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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (27/06/2009)

Animateur du débat : Fabien Collet

» Sciences

Internet : accès ou coupure avec le monde ?

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Notre rapport au monde a grandement évolué depuis quelques décennies. Notamment grâce au développement des réseaux de transport (infrastructures autoroutières, avion, etc.), des réseaux satellitaires, et plus encore grâce au phénomène de dématérialisation. Comme souvent, le progrès technique interroge. Il questionne toujours l'homme soucieux de constater un jour sa liberté égratignée. Il n'est pas ici tant question de la maîtrise que de notre dépendance à l'égard de ces nouveaux outils. Internet suscite d'autant plus de controverses qu'il transforme plus que n'importe quel autre outil notre rapport au temps (rapidité des échanges) et à l'espace (réduction des distances, couverture mondiale des données).

La grande majorité des citoyens louent bien évidemment l'accès à l'information permis par Internet. Mais les dérives liées à son utilisation existent. Une enseignante dénonce les "copier coller" de ses élèves. Selon elle, l'information trop facilement acquise n'encouragerait pas la recherche approfondie. Qui plus est, surfer sur Internet peut devenir une activité chronophage. Aux dépens du réseau familial et social. Internet peut alors isoler l'accro de son entourage. L'addiction à une technologie est une forme de perte de liberté. En ce sens, il peut couper du monde, induire un renfermement sur soi-même. Et d'ailleurs, quelles seraient les conséquences sur nos vies d'une coupure d'Internet pendant une semaine ? Car Internet, c'est presque un autre monde. Un monde à part entière où s'y retrouve tout ce qui est dans le monde réel. C'est d'ailleurs tout l'attrait des jeux en réseau (Second Life, Warcraft...) auxquels nombre d'adolescents s'adonnent.

L'écran d'ordinateur est un passage entre le monde physique et le monde virtuel. Mais le phénomène psychologique est similaire chez un lecteur de roman qui vit aussi, en quelque sorte, par procuration. Cette barrière n'est-elle pas cependant imaginaire ? Il n'y a finalement qu'un seul et même monde. Et plusieurs portes d'entrée.

Il est indéniable qu'Internet donne accès à une grande quantité d'information. Peut-être même trop selon certains, qui y voient alors le lit des rumeurs et des informations infondées. Nous ne pouvons alors qu'encourager l'Internaute à cultiver son sens critique. Pour certains, l'éducation à Internet devient donc primordiale. Il faut former les jeunes à cet outil, lance-t-on dans la salle. Le noyau familial peut être le relais de cette éducation. Avec un encadrement par les adultes, et un temps maximum d'utilisation pour les enfants, le poste informatique doit pouvoir être utilisé à bon escient dans un foyer. Ceci dit, pour un citoyen, la réticence, voire la méfiance, à l'égard d'Internet est plutôt le fait de l'ignorance. Pour celui qui sait l'utiliser, Internet permet d'échanger plus facilement (emails, stockage et partage de photos, de vidéos, de documents...). De découvrir d'autres cultures. De retrouver le plaisir d'écrire (emails, blogs). De trouver l'amour aussi (sites de rencontres). D'être capable de mieux comprendre ce qu'auparavant l'expert nous demandait de croire sur parole. De renouer parfois avec l'émerveillement. En ce sens, Internet nous ouvre au monde. Tout au plus devons-nous nous méfier des labyrinthes dans lesquels nos recherches peuvent nous plonger. Mais n'apprenons-nous pas également de nos errances ?

