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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (12/06/2010)

Animateur du débat : Boris Vaisman

» Démocratie et Citoyenneté

Y a-t-il un intégrisme de la laïcité ?

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Lors de ce Café Citoyen, la majorité des interventions abordèrent la question de la laïcité sous l'angle de la religion. Attitude bien française, indubitablement issue de la sécularisation progressive – non sans périodes conflictuelles avec les instances religieuses - de notre pays. Un intervenant rappelle pourtant que le terme de « laïcité » provient du grec « laos » qui signifie « peuple ». Et qu'en ce sens, le laïc s'oppose donc au clerc, celui qui sait mais qui ne veut pas divulguer son savoir, source de son pouvoir. Nous aurions tort aujourd'hui de restreindre le champ du cléricalisme aux seules sphères religieuses. A contrario, l'économie n'est-elle pas de nos jours accaparées par des clercs chassant le laïc de la gouvernance de la cité ? Car lorsque l'économie s'effondre, ces clercs brandissent leurs équations absconses. Le citoyen n'a plus alors qu'à accepter son ignorance. Éventuellement à p(a)rier. La messe est dite.

Pour l'heure, il s'agit de s'interroger sur l'existence d'une forme intégriste de la laïcité. Autrement posé, une certaine forme de laïcité peut-elle s'opposer à l'évolution de la société française ? Ce concept de laïcité n'étant pas univoque, rappelons qu'il n'en existe pas de définition. C'est pourquoi, encore aujourd'hui, plusieurs conceptions de la laïcité s'affrontent. Certains parlent aujourd'hui volontiers de « laïcité positive », de « laïcité plurielle », voire de « laïcité inclusive », insistant ainsi sur la liberté de culte et l'expression religieuse du croyant. D'autres exigent l'éviction du religieux de la sphère publique, cherchant alors à y neutraliser l'influence des concepts, signes et comportements religieux. Pour les premiers, il faut valoriser les convictions religieuses, et tout ce qui contribue à respecter l'individualité. Pour les seconds, on revendique une « laïcité de combat », cherchant à préserver les fondements d'une république subissant les assauts des intégristes. Le risque, c'est que chacun voit la laïcité à sa porte. Alors qu'elle devrait être le parvis du temple de la citoyenneté.

Le concept de laïcité n'est pas figé. Il évolue selon les époques. La quête de la laïcité – même si ce terme apparaît seulement au XIXe siècle – est une préoccupation qui berce l'histoire de la France depuis des siècles. La salle en rappelle les principes fondateurs : la tolérance, la liberté de culte, la reconnaissance du pluralisme religieux, la séparation des pouvoirs politique et administratif de l’État du pouvoir religieux.

Y-aurait-il inadéquation entre la société multiculturelle française d'aujourd'hui et l'application stricte des lois entérinées au XIXe siècle ? C'est ce que laissent penser quelques interventions. A l'époque d'Émile Combes, même si nous parlions d'une loi de séparation des Églises et de l'État, dans les faits, cela concernait surtout l'Église catholique. Les biens religieux, propriété de l'État ou des communes, sont alors confier gratuitement aux représentants des Églises. Qu'en est-il de nos jours pour les autres religions ? Pour quelques-uns, l'État devrait, dans un souci d'équité, soutenir la construction de mosquées. Pour d'autres, l'État ne devrait pas s'investir. Et rester neutre. Nous ne pouvons nier cependant l'écueil que représente l'« Islam des caves », ni le danger que constitue l'abandon de certains de nos concitoyens au soutien financier et moral de puissances étrangères.

Un intervenant n'hésite pas à suggérer une « laïcité de pédagogie » où le débat permettrait à chacun d'accepter les différences de l'autre et d'apprendre à vivre ensemble. Une laïcité vivante en somme, qui chercherait à faire participer tous les Français, de toutes origines, de toutes conditions, à la recherche du bien commun. Une intervenante poursuit en liant la laïcité à l'intégration républicaine. Intégration qui semble avoir été abandonnée en France, laissant la part belle aux communautarismes.

Le cœur du problème semble être le rôle que doit tenir l'État. Doit-il être d'une totale neutralité ? Doit-il s'engager ponctuellement ? L'intégrisme laïque résiderait peut-être dans ce refuge que constitue cette loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État. En effet, l'État reste ici spectateur, voire indifférent. Alors que pour certains il devrait s'affirmer en se montrant soucieux de la concorde entre les citoyens et attentif à la bonne gouvernance de la Cité. L'État ne devrait-il pas par exemple organiser les lieux de culte ?

