“Le comptoir d'un café est le parlement du peuple.”

Honoré de Balzac (1799 - 1850)

Bienvenue en Arcadie

Vous êtes ici : Accueil > Comptes-rendus > La religion influence-t-elle encore la société civile ?

Compte-rendu analytique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (23/10/2004)

Animateur du débat : Vincent Lequenne

» Religion et Spiritualité

La religion influence-t-elle encore la société civile ?

ShareThis

Animateur - La personne ayant proposé le sujet n'étant pas présente, je vais la remplacer pour introduire. Le thème d'aujourd'hui est « La religion influence-t-elle encore la société civile ? ». C'est un thème qui a été notamment traité dans l'actualité télévisuelle de cette semaine, avec des sujets sur ARTE sur les liens entretenues entre la politique et la religion aux États-Unis. Il y avait également un élargissement sur l'Europe. On a pu entendre parlé également de l'apparition de nouvelles églises, de nouveaux courants religieux, de néo-protestantisme, et de leur capacité à s'infiltrer un peu partout dans le monde. Sous couvert peut-être de mise en place de solidarités internationales, de missions caritatives. Nous pourrons aborder cela dans le débat d'aujourd'hui. Je vais passer le micro maintenant.

1 - Je voudrais simplement apporter une petite précision. J'ai écouté ce matin à la télévision l'émission de Catherine Ceylac qui recevait un journaliste américain. Ils parlaient des différences entre la société française et la société américaine. C'est vrai que la société américaine est très marquée par la religion. Quand on est américain, on a souvent une religion, quelle qu'elle soit. Les « électrons libres », ils ne les aiment pas du tout. Par contre, du point de vue de la solidarité, aux États-Unis il n'y a pas de solidarité mais de la charité. C'est une différence par rapport à la France. J'ai trouvé cette remarque intéressante.

2 - Il n'y a pas si longtemps que cela, on a pu entendre au sujet de la guerre en Irak des déclarations su pape qui s'est opposé à toutes les guerres lorsqu'il pouvait encore parler le pauvre. Mais on a bien vu que la religion essayait d'avoir une voix dans la balance internationale. Et en ce sens, c'est encore un impact dans la société civile parce que suite aux déclarations du pape beaucoup de gens se sont manifestés et ont changé leurs comportements. Par contre, par rapport à il y a quelques siècles, il n'y a pas si longtemps que cela quand même, le poids de la parole du pape s'est beaucoup estompé. On parle beaucoup moins par le prisme de ce qu'il pense que par le prisme des organisations internationales comme l'OMC. Il y a quelques temps, un économiste a écrit un livre intitulé « L'éthique du protestantisme » qui, même si le livre a été très contesté, a montré que le capitalisme était issu d'une pensée religieuse. Dans ce sens, nous sommes encore énormément influencés par la pensée religieuse.

3 - Je crois que le fait religieux est une constante tout au long de l'Histoire. Même chez les « peuples primitifs », la religion a marqué toute l'Histoire de l'Humanité. Sont venus ensuite les prêtres qui en ont fait un commerce. Mais pratiquement on ne peut pas y échapper. Les libres penseurs ou les agnostiques on ne les entend jamais, on ne leur donne pas la parole. Même aujourd'hui nos sociétés sont influencées par la religion. Ne serait-ce que par le baptême où le devient catholique avant de savoir parler, avant de savoir réfléchir.

4 - Il faudrait peut-être s'entendre sur ce que l'on appelle religion. Parce qu'elle peut prendre toutes sortes de formes. Une chose qui m'a frappé il n'y a pas tellement longtemps : j'ai vu dans un journal une photo présentant un baptême républicain. Visiblement il y a quelque chose de fondamental chez l'être humain c'est un besoin de rites, de symboles, de constructions religieuses. Donc on voyait un enfant présenté au maire, accompagné d'un parrain et d'une marraine, et on le baptisait républicain. On a vu aussi dans les pays on la constitution civile est déclarée intégralement athée et ennemie de toute foi religieuse, on a vu aussi des consécrations d'enfants au régime, au parti, etc. C'est une chose que l'on ne peut pas nier. Cela instrumente la société civile de toutes façons, que ce soit une religion athée (parce que dans le fond l'athéisme se manifeste aussi comme une religion) ou que ce soit une religion se référant à un credo traditionnel. Je pense que l'Homme est assoiffé de symboles. A l'époque de la Révolution Française, quand on a remis en cause toute la tradition propre à la France, on a installé un culte également. Alors cela pose un tas de questions. Notamment : sur quels types de symboles on pourrait se retrouver et qui permettrait une compréhension inter-religieuse et aussi par rapport à des gens qui sont réservés voire ennemis de toutes formes religieuses traditionnelles.

Animateur - Ce qui me paraît fondamentale c'est que l'impression qui se dégage de la religion, au moins ses lieux de culte, c'est que c'est une réunion d'hommes. C'est un premier lieu de rassemblement.

5 - Nous vivons en France dans une société laïque. La laïcité hérite de valeurs religieuses. Même s'il fallut pour s'installer qu'elle s'oppose aux religions dans un souci d'émancipation. Les laïcs qui ont aspiré à se détacher de la religion sont tout de même héritiers des valeurs chrétiennes en Europe. C'est un fait historique. Le triptyque républicain « Liberté, Égalité, Fraternité » s'est forgé au fil des siècles. La religion chrétienne en a posé les premières bases.

6 - Moi j'aimerais revenir sur la définition de la religion. Je pense que tout pendant que l'on aura pas compris que les religions conduisent à la transcendance, c'est-à-dire que l'individu se réfère à une transcendance d'ordre divine et non pas d'ordre humain, on ne pourra pas s'intéresser à la relation entre société civile et religion. Le problème de notre société aujourd'hui c'est peut-être de poser la question suivante : où sont passées les transcendances ? Et comment ceux qui ont une croyance ou une transcendance divine peuvent s'intégrer à une société laïque.

7 - Il ne s'agit pas de s'intégrer à la société laïque, c'est la société laïque qui est héritière de la culture religieuse chrétienne.

8 - Je ne nie pas du tout l'hérédité. Au contraire. Bien sûr, ce sont des valeurs tout à fait semblables. Il n'empêche que l'on ne peut pas comprendre aujourd'hui ce qui se passe dans notre monde si on ne comprend pas que pour certains la valeur fondamentale c'est de plaire à l'ordre divin. Et cela ne veut pas dire que je rejette tout l'héritage des valeurs chrétiennes.

9 - J'aimerais moi savoir ce que l'on entend exactement par laïcité.

10 - Pour moi, c'est un dépassement de toute doctrine religieuse tout en respectant les croyances. C'est à dire respect pour toutes les croyances et en même temps détachement.

11 - Je voudrais revenir sur le fait que l'homme a besoin de symboles. Aujourd'hui, à la télé, à la radio, dans les journaux, on entend tous les jours des sujets sur le thème du religieux. Il y a deux voire trois ans, c'était la sécurité qui était omniprésente dans les médias, aujourd'hui c'est le religieux. Et on parle surtout du fameux « choc des civilisations ». Surtout depuis le 11 septembre 2001. Le « choc » entre la religion et la culture musulmane. Le problème de l'intégration de la Turquie à cause de la majorité musulmane. Etc. Etc. Il y a le problème israélo-palestinien. On a tendance à tout passer par le prisme du religieux. Et si on fait cela c'est à mon avis parce que notre société nie les symboles. Notre société les désacralise, et comme on en a toujours besoin on oriente les questions communes dans ce sens.

12 - On peut peut-être à titre personnel se réfugier dans une religion mais sans pour autant avoir une influence sur la société civile. La question d'aujourd'hui c'est : la religion influence-t-elle encore la société civile ? Le mot encore est important à mes yeux. D'abord : quelle société civile ? Partout dans le monde ou simplement en France ? Peut-être que le sujet est un peu trop large si on s'intéresse au monde entier. Et d'ailleurs on a des réponses : pour certains pays, il y a des réponses très claires. Je serais tenté de me poser la question sur la France. Quand on dit que l'on parle beaucoup du religieux, je suis d'accord. Mais on en parle dans quel sens ? Est-ce qu'on en parle parce qu'il y a une religion d'État qui fait que la religion d'État a une influence sur la société civile par le biais des institutions ou est-ce qu'on parle des religions en France parce que l'on a affaire à certaines religions qui prennent des positions extrémistes et qui essaient de faire du prosélytisme et qui donc force une société civile qui se veut laïque à réagir contre ces faits religieux donc à en parler mais sans pour autant faire du prosélytisme religieux ? Bon, ça va un peu dans tous les sens mais ma question c'est : à quelle échelle géographique on s'intéresse ?

