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Compte-rendu synthétique par Eric MarchandCafé Citoyen de Dieppe (07/04/2007)

Animateur du débat : Michel Juste

» Religion et Spiritualité

Peut-on rire des croyances ?

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Après une rapide présentation des membres du bureau de l’association par le président, Éric Marchand, Michel Juste, l’animateur, présente le sujet. Le Thème du débat est « peut-on rire des croyances ? ».

« En même temps qu’il prenait conscience de sa mortalité, l’homme préhistorique a du découvrir le rire. Ensuite, derrière les phénomènes terrifiants du monde hostile qui l’entourait, il s’est rassuré en y voyant des forces surnaturelles, divines. Les questions existentielles sur l’immortalité de l’âme n’ont pas tardé à le tarauder. Les réponses des religions n’empêchaient qu’à demi ses angoisses, rendues en partie supportables par l’humour et le rire, premiers espaces de liberté conquis par l’homme. Des milliers d’années après, les angoisses ne se sont pas apaisées. Dieu est toujours une réponse pour les uns, une mystification pour les autres… Cela ne devrait pas les empêcher de vivre ensemble… Quoique ! Invoquant un droit « sacré », donc supérieur aux lois humaines, une partie des premiers – intégristes, fondamentalistes ou traditionalistes - veut interdire au second de rire des croyances, croyances que ceux-ci par contre ne cherchent pas à interdire. Couve ainsi le feu d’une situation conflictuelle grave, qui déjà a provoqué d’importantes violences contre les ambassades européennes en terre musulmane.

Plusieurs questions se posent :
- Peut-on bafouer l’égalité républicaine en acceptant qu’une minorité dicte ses lois ?
- Peut-on réduire la liberté d’expression, républicaine, des citoyens par des lois non fondées sur le rationnel, mais établies sur des principes dogmatiques, donc invérifiables ?
- En acceptant de rire de tout et de la notion Dieu en particulier, sans le moindre respect pour l’autre qui fonde sincèrement sa vie sur le divin, ne dérogeons-nous pas au principe de fraternité républicaine ?
- Après cette présentation Michel Juste rappel les principes de discution car le sujet du débat peut-être sensible et lit la charte de la Nouvelle Arcadie.

Nous devons à Michel la première intervention. Pour lui, il y a un lien étroit entre les croyances religieuses et les croyances politiques. En effet, dans ces deux cas, il y a un engagement personnel profond, ce qui explique que l’humour, et essentiellement la moquerie, soit mal pris.

Ensuite, Éric Marchand, évoque une actualité récente (avril 2005) suite à l’émission de Canal plus, « Les Guignols de l’Info », où le Pape Benoît XVI bénissait « Au nom du père, du fils et du Troisième Reich » ; ce qui provoqua l’indignation des évêques qui interpellèrent le CSA. Cette évocation provoque des interventions dans l’assistance : rire ce n’est pas nécessairement se moquer, dans ce sketch on prétend faire rire mais le but semble être de faire du mal. Il y a une différence entre rire pour faire rire, et rire pour se moquer.

Quand l’on voit quelqu’un dans la rue glisser sur une peau de banane, cela fait rire. Le rire existe souvent au dépend de quelqu’un. Il faut accepter de rire de soi, et accepter que l’on rit de soi. Mais au sujet de la religion il faut faire attention, car le sujet est sensible.
Nous somme alors confrontés au problème, y-a-t-il incompatibilité entre le rire et la liberté d’expression ? On est confronté à un sujet dont on ne pourrait rire, la religion prône la tolérance et ne met pas en pratique ses valeurs.

Les religions, ou au moins des représentants de celles-ci sont mis en scène dans des publicités parfois ridicules. L’acceptation du rire est fonction de l’orateur et de son auditoire. Il ne faut pas oublier que la liberté d’expression n’a pas toujours existé, que c’est un droit républicain qu’il a fallu acquérir. Les caricatures de Mahomet ont déclenché des réactions qui ont souvent été un prétexte pour imposer une morale religieuse parfois moyenâgeuse. A l’heure d’Internet, celles-ci ont fait le tour de la terre en deux jours mais la majorité de ceux qui ont manifesté ne les ont jamais vues.

Quelle est la limite lorsque l’on plaisante ? S’il faut s’autocensurer, on risque de ne plus rien dire.
La possibilité de rire est évidente, Coluche disait « on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui ». Il faut noter que le but et le pouvoir des caricatures est de provoquer. Il faut aussi accepter que la liberté d’expression soit réciproque, si l’on accepte la provocation pour s’exprimer il faut également accepter la réponse à cette dernière. Quand, même par le rire, on s’attaque au fait religieux, il faut alors s’attendre à des réactions parfois terribles. On peut et l’on doit au nom de la liberté d’expression rire des croyances, mais dans le respect de l’autre, en essayant de comprendre l’opinion et les réactions de l’autre.

