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Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (28/02/2009)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Économie

Qu'est-ce qui justifie le montant d'un salaire ?

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Animateur - [Rappel des règles de fonctionnement d'un Café Citoyen. Annonce du débat du vendredi 20 mars "Quelle place pour l'hôpital dans notre système de santé ?"] Bonjour, aujourd'hui, nous allons traiter de la problématique suivante : qu'est-ce qui justifie le montant d'un salaire ? Je donne la parole à la personne qui a proposé le thème. C'est vous madame.

1 - Bonjour à tous. Qu'est-ce qui justifie le montant d'un salaire ? Question, ô combien actuelle, le pouvoir d'achat étant au cœur des préoccupations individuelles selon des sondages récents. Et pourtant, c'est aussi une question atemporelle. De tous temps, chacun de nous a en effet pu se poser la question de la valeur de son travail. Ce service, cette tâche que je viens d'accomplir, combien vaut-elle ? Convient vaut-elle à mes yeux ? Combien vaut-elle aux yeux d'autrui ? Et quels sont les coefficients qui peuvent en modifier la valeur ? Est-ce que c'est par exemple la somme des connaissance requise pour cette tâche ? Le nombre d'années d'étude par exemple. Est-ce que c'est la pénibilité physique ? Est-ce que cela va augmenter la valeur de mon travail ? Je pense à des métiers particulièrement difficiles comme les travailleurs des mines autrefois. Est-ce que la difficulté intellectuelle de mon travail va influencer mon salaire ? Un ingénieur par exemple. Est-ce que la pénibilité morale, entre guillemets, j'imagine qu'être enseignant cela ne doit pas être facile tous les jours... Quelles sont les conséquences sur son salaire ? Est-ce que le salaire va être calculé en fonction des bénéfices attendus pour la communauté ? Certaines utilités publiques par exemple. Le bénéfice attendu par un groupe, une société, une entreprise. Je peux aisément imaginer qu'un métier pas forcément très difficile va être bien rémunéré parce que le patron est très content des résultats obtenus. Est-ce que mon salaire va être rémunéré par rapport aux risques que j'encoure pour autrui ? Et les risques que j'ai pu prendre pour moi-même ? Donc il y a plein de coefficients qui peuvent influencer le montant d'un salaire. Mais derrière la valeur de l'acte, la valeur du travail, est-ce qu'il n'y a pas aussi et surtout la valeur de la personne ? Est-ce que ce n'est pas ce que l'on attend en premier lieu, à savoir recevoir une rémunération à la hauteur de ce que l'on vaut ? Voici quelques pistes. Je n'ai pas de réponse à tout ce que j'ai suggéré. Je voulais au moins introduire le sujet par ce moyen-là.

Animateur - Merci pour cette intervention qui a le mérite de poser beaucoup de questions. Toutes ces questions vont nous permettre d'avancer et de tenter de répondre à cette question : Qu'est-ce qui justifie le montant d'un salaire ? Allez-y, n'hésitez pas à prendre la parole. C'est vrai que c'est un thème un peu difficile.

2 - Je ne souhaite pas casser le débat mais j'ai l'impression que vu le déroulement de l'histoire, quand on remonte au plus loin, on se rend compte que c'est un problème quasiment insoluble. J'ai un exemple intéressant, un exemple qui se déroule dans les pays communistes. Je me souviens en Hongrie, à une certaine époque, on voulait absolument que les travailleurs manuels, quel que soit le niveau de qualité requise pour sa tâche soit payé aussi bien qu'un médecin par exemple. Alors, qu'est-ce qui se passait en douce ? Les gens se débrouillaient pour rétribuer d'une façon différente les gens dont ils estimaient la qualité de service. Alors les médecins par exemple, il touchaient l'appoint fixé par le gouvernement, et les gens qui connaissaient la qualité d'un médecin lui donnaient des poules, des produits de la ferme, tout cela en douce. J'ai un autre souvenir de la Suisse où j'ai participé aux vendanges. Tout homme, c'est normal, pour vivre doit travailler. Mais le salaire n'est pas évaluable de manière rigoureusemetn scientifique. J'avais donc travaillé toute une journée, sans demander mon compte. L'ambiance était d'ailleurs très conviviale. A la fin de la journée le patron dit qu'il a encore une vigne quelque part ailleurs, j'aurais besoin de gars pour travailler. Lorsque je suis revenu le lundi suivant, à la fin de la journée, le patron de lui-même, m'a donné une enveloppe supplémentaire estimant qu'il ne m'avait pas assez payé le samedi passé. Il avait observé que j'avais bien travaillé, qui plus est de manière désintéressée, et puis voilà. Il peut y avoir, semble-t-il, et cela devrait être permis par la loi, des correctifs en fonction des relations interpersonnelles que l'on peut avoir entre employeur et employé.

Animateur - Alors, effectivement vous élargissez un peu le débat. Qu'est-ce qu'on attend d'un travail ? On peut se poser cette question-ci ? Et qu'est-ce que l'on est en droit d'attendre de la part de celui pour qui l'on taravaille ? Alors il y a une question que vous posez, vous nous dîtes que c'est un problème quasiment insoluble. Mais quel est donc le problème ?