13 - Je pense que la question, posée il y a deux semaines, souhaitait aborder le cas de la France. Il ne faut pas s'interdire de regarder ce qui se passe ailleurs pour mettre en lumière le cas français.

14 - A ce moment là, il faudrait parler de choses que l'on connaît réellement. J'ai entendu tout à l'heure quelqu'un qui parlait d'une émission d'ARTE en disant que la situation était impressionnante aux États-Unis et que la religion protestante en était à la source. Je ne suis pas protestant, mais je m'élève contre cela. Il s'agit en fait d'une secte, mais au sens anglo-saxon, pas ce que l'on désigne chez nous comme secte, il s'agit donc d'un mouvement extrémiste qui s'appelle « Born Again » qui a un peu la même façon de surgir dans la société civile que les islamistes - et non les musulmans. On peut mettre la religion protestante de côté, elle n'a rien à voir avec cette histoire. Je maintiens que si l'on parle de l'impact de la religion sur la société civile dans le monde entier, il y a certains pays qui ont des religions d'État. En Angleterre, vous avez un Parlement qui est occupé du moins pour la Chambre Haute pour un tiers par les membres du clergé de l'église Anglicane puisqu'ils y siègent d'office. Alors ceux-là ont peut-être une influence directe sur la société civile. Maintenant je ne crois pas que ce soit le cas en France tout de même.

15 - Je regarde du côté des États-Unis. Les élections américaines tournent autour de la religion. Le but de la religion c'est de relier les gens. Une communauté qu'elle soit païenne ou non a besoin de religiosité. Ceci dit je pense que la communauté catholique n'est pas quelque chose qui a réussi. J'ai un arrière goût d'insatisfaction parce que l'on a passé toute une existence à s'agenouiller devant des symboles et puis brusquement on s'aperçoit que la société est toute faussée. Personnellement, je la sens toute faussée.

16 - Je pense que lorsque l'on parle de l'Occident et de l'influence religieuse en Occident, il faut bien distinguer les pays. Alors je serais d'accord avec l'intervenant qui parlait de la restriction géographique de la question. Il faut se placer dans un contexte donné. Si on parle des États-Unis, il est clair que l'on ne va pas traiter le même sujet que si l'on parle de la France. Parce qu'aux États-Unis, qu'on le veuille ou non, la démocratie est placée sous les auspices de dieu, chose qu'un Français aura bien du mal à comprendre. Mais il se trouve que c'est comme ça. Il y a tout un panel de démocratie même si on peut discuter sur le mot. En Angleterre, comme un peu partout en Europe, sauf en France et au Portugal, le système concordataire lie la société civile à la religion. En France on est dans un système dit laïc. Et je suis un peu étonné que l'on traite de ce sujet en France parce que cela signifie que l'on ne rend pas à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Et que l'on considère qu'après tout ce fameux principe de laïcité est à remettre en cause. Comment peut-on l'appréhender ? Si on commence à parler de l'Angleterre et des États-Unis, du système anglo-saxon et que l'on compare par rapport au système français, ce sera forcément deux sujets différents parce que les contextes ne sont pas les mêmes. Ce sujet m'intéresse en France parce que rien que dans la formulation du thème j'ai l'impression que de manière sous-jacente c'est une remise en cause de la laïcité. C'est ça qui me semble intéressant.

17 - La laïcité c'est respecter toutes les façons de croire. Ce n'est pas mettre Dieu à la porte. Comme on l'a fait à l'école. On ne parle de Dieu à l'école. Il y a par exemple 40 élèves sur 2000 qui fréquentent l'aumônerie. Ce que je n'arrive pas à comprendre c'est ce que font les 1960 autres. En Allemagne, on respecte toutes les religions et on les enseigne à l'école également. C'est pour moi la vraie laïcité. Tandis qu'en France l'Église est à la porte. Il y a des élèves à l'école qui n'ont même pas entendu parlé de Jésus. Je trouve dommage que les religions ne soient pas enseignées à l'école.

18 - Vous parlez du lycée actuellement. Je n'ai pas d'enfant en âge d'aller au lycée actuellement mais je peux parler du lycée que j'ai connu dans les années 50/60. J'avais un père non croyant et une mère croyante, j'ai fréquenté l'aumônerie du lycée de jeune de filles Caen. Je ne suis pas d'accord avec vous Madame. On n'oblige pas des élèves à fréquenter l'aumônerie. On peut en parler en toute laïcité. Je ne pense pas que l'on puisse dire que dans l'enseignement publique actuel on nie la religion. J'en suis une preuve vivante. J'ai fréquenté l'aumônerie de Caen. Si la fréquentation est basse c'est un fait de société mais on n'interdit pas la religion à l'école publique.

19 - Je souhaiterais m'exprimer sur l'influence de la religion sur la société civile. Je rêve d'un monde, tout du moins d'une France, qui permettrait à chacun d'exprimer ses propres valeurs qu'elles soient catholiques, juives, protestantes, musulmanes, bouddhistes ; que l'on puisse les exprimer dans notre vie personnelle. Je regrette que dans la société civile on ait encore ce genre de propos. Il me semble que la première des libertés est de faire une école qui accepte tout le monde quels que soient son identité, sa religion ou ses convictions. Ce qui me semble plus important c'est d'adhérer à des valeurs humanistes tout simplement. Il me semble que l'on peut très bien vivre heureux en suivant des valeurs humanistes et en s'abstenant de valeurs religieuses. Et j'espère seulement que pour ceux qui suivent leurs convictions religieuses eh bien ! que ces valeurs leur apportent ce que tout le monde est en droit d'espérer. Ceci dit, à l'école, personnellement je ne suis pas pour une aumônerie spécialement catholique dans un lycée parce que sinon je demanderais également la présence d\'un rabbin, d'un prêtre protestant, etc. C'est cela qui ferait la première réaction civique et civile : une sorte d'égalité d'accès à la religion dans le cadre scolaire. J'ai été longtemps en pension et dans la religion catholique mais Dieu merci je suis encore capable de réfléchir. Je ne suis pas totalement abrutie parce que l'on m'a inculqué. Ce qui me gêne c'est la présence d'aumônerie dans les lycée laïcs. Parce que la possibilité d'adhérer à une religion, tout individu peut l'avoir. Mais il ne le faut pas dans le cadre d'un établissement laïc.

20 - A priori Dieu passionne. On sent l'ambiance s'échauffer. Je rappelle simplement les règles du débat : si vous n'êtes pas d'accord avec les propos d'un intervenant, patientez pour répondre lorsque la parole vous sera donnée. Ceci afin que la passion ne nous emmène pas vers un débat houleux mais que la raison nous apporte la sérénité.