Rappelons que peu d'États se déclarent laïcs en Europe (la France, le Portugal, dans une moindre mesure la Turquie). D'après tous les citoyens présents, il faut indéniablement préserver ce trésor qu'est la « laïcité à la française ». Plusieurs menaces pèsent sur elle. Par exemple, l'endoctrinement religieux qui imposent des pratiques contraires à la Loi voire à la dignité humaine. Assistons-nous à la désintégration de l'unité républicaine par les revendications communautaristes ? Un des dangers que les participants ont également soulevé est l'utilisation de la laïcité comme outil d'exclusion. Non comme un principe fédérateur. N'oublions pas que la question de la laïcité est intimement liée à celle d'un projet de société auquel chaque citoyen peut prendre part.

Car finalement, quel est le socle commun à tous les Français ? Quelles sont ces valeurs sur lesquelles fonder notre tolérance commune ? On en appelle bien évidemment à la devise républicaine « Liberté Égalité Fraternité ». Des cas concrets sont posés.

Le statut de la femme

Ainsi, la question du port de la burqa divise. Les partisans de l'interdiction en appelle à la sécurité et à l'ordre public (dissimulation), au combat contre le prosélytisme (signe ostentatoire religieux), à la dignité de la femme (marque de domination masculine). Mais c'est sans compter qu'il existe déjà une loi permettant aux agents de l'État de dévoiler un individu lorsque son identification est nécessaire. Que nous ne pouvons présumer qu'une femme qui porte la burqa y est forcément forcée.
Nous ne pouvons cependant tolérer, comme le raconte un citoyen dans la salle, qu'un mari se présente à la place de sa femme pour obtenir ses papiers (passeport, carte d'identité...).

La mixité et le respect de coutumes

Faut-il tolérer qu'une piscine publique réserve certaines heures d'ouverture exclusivement aux femmes musulmanes ? Faut-il accepter de supprimer certains aliments dans les cantines scolaires pour convenir aux interdits alimentaires de quelques confessions ? Certains voient là des manœuvres d'intégristes pour affaiblir la laïcité. L'intégrité de la laïcité serait ici en danger. La force et la persévérance des prosélytes l'emportant sur la faiblesse et le laxisme du laïc. D'autres citoyens considèrent ces aménagements comme le moyen d'intégrer des coutumes.

L'Éducation et le rôle de la Science

Le souci d'un État laïc est certainement de garantir l'épanouissement de ses membres. Quelqu'un évoque la question de l'éducation de l'enfant et de son environnement familial qui peut inculquer voire imposer des croyances. On cite la remise en cause du darwinisme par les tenants des théories créationnistes. Et les dérives sectaires. L'École Républicaine doit rester le moyen de cultiver la tolérance, d'ouvrir l'esprit des futurs citoyens et de garantir une éducation basée sur des connaissances communes. Un intervenant loue alors une récente décision du gouvernement indien de rendre l'enseignement gratuit et obligatoire à tous les enfants âgés de 6 à 14 ans.

L'universalisme

Au demeurant, la laïcité n'est pas la négation de la religion. Elle est avant tout garante de la coexistence des choix religieux de chaque citoyen. La question de la laïcité est certainement subordonnée à la quête de la concorde universelle. La ruine de la laïcité peut se cacher dans le refus de la diversité. Mais également dans l'abandon de l'unité républicaine. Le temps abîme les plus belles œuvres. Pour que la laïcité reste vivante, nous devons sans nul doute chercher à échanger avec celles et ceux que nous pourrions à priori considérer comme des ennemis de la laïcité. Que partageons-nous ? Qu'avons-nous en commun ? Les fossés qui se creusent entre les citoyens ne sont peut-être finalement que le reflet de la faiblesse de nos représentants à réunir ce qui semble épars.

Thèmes proposés en fin de séance :
1 – Peut-on opposer raison et pragmatisme ? 5 voix
2 – Les mythes exercent-ils une influence sur nos comportements ? 2 voix
3 – La citoyenneté est-elle exclusivement nationale ? 1 voix
4 – Les droits de l'enfant peuvent-ils être remis en cause par les religions ? 3 voix
5 – Quelle est l'influence de la franc-maçonnerie aujourd'hui ? 3 voix
6 – Peut-on et doit-on rendre compatibles traditions et lois de la République ? 6 voix
7 – Faut-il revoir le statut de l'élu ? 12 voix
8 – La retraite doit-elle être identique pour tous ? 8 voix
9 – La liberté d'expression va-t-elle trop loin avec Internet ? 5 voix
10 – L'excès de lois déresponsabilise-t-elle le citoyen ? 9 voix
11 – Y-a-t-il une tyrannie de l'Etat ? 6 voix

Thème débattu le 26 juin 2010 : Faut-il revoir le statut de l'élu ?

Interventions

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