Internet est malgré tout un outil relativement jeune. Le grand public ne le pratique finalement que depuis 10 ans. Nul doute qu'avec le temps l'utilisation que nous en aurons s'améliorera. Nous sommes passés de l'ère des cyber-cafés à celle de l'Internet à domicile. Et déjà les nouvelles générations de portables permettent de consulter le web et les emails sans être obligés de s'éloigner de l'espace public. Les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.) créent à présent de nouvelles formes d'organisations sociales. De nouveaux comportements grégaires également. Même s'ils ne remplaceront pas de sitôt l'agora et le besoin de se retrouver physiquement, il convient certainement de considérer avec intérêt ces regroupements. La création collaborative, Wikipedia par exemple, montre qu'Internet peut être un fabuleux levier pour de grands projets. Un citoyen propose même de créer les Cahiers de Doléances du vingt-et-unième siècle en s'appuyant sur la toile. Internet reste un outil plein de promesses.

Mais si le politique a investi Internet, le marchand également. Et l'emprise qu'ont certaines sociétés comme Google ou Windows sur le web demande au citoyen de rester vigilant. De l'interconnexion des bases de données à la surveillance de nos comportements, il n'y a qu'un pas. L'eldorado pourrait s'avérer liberticide. Ou libérateur. Car Internet transforme d'abord notre rapport au monde en supprimant les intermédiaires. En achetant directement au producteur par exemple. Alors que l'Éducation Nationale s'essouffle, les ressources éducatives en ligne se multiplient. Les systèmes d'échanges d'appartements évitent de passer par les offices de tourisme. Bientôt, des banques citoyennes (des citoyens se prêtant de l'argent) verront peut-être le jour. Nous sommes également en droit de nous interroger sur l'utilité sinon de l'État du moins de son administration.

Enfin, Internet et ses nouvelles du monde entier change indéniablement notre rapport à la citoyenneté. Qu'est-ce qui concerne la communauté ? Qu'est-ce qui ne la concerne pas ? Multa sunt civibus inter se communia (Il y a bien des choses en commun pour les habitants d'une même cité), promulguait Cicéron. Mais de quelle communauté parlons-nous ? Qu'est-ce que le bien commun ? Il serait aujourd'hui absurde d'éluder ce sentiment nouveau d'appartenance à une même planète. Comme il serait dangereux d'éclipser les autres degrés de notre citoyenneté (national, régional, local). Le citoyen de demain devra pouvoir se construire en ayant à l'esprit ces différents niveaux d'implication pour gagner en consistance et en intégrité.

Thèmes proposés pour le Café Citoyen du samedi 12 septembre 2009 :

1 - Faut-il protéger ou supprimer les droits d'auteur ? 5 voix
2 - Qu'en est-il des violences conjugales ? 2 voix
3 - Le progrès est-il réellement au service de l'homme ? 8 voix
4 - Quand décide-t-on de changer nos habitudes ? 3 voix
5 - L'évolution sociale favorise-t-elle l'égalité parentale ? 3 voix
6 - La citoyenneté se limite-t-elle à la nation ? 9 voix puis 5 voix
7 - Qu'est-ce qu'un expert ? 3 voix
8 - Quelle agriculture pour demain ? 5 voix
9 - Quel usage du logiciel libre ? 3 voix
10 - Au-delà des élections européennes, l'écologie politique a-t-elle un avenir ? 9 voix puis 9 voix

Interventions

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Jerzy Karczmarczuk

lundi 15 juin 2009 23:44:40 +00:00

J'avoue que je suis un peu choqué par cette "alternative". L'Internet : nous enferme-t-il dans un univers artificiel ?
Si quelqu'un est tenté de répondre "oui", alors il doit éviter de fréquenter les bibliothèques et ne pas lire les livres avec leurs "univers artificiels". Il doit s'interdire de visiter les musées, ne jamais regarder les films, et, en général, passer la vie dans une forêt.

L'Internet n'est qu'un moyen de communication des humains, comme tous les autres. Ce sujet me semble vraiment pathologique !

J.