21 - Heureusement qu'il y a un rite utile ici, c'est le micro qui nous permet de nous écouter les uns les autres. Je voudrait d'abord citer un petit bouquin, celui d'André Nataf qui s'appelle « Les Libres Penseurs ». Il y a tout un chapitre sur des gens qui ont eu la hardiesse de contester les opinions dominantes de leur époque. Il a fallu pour certains un sacré courage, souvent jusqu'à la mort. Mon parcours est assez particulier. Ce n'est pas pour me mettre en valeur. Je pense que ce n'est pas le seul. J'ai été élevé dans un milieu particulier aussi, dans la religion dominante catholique romaine etc. Mais malgré tout, je me suis aperçu, même si cela était inconscient au départ, qu'au tréfonds de moi-même il y avait une révolte. Un jour, peut-être un peu tardif, pour être fidèle avec moi-même, j'ai tout arrêté des traditions que l'on m'a inculqué et j'ai fait une recherche personnelle. J'ai exploré aussi bien l'hindouisme, l'islam, le bouddhisme, y compris les sectes les plus infectes, et aussi l'athéisme parce que je pense que l'athéisme a une signification. Si des gens sont athées c'est parce qu'ils ont fait une démarche de réflexion et qu'ils recherchent certaines choses. Je pense qu'il faudrait distinguer l'athéisme de l'athéité. L'athéisme est une doctrine qui peut aller vers le sectarisme. L'athéité, c'est le fait de dire « je reste en suspend ». Un peu comme dans le bouddhisme. Je trouve qu'en France c'est fabuleux que l'on soit arrivé à la notion de laïcité. La laïcité bien comprise c'est en fait vouloir laisser le champ libre à la réflexion, à la recherche et aux choix personnels et plus intimes à tout le monde sans aucune exceptions. La seule chose que je regrette quand je réfléchis à l'instruction scolaire que j'ai reçu, il y avait d'ailleurs un cours de religion, j'étais d'ailleurs premier en cours de religion, c'est que l'on n'est très bien instruit de la tradition chrétienne, des dogmes, etc., mais qu'à mon époque en tout cas on n'était pas suffisamment ouvert aux autres démarches religieuses. Je crois qu'un grand pas serait fait dans la société civile. Il y a eu un tel combat pour réussir à vivre la laïcité en France que le catholicisme qui était la religion dominante en France a du se battre avec énormément d'énergie. Aujourd'hui, on a tellement un respect de l'autre aujourd'hui qu'on arrive à ne plus oser s'exprimer. Ce qui serait intéressant c'est de dire « Moi j'ai des convictions, si cela t'intéresse que l'on en discute discutons-en pour que je puisse connaître les tiennes ». Et on peut se rendre compte alors qu'à travers toutes les religions certaines valeurs sont communes et partagées. Je crois qu'il y arrivera un stade dans l'évolution où les gens se rencontreront bien plus sur des valeurs que l'on partage que sur des credo idéologiques. Le danger c'est le sectarisme, y compris dans l'athéisme. Mais je crois qu'il faut reconnaître que la religion a une influence positive sur la société civile.

22 - Je trouve que les dernières interventions parlent beaucoup des religions et de la façon dont on vit les religions. Je pense que l'on s'éloigne du sujet. En examinant l'Histoire, on s'aperçoit que l'on a toujours dit « séparation des Églises et de l'État » et non pas de l'Église et de l'État, l'Église étant une institution. Au moment de la Révolution, il y avait trois ordres, le Clergé, la Noblesse et le Tiers État. A la Révolution, on s'éloigne de l'Église et à fortiori du catholicisme. Plus récemment, en 1905, les lois de séparation concernent les Églises et l'État, non pas la religion et l'État. Bien sûr il y a forcément des interférences. Une personne membre militant d'une Église est forcément influencée par ce qu'on lui inculque et donc il peut y avoir une influence sur son comportement dans la vie civile. Mais ce qui importe de vérifier c'est qu'il n'y ait plus de relations institutionnelles entre ces institutions. Et même si les lois peuvent être influencées par ceux qui les votent. Je prends un exemple qui s'éloigne du champ politique. Au XIXème siècle, le Nord était dominé par le monde textile, mon père m'a raconté que lorsqu'on se présentait pour se faire embaucher on demandait le certificat de baptême. C'était fréquent. Dans les années 60, dans l'usine où je travaillais il y avait dans chaque bureau un crucifix. Cela ne m'a jamais choqué, c'est pas le problème. Mais je pense que c'est cela qu'il faut interdire. Pour revenir au monde de l'enseignement, je crois qu'il faut faire une distinction. Que l'on enseigne l'histoire des Églises c'est logique mais ce n'est pas inculquer une religion comme dans le domaine du catéchisme. Et puis s'il y a des aumônier dans les lycées, puisque dans la Constitution il est écrit que chacun a le droit de vivre sa religion comme il l'entend pourquoi ne pas avoir une aumônerie ce ceci, ce cela, je ne sais pas, peut-être qu'il n'y en a pas parce que cela n'existe pas dans les autres religions, je n'en sais rien. Mais ce n'est pas parce que l'on constate que la fréquentation est minime qu'il faut dire que cela n'existe pas. Sinon, l'Église n'existe plus non plus. Si on évalue l'influence d'une institution au nombre des gens qui y participent, on peut dire que l'Église n'existe plus vu le nombre de chaise vide le dimanche à la messe. Bien plus qu'au cinéma l'après-midi. Bref, en Angleterre il y a des relations institutionnelles mais ce n'est pas le cas en France.

23 - J'ai un ami qui me disait : « Dieu merci, je suis athée ». Je lui ai répondu « Diable, tu as bien tort ». On parle d'avoir mis l'Église à la porte. Mais si on écoute certains philosophes, Dieu est partout, si on y croit. Si j'avais à refaire ma scolarité, je demanderais une éducation plus libre que je n'ai eu. J'aimerai aborder l'histoire des religions. Parce que je m'aperçois à mon âge que c'est essentiel. J'aimerais connaître toutes les religions. Qu'est-ce que c'est que la franc-maçonnerie ? Où est-elle ? Ce que je vois avec les autres pays d'Europe, c'est qu'ils se laïcisent petit à petit. Cela évolue différemment dans chaque pays à un rythme propre à chaque pays. On a beaucoup parlé de la Turquie mais prenons par exemple l'Amérique latine. Il aurait fallu que d'un coup de baguette magique les gens perdent leurs croyances. Mais c'est quelque chose d'impensable. Et puis le religieux a quelque chose de stabilisateur, c'est une architecture de la population. Lors du débat sur la Constitution Européenne, nous avons assisté au duel entre les tenants de l'inscription d'une référence à Dieu ou tout du moins à une culture religieuse commune, et d'autres qui ne voulaient pas. Et c'est tout de même important les valeurs que l'on inscrit dans une constitution.

24 - Une simple remarque : je ne pense pas que l'on soit obligé de faire appel à une religion pour avoir des valeurs. Je crois que les références religieuses n'ont rien à faire dans la Constitution Européenne. Dans ce cas, on pourrait très bien rappeler l'influence des Wisigoths, des Romains, etc.

25 - Je vais répondre un peu sur l'école et l'enseignement des religions. Si vous retourniez à l'école aujourd'hui, vous seriez heureux parce que l'histoire des religions est vraiment au programme, contrairement à ce que l'on peut entendre. Dès la 6ème on voit toutes les religions. On voit simplement pas cela sous la forme d'un catéchèse. Il ne faut pas confondre une aumônerie, qui est fait pour répondre les principes d'un livre sacré, et l'enseignement des religions à l'école. On étudie le christianisme, le judaïsme, l'islam, les lieux de prière, les préceptes des églises. Ensuite on dit souvent que les enfants ne connaissent rien en religion, mais je pense plutôt qu'on leur en parle assez souvent mais que ce n'est pas quelque chose qu'ils retiennent. Juste une précision : l'athéisme est très peu évoqué dans cet enseignement. Le fait que l'on puisse ne pas croire en un Dieu, on n'en parle pas beaucoup par contre, si ce n'est lorsque l'on aborde les philosophes. En éducation religieuse, et même en éducation civique, on parle des religions. C'est tout de même différent de l'enseignement que j'ai reçu étant jeune où l'enseignement catholique primait. La laïcité s'est étendue dans tous les lycées et son but c'est d'expliquer pourquoi untel fait le Ramadan, pourquoi untel porte la kippa. Je trouve que l'on a beaucoup progressé dans ce domaine. Je peux même dire que l'on n'a jamais fait autant d'histoire des religions à l'école, publique ou privée.

26 - Je confirme ce que vous dites. J'ai même fait des piqûres de rappel quand j'enseignais à l'Université. Et j'ai fait en sorte que toutes les religions soient connues, tout du moins leurs piliers. Je voudrais faire une petite remarque anecdotique. Quelques personnes sont en vacances à l'occasion de La Toussaint. Notre calendrier est tout de même marqué par les fêtes religieuses. Peut-être qu'il faut simplement y voir un rappel des anciennes fêtes païennes comme les équinoxes mais il n'empêche qu'une grande partie de notre calendrier est marqué par les fêtes religieuses. On peut peut-être penser qu'il y a là influence de l'institution Église sur la société civile.

