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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (13/03/2010)

Animateur du débat : Fabien Collet

» Politique et Société

Mai 68 et ses suites : y a-t'il eu libération de la femme ?

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Il est indéniable que depuis les évènements de mai 68, les idées féministes se sont fait une place dans le débat public. Multiples et variés, les mouvements féministes ont questionné la société sur de nombreux plans : emploi, études, parentalité, sexualité... Ces mouvements cherchent - et pas seulement depuis mai 68 - à faire progresser les femmes socialement, politiquement et économiquement. Mais la femme est-elle vraiment libérée de nos jours ? Cette libération est-elle aboutie ? N'est-elle que partielle ? Pire, y aurait-il eu régression ?

D'abord, il est important de noter que les associations de libération de la femme naissent aux États-Unis. Dès les années 1960, l'égalité entre les droits des hommes et les droits des femmes évoluent considérablement outre-atlantique. On évoque en France des mouvements tels que le Mouvement de libération des femmes (MLF) qui ont fait évoluer les mentalités sur le droit de vote des femmes, le droit pour les femmes de travailler sans demander l'autorisation de leur mari, le droit pour une femme de disposer de son corps. Il est question ici de remettre en cause la domination masculine.

Si certains saluent ces coups de forces féministes nécessaires pour réveiller les consciences, d'autres constatent malheureusement des échecs. Voire des oublis. La radicalisation de certains mouvements féministes (les Chiennes de Garde par exemple) a produit quelques effets pervers selon certaines interventions. Qui plus est, ayant principalement insisté sur la dimension sexuelle de la libération de la femme, on en aurait presque oublié la question des avancées sociales. De plus, on rappelle que la société de consommation impose encore aujourd'hui une image très plastique de la femme. Jusque d'en la « presse féminine », pourtant dirigée principalement par des femmes... Qui plus est, une stagnation se fait sentir aujourd'hui. Des associations qui revendiquent toujours la libération de la femme, comme « Ni pute ni soumise », se sentent visiblement bien seules. Il semble par ailleurs que de nombreux combats sont délaissés : la lutte contre le mariage forcé, contre la pratique de l'excision, contre le port obligatoire de la burqa. Même si la lutte contre le communautarisme est l'affaire de tous, on s'étonne de ne pas voir plus de femmes prendre à bras le corps ces questions de société. Un médecin nous informe par ailleurs qu'il a constaté, sans pouvoir en expliquer la raison, une recrudescence des violences conjugales, et notamment chez les jeunes couples.

Un autre constat : l'idée que la femme vive pleinement sa maternité – et que cela constitue une condition nécessaire à son épanouissement – est toujours bien ancrée dans les mentalités. Alors qu'il est encore difficile de reconnaître l'intensité de la paternité chez un homme. Une citoyenne s'étonne d'entendre encore actuellement dans le milieu de l'entreprise des réticences à l'embauche de femme liées à une possible future maternité. « Les femmes ont des enfants » lui confie-t-on. « Comme si les hommes n'en avaient pas... » soupire-t-elle. Dans la pratique, la femme est aussi toujours garante de la bonne tenue du foyer. Les tâches ménagères par exemple sont encore réalisées à 80% par des femmes. Les dirigeants d'entreprise sont encore en grande partie des hommes. En politique, malgré la mise en place d'une loi cherchant à établir la parité homme-femme (2000), le personnel politique reste encore principalement constitué d'hommes. Enfin, la loi Roudy, datant pourtant de 1983, n'est tout bonnement pas appliquée.

Soulignons également que nous vivons une période de crispations sociales. Face à un avenir incertain, il n'est pas étonnant que l'on cherche à se retrouver dans des valeurs dites "traditionnelles". De plus, si l'on persiste à reléguer la femme à des tâches liées à la famille, au foyer, à l'éducation des enfants, l'homme n'est-il pas également obligé de suivre des normes sociales encore tenaces : « ramener le salaire », « ne pas exprimer ses émotions »... L'homme doit certes prendre sa part. La femme doit lui laisser la prendre aussi. Comme le rappellent quelques interventions, le progrès se situe probablement aussi dans la perception que les femmes ont d'elles-mêmes. On taxe les hommes de manque d'autonomie. N'empêche, les femmes ne sont pas les dernières à vérifier, surveiller, lorsque les hommes essaient de s'investir dans des tâches malheureusement considérées comme une « chasse gardée » par les femmes elles-mêmes. On s'interroge également sur les comportements que génère la vie en couple chez l'homme et chez la femme.