3 - Toutes les pistes ouvertes par madame sont autant de composantes qui interviennent en fait à l'intérieur d'un cadre défini. On va attendre du salarié une compétence, un savoir-faire, une adhésion à la politique de l'entreprise, les respect des différents objectifs - et dieu sait qu'ils sont nombreux au sein de l'entreprise. Et si j'extrapole, je pense qu'au sein de l'appareil administratif, il peut également en être ainsi. C'est-à-dire qu'il y a toujours en fonction du poste une attente de compétences pour pouvoir répondre aux besoins de ce poste. Alors, il y a d'abord le code du travail qui intervient, ensuite les conventions collectives, et je pense qu'il doit y avoir un code administratif également. Seulement on observe aussi autre chose, le principe de Peter : à partir du moment où une personne maîtrise totalement les tâches pour lesquelles elle est employée, elle est susceptible d'avancer. Elle se retrouve donc en déséquilibre par rapport à son savoir ou à ses compétences. Et on attend d'elle qu'elle en acquiert d'autres. En fait, il est très diffcile de pouvoir avancer ce qui peut justifier un salaire; parce qu'on est, on croît être et on est perçu. Et tout cela est très rarement en concorde. On peut donc dire aussi qu'il peut y avoir une injustice dans le salaire perçu et il peut y avoir une perception autre de la part de la personne, peut-être que son ego déforme la réalité des choses. Tout cela est très compliqué. A travers mon vécu, je peux vous dire que tous les paramètres entrait en considération dans la définition du salaire que l'on percevait. Le salaire était de base; et ensuite il y avait un système de primes de résultat. Le résultat devait se rapprocher ou dépasser les attentes définies une fois dans l'année et systématiquement remis en cause. Le contrôle était trimestriel. Ce qui permettait de procéder à des ajustements. Et des fois de modifier complètement la donne. En même temps, il y avait des personnes qui occupaient un poste pour lequel elle n'étaient pas apte et néanmoins touchaient leur salaire. Cela se voyait que cette personne était incompétente. On peut se poser la question : le salaire est-il mérité ? Quel hasard, quel qualilté de recrutement avait pu placer cette personne-là à cette place ? Et bien souvent je pense que ce sont les objectifs. Et même dans le cadre, il y a des cadences à respecter et celles-ci sont le socle à partir duquel il peut être intéressé à des primes éventuelles. Tout ceci n'est pas simple. Il fait reconnaitre que c'est d'une grande complexité. On a bien fait de choisir ce thème mais je pense que l'on n'en fera pas le tour.

Animateur - Dans la question d'aujourd'hui, il y a une idée de justice également. On pourrait également s'intéresser à cette notion de justice. Parce que finalement, quand on pose la question "Qu'est-ce qui justifie le montant d'un salaire ?", est-ce que la question sous-entendu n'est pas "Qu'est-ce qui justifie le montant du salaire de l'autre ?" ? Et puis, juste pour lancer une autre piste : un salaire, est-ce forcément de l'argent ?

4 - Qui dit salaire dit contrat, contrat avec un employeur. Le code du travail stipule que lorsque l'on signe un contrat avec un employeur, on est lié par un lien de subbordination. Il y a deux types de contrat, un contrat avec un objectif de moyens, un contrat avec un objetif de résultat. Si on a un objectif de résultat, il va de soi que que le salaire sera en rapport avec ce que l'on fait. C'est pour les salariés qui sont embauchés et uniquement payé à la commission. Leur salaire est directement lié à ce qu'ils produisent. Un autre type de contrat, c'est le contrat avec un objectif de moyens. On est donc là pour produire mais le salaire en tant que tel, je ne parle pas de prime, est lié à ce que l'on produit mais pas en terme de qualité ou de quantité. Il n'en reste pas moins qu'étant lié par un lien de subbordination avec son employeur, l'employeur, en cas d'insuffisance de résultat, peut licencier. Mon deuxième point, on parlait de justice et d'équité. Finalement, certains disent que ce serait peut-être mieux si l'employeur rémunérait non pas le salaire mais plutôt la prime en fonction de ce que son employé produit, en fonction de son désinterresement, etc. A mon avis, cela aurait plutôt tendance à créer de l'injustice. Imaginons que l'on donne une récompense, puisqu'il s'agit de cela, selon le résultat. Le salaire est le même, donc ça c'est l'équité. La prime c'est la récompense. Selon que l'on a bien travaillé ou mal travaillé, avec des critères plus ou moins objectifs, imaginons que l'on donne un poulet. C'est une histoire vraie. On donnait donc un poulet. Les salariés comparaient leurs poulets et les salariés ayant les poulets plus petits reprochaient à ceux qui possédaient un poulet plus gros. Donc les gens étaient mécontents. L'année suivante, l'employeur a donné un poulet, mais le même pour tout le monde.

Animateur - Derrière tout cela, il y a cette idée de comparaison. Cela peut-être intéressant de revenir sur l'idée de comparaison et le sentiment d'injustice ou de justice.