27 - Si l'on enseigne aujourd'hui un peu d'histoire des religions, si l'on veut approcher les religions, il ne s'agit pas de faire un catalogue, de dire comment fonctionnent les religions. Il me semble plus intéressant de se pencher sur le fait religieux. Ma mère m'a dit, lorsque je lui ai parlé de mon intérêt pour les religions, ne commence pas par les lire, commence par aller voir quelqu'un qui peut t'éclairer sur le fait religieux. Elle m'a conseillé un livre que je vous conseille par ailleurs, celui de Mircéa Eliade, Le Sacré et le Profane. C'est une espèce d'introduction à l'appréhension des religions. Je peux maintenant aller à la rencontre de toutes les religions, j'ai quelque chose en plus. Je trouve que l'on a encore dans notre société des résonances du temps où la société civile était sous influence de la religion. Les États-Unis ont des élections qui aujourd'hui proposent deux candidats qui ont une approche différentes de la religion. Et parce ce que nous sommes dans une société mondiale, il y a également des répercutions de cette élection dans les autres pays du monde. Ce que l'on voit aujourd'hui dans les médias est largement issu de l'actualité internationale. Nous sommes influencés par d'autres pays. Même si dans ses propres institutions la société française n'a quasiment pas de relation avec les institutions religieuses, nous sommes influencés par ce qui se passe à l'extérieur de notre pays.

28 - Beaucoup de choses ont été dites. Moi je retiens les deux aspects : l'aspect social de la religion et l'aspect individuel. L'aspect social a été évoqué avec le véritable sens de la laïcité, à savoir la non interférence des affaires d'une institution qu'est l'Église avec les affaires civiles. C'est le propre de la laïcité. Ceci dit il y a toujours des interférences entre la culture catholique et la société civile ne serait-ce que par le truchement des fêtes religieuses. Encore qu'à la période révolutionnaire on ai voulu changer la semaine en décade, substituer des fêtes naturelles aux fêtes catholiques. On fêtait l'Orchidée, le Chêne, etc. Ça n'a pas marché longtemps parce que finalement on s'est rendu compte que ces rythmes de la semaine de 7 jours étaient eux-mêmes empreints à des rythmes naturels beaucoup plus anciens. Et que finalement la religion catholique elle-même s'est appuyée sur des fondements. C'est pourquoi il n'y a pas forcément de mal à ne pas citer les valeurs chrétiennes comme fondatrices de l'Europe. L'Europe a été fondé sur tout un ensemble de mouvements philosophiques, de pensées, de culture, qui remontent aussi bien avant la religion chrétienne, du moins celle qui s'est détachée au Vème siècle après Jésus Christ. D'un point de vue individuel, ce qui me semble le plus intéressant c'est par exemple ce qu'il se passe dans la tête des électeurs. Là, l'influence de la culture personnelle et des religions est très présente encore. Parce que l'on a une culture imprégnée de symboles, pas uniquement chrétiens d'ailleurs. L'Église catholique notamment reproduit aussi des schémas et une vision du monde qui se résume à une dialogique assez simple : est-ce qu'il y a avant tout le réel ou avant tout l'idée ? C'est là que le débat est intéressant à mon avis. Quand on considère qu'il y a un religieux, par exemple selon Platon, chez lequel il y a une logique des nombres. Dans l'Univers qui nous entoure il y a des choses à décoder. C'est à dire qu'il y a une organisation naturelle de la société qui découle naturellement d'une vision éthique de la société. Si on a à trouver ces choses, alors le destin humain est présidé par une volonté initiale, une création, un ordre logique, qu'on l'appelle divin, mathématique ou quoi que ce soit. L'idée préexiste à la réalité ici. Ou alors intimement on est persuadé que l'Homme s'accomplit et se réalise en même temps qu'il se pense, auquel cas rien ne préexiste. On peut donc être amené à se demander si le XXIème siècle, avant de se poser la question s'il sera religieux ou pas, se demander s'il sera ou pas. Aujourd'hui on fait n'importe quoi avec nos modèles sociaux, tout ça parce que l'on considère instinctivement ou autrement que quoiqu'il arrive l'Homme s'en sortira toujours. Puisque quelque chose préexiste. Alors que si on imagine que c'est de notre responsabilité, que c'est nous qui faisons l'histoire de l'aventure humaine, alors on se place dans la problématique suivante : peut-être que si on agit mal tout cela va finir un jour. Je pense qu'il est important de se poser la question religieuse d'un point de vue personnel : savoir si on croit que l'idée préexiste à la réalité ou alors si on pense être dans un monde que l'on construit nous même. On est alors dans le deuxième dans une société du réel qui s'impose y compris aux idées. Et là c'est l'action qui décide de l'avenir de l'Homme.

29 - Juste une petite précision sur les deux candidats à la Maison Blanche. Kerry n'est pas moins religieux que Bush. Il est tout simplement catholique, ce qui en ce moment aux États-Unis n'est pas très bon pour apporter des voix.

30 - Il me semble que le principe religieux sur la société est un principe unificateur. Les religions monothéistes sont des religions qui laissent prédominer la réponse à la question. Cela a des avantages bien sûr. Le principe laïc, lui, fait prédominer la question sur la réponse. Cela me semble beaucoup plus exigeant. Les trois grandes religions du Livre proposent des réponses aux angoisses métaphysiques, à la finitude de l'être, à ce qui se passe après la mort. Ces réponses sont confortables parce qu'elle évite de tomber dans une angoisse métaphysique tout à fait insupportable si vraiment on avance un peu profondément. Cependant, il peut s'agir d'un choix. Si on choisi l'angoisse, si on choisi de laisser prédominer la question sur la réponse, alors là, plus rien n'est acquis. Tout est à construire, tout est à penser. Et cela peut aussi créer des principes unificateurs. Il suffit que l'on soit 2,3 ou 4 à être dans une même question métaphysique et d'un coup on peut se réunir pour se poser ensemble des questions. Je ne crois pas qu'il faille forcément mettre la religion et la cité dos à dos. Les principes religieux sont unificateurs et sont source également de paix sociale. Les questionnements laïcs sont source pour l'individu de recherche, d'accomplissement et d'élévation de conscience. Tout cela n'est pas forcément à opposer. Lorsque l'on parle d'influence, je pense qu'il faut simplement considérer le prosélytisme de la réponse, l'influence des réponses sur les questions posées, lorsque la réponse désire s'imposer au détriment de ceux qui cherchent. Le prosélytisme, quel qu'il soit, est dangereux pour les consciences collectives et individuelles. Mais en aucun cas il faut fustiger le lien à Dieu et les croyants. Dans toutes les sociétés qui ont voulu totalement abolir les principes religieux et chrétiens, que ce soit la Révolution Française, le nazisme, le communisme, il se recréent d'autres formes de cultes, de religion, de lien à un être supérieur qui pouvait être le Führer, etc. Donc, le principe même de lien à quelque chose de transcendant persiste. Je pense qu'il faut savoir raison garder par rapport à la religion parce que finalement en tant que réponse pour les gens qui en ont finalement besoin. On ne peut pas obliger tout le monde à s'essayer à l'exercice de la conscience, de la recherche métaphysique, etc. Pour moi, je pense que c'est utile que des réponses puissent nous conforter mais il faut également que s'expriment les questions. Les deux principes sont utiles et unificateurs pour notre société.

31 - La valeur « Tolérance », les laïcs essaient de l'appliquer. D'où vient-elle ? Des valeurs du partage. D'où vient le partage ? De l'amour ! Et ces notions d'humilité, de repentance ont été fondées dans le passé et transmises tout au long des siècles. Et il faut les préserver à mon sens. Car elles me conviennent.

