nouveaux matériaux, des choses qui existent ou qui vont peut-être se créer dans le futur, dans un futur proche, et puis ils préparent les décisions que les entreprises ou les gouvernements prendront pur l’avenir. Donc actuellement j’ai l’impression qu’il y a peut-être un manque de perspectives en fonction des connaissances actuelles, soit parce que ça dérange la population ou c’est peut-être difficile aussi, mais je dirais pour conclure que c’est savoir pour prévoir et décider ensuite.

Animateur - Alors effectivement vous avez l’impression qu’il y aurait une tendance à « courtermiser » pour faire un barbarisme, nos décisions. Alors on a un exemple très concret on est passé d’un quinquennat à un septennat, ça présuppose donc d’avoir une alternance tous les cinq ans au lieu de tous les sept ans. Alors pourquoi justement, et peut-être que votre impression s’avère juste ou pas d’ailleurs, mais pourquoi cette impression que finalement on aurait tendance à plus, à voir à moins long terme, ce qui fait que justement on aurait moins cette projection dans l’avenir. Donc cette incapacité à décider pour un futur un peu plus éloigné, un peu plus, j’ai envie de dire serein, parce que si on décide pour dix ans, ça présuppose que d’ici à dix ans il n’y a ait pas un gros accident qui mette en cause nos décisions.

22 - Vous parliez tout à l’heure d’écologie et de croissance, de décroissance plus exactement. J’avais envie de dire peut-être qu’il faut consulter les experts, peut-être qu’ils ont une idée sur la question. Mais je reviens au thème abordé sur les priorités. On voit bien que si on prend le moyen terme, voire le long terme par rapport au problème climatique qu’il y a des décisions à prendre de façon interdépendante et ça renvoie à la discussion sur les connaissances et les choix par rapport à quels intérêts. On parle d’intérêt collectif, de décision des citoyens, ce ne sont pas les seuls intérêts qui sont en jeu et ça on peut tout à fait le vérifier dans les décisions qui sont prises par rapport à ce qui concerne le climat.

23 - Encore il n’y a pas si longtemps que cela, les futurologues se sont toujours plantés, à telle enseigne que l’on fait de plus en plus confiance aux bandes dessinées pour envisager l’avenir. Comme quoi il y avait une question d’imagination plus performante d’un coté par rapport à l’autre. Mais c’est vrai que sur le plan macro, une décision on est appelé à la prendre malgré tout et se pose, je reviens à mon propos préliminaire, le gros problème est la visibilité. Je me souviens encore quand le baril de pétrole était aux environs de vingt dollars, n’avait-on pas dit à l’époque que lorsque le baril sera à cent dollars, on aura à ce moment là d’autres sources d’énergie compétitives. Nous sommes à 109 dollars si mon information est bonne et je ne vois toujours pas de solution. Le problème de l’écologie, il est un fait qu’à priori on semble aller vers un réchauffement climatique, ce n’est pas nécessairement bénéfique. Il semblerait qu’aux Etats- Unis, les climatologues, je ne parle pas des futurologues, je parle des climatologues envisagent un certain nombre de cyclones sévères au cours de l’année 2008. Ceci n’empêche pas les Etats- Unis de continuer sur leur lancée de production et pourtant ils vont être au premier chef touchés et bien touchés. Donc le fait de savoir n’empêche pas la non décision. Er puis aussi si je réduis à simplement à l’état dans lequel nous vivons, la France, qu’est-ce que l’on pèse par rapport à la population mondiale, je vais dire très prés de zéro. Mais cependant on bénéficie du travail de nos anciens qui ont porté haut les couleurs de liberté égalité fraternité, on les a plus portées que réalisées dans le quotidien, mais enfin on en bénéficie encore aujourd’hui. Ce que je voulais dire est qu’il y a un problème de lisibilité c’est, je reviens à ma précédente intervention, c’est que l’on a, lorsque l’on prend une décision, il me semble que tous les effets induits ne sont pas correctement appréciés, c’est là que ça pose le problème, d’où ce que nous subissons les uns les autres.

Animateur - C’est depuis le début la grande angoisse de l’avenir du futur tout simplement. Je crois qu’on a, qu’est-ce qui va bien se passer une fois que j’ai pris cette décision, et ça ben on est en peine de la savoir, à court terme peut-être un peu plus, mais à long terme c’est beaucoup moins évident. C’est aussi pour ça qu’au-delà de tous les savoirs, il y a encore des centaines de madame Irma qui font florès, parce qu’à un moment donné on a cette angoisse qu’il faut essayer de savoir. Alors je vais essayer de revenir sur un point que vous avez dit, vous avez donné un exemple avec les Etats Unis, vous dites que les climatologues pensent qu’il avoir des cyclones en 2009 chez eux et pourtant ils continuent. La question objective que je pourrais poser, c’est peuvent-ils faire autrement et justement peut-être essayer de savoir si le système tel qu’il est aujourd’hui n’est pas suffisamment complexe pour qu’on puisse avoir une décision réelle dessus, j’ouvre un peu le débat mais plutôt que de dire ils le font et s’offusquer qu’ils le fassent, se demander avant tout s’ils peuvent faire autrement.