5 - La justice est importante, parce qu'il y a le "justifie" dans "qu'est-ce qui justifie le montant d'un salaire ?". Alors, il y a des gens qui sont partisans de l'égalitarisme total. D'ailleurs, on l'a un peu évoqué tout à l'heure avec le système soviétique où il y avait une égalité parfaite des salaires. Tout le monde avait le même salaire et consacrait disons le même effort de productivité pour la collectivité, au sens du terme collectivisme. C'était même compliqué au sens de la société soviétique à l'époque, il y avait un journal qui s'appelait le Krokodil et si je me souviens bien, il disait "il font semblant de nous payer, nous faisons semblant de travailler". Alors effectivement, cela pose une autre question que l'on a pas abordé. C'est la question de l'intérêt. Ce qui motive les gens, c'est l'intérêt. L'intérêt du salarié, c'est d'avoir un bon salaire et de travailler pour en avoir. L'intérêt de l'employeur, c'est celui d'avoir un bon salarié et depayer aussi pour l'avoir. La meilleure justice à mon avis, c'est quand il y a conjonction de ces deux intérêts. Alors il est assez certain que c'est un peu idéaliste parce qu'on a pratiqué une politique des salaires très encadrée. Depuis qu'il y a eu les accords salariaux, les accords de branches, il y a des classifications, une hiérarchisation, qui fait qu'effectivement personne n'a le même salaire. C'est très complexe, cela été évoqué tout à l'heure. Alors c'est pour ça que l'on peut se poser la question : est-ce que l'on arrivera à un salaire vraiment juste ? Moi, je me pose encore la question. Je crois qu'il faut dépasser la question. Il faut parler du niveau de vie. Niveau de vie, cela veut dire que si au siècle dernier, on parlait de salaire de subsistance, maintenant on parle de salaire d'existence. Il faut que le salaire permette de quand même d'exister, c'est-a-dire d'avoir les moyens d'acquérir un certain nombre de biens, bon pour l'existence quand même.

Animateur - Alors, par rapport aux personnes qui ont levé la main. Soyez patient. Ce qui prime effectivement au Café Citoyen c'est aussi l'écoute et puis on s'aperçoit que notre temps de parole vient quand cela arrive...

6 - Je vais reprendre un petit peu quelques points abordés par l'animateur. En fait, je pense que le mot important dans la question, c'est "justifie". Le salaire, c'est aussi une reconnaissance. Et en fait souvent les gens ont tendance à comparer leur salaire et la reconnaissance qui leur est accordé vis-à-vis de leur travail. On a dans une entreprise une répartition de la valeur ajoutée. Tout le monde passe à peu près le même temps dans l'entreprise, et quand on rapporte le salaire au temps. On va se demander pourquoi l'un va toucher plus que l'autre pour un temps équivalent. On arrive vite à des questions où l'on va se comparer, se jalouser. C'est terrible dans les entreprises je trouve. Et également le salaire n'est pas que fiduciaire. On va aussi avoir dans des services des fois des choses où l'on voit qui font apparaître la reconnaissance, la proximité, la relation qu'on va avoir avec une personne et pas avec une autre. Et cela va entrer un peu, alors ce n'est pas directement le salaire, mais ça va entrer dans cette reconnaissance du travail fait.

Animateur - Il y a la reconnaissance et cette comparaison et vous disiez tout à l'heure, monsieur, qu'il y avait la notion pour chacun de vivre décemment, question de dignité finalement. Est-ce que finalement ce n'est pas la question qui sous-tend ce qu'on essaie de traiter

7 - Je n'ai pas bien compris le thème et la présentation qui est essentiellement orientée vers ce qu'on pourrait dire la justice sociale de la rémunération, mais je souhaite quand même faire rapidement deux remarques. L'une est que ce ne serait pas mal qu'on définisse le salaire parce que dans le salaire, moi je vois trois parties. Salaire net c'est celui-là qui va donner votre pouvoir d'achat parce qu'il est dans votre poche ou sur votre compte à la banque. Le salaire brut qui en plus du salaire net comporte une part qu'on pourrait dire différée mais qui est quand même votre revenu, parce que, il y a un grand débat, ce n'est pas le jour, mais sur le fait qu'il faudrait diminuer la part du salaire brut par rapport au salaire net. Et puis il y a une troisième partie du salaire, qui s'appelle grosso modo charges patronales, et qui est indirectement un salaire que j'appellerai de solidarité. Donc si vous voulez je pense que c'est quand même intéressant de se rappeler ce qu'on met derrière le mot salaire. Et de tout ce que j'ai entendu je pense qu'il y a quand même une grande branche entre est-ce qu'on paie l'agent de production ou est-ce qu'on paie un individu dans un système social, c'est effectivement deux pistes qu'il est relativement difficile de traiter ensemble.

Animateur - On va essayer quand même, c'est important effectivement de montrer qu'un salaire déjà est décomposé, se compose de plusieurs parties, on souligne que lorsqu'on travaille on travaille aussi pour sa retraite. On peut revenir aussi sur d'où vient le mot salaire, ça vient de sel, c'était la quantité de sel qu'on donnait en récompense d'un travail. On peut faire une liaison éventuellement avec à quoi sert le salaire et le salaire, aussi.