32 - Ce qui m'inquiète, c'est finalement la façon dont on transmet notre Histoire. C'est vrai que notre société a fait un fiasco sur la vie du couple, etc. On remet en cause beaucoup de choses. Tout un système bascule parce que l'on n'a pas été capable de réussir. On ne fait que des tentatives, des essais, on réessaie, etc. Et ça je ne sais pas si c'est bon cette façon d'avancer. Par rapport à la télévision, je ne sais pas si elle joue un rôle citoyen. Je suis effaré par ce monde de l'argent. On ne sent plus rien quelque part. Il y a un endroit où cette Histoire est moins remise en cause c'est chez les peuples primitifs. On les recherche maintenant. Et je suis pour.

33 - Je voudrais revenir sur la notion de Tolérance. J'ai passé une grande partie de mon enfance et de mon adolescence chez les frères des écoles chrétiennes et dans un collège catholique en Bretagne. La religion j'en ai mangé. Je n'ai jamais trouvé la Tolérance dans aucune religion quelle qu'elle soit. L'église catholique est dominante en France. Mais il faut voir par quels moyens elle s'est maintenue. Elle a toujours été l'alliée du pouvoir temporel. Elle a lutté contre tous les schismes, toutes les déviations. N'oublions pas la répression des Cathares. N'oublions pas Saint Dominique qui disait : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». Je ne vois pas ici où se trouve la Tolérance dans le religion.

34 - La façon dont on a posé la question est à mon avis représentatif de la façon dont on voit la religion aujourd'hui. On a formulé : « La religion influence-t-elle encore la société civile ? ». Le encore est important. Parce que l'Église, cela a été rappelé, avait beaucoup d'influence avant la séparation des Églises et de l'État. On considérait donc que la religion était par le biais de pouvoir religieux influençait la société dans son ensemble. Je pense qu'avec la laïcité, en tout cas en France, il y a eu un décalage entre les Églises et la vie même en société. Ceci dit on pourrait se poser la question différemment : est-ce que nous-mêmes en tant que citoyen, peut-être, on l'a dit auparavant, en s'attachant plus aux questions qu'au réponses, et en prenant une part de responsabilité, non en se fiant à des réponses ou à des dogmes préétablis, est-ce que le citoyen de demain donc, par la redécouverte de sa responsabilité, ne pourrait pas retransmettre un fait religieux à la société ? L'avenir appartiendra peut-être à ceux qui auront une responsabilité un peu plus importante, aux vues des incertitudes qui nous guettent. Est-ce que l'individu, par la redécouverte de sa responsabilité, peut être capable de retransmettre une foi ?

35 - Les rapports qu'entretiennent aujourd'hui l'Église et l'État laïc devaient se faire parce qu'il y a eu méfiance à l'égard des hommes d'Église. Ce ne sont que des hommes finalement. De cette méfiance est venu le désir d'émancipation. On a foutu l'Église à la porte et on s'est approprié ses valeurs, parce qu'elles sont universelles. Donc la séparation entre l'Église et l'État c'est vis-à-vis des hommes d'influence, non pas de ses valeurs.

36 - L'intervention n°34 parlait non pas de religion mais de religieux. En retrouvant sa propre responsabilité, en s'y confrontant, on se confronte à nos propres valeurs, et finir par comprendre et même croire en ses valeurs. Cela s'apparente beaucoup plus à de la foi. Si la religion influence peu en France le fonctionnement de notre société, le religieux est pourtant présent partout. Le religieux est présent dans le rapport au pouvoir, à l'autorité, à l'art, à l'amour. Tous ses symboles d'unification sont même repris, et ceux qui les reprennent le mieux ce sont les publicitaires. La publicité travaille énormément sur tous ses symboles. Parce que leur but est de les utiliser pour nous faire acheter. Ce sont donc des gens qui connaissent bien le fonctionnement du religieux. En ce sens, le religieux a énormément de poids.

37 - Pour en revenir au thème initial, finalement, si le gouvernement veut supprimer le lundi de Pentecôte, c'est une bonne chose alors ?

38 - Moi, je voulais un peu prendre la parole pour essayer de redonner une définition de la laïcité. Quelques esquisses ont été abordées. Il faut se rappeler que cette notion de laïcité est apparue avec la séparation de l'État et de l'Église, en l'occurrence de l'Église catholique, moins de l'Église chrétienne. La laïcité permet à tous l'accès à l'école gratuite et obligatoire. Mais comme toute institution humaine, elle a malheureusement des limites. Il y a aussi une certaine négation du fait culturel. Elle n'a pas voulu voir les élèves qu'elle accueillait dans leur individualité mais dans leur collectivité. Cette conception est aussi liée au fait qu'en France il y a une sorte d'inconscient collectif qui fait que l'on a un rapport à la religion assez douloureux. Pensons aux croisades, à la colonisation, et on a peut-être un peu envie de s'éloigner de cette vision du religieux. Pour se dire que finalement on peut très bien se débrouiller sans religieux. Mais ne nie-t-on pas également l'épanouissement individuel et ne favorise-t-on pas un formatage de la pensée par une pensée laïque ? Finalement, l'État républicain n'est-il pas perçu comme une sorte de religion à défaut de religion chrétienne, musulmane ou juive, ou autre ?

39 - Cela fait déjà quelques années que je suis ici, à Caen, à peu près 15 ans. J'ai fait une espèce d'enquête sociologique qui m'a fait comprendre pas mal de choses. Des gens me voyait lire par exemple. Je lisais des bouquins sur la spiritualité, le religieux, etc. Les gens me disait : « Alors tu es croyant toi ? ». Je leur répondais ceci : « Ce n'est pas parce que je lis un bouquin sur la religion que je suis forcément croyant. Je peux et très bien m'informer ». Et je lui dis : « et toi ? ». Ce qui m'a frappé c'est la majorité des réponses, et c'est typique je le constate tout les jours, parce que je continue cette enquête encore actuellement, en particulier dans le monde étudiant, c'est qu'il y a de plus en plus de gens qui disent : « je suis athée ». En fait cette notion d'athéisme recouvre des choses extrêmement complexes. Il y a des « Oh, je crois qu'il y a quelque chose mais je ne sais pas quoi exactement ». En fait je crois que c'est plutôt un athéisme réactionnel. On se pose la question si la religion influence encore la société civile. On peut aussi se pose la question si la société civile influence la religion. Il y a toute une dialectique qui s'est instaurée. Et justement cette richesse de la laïcité c'est d'avoir libéré l'esprit pour faire une enquête spirituelle authentique. Je crois que c'est une richesse formidable. C'est vrai qu'il s'est passé historiquement un phénomène, tout de même récent! Il faut dire que c'est depuis le baptême de Clovis qu'une religion d'État s'est installée. Mais il y avait des religions avant le christianisme qui avait des relation également entre le comportement collectif et des structures qui n'était pas encore étatique à ce moment là. Quand on regarde d'autres sociétés, on le voit également en Grèce, il y avait toujours des rituels religieux et il y avait un consensus social collectif qui fait que les gens pouvait vivre en harmonie avec des points de vue absolument différents. En Grèce il y avait des athées radicaux qui ont été entendus, des croyants convaincus. Et puis progressivement je crois qu'il y a une conscience collective qui fait que je crois que l'on es à un stade d'un point de vue collectif humain, en particulier avec le mondialisme, où il y a, bon certains parlent de choc des civilisations, une découverte d'autres démarches qui font que l'on reste beaucoup plus modérés sur sa démarche propre. Et que l'on apprend d'avantage si l'on veut bien écouter. Je crois que c'est une phase aujourd'hui extrêmement positive.

Animateur - Il y a deux axes également que nous pouvons aborder. La question du terme « religion ». D'après quelques interventions, il apparaît qu'il y a la croyance, la foi, d'une personne, quelque chose de difficilement exprimable et communicable. Le religion serait un phénomène socioculturel, une sorte d'interconnexion de tous ces croyants qui s'imaginent pour certains groupes dogmatiques croire en la même chose. Dans les dogmes il y a les rites, les pratiques, intemporels, les lieux ce culte, les pratiques familiales, les jours de l'année que l'on fête. Le fait de nier l'influence de la religion dans la société civile, c'est quelque part nier une part de liberté de chacun.