24 - Ce n’est pas moi qui est engagé le débat sur les OGM, d’ailleurs ce n’est pas pour engager un débat sur les OGM mais je prends cet exemple en citant ce qui s’est passé tout récemment et montrer comment une décision peut s’éloigner du savoir. Vous avez évoqué les différences, dans les faits, provoquées par le quinquennat, on a actuellement une constitution hybride. Dans les faits elle est présidentielle, à la lettre c’est toujours principalement parlementaire. De temps en temps, on vient de le voir, le parlement pique une crise d’urticaire et se rappelle qu’il a le pouvoir législatif. Mais une décision quelque que soit le régime passe toujours par des études d’experts à l’origine, ensuite elle est triturée dans une commission pour arriver au législatif avec un projet si possible cohérent, on peut le supposer tout au moins puisqu’il a été préparé comme je viens de le dire au cours de longues semaines d’études. Lorsque l’on voit, et ce n’est malheureusement pas exceptionnel, le débat sur les OGM, (je précise tout de suite être incapable d’avoir un avis autorisé sur les OGM, je lis beaucoup de textes là-dessus qui sont contre, ceux qui sont plus ou moins pour passent plutôt inaperçus) ce débat était relativement intéressant, je ne l’ai pas suivi de bout en bout c’est quand même assez soporifique, mais dans l’hémicycle ils étaient vingt ou trente. On arrive à décortiquer les articles un par un, pour brutalement par un amendement ou des amendements présentés par les uns ou les autres dénaturer complètement le texte. Je ne veux pas défendre le texte, je suis incapable de le faire, je dis simplement que d’un coté il y a un projet cohérent, je prends l’image d’un château de cartes patiemment bâti par un certain nombre d’experts et puis au moment de la décision n’importe qui joue avec et fait tout tomber par terre. C’est malheureusement l’exemple, je pense, de l’éloignement entre une décision proposée par des gens qui savent et prise en définitive par des gens qui ne savent pas. Je vous ai dit en séance il y avait entre vingt et trente députés, au moment du vote tous sortent de la buvette et viennent voter. Sur plus de cinq cent votants une trentaine seulement a étudié le texte finalement mis au vote, donc environ 550 députés donnent leur avis sans savoir. On l’a dit tout à l’heure les décisions ne sont pas forcément toujours celles qui devraient être prises en fonction de réalité mais prises en fonction de différents critères qui n’ont rien à voir avec l’intérêt général mais plus pour finalité pouvoir soigner son cheval de course et gagner la prochaine élection.

Animateur - On revient aux intérêts particuliers qui pollueraient des décisions alors qu’il y a eu des experts ou des gens qui ont fait une étude qui peut être sérieuse, sur laquelle on peut être d’accord ou pas d’accord, mais qu’en tout cas on ne doit pas totalement dénaturer pour que ça ait encore du sens.

24bis - Oui toujours en prenant l’exemple des OGM, l’élu du 16°arrondissement va peut-être voter en fonction de ce qu’il pense être juste dans le dossier, l’élu d’un canton rural va peut-être plus penser à sa prochaine élection.

25 - Je crois que l’exemple qui vient d’être pris est un très bon exemple par rapport à la discussion que nous avions sur les décisions, la démocratie, les choix, parce qu’en fait ce ne sont pas les experts qui sont réunis. Pour les OGM il y a eu le grenelle de l’environnement et là se sont parlé des gens qui ne se parlaient jamais, différents écologistes, différents courants d’agriculteurs, d’experts, d’industriels, de politiques, d’associations et des gens qui s’opposaient violemment à travers des journaux ou à travers des actions se sont retrouvés autour d’une table et au bout d’un certain temps est sorti un document qui était un projet de loi, qui était l’œuvre d’un consensus démocratique qui relavait d’un partage de décision entre des gens qui avaient des options tout à fait différentes. Donc des citoyens et des représentants de partis politiques, d’associations, d’organisations de professionnels, de scientifiques se sont mis d’accord, ont trouvé un large accord sur un texte. Ce texte est transmis au parlement et là se passe ce que vous avez décrit, une modification de ce texte. La question qui se pose est pourquoi ce texte a été modifié, je laisse la réponse à chacun, mais ça met bien en lumière la difficulté d’aboutir dans la société dans laquelle nous sommes, à des décisions qui tiennent compte et à la fois de con naissance scientifique, de savoir faire technique de professionnel, en l’occurrence des agriculteurs, des intérêts des professions, des intérêts des citoyens, et comment ça peut fonctionner ?