Ce débat pose aussi la question de la place du féminin et du masculin dans notre société. En ce sens, il touche à notre intimité, à l'amour, à la mort, aux pulsions sexuelles qui nous gouvernent. Il serait sans nul doute bien dommage de gommer la féminité chez la femme dans l'unique but qu'elle puisse ressembler à l'homme. Il ne s'agit nullement ici d'engager une compétition. Encore moins un combat. Qui pourrait d'ailleurs s'avérer être contre nature. On comprend alors que la rivalité sociale peut parfois conduire les êtres humains à nier leur épanouissement. Aussi la différence doit-elle être cultivée. Elle est un gage de bonne santé pour une société, une marque de respect pour les autres et soi-même. Ainsi, au lieu de s'efforcer de rendre égaux les hommes et les femmes bien au-delà du droit, un citoyen évoque plutôt le "souci d'équité" comme remède à l'égalitarisme. Un intervenant rappelle finalement que le féminin et le masculin se côtoient au sein de chacun de nous. Qu'il faudrait certainement que chaque être humain - qu'il soit homme ou femme - cultive cette androgynie. On insiste alors sur la place que devrait tenir les Arts dans notre société.

De nos jours, les hommes ont conquis la sphère politique. Nombres de pratiques politiciennes (agressivité lors des « conquêtes électorales », petites phrases remplaçant le débat d'idées, carriérisme, affairisme) nous éclairent sur la manière dont on fait de la politique aujourd'hui. Tout ceci contraste avec d'autres époques, et notamment le Siècle des Lumières, où les salons littéraires et philosophiques étaient tenus essentiellement par des femmes.

Même si de vraies réussites sont visibles depuis mai 68, notamment le développement des cursus universitaires chez les femmes, l'assemblée s'accorde à dire qu'il manque aujourd'hui une réelle volonté politique pour faire coïncider égalité de droit et égalité réelle.

Les rapports entre les hommes et les femmes souffrent de nombreux et coriaces stéréotypes. La libération de la femme n'est pas un travail exclusivement réservé aux femmes. D'ailleurs, des hommes éclairés ont bien initié le droit de vote pour les femmes. "Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile. Être une femme libérée, ce n'est pas si facile.", chante le poète. Aussi, même si la femme doit certainement faire un travail sur elle-même, l'homme doit toujours être à ses côtés, non comme un guide, non comme un tuteur, mais plutôt comme un compagnon. Homme et femme : voici finalement deux êtres humains cherchant à établir leur égalité en droit et à préserver leur singularité. Pour former l'Humanité. La libération de la femme est peut-être aussi intimement liée à la libération de l'homme.

Thèmes proposés en fin de séance :
1 - La citoyenneté se limite-t-elle à la nation ? 5 voix
2 - Le Café Citoyen a-t-il besoin d'une autocritique ? 3 voix
3 - Assistons-nous aujourd'hui à une résurgence de l'aristocratie ? 14 voix
4 - Quelle politique d'urbanisme pour demain ? 5 voix
5 - Faut-il réunifier les deux Normandies ? 5 voix
6 - Quelles sont les incidences d'Internet sur notre quotidien ? 13 voix
7 - Peut-on renoncer à sa liberté pour sa protection ? 15 voix
8 - Quel service public pour demain ? 12 voix
9 - Quel avenir pour les régions ? 6 voix
10 - L'urgence humanitaire justifie-t-elle le droit d'ingérence ? 14 voix

Thème qui sera débattu le 27 mars 2010 : Peut-on renoncer à sa liberté pour sa protection

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