40 - Concernant le lundi de Pentecôte, là où il y a le plus de peinés, ce n'est pas forcément dans le monde des croyants, c'est dans le monde ouvrier, des travailleurs, ceux qui disait que l'on est en train d'aménager quelque chose pour nous retirer des jours de libres. Sinon, tout à l'heure on parlait de cette laïcité qui serait devenue un tel dogme que l'on se refuserait d'aménager des choses dessus, d'essayer d'y réfléchir, de lui donner plus de volume, plus de cohérence. C'est peut-être ce que l'on peut appeler du laïcisme. Lorsque la laïcité n'est plus inclusive, lorsqu'elle ne permet plus à chacun de pratiquer sa religion, ses croyances, lorsqu'elle devient exclusive, lorsqu'elle pointe du doigt ceux qui pratiquent, cela peut devenir dangereux. Mais on est sur le fil du rasoir. Intéressons-nous aux signes extérieurs d'appartenance religieuse : ou fixons-nous la limite d'une laïcité bien comprise qui permet à chacun de travailler sa foi dans sa sphère privée ? Parce que cela peut commencer à « attaquer » la société civile. Pour moi la question ce n'est pas « est-ce que la religion influence la société civile ? » mais « est-ce que demain la société civile sera encore libre ? ».

41 - Vous avez peut-être raison de penser cela. C'est peut-être pour cela qu'aujourd'hui on en parle. C'est peut-être effectivement ce genre de crainte. Mais à l'inverse il y a aussi des pesanteurs de traditions. Si la laïcité consiste à dire qu'il n'y a plus aucune interférence légale entre les institutions religieuses et civiles, il n'en reste pas moins vrai que les traditions continuent à peser. La République qui a été tenté d'être instituée en 1792, 100 ans après elle n'était pas encore affermie. Beaucoup de choses mettent du temps. Et puis il y également beaucoup d'interférence dans les esprits. Il y a un mélange entre nos craintes, ce que l'on voit, ce que l'on imagine. On a tendance à penser que l'école laïque existe en France depuis Jules Ferry. En fait elle existait aussi Louis Philippe, pas dans les mêmes structures que celles d'aujourd'hui. Napoléon III a aussi obligé les écoles a créer des écoles pour les filles. Mais c'est exact qu'il a fallu attendre Jules Ferry pour que ce soit obligatoire. L'une des traditions qui fait que l'Église continue à peut-être peser, même si ce n'est plus légalement, c'est que l'on oublie que jusqu'à sous la Révolution, et encore longtemps après, les Églises avait, en échange de son privilège d'exonération de taxes, l'obligation de l'enseignement. De la manière que la noblesse avait l'obligation de défendre le paix. C'était seulement dans les institutions religieuses que l'on avait une chance d'apprendre quelque chose. L'État ne s'en occupait pas. Pas plus la royauté que les premiers États civils. On peut aussi s'étonner sur le fait qu'aujourd'hui un évêque, qui est normalement nommé par le pape, en tout cas au sein de l'Église, est également nommé avec la concertation du pouvoir civil. De façon officieuse mais c'est comme ça. On pourrait trouver d'autres exemples de postes. Là encore c'est un mélange entre des habitudes. Pour terminer sur l'ambiguïté actuelle sur la Constitution Européenne, enfin ce que l'on nomme de la sorte, et c'est vrai que certains souhaitaient que le mot chrétien apparaisse dans le texte, le préambule qui fait référence à une histoire commune, on y évoque l'humanisme désormais. En fait le fait que l'on dise que l'on est issu d'une histoire chrétienne, ce n'est pas si embêtant puisque l'article 10-3 de la Constitution stipule bien que chacun doit pouvoir exprimer et vivre sa religion partout en sans contrainte. Mais il est vrai que d'autres pays, autre que la France, ont beaucoup plus insisté pour que l'on inclue presque le fait que ce soit un dogme chrétien le fait d'être européen. La Constitution pour ces gens là devant ce calqué sur le dogme chrétien. Et cela a quand même été éliminé. Même si pour certains il faut encore avoir des craintes. Et après tout, cette crainte ne provient-elle pas de pays sous dominance islamistes ?

42 - Je voudrais revenir sur l'histoire du lundi de Pentecôte. Selon moi, la Pentecôte ce n'est pas le dimanche, c'est forcément le lundi. Cela provient du mot grec pentèkostè qui signifie cinquantième, sous-entendu cinquantième jour après Pâques. Alors cette histoire du lundi de Pentecôte il y a quelque chose qui cloche! Ensuite, juste un souhait : pour éviter l'influence de la religion sur le civil, je souhaiterai que notre président de la République aille à la messe discrètement, dans une chapelle retirée, et non pas sous l'œil de 15 ou 20 caméras.

43 - Je voulais juste rappeler que la séparation de l'Église et de l'État avait eu lieu en 1905. Si on replace cela dans un contexte historique, en France, en 1905, il y avait 95% de catholiques. Tout du moins, la religion catholique était prépondérante. Actuellement, nous avons affaire à une France multiculturelle, que l'on veuille se l'avouer ou non, même si aujourd'hui le débat n'est pas très représentatif. Je pense que le religieux va influencer la religion civile parce qu'on a des juifs, des musulmans, des bouddhistes, il faut en prendre conscience. Il va falloir faire avec. Je pense que l'école, dans la façon dont on l'a institué, c'est une école laïque. On dit que la laïcité c'est finalement mettre un peu la religion à la porte. Mais je pense que la laïcité c'est avant tout une vision démocratique. C'est un espace public qui est fait pour échanger. Moi, je ne vois pas du tout en quoi cela pourrait gêner qu'une fille qui porte un foulard, ou qu'un jeune homme qui porte une kippa soient scolarisés dans une école publique et laïque. Je pense que l'école laïque, elle est là pour faire rôle d'échanges et de savoirs. Elle est là pour apprendre sur l'autre. Et pour que l'on fasse tomber nos préjugés. L'école est faite pour apprendre et pour devenir citoyen. Je crois que c'est cette notion de citoyenneté qu'il faut mettre en avant à l'école et non pas la religiosité.

44 - Oui d'abord, ce n'est pas le président de la République qui va à la messe le dimanche, c'est Jacques Chirac. Il a le droit en effet comme tout le monde d'exercer un culte, d'avoir les pratiques intimes qu'il souhaite. Cela n'a rien de choquant. Plus que de s'interroger sur la laïcité, parce qu'à part deux visions de la laïcité différentes que l'on voit bien en la France on n'est bien d'accord sur ce qu'est la laïcité, ce qui est intéressant c'est de voir d'où cela vient cet esprit français. Je pense que dans l'Histoire on peut trouver des racines à la laïcité. La France a été une grande puissance à partir du moment où elle a su combattre l'Italie. L'Italie a été le phare de l'Europe pendant la Renaissance. C'était le pays du pape. C'était le berceau de la renaissance de l'humanisme. Et puis en France on a vu pendant un certain temps régner un certain Mazarini, un sicilien. Et suite à Mazarin, il y a eu une fronde anti-italienne qui a affirmé le pouvoir français comme pouvoir autonome. A tel point que lorsque Lulli, un musicien italien vient en France parce qu'il n'y avait que l'Italie qui savait faire de la musique encore à l'époque, il se sent obligé de franciser son nom en mettant un y, à cause de la mode anti-Italie. Plus tard, on va plutôt se diriger vers l'anti-Allemagne au moment où la puissance allemande va aussi commencer à émerger avec les philosophes et les musiciens allemands. Il y a une période centrale où la France a pris le relais. Elle est devenue comme un phare européen. A mon avis, ce besoin de laïcité prend ses racines également dans cette haine anti-Italie. Parce que, qu'on le veuille ou non, même si on parle de la séparation des Églises et de l'État, c'est quand même bien une église en particulier que l'on vise avec la loi. Tout comme récemment avec une certaine loi, on vise en particulier quand même une certaine religion. A l'époque, on vise quand même l'influence d'une Église, d'un pouvoir, situé à Rome. Et voilà tout ce que cela peut engendrer comme complication diplomatique. Maintenant, en dehors du contexte purement national, est-ce que la religion influence la société ? J'ai envie de dire qu'actuellement, mine de rien, entre autre influences, parce qu'il ne s'agit pas de donner une seule cause aux problèmes que l'on peut avoir, si le prix de l'essence monte, c'est quand même en partie lié à ce qui se passe dans la guerre du Golfe, en partie lié à l'engagement américain, en partie lié au fait que des islamistes aient torpiller les tours de Manhattan. Donc, même à un niveau n, on peut voir, par cet exemple seulement, que la religion en tant qu'institution, les Églises, ont suffisamment encore dans le monde d'empreinte et d'influence, ont un certain nombre d'actions, de discours, qui, même si on se barricade derrière toutes les lois de laïcité que l'on veut, vont faire que dans notre pays les religions auront un impact, qu'on le veuille ou non. On a parlé de l'empreinte sur les individus, mais voyons au delà des individus. Dans le cadre institutionnel lui-même, on va être amené à prendre des décisions politiques, liées à la hausse des carburants, parce qu'à la base, il y a entre autres un problème lié à une religion.