Animateur - Peut-être que justement au grenelle de l’environnement il y avait beaucoup de gens qui se battaient d’habitude mais il y aurait peut-être fallu tout le monde finalement et quand je dis tout le monde, c’est tout le monde. Alors est-ce que c’est impossible de réunir tout le monde. D’ailleurs c’est toujours la même chose, dans l’exemple que vous donnez et qu’initialement a été donné par monsieur seeuws, le grenelle de l’environnement c’est des gens qui se sont réunis et que je sache étaient tous dans le domaine, alors ils se battaient mais ils étaient tous orientés vers l’environnement. Alors justement est-ce qu’il avait vraiment des contradictions fortes ou très fortes, ou est-ce que déjà il y avait une volonté, un souci de préserver l’environnement. En ce cas il ne serait pas très étonnant que lorsque ça va au niveau d’autres lobbies qui eux sont plus des lobbies industriels etc., le souci de préservation de l'environnement va directement contre leurs intérêts et forcément que peut-être que comme ils n’étaient pas là à la décision, forcément on modifie les choses. Je n’essaie pas d’expliquer, j’essaie de comprendre pourquoi tout ç a est modifié alors qu’à priori ça partait d’un texte un peu fondateur et qui allait à priori dans le bon sens.

26 - Moi j’ai peur que d’ici la fin on reste un peu sur notre faim. Je voudrais prendre l’exemple des gens qui vivent au pied d’un volcan, qui savent et qui restent. Alors c’est toute la notion du risque et dans la vie s’il n’y a pas de risque, il n’y a pas de vie. Il faut quand même une part de risque, c’est un problème aussi, il faut une part de risque. Je ne sais pas qui a inventé le principe de précaution. Je me pose la question, est-ce que ce n’est pas quelquefois nos dirigeants, c’est un bon prétexte pour ne rien faire le principe de précaution, alors je me pose la question. Alors on veut notre bonheur effectivement en disant ah bien oui il ne faut pas faire ci, il ne faut pas faire ça et finalement où est le risque et on meurt quand même, voilà.

Animateur - Effectivement cette intervention même sur le ton de l’humour est très intéressante mais où est la vie là-dedans. Bruno disait ben oui je ne sais pas ce que ça va être et pourtant je choisis de faire des enfants, je choisis de me marier, je choisis de me mettre avec quelqu’un, je ne sais ce qui va se passer mais j’essaie et je choisis de décider, je prends un risque en tout cas. Effectivement on n’a pas parlé de la notion de risque, on a parlé du savoir, on a été très conscient, très intelligent et on a finalement peu parlé des forces dont parlait madame au début et on est à dix minutes de la fin. Donc effectivement parlait du risque et de la vie, enfin du sel, dans ce que vous dites, c’est un peu le sel de la vie le risque, le plaisir etc. doit aussi participer à un certain nombre de choses et de nos décisions en tout cas. Oui, essaies de ne pas résumer.

27 - En fait savoir ce que c’est que la vie, c’est irrémédiablement savoir qu’il va falloir mourir aussi, donc le savoir c’est ça, le savoir incorpore le risque.

28 - Sur le sujet, monsieur disait qu’au pied du volcan les personnes savaient qu’elles prenaient un risque. Mais par contre elles savent aussi qu’elles sont très bien là, d’un point de vue affectif elles préfèrent rester là parce que ça fait partie de leur vie. Tout à l’heure on parlait du coup de cœur, j’ai l’impression que ça vient en fait, ça prend souvent le dessus par rapport à des connaissances techniques ou scientifiques. Je pensais aussi à une autre donnée dans le cadre démocratique, lorsqu’on prend la décision de donner sa voix à un homme politique, c’est souvent plus sur des aspects individuels, affectifs, les hommes politique sont aussi des séducteurs quelque part et on va malheureusement sans doute accorder vraiment beaucoup d’importance à cet aspect là.

Animateur - Oui effectivement les affinités électives comme d’aucuns l’ont dit, c’est marrant que ça vienne en fin de débat, c’est quand même une part de décision qui régit notre vie en permanence, même si nous sommes des gens intelligents, cultivés, conscients, pour reprendre des mots qui ont déjà été dits. Mais quand même si on se mettait en couple en faisant au préalable la colonne des avantages et celle des inconvénients, par exemple, je ne suis pas sur qu’il y aurait beaucoup de couples. Donc forcément qu’encore une fois, oui c’est peut-être pour ça, quinze millions de célibataires ont fait les colonnes.