8 - Je me sens un peu coincée par le terme de salaire que j'ai proposé, il aurait été peut-être plus judicieux de parler de revenu parce que là ça freine un peu le débat, c'est en tout cas la crainte que j'ai, il y a beaucoup de gens qui ont des revenus mais qui ne sont pas salariés, j'espère qu'on peut quand même en parler. Il y a une situation qu'on a tous connu, qui fait référence justement aux comparaisons que l'on fait directement de son propre travail, de sa valeur par rapport aux autres. On a tous eu au moins une fois dans sa vie une réaction, ou d'étonnement ou d'indignation vis-à-vis d'une facture qu'on nous proposait un garagiste avec une pensée qui serait du genre, il ne s'emmerde pas celui-là. En fait de façon sous-jacente on a fait un petit calcul pour comparer la qualité de sa prestation par rapport à ce que nous on gagne, et ça c'est quelque chose que l'on rencontre tous les jours. On n'est pas seulement dans la question du niveau de vie parce que globalement, je pense que tous ceux qui sont ici ont un toit et un frigo rempli, mais quand même la question se pose, même si au-delà d'un niveau de vie à tenir il y a toujours cette comparaison qui est sous-jacente par rapport à autrui de façon générale.

Animateur - Vous introduisez dans le débat une nouvelle notion, celle du revenu. Là, il y a beaucoup d'autres choses. Finalement, il y aurait une autre question, c'est : qu'est-ce qui justifie le fait que les gens touchent de l'argent, pas seulement un salaire ? J'imagine qu'on a tous en tête les sommes mirobolantes des parachutes dorés, les dividendes etc. Et en même temps, c'est pareil, c'est de l'argent, comme ce qu'on touche en salaire.

9 - J'ai entendu plusieurs choses suivant les différents intervenants, je suis dans une entreprise où je défends les salariés. Quand je les défends, je les défends toujours par rapport à ce qu'ils produisent ou ce qu'ils font, jamais par rapport à leur collègue, parce que je trouver que c'est un mauvais argument. Quand on est employé dans une société c'est pour le travail qu'on fait même si les études ne sont pas prises en compte. En fait on peut faire bac plus 5 ou avoir un BEP et faire le même travail, on va être payé en fonction du travail qu'on fait. C'est un autre débat de savoir si les études doivent être reconnues, ça doit se négocier aussi dans le contrat à l'embauche, mais quand quelqu'un travaille ce qu'on lui demande c'est de faire le travail et peu importe les études qu'il a faites. Donc c'est toujours défendre quelqu'un par rapport à ce qu'il a fait, jamais par rapport à son collègue. Bien souvent dans l'entreprise, en plus, le salaire est tabou. Ce qui m'énerve c'est que les gens ne veulent pas dire, enfin ne veulent pas être fiers ou honteux de ce qu'ils gagnent parce qu'ils estiment qu'ils devraient être payés plus mais au moins dire le montant et revendiquer ce qu'ils veulent clairement. D'un salarié à l'autre on ne veut pas dire combien on est payé comme si on en avait honte. Je suis désolée, si on travaille on a un salaire et autant le revendiquer et essayer de l'élever. La prime c'est carrément autre chose, pour moi c'est à la tête du client c'est un élément carrément subjectif, parce que suivant la direction qu'on a on peut produire plus on n'aura jamais la même prime. Et je voulais savoir s'il pouvait entrer dans le débat, il y a des lois, si à salaire égal salaire égal et surtout la différence de salaire entre les hommes et les femmes. Parce que s'il cela n'existe peut-être pas dans le public parce que les grilles ne sont pas les mêmes, dans le privé on est forcément payé 30% moins cher qu'un homme alors qu'on travaille de la même façon. Donc je voulais savoir s'il y avait une place ici aujourd'hui au niveau du débat. Moi je voudrais qu'on m'explique si quelqu'un connaît l'historique, je ne connais pas l'histoire de la différence entre le salaire d'un homme et celui d'une femme. Je pensais qu'on attaquerait aussi la définition du mot salaire par rapport au coté travail. Le texte je pensais qu'il serait lu, savoir qi quelqu'un aujourd'hui avait le code pour le lire.

Animateur - Vous auriez pu l'amener pour le faire partager aux autres, mais effectivement on peut se poser cette question. On ne va pas aborder la problématique de la différence de salaire entre les hommes et les femmes, je pense que ça court toujours aujourd'hui, c'est aussi une question importante. Vous avez parlé de la manière que l'on a de considérer son propre salaire, c'est vrai qu'en France on est peut-être plus frileux qu'aux USA où ce n'est pas un tabou, moins en tout cas, que de dire clairement ce qu'on touche, le montant de son salaire. C'est peut-être à creuser, savoir pourquoi il y a cette frilosité à l'égard du montant de son salaire, pourquoi on n'en parle pas.