Les caricatures ont toujours existé, elles ont souvent permis de tester le degré de liberté d’un pays, la difficulté est d’ « exporter » ce test dans un autre pays en ne faisant pas partie de sa population. Ayant beaucoup voyagé, j’ai pu me rendre compte que le principe de caricature existe dans une grande majorité de pays. Il a été dit que l’on pouvait rire de tout, il ne faut toutefois pas confondre rire et raillerie, il s’agit alors sous couvert d’humour d’attaques dirigées. Il y a alors dans la raillerie un passage à l’irrationnel qui peut se produire. Il faut considérer la façon de penser et respecter l’interlocuteur quel qu’il soit. Il s’agit de respect. Les caricatures de Mahomet n’étaient pas dirigées contre la religion mais contre ses représentants ou du moins contre ceux qui pensent l’être, l’une des caricatures représentaient Mahomet disant « Il est difficile d’être adoré par des cons ». Il faut aussi se souvenir des réactions de catholiques suite à l’affichage mettant en scène des femmes à la place du Christ et de ses apôtres dans une représentation de la Scène.

La difficulté est de pouvoir lier le respect absolu et la liberté d’expression, de même nos tolérances culturelles sont très différentes, les mondes chrétiens et musulmans ont un niveau de développement très différent.
Dans l’ensemble on rit plutôt des représentants ou de l’organisation d’un culte que du principe de la religion elle-même. Instinctivement nous faisons un blocage sur ce que nous considérons être un sujet grave. Le problème est de savoir si le rire doit être considéré comme anticlérical. Historiquement, dès lors que religion prend de l’importance elle a tendance sous couverts d’extension à quitter la sphère privée et tenter d’ « infiltrer » la sphère publique. Le but des caricatures de Mahomet n’était pas forcément de provoquer mais aussi d’éveiller la population sur le problème de l’extrémisme, extrémisme qui a existé dans toutes les religions y compris la religion catholique.

Le rire est parfois un moyen détourné pour ne pas uniquement faire rire, mais aussi pour provoquer, blesser, et même vendre. Les problèmes sont nombreux, la difficulté est de trouver les limites entre autocensure et liberté d’expression, irrespect et fraternité républicaine. Il faut rappeler que la France est un pays laïc, dans de nombreux pays la religion est inscrite sur le passeport. Les seuls pays laïcs d’Europe sont la France, Le Portugal et la Turquie. Avant les caricatures, il existait les pamphlets … et aussi la Bastille. Les pamphlets avaient pour cible le pouvoir, jamais la religion. Il faut se souvenir à ce propos du lourd passé de tortures, d’emprisonnement et de condamnations émis par le pouvoir religieux. Le procès fait pour la publication des caricatures fait parti d’une logique républicaine mais il ne faut pas oublier que l’on évoque en ce moment le délit de blasphème, peut-on imaginer qu’un jour on nous interdise de discuter sur le principe de rire des croyances sous prétexte de blasphème, et que par la même occasion on interdise ce principe de café citoyen et en fait le principe de liberté d’expression ?
Il y a notion de blasphème, mais n’oublions pas que les premiers textes de la constitution Européennes voulaient faire figurer une notion de religion. Il est rappelé que le café citoyen de Caen a du annuler sa réunion sur le même thème pour cause de menaces.

De nombreuses interventions recoupant ce qui précède ont été émises par les participants, nous les remercions d’avoir enrichi le débat. Il aurait été fastidieux de tout rappeler mot pour mot.

Le débat étant terminé, Michel Juste rappel un des principes du café citoyen, les sujets de débat sont proposés par les participants, le sujet qui obtient le plus de voix est retenu comme thème du prochain débat. La personne dont le sujet est retenu s’engage toute fois à faire une brève présentation du sujet pour l’ouverture de la prochaine réunion.

Choix du thème du Café Citoyen du 05/05/2007 :

1 - Faut-il légiférer sur l’euthanasie ? 9 voix
2 - Les sondages influencent-ils l'opinion publique ? 8 voix
3 - Y-a-t-il une issue à la pauvreté ? 4 voix
4 - Ecologie – Quid de notre aveuglement face à l’apocalypse ? 9 voix
5 - La crise du logement. 11 voix
6 - Y-a-t-il opposition entre capitalisme et culture sociale ? 9 voix

Interventions

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