45 - Je ne vais pas intervenir très longtemps, mais je voudrais faire remarquer que ce que madame a dit tout à l'heure me paraît intéressant. Il y a 15 ou 20 ans, j'étais déjà dans l'enseignement, j'avais reçu une éducation catholique chrétienne, le problème de la laïcité ne se posait absolument pas. On allait à l'église, on n'y allait pas, c'était pas un problème. Il faut quand même admettre que la religion musulmane est quand même la deuxième religion de notre pays et que nous nous interrogeons sur cette montée d'une nouvelle religion qui n'est plus la notre et qui présente quand même un certain prosélytisme dans d'autres pays, qu'il est possible que nous réagissions un peu fortement à cet aspect là d'importance de la religion.

46 - Je crois qu'avant l'arrivée des religions nouvelles, l'islam, le bouddhisme, etc., avant, nous étions dans un équilibre statique, on pratiquait, on ne pratiquait pas, aucun problème. Aujourd'hui nous sommes dans un équilibre dynamique. La religion catholique qui était dans ses pantoufles, maintenant se croit obligé, par la pression des religions nouvelles, d'exercer aussi une pression. C'est ça l'équilibre dynamique, tout le monde pousse mais rien ne bouge vraiment. Il faudra bien que l'on prenne en compte demain toutes les religions, même celles qui sont censées se réveiller. J'ai entendu aux informations qu'il y avait eu un grand rassemblement exceptionnel à Paris pour la Toussaint. Exceptionnel par rapport aux années précédentes. Pour en revenir à cette liberté des religions, le ministre turc, lors de sa visite à Paris, sa venue était pour parler de l'intégration de la Turquie dans l'Europe, disait que sa fille était obligé d'aller étudier aux États-Unis parce qu'en France elle ne peut pas porter le foulard. Il faisait appel à la tolérance, etc.

47 - Évidemment lorsque l'on parle de religion, vient toujours à l'esprit cette crainte de vouloir imposer une vision du monde, de manière coercitive, brutale, etc. Mais d'un autre côté la société civile, enfin son État, défend également des valeurs avec une certaine énergie. Référons-nous à notre hymne national : « aux armes citoyens, etc. ». Je crois qu'il y a une volonté assez brutale là dedans. Au nom de la fraternité, on peut être aussi pratiquement intolérant. A travers le rapport qu'il y a entre la ou les religions, il y a tout une dynamique qui s'instaure, qui pourrait amener, progressivement, à une compréhension mutuelle, à une réelle fraternité, après tout, c'est un de nos slogans nationaux. Je pense à des rencontres qui se font aussi bien en Israël le fameux curé de Nazareth qui a emmené des Palestiniens et des Israéliens jusqu'à Auschwitz, je pense à une communauté qui s'appelle « Sans les Idiots » qui se rassemble dans un dialogue religieux, qui vivent en paix dans la société civile, et qui favorisent la paix dans la société civile ! Je crois qu'il y a un sacré ressentiment à cause d'une emprise extrêmement puissante d'une religion dans notre pays, mais il ne faut pas tout juger à l'aune de ce que nous avons vécu dans un passé relativement récent et au regard de l'Histoire tout de même assez bref.

48 - Je vais juste revenir sur l'idée de la présence ou pas du voile ou de la kippa. Ce qui me gêne.. J'ai l'impression que des religions sont en train de reprendre du terrain, de revenir dans les lieux publics. Monsieur tout à l'heure disait, il y a quelques dizaines d'années « il y avait une croix dans l'entreprise ». On a été choqué. Je crois que l'on peut également être choqué de voir une kippa ou un foulard dans un établissement public, que ce soit une école ou un hôpital. Ce n'est pas anodin. On dit toujours qu'elle ont été exclues parce qu'elles portaient le voile. Si on regarde pour certaines filles pourquoi elles ont été exclues, c'est parce qu'elles n'ont pas respectées des préceptes, en l'occurrence l'assiduité à certains cours. Souvent, c'est la SVT, c'est-à-dire les sciences naturelles parce que tout ce qui touche au corps ou théorie de Darwin ça les gêne, et les cours de sport. Moi, cela me gêne. J'ai quelques fois l'impression que la religion est en train de revenir dans la société civile. On ne voudrait plus voir de croix catholique dans les classes, et on accepterait ces signes de kippa, de foulard, etc. Je précise aussi que certains élèves juifs demandent à ce que tous les cours, ou toute activité publique, s'arrêtent à 17h30 parce qu'ils veulent être à 18h00 chez eux lorsque commence le shabbat. On a vraiment l'impression que la religion revient dans le domaine de la société civile. Et on nous dit « acceptez-le ». Moi je crois que l'on pourrait être choqué de cette intervention qu'on nous impose finalement. Alors ce n'est pas faire preuve d'intolérance, au contraire. Je suis d'accord également que cela fait un siècle seulement que la loi de séparation des Églises et de l'État a eu lieu, cela est très récent. On est dans un pays encore très chrétien, je voudrais bien connaître dans 50 ans ce que la nouvelle génération, qui n'aura pas eu le même enseignement religieux que nous, va assimiler la société et ce qu'elle va garder de la religion. Est-ce qu'elle va adopter des valeurs comme l'amour, la tolérance, des valeurs tout de même attribuées à des valeurs religieuses, on a quand même été imprégné par cela, mais peut-être que la nouvelle génération n'attribuera pas du tout ces valeurs à des valeurs chrétiennes ou d'autres religions.

49 - Oui moi je suis d'accord avec madame, je crois qu'il y a un renouveau de la religion qui est très fort en Occident. Qui s'explique, de manière un peu traditionnelle, par la faillite de la science comme volonté de résoudre tous les problèmes humains, par l'absence de valeurs collectives autre que l'individualisme galopant et une spiritualité proche de l'encéphalogramme plat lorsque l'on parle de consommation. Rien d'étonnant à ce que des valeurs anciennes, religieuses et spirituelles, également la montée de certains groupes sectaires, etc., qui se rassemblent pour retrouver une certaine spiritualité, rien d'étonnant à ce que la religion fasse un retour en force. Je n'ai pas l'habitude de citer des ouvrages mais je pense qu'il y en a un vraiment dans le débat de ce soir c'est « La revanche de dieu » de Gilles Kepel. Je vous invite éventuellement à le lire. Je crois que le gros problème de l'Occident c'est la faillite de valeurs, d'une certaine forme de conscience collective, au profit d'un individualisme galopant et d'une compétition qui anéantit toute forme de cohésion du groupe. Les gens ont besoin traditionnellement de se retrouver dans des lieux calmes, reposants, où l'on peut en paix, réfléchir, se poser des questions, voire avoir des réponses. Rien de tel qu'une mosquée, qu'une église, pour ce genre de lieu. Il ne faut pas fustiger le retour des religions, mais plutôt se poser les questions : « pourquoi nous sommes en faillite ? » et « pourquoi les préceptes anciens que l'on avait cru moribonds reviennent en force ? ». Je pense que c'est intéressant de se reposer des questions sur les valeurs de notre société qui font que l'on arrive à une telle faillite que finalement on a besoin de la religion pour apporter des réponses.