29 - Je fais juste la parenthèse, je disais qu’aujourd’hui il n’y a jamais eu autant de célibataires en Europe, ils sont plus de quinze millions et je pense que ça rejoint la notion de risque.

30 - Je crois que pour rejoindre la notion de risque, il n’a pas été abordé dans le débat, dans la notion de décision en tous les cas au tire individuel, mais je pense à d’autres étages aussi, il y a une notion de plaisir, une notion De contentement. Je ne suis pas certain, on rigolait tout à l’heure en parlant du cerveau reptilien, mais je pense qu’on a une part animale en nous que l’on occulte très, très souvent, voire qu’on ne veut pas reconnaître et pourtant cette part animale qui est là ne nous enlève pas notre coté humain puisque l’on sait qu’on va mourir au contraire de l’animal. Mais je crois que cette part animale fait que nombre de décisions que l’on prend sont des décisions, j’aurais presque tendance à dire, irraisonnée, des fois même à l’inverse de nos intérêts. On parlait pour rigoler des couples mais quand on sait chimiquement ce qui se passe dans une rencontre entre deux personnes, il n’y a pas tellement de raisonnement dans tout ca, on tout cas il n’y a pas que ça, il y a d’autres choses qui se passent. Donc je reviens à ce que je disais tout à l’heure, savoir pour décider, je crois et malheureusement le temps imparti est écoulé donc je vais m’arrêter là, mais je crois qu’on décide plus au travers de choses qui nous dépassent malgré tout le savoir que l’on peut emmagasiner parce qu’on est dirigé par des choses qui nous dépassent.

Animateur - Effectivement ça vient en toute fin de débat c’est pour ça que deux heures, c’est toujours le couperet finalement. Mais est-ce que, et je pose la question à tout le monde, est-ce que ce que vous dite, on est régit par ces forces, le cerveau reptilien, des choses animales, est-ce que l’animal, c’est probablement une question philosophique, est-ce que l’animal décide ? Là j’ouvre un débat, mais, est-ce que l’animal décide et est-ce que toutes ces forces qui nous régissent et qui participent finalement à nos décisions (aboiement du chien du bar) manifestement il a décidé de nous embêter, mais c’est vrai que plus sérieusement toutes ces forces qui participent à nos décisions font que l’on décide réellement, est-ce que le mot décider finalement qui est quand même le thème du débat, est le bon.

31 - Je voulais réagir par rapport à ce que vous disiez tout à l’heure. Je pense qu’effectivement on ignore quelle est l’importance de cet aspect un peu animal un peu incontrôlable dans nôtre arbre décisionnel, un peu inconscient. Je pense que les politiques ont compris cela et jouent beaucoup là-dessus. Dans leurs discours ils ont tous ce mot très noble de vouloir convaincre alors qu’ils ont une unique entreprise de séduction et donc ils jouent beaucoup plus sur l’aspect des choses pour obtenir notre bulletin de vote, sur l’image, sur le ton, sur la posture sur leur physique. Je trouve malheureusement qu’ils arrivent à obtenir énormément de votes sur cet aspect des choses plus que sur le contenu de leurs discours. Eux l’ont compris et nous nous avons encore l’illusion d’être maitre de nos choix, beaucoup d’entre nous, ont l’impression d’avoir fait un choix en connaissance de cause alors qu’ils ont été uniquement séduits.

Animateur - Alors là on rentre, on en a parlé au début de l’entreprise de séduction de nos décideurs qui font appel à beaucoup de choses, à notre coté animal, notre coté plus cerveau reptilien, mais en tout cas ne font pas appel à notre conscience, à notre savoir, à notre culture, peut-être un peu quand même pour nous forcer à les élire finalement.

32 - Chez l’animal il y a la femme et dans la réflexion de l’homme il y a une part d’intuition aussi, je voulais introduire la notion d’intuition.

Animateur - On va conclure avec cette introduction parce que le temps qui nous était imparti est malheureusement écoulé. Mais peut-être que cela peut donner une idée de débat. Nous allons donc choisir le thème du prochain débat.

1 - Qui et comment pourra nourrir l’humanité au 21ème siècle ? 8 voix
2 - La suppression des emplois de la fonction publique aura-t-elle des conséquences sur son efficacité ? 10 voix
3 - La culture pourquoi faire ? 6 voix
4 - Qu’en est-il de l’égalité parentale ? 9 voix
5 - Quelle éducation pour nos enfants aujourd’hui ? 15 voix
6 - Qu’attendons-nous du président de la république ? 6 voix
7 - L’alcoolisme chez les jeunes représente-t-il un malaise social ? 12 voix
8 - Qui éduque aujourd’hui ? 3 voix
9 - Faut-il politiser les J.O. ? 10 voix

Prochain café citoyen le samedi 26 avril : Quelle éducation pour nos enfants aujourd’hui ?

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