10 - Moi justement la personne était en train de parler de revenu et de salaire. Je pense effectivement parce que la question que je me posais était on parle de salaire mais il y a d'autres rémunérations que je considère moi comme un salaire. La différence entre revenu et salaire, je ne vois pas pourquoi on fait une différence alors qu'il n'y en a pas. On reçoit une certaine somme d'argent, qu'elle soit scandaleuse ou qu'elle soit normale c'est un autre débat. Dans le salaire par exemple, les retraités reçoivent un salaire, on reçoit un salaire en rapport avec l'activité qu'on a eue dans sa carrière, mais on reçoit un salaire perçu grâce au social. C'est la même chose pour les allocations familiales, on reçoit par rapport au nombre d'enfants mais on reçoit une sorte de salaire, c'est une rémunération. Quand on parle de rapport de jalousie, de rapport entre employeur et employé, quand il n'y en a plus puisqu'à la retraite, par rapport aux allocations familiales vous n'avez aucun rapport, c'est l'état qui décide de la rémunération qu'on va accorder donc il n'y a pas ce rapport. L'infirmière qui travaille aussi en tant qu'indépendante, elle est à son propre compte donc elle n'a pas non plus de rapport avec un employeur, il n'y a aucun contrat passé puisque le retraité qui reçoit par rapport aux cotisations qu'il a versées, on lui dit, monsieur, à la fin de vos « x » années de travail ben vous allez recevoir ça, vous avez beau essayer de contester on vous dit non de toutes façons, voilà votre nombre d'années, voilà le montant qui est décidé une fois pour toute par année d'augmentation si augmentation il y a. Donc il n'y a aucun rapport et là aussi la notion de compétence n'existe plus, elle a existé par rapport aux rémunérations qu'on vous a versées durant toute votre carrière, vous allez percevoir un salaire en tant que retraité. Là aussi il y a une différence énorme entre celui qui va être retraité en ayant cotisé à un certain niveau et une autre personne qui aura été cadre ou haut dirigeant il va recevoir même à la retraite plus qu'un OS qui aura cotisé le même nombre d'années mais qui aura cotisé moins. Là aussi il y a différence énorme qui va continuer à exister. Donc le problème du salaire fait que depuis le départ jusqu'à malheureusement le décès il y aura cette différence énorme qui continuera à exister. Alors est-ce que c'est normal on peut en débattre. A retraite vous n'avez plus de reconnaissance, vous allez recevoir ce montant là.

Animateur - Pour vous, entre salaire et revenu il n'y a pas de différence. Pourtant il y en a une, le salaire est quand même relativement lié à un travail de production. Vous parlez de retraite, la retraite n'est pas un salaire. On sent bien que ce n'est pas forcément le salaire qui gène, c'est l'argent qui est perçu par tel ou tel individu. Aujourd'hui, on est quand même bien informé de tout ça, d'ailleurs c'est placardé partout, untel a gagné tant de millions d'euros. C'est peut-être ça qui est la question sous-jacente.

11 - Une première réflexion, le salaire c'est le revenu du travail, c'est en tout cas une définition. Si on a abordé ce sujet aujourd'hui je crois qu'au moins en partie, l'une des raisons, c'est que récemment on parle beaucoup des énormes salaires de certains et on est donc beaucoup plus enclin à avoir un sentiment d'envie pour ne pas dire de jalousie. Au cours de ma carrière j'ai toujours été jaloux, même si heureusement pour moi je n'ai pas toujours été dans cette situation, de savoir que dans une même entreprise quelqu'un gagnait plus que moi et toujours très fier de constater que je gagnais plus que les autres. C'est probablement un défaut humain mais je pense que nous sommes tous un peu comme ça. Alors pour essayer de justifier le montant du salaire il faut regarder la réalité. D'un coté il y a l'administration et de plus en plus de grosses sociétés qui ont des grilles de salaire. La structure de ces grilles, je le dis pour illustrer le propos de mon voisin, a été conçue par un Croizat ministre du travail dans les années 45/46 qui avait une vision politique très proche de l'union soviétique. La deuxième façon de traiter le salaire c'est le résultat de l'offre et de la demande, c'est-à-dire du marché du travail. Bien entendu lorsque l'on est dans une situation comme celle que l'on subi depuis quelques années avec un chômage massif, les règles du marché sont faussées. Dans la première partie de ma carrière j'ai eu la chance de pouvoir me vendre au plus offrant, aujourd'hui même avec autant de qualités, s'il m'en reste, je ne pourrais plus manœuvrer de la même façon. Mais il faut éviter, parce qu'à mon avis ce serait néfaste, il faut éviter à arriver à ce qui serait du collectivisme. Que vous fassiez bien votre travail ou que vous le fassiez mal, que vous soyez assidu ou spécialiste de l'absentéisme, que vous ayez de bons résultats ou non, si vous êtes payé en fonction d'une grille vous serez toujours payé de la même façon. La jalousie ne réside plus alors à vérifier si votre voisin gagne plus que vous mais à penser à tort ou à raison que vous travaillez plus et mieux que lui. Des règles il faut en avoir bien entendu, par exemple j'ai évoqué les super salaires de certains PGG, précisément ils s'expliquent en partie parce que les règles ne sont pas respectées. Un PDG selon la loi est révocable ad nutum, c'est-à-dire sans préavis, sans indemnité et sans explication et pourtant aujourd'hui si on entend parler de grosse indemnités de départ c'est qu'à coté de leur mandat de PDG ils ont un contrat de travail, c'est à ce titre qu'ils perçoivent ces indemnités. Deuxième dérive ils ont le droit d'être membre de cinq conseils d'administration, contre sept avant. Comme c'est le conseil d'administration qui décide de leur salaire il est facile de comprendre qu'ils se tiennent tous les uns les autres puisque souvent faisant partie des mêmes conseils, si tu ne votes pas mon salaire je ne voterai pas le tien. On peut modifier les règles mais il faut tout faire pour éviter la tarification uniforme, je pense que la société de marché même avec ses dérives et ces accidents, c'est quand même le seul type de société qui nous a amené globalement comme on est, comparativement à notre situation d'il y a cinquante ans ou plus, aucun autre régime n'a obtenu les mêmes résultats.