Mhoussaye

Marc Houssaye

mardi 16 juin 2009 07:36:38 +00:00

La question n'est pas si triviale. Internet a considérablement fait évoluer le rapport à l'autre, notamment chez les jeunes. Et certains parents déplorent parfois le caractère chronophage de ces outils on-line, emprisonnant parfois les plus accros dans une logique de dépendance et d'oubli des relations humaines avec leur entourage. Bien-sûr, il s'agit là de cas exceptionnels. Mais nous pouvons réfléchir sur l'impact de ces nouveaux outils de communication sur notre rapport à l'autre.

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Jerzy Karczmarczuk

mardi 16 juin 2009 09:11:42 +00:00

Je me répète (et je promets de ne plus itérer...). Concernant la "chronophagie" il n'y a AUCUNE DIFFERENCE par rapport aux livres et/ou cinéma / télé (sauf que cinéma coûte cher). Bizarrement, sauf dans des familles peu éduquées, on ne proteste pas que les enfants lisent trop.

Puis, on a changé de registre. On parle de temps gaspillé, ou d'enfermement dans un "univers artificiel"? Marc, les pages Internet, comme les livres, sont des ouvrages humains, donc la lecture des sites Web EST une également une relation humaine. D'ailleurs, beaucoup plus de temps est perdu dans des jeux informatisés, qu'en surfant sur le Web. Une bonne partie d'activité "internaute" des jeunes est consacrée aux mails et au chat ("tchat" pour les Franconditionnés). Ceci, bien sûr *augmente* le côté communication humaine. Donc, je continue à insister : le sujet est mauvais, mal formulé. L'Internet en tant que tel ne change pas grande chose dans la Société, sauf les détails techniques. On peut dire que l'usage de la voiture sert aussi à aliéner les gens, car ils marchent moins, voient moins de monde et ils causent moins avec l'entourage s'ils avaient pris le bus ou train.

Ce qui est réellement non-trivial, est l'impossibilité de distinguer entre l'information sérieuse, filtrée, acceptable socialement, et des conneries terribles, pages faites par des extrémistes, par des malades mentaux, etc., car le spectre est continu. Il y a aussi les pièges des escrocs, des pédophiles, des sectaires, etc. C'est ici que je vois le vrai danger. Et je vois un, un seul rémède : empêcher par des moyens techniques forts l'anonymat des créateurs. Que chaque texte, chaque auteur soit identifiable, que les forces de protection juridique de la société puissent identifier et punir tous les tricheurs. C'est - à mon avis - plus important que la bataille contre le téléchargement illicite de la musique.

J.

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Sandrine LE SAINT

mercredi 24 juin 2009 08:13:29 +00:00

Je ne crois pas non plus que le débat soit si trivial. Actuellement, la facilité de l'accès à l'information par Internet crée des effets pervers non négligeables.

Il est vrai qu'Internet est une source d'informations qui peut s'assimiler aux livres, aux musées et autres bibliothèques. Internet offre aussi d'autres avantages. Cela réduit les distances, les coûts notamment. Si je veux aller au musée à NY, je ne suis plus obligée de prendre mon billet d'avion et ce grâce à Internet.

Mais un des effets pervers d'Internet: je n'ai plus besoin de réfléchir à mon exposé, d'aller au musée puisque Wikipédia ou autres le font pour moi. Je peux visiter le monde de chez moi "gratuitement", sans bouger. Où est l'esprit de créativité? la réflexion ? Internet = produit de consommation, clé en mains ?

Seulement, Internet ce n'est pas uniquement l'accès à l'information, c'est aussi les échanges d'informations, la communication.

En effet, que dire des familles, adultes compris, qui se parlent via Msn, skype et cie d'une pièce à l'autre dans la maison ou qui se disputent l'accès à l'ordinateur ? (Cela existe, j'en ai rencontré dans mon travail) Est-ce vraiment une source de progrès ? Pourquoi cela génère-t-il tant d'isolement chez certains jeunes qui ne voient que pas Internet, oubliant de se faire des copains, leur travail scolaire ?

Enfin, autre aspect d'Internet : les blogs, très populaires chez les jeunes. Que faut-il en penser ?

Sandrine

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