50 - Je pense qu'il y a certains aspects politiques dans le retour du religieux. Je suis pour la loi sur le voile, même en la trouvant compliquée. La séparation de l'Église et de l'État, c'est finalement du positivisme. La génération des juifs à cette époque étaient eux-mêmes dans un processus de laïcisation. Il y avait chez les juifs un phénomène anti-rabbin comme pour nous il y avait un anti-curé. Et c'est ce mouvement là qui a porté la séparation des Églises et de l'État. Maintenant, pourquoi des juifs demandent à faire shabbat malheureusement peut-être beaucoup plus qu'il n'y a quelques années ? On ne peut pas exclure l'influence du conflit israélo-arabe dans la société française. Et donc c'est vrai que se posent aujourd'hui des problèmes qui ne se posaient peut-être pas il y a dix ans.

Animateur - En regardant l'heure je m'aperçois de l'heure tardive. 5 heures moins 5. Je vais prendre les dernières interventions et ensuite je vais clore le débat.

51 - On parlait d'individualisme tout à l'heure. L'individu a été mis au centre de la société et ceci en grande partie contre certaines religions qui refusaient l'individu au centre de la société, l'homme au centre de tout. Moi, je ne trouve pas cela gênant que l'homme soit au centre de tout. Ce qui est gênant c'est l'individualisme aveugle, c'est que l'homme étant au centre pense qu'il maîtrise le reste. C'est pas parce que l'on est le centre qu'on est le plus fort, que l'on doit détruire ce qu'il y a à côté. Je pense qu'aujourd'hui il faut réapprendre aux gens à être de vrais individualistes. Y a cet espèce de chose « moi, je pense ce que je veux, je fais ce que je veux! ». Ça c'est pas de l'individualisme, c'est de la stupidité. Tout à l'heure quelqu'un a dit que les États-Unis avait attaqué au Moyen-Orient parce qu'on les avait attaqué. Ça c'est ce qu'il nous ont dit. Parce que parallèlement une attaque de la part des États-Unis était déjà prévue bien avant le 11 septembre 2001. C'est d'ailleurs pour cela qu'il ont pu réagir aussi vite. Tout cela pour dire qu'il n'y a pas qu'un fanatisme religieux qui influence le monde mais deux, voire plus.

52 - Je m'interroge : à partir de quelle importance une secte devient une religion ?

53 - Juste quelques remarques. Premièrement, en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, il n'y a pas que la religion à mon avis, il y a aussi le partage des eaux du Jourdain. C'est une grave question économique. Deuxièmement, en ce qui concerne les religions. Lorsqu'on qualifie le bouddhisme de religion, je serais plus mesurée dans mes propos. Parce qu'étant baptisée catholique, je suis devenue athée, j'ai fait une recherche philosophique sur le bouddhisme qui m'a bien aidé à sortir d'une très grave dépression nerveuse. Et le bouddhisme m'a tout de même enseigné que la voie du bonheur était le détachement, surtout par rapport au matériel. Dans beaucoup de religions, on nous dit que pour sauver son âme, il faut devenir un martyr, ce qui n'existe pas dans la religion bouddhiste.

54 - Je voulais revenir sur l'idée que le fait que les filles qui sont voilées vont plus loin et ne vont pas au cours de biologie, de sport. Oui, mais cela reste une minorité. Cela va concerner 40 élèves dans toute la France sur 5 millions de musulmans. Je rappelle que les exemples comme ceux-là qui alertent ne sont pas à généraliser. Je veux souligner également que l'État français, s'il prône une certaine cohésion sociale, s'il prône la citoyenneté, finalement il n'a pas les moyens de mettre cela en place. Et que la loi sur les signes distinctif ne facilitait pas de ce point de vue la connaissance du religieux, pas du point de vue des dogmes mais de l'histoire des religions. Tous les élèves doivent avoir un minimum de connaissance fondamentale. Dans la mesure où l'État ne veux plus jouer son rôle d'intervention dans la connaissance du fait religieux, c'est laissé aux individus voire à des groupes communautaires avec le risque d'ériger une religion en idéologie.

Animateur - Beaucoup de mains se lèvent. Je vais vous demander d'être le plus concis possible.

55 - Je rejoins les propos de mademoiselle. Sommes-nous dans une laïcité qui interdit ou qui permet ? Par rapport à l'histoire du voile ou de la croix, quand on parlait de la croix, je pense que l'on parlait de celle qui était au dessus du tableau dans la classe, et que je sache, le voile on ne le pose pas au dessus du tableau. Pour reprendre les propos de Comte-Sponville, c'est l'école qui est laïque et obligatoire, pas les individus. Il faut construire une laïcité de tolérance et pas une laïcité qui tente petit à petit d'éliminer! Parce que les élèves qui vont ne plus s'habituer à voir à l'école des jeunes filles avec un foulard, quand ils vont être dans le rue ils vont être d'autant plus choqués. C'est pas une école qui permet de s'intégrer après dans la vie, c'est une école qui se sépare encore plus et qui n'est pas une représentation de la vie. Dans la laïcité, il y a deux visions qui s'opposent : une qui interdit, une qui essaie d'autoriser. Sur nos visages, on lit plein de choses, nos appartenances, sur nos habits aussi. On ne va pas se débarrasser de tout et porter des masques pour aller à l'école. Encore une fois la personne qui est obligé d'aller à la piscine et qui ne souhaite pas aller à la piscine, eh bien il y a tout un tas d'autres activités sportives. Si jamais il y a une raison médicale qui interdit d'aller à la piscine - dans certains cas on pourrait même assimiler la médecine à une religion du corps - pourquoi une personne qui s'interdit d'aller à la piscine parce qu'elle a un problème au niveau du nez, de l'oreille, et puis une personne qui pour conviction personnelle ne veut pas aller à la piscine! C'est une piste de réflexion, je sais que cela pose problème, mais! Pour relancer vers un débat futur peut-être.

56 - C'est un peu une question de fond sur la position anglaise et la position française. Moi je connais quelqu'un qui va souvent à Londres, il y voit beaucoup de burqa. Je ne suis pas d'accord avec le fait de dire que ces filles qui portent le voile et qui s'imprègnent de principe qui les poussent à ne pas aller en cours de biologie, etc., je ne pense qu'elles soient minoritaires. Je pense que cette loi sur le voile a déjà eu un effet positif puisque les ravisseurs en Irak on dit qu'ils avaient kidnappé des Français à cause de la loi sur le voile. Et que quand même la communauté musulmane de France a été obligé de se positionner. C'est une loi réellement politique qui a des tas d'inconvénients mais bon. Quand il y a 15 ou 20 ans des punks déambulaient avec des croix gammées sur leurs vêtements, on était trop indulgent.

Choix du thème pour le Café Citoyen du Samedi 6 novembre 2004 :

1 - Le conflit israélo-palestinien. 7 voix
2 - Quelles sont les limites de la publicité ? 9 voix
3 - Les signes ostentatoires à l'école 8 voix
4 - Faut-il interdire de fumer dans tous les lieux publics ? 7 voix
5 - L'absentéisme parlementaire donne-t-il une bonne image de la démocratie ? 22 voix
6 - Un revenu minimum citoyen est-il possible ? ? voix
7 - La Constitution Européenne. ? Voix
8 - Le monde entier ne devrait-il pas voter aux élections américaines ? 4 voix
9 - La désobéissance civique est-elle légitime ? 24 voix

Interventions

_avatar_30

Ewrard Robert

mercredi 19 septembre 2012 21:38:05 +00:00

les religions ont rendu les hommes superstitieux et les ont éloigner des véritables règles de vie .

Participer au débat

Les champ marqués d'une * sont obligatoires

Marre de retaper vos coordonnées ? Créez un compte ! Créer un compte permet d'être averti des nouvelles contributions, d'être reconnu et donc de ne pas avoir à taper ses coordonnées pour participer aux débats.

Premier ouvrage des Cafés Citoyens

Où en est l'esprit démocratique aujourd'hui ?

La démocratie, c'est nous !

En savoir plus

Lʼauteur