Animateur - Sans avancer vers la normalisation on peut s'interroger quand même sur des questions, qu'est-ce qu'il y a de commun entre mon salaire, le salaire d'untel ou celui d'unetelle, qu'est qui fait que l'on a ces salaires. Finalement quand je travaille une heure, l'autre personne ne travaille-t-elle pas une heure également, pourquoi donc une telle différence, on peut se poser cette question là, pourquoi une telle différence de salaire quand une personne passe autant de temps que moi à travailler. Donc par rapport au temps on peut s'interroger aussi.

12 - Il faut l'accepter, c'est à ça que résiste notre conscience, il n'y a pas de critère scientifique indiscutable pour définir un salaire, il faudrait faire un taux qualitatif. D'ailleurs on a parlé, c'est le thème d'aujourd'hui, de salaire. On a touché la question, d'abord on a frôlé alors que la manière d'honorer quelqu'un pour le travail qu'il a fait a pu s'exprimer dans les périodes précédentes de manière différente. Pour un ouvrier qui fait un travail manuel on disait un salaire ce qui est nécessaire pour vivre, pour manger. Mais quand on parlait d'un médecin on parlait d'honoraire, c'est-à-dire qu'on honorait le médecin librement, le médecin ne fixait pas un taux de paiement, comme maintenant où on est littéralement étranglé, quelque que soit la maladie que l'on a on paie la même somme chez le médecin. A propos des enseignants on ne parlait pas d'un salaire on disait un traitement. Il y a d'autres termes pour désigner la manière de rétribuer quelqu'un pour son travail, je crois que c'est vraiment très important. Le phénomène qui s'est développé historiquement dans ces dernières décennies pour ne pas dire dans ces derniers siècles c'est que la couche populaire la moins élevé a davantage pris conscience de sa réalité pas seulement au point de vue manuel, mais aussi elle s'est davantage cultivée et elle revendique d'être participant au processus de réalisation des richesses réelles qui ne sont pas seulement des richesses matérielles mais qui sont aussi des richesses culturelles, des richesses qualitatives qu'il est impossible de déterminer de manière rigoureuse scientifique. J'ai trouvé un exemple intéressant à l'époque où le communisme était encore répandu dans les pays de l'est, il y a eu une étape intéressant qui s'est manifestée mais qui a avortée, c'était en Yougoslavie, il y avait un développent très important de ce qui s'appelait l'autogestion. Les ouvriers voulaient être participants da ns la direction de l'entreprise, décidaient eux-mêmes quels étaient les objectifs et pas que ce soit seulement la classe dirigeante, les patrons, etc., On arrivait à des situations étonnantes, époustouflantes. Quand j'étais en Hongrie, je me souviens que l'on a signalé que j'avais un taux de production qui était prévu pour tel mois, dans telle année, quand les ouvrier(s avaient terminé, avaient atteint ce taux de production et bien ils arrêtaient le boulot, de toute façon ils avaient leur traitement à la fin du mois même ceux qui disaient on pourrait peut-être faire ça, non impossible, l'état était devenu quelque chose de trop tyrannique. En France et dans les pays européens on est largement contaminé par, ce que certains pourraient appeler et c'est assez justifié, une espèce d'illusion utopique, c'est-à-dire qu'à partir du moment où l'état prendrait tout en main la société évoluerait correctement, c'est faire fi du citoyen, il est indispensable de faire appel à la créativité de chacun, remplacer la notion de profit par celle de service. Il y a une notion magnifique quand on a fait un travail, c'est dire qu'on est heureux du travail qu'on a fait, bien sur on a besoin de vivre concrètement physiquement mais on a aussi besoin d'être reconnu par ce que l'on a fait.

13 - Pour reprendre la question on a tous du mal à trouver la réponse à ce qui justifie un salaire. Il est bien évident également que nous sommes tous conscients qu'il apparaît intolérable et non justifié qu'un salarié à la production, qui a un travail pénible, qui se bousille les bras, une hôtesse de caisse qui se bousille les mains, touche un salaire parfois qui ne permet pas d'assumer ses besoins. Les autres travaillent et gagnent bien leur vie, donc effectivement il est injustifié de considérer une telle différence. Mais est-il possible de penser que les salariés gagnent bien leur vie de façon à rétablir l'équité que tout le monde souhaite, mais est-il possible de penser que ces salariés qui gagnent trop bien leur vie vont faire un effort pour l'équité, c'est-à-dire donner plus aux salariés qui ont bien du mal à finir leur mois.

Animateur - J'aimerais qu'on essaie de ne pas trop sortir de la question, il y a des gens qui touchent de l'argent et qui ne travaillent pas, c'est le cas de ceux qui ont des revenus immobiliers, des dividendes entre autres, c'est le cas aussi de ceux qui n'ont pas de travail (RMI). Il faut essayer de s'interroger sur la justification d'un salaire, on va essayer de recentrer, de ne pas partir dans des choses qui finalement sont encore plus injustifiables.

14 - Je crois que le mot justifie a besoin lui aussi d'une petite explication. Si le titre avait été, qu'est-ce qui explique le montant salaire on n'aurait pas du tout le même type de réponse. Donc il y a d'un coté une recherche de justice au sens large du terme, et pour moi si je devais une piste pour ce qui explique c'est le rapport de force et de faiblesse, c'est clair, et pour les femmes si ça n'a pas changé, elles n'avaient pas le rapport de force suffisant à tous les échelons pour que leur position soit défendue. Je crois qu'on pourrait, mais encore une fois je ne veux pas changer le sujet, mais il me semble qu'il faut qu'on parle de temps en temps de justice et de temps en temps d'explication, ce n'est pas du tout la même entrée dans le sujet, à mon avis.

Animateur - Ce sentiment d'injustice pour vous c'est le rapport de force, si on veut faire un jeu de mot, ce n'est pas le montant du salaire, c'est le salaire de la peur de Montand.

14bis - Juste un mot parce que vous avez dit que ce n'était pas bien pour vous, que vous défendiez le salarie de « x » par rapport au salaire de « z » mais c'est pourtant comme ça que les organisations de représentations du personnel arrivent à faire monter ceux qui sont les moins bien situés. Autrement dit je crois que dans cette notion de rapport de force, moi j'ai connu un grand groupe industriel qui n'existait plus dans lequel il y avait une absolue volonté de ne pas avoir de comité d'entreprise de groupe, la différence de rémunération était telle entre les différentes sociétés du groupe qu'il ne fallait surtout pas qu'il y ait une tentative de cet escalier. Je crois que c'est quand même dans la notion de force, elle ne justifie mais elle explique beaucoup de choses.

15 - Je suis un peu perdue dans toute cette finesse de la discussion. Je pensais, on disait tout travail mérite salaire, mais en allant plus loin il y a des gens qui travaillent, je pense qu'on peut aussi travailler gratuitement par choix dans certain cas. La question du salaire, est-il juste par rapport à sa propre activité. On doit s'interroger aussi sur le fait que le travail, le but de l'homme serait de travailler pour trouver un bonheur dans son activité. Si on a cette chance, cette possibilité de travailler en se disant qu'on y trouve son bonheur déjà on se pose un peu plus par rapport au travail et au salaire, par exemple sans complexe pour dire combien j'ai gagné, si je suis heureux pourquoi cacher ce que je gagne. Si justement dans cette espèce d'honnêteté, penser qu'il n'y a pas obligatoirement un rapport de jalousie par rapport à celui qui gagne plus, ou de malaise pas rapport à celui qui gagne moins, ça peut être une notion de respect. Une notion de respect pour celui qui gagne moins, je serais tout à fait d'accord à partager, pour celui qui gagne plus je pense qu'il y en a qui peuvent le faire aussi, par tous, hein ! Largement pas tous, mais il y a des chefs d'entreprise qui travaillent 100 heures par semaine, il y en a qui travaillent beaucoup moins, mais ils ne se posent pas obligatoirement dans leur travail un rapport de salaire. Je crois que c'est justement le montant du salaire qui n'est pas obligatoirement quantifiable dans le respect de l'autre.

Animateur - Finalement est-ce qu'on n'a pas restreint la notion de salaire ? C'est vrai que, quelqu'un le disait tout à l'heure, qu'on avait d'autres termes. Il parlait d'honoraire, de traitement. Voilà, est-ce qu'on n'a pas restreint aujourd'hui cette idée de salaire à l'argent qu'on touche et, encore plus, à un pouvoir d'achat ? On a beaucoup entendu ce pouvoir d'achat... Finalement, est-ce qu'on ne reste pas obnubilés par cette notion d'argent dans la question du salaire ?

16 - Je voudrais faire part de mon expérience, j'ai débuté dans l'informatique en 1968. Il y avait à l'époque trois gros ordinateurs en France qui étaient à Paris. Je suis entré à la SNECMA, j'ai commencé ma carrière là. Je parle de ça parce que les métiers d'informatique ont beaucoup évolué, c'était un peu le magicien dans l'entreprise avant, et l'évolution des rémunérations au cours d'une carrière pouvait être très rapide. Se posait dans l'entreprise et notamment pour le DRH des tas de problèmes, il y avait des chefs de projet qui gagnaient autant qu'un chef de département, parce qu'il y avait un marché dans l'informatique, il y avait un marché de la technicité, il y avait la rareté, donc dès qu'on avait un technicien qui était pointu il était payé très, très cher, même hors norme. J'ai connu des entreprises qui avaient une grille de salaire différente et dans les banques où je travaillais, j'en connaissais qui avaient créé des sociétés de service pour que les grilles de salaires ne soient pas dans la grille de salaire de la banque. Là on tombe pile dans le créneau du thème, qu'est-ce qui justifie le montant d'un salaire, qu'est-ce qui justifie qu'un simple programmeur gagne autant ou trois fois le salaire d'un expert comptable dans la même entreprise. Il y a eu des approches et progressivement les salaires des informaticiens se sont alignés sur les salaires, aisés bien sur, des comptables au niveau de l'entreprise. Mais le vrai problème n'est pas seulement celui du salaire c'est la rémunération d'un savoir faire, d'un savoir être mais le problème est que quand l'entreprise crée des richesses il faut qu'elle partage ces richesses, c'est là qu'est le véritable enjeu. Quelle est la pyramide des salaires, faut-il une échelle des salaires qui va 1 à 4, de 1 à 10, de 1 à 50, j'ai même lu un article récemment sur le PDG de Novartis qui gagnait en 2008 120 millions de francs, c'est l'équivalent de 1600 personnes. Est-ce qu'on peut imaginer que ce salaire puisse se reproduite dans toutes les boites, je ne pense pas à cette échelle j'entends de 1 à 1600. Donc ça donc bien dire que s'il y a une approche « morale » ce n'est plus seulement au mérite on considère alors que c'est un hold-up des richesses de l'entreprise, voilà le vrai problème nous ne sommes plus dans l'évaluation d'un montant de salaire on est dans un problème de partage de richesses et d'équité dans le partage.

Animateur - Voilà, la dimension morale arrive...

17 - C'est ce qu'on appelle le partage de la valeur ajoutée. Alors il y a une question qui se pose, dans tout cela il est un fait certain, c'est que quand on parle de salaire il faut faire bien attention, il y a un salaire qui correspond à la taille de l'entreprise. Vous avez les très grosses entreprises comme on dit, c'est tellement hiérarchisé, tellement figé que les gens qui y sont n'ont pas beaucoup d'espoir d'avoir une amélioration de leur salaire à par l'augmentation générale, et encore en période de crise ça parait encore plus difficile. Moi je connais une forme d'entreprise tout à fait particulière, que j'ai connue dans la manche, c'est une coopérative de production, c'est le propriétaire d'une usine dans la confection avec une très grosse valeur ajoutée, un produit très connu partout, vous avez entendu parler des Tricots St-James, et bien cette boite là, le propriétaire n'avait pas d'héritier, il a pratiquement cédé son entreprise à son personnel. Le personnel a apporté des actions, c'est-à-dire que là les salariés sont les propriétaires, c'est eux qui fixent le salaire. Il n'y a pas une hiérarchie des salariés comme on trouve dans les grandes entreprises mais ils savent faire le partage de la valeur ajoutée, c'est-à-dire qu'ils savent partager ce qu'il faut mettre dans l'investissement, alors évidemment il y a un directeur, lui a un salaire conséquent, il a quand même des frais considérables de déplacement, et puis il y a des commerciaux, mais les ouvriers, ce sont surtout des ouvrières, toutes les femmes ont un salaire à peu près égal pratiquement, ce sont elles qui fixent le salaire. Je préfère vous dire que dans une boite comme ça il n'y a pas de jalousie pour une simple raison c'est que chacune veille à ce que tout le monde travaille. C'est peut-être de l'autogestion mais l'autogestion, attention, je préfère vous dire que dans ce genre de coopérative de production, c'est une boite qui est partie de 100 personnes, ils sont 500 actuellement, donc ils ont investi, ils ont consenti le sacrifice de bas salaire pour pouvoir investir, créer de l'emploi. Moi je pense qu'il a des pistes encore.

Animateur - Il y a une chose que je trouve rigolote, en tout cas qui pose question, c'est assez français finalement de se poser une question sur la pyramide des salaires, qu'est-ce qui nous pousse à nous interroger là-dessus, la jalousie ou un sentiment de justice, qu'est-ce qui nous puisse à imaginer des explications, des justifications à des échelles comme ça.

18 - Juste pour préciser, tout à l'heure je me suis mal expliquée. Je disais quand je défendais quelqu'un dans l'entreprise, ce n'était pas par rapport à l'autre, c'est par rapport à lui. Par contre le poids des négociations, les représentants du personnel, il n'y a que comme ça qu'on arrive à faire reconnaître effectivement et faire progresser les choses. Parce que comme je disais tout à l'heure, quand on parle de la différence des salaries entre le chef d'entreprise et l'employé. Pour moi le chef d'entreprise est quelqu'un qui a pris des risques qui a accepté de porter une responsabilité par rapport à ses employés, donc je trouve ça mérité que son salaire ne soit pas le même que celui de quelqu'un qui ne va pas prendre les mêmes risques. Après c'est peut-être la différence entre l'employé et l'employeur qui serait à voir, mais ça c'est d'autres grilles. Après par rapport à ça il y a la prise de risque de l'entrepreneur, il y a aussi la pénibilité dans le travail. Je pense que la pénibilité dans le travail il n'y a que les employés qui peuvent la faire reconnaître, effectivement par le rapport de force en portant haut et clair leurs revendications pour faire reconnaître ce qui se passe dans leur travail, sinon comme ça ne concerne qu'une partie du monde du travail, s'ils n'y vont pas personne n'ira pour eux. A l'origine il y a eu les classifications, les grilles des salaires, chez nous c'est des lettres, c'est très hiérarchise, on n'a que des fourchettes, c'est-à-dire que quand on défend quelqu'un, l'employeur dit il est trop payé pour ce qu'il fait, je lui dis apportez-moi la preuve que vous, vous ne l'êtes pas. Donc comme il n'y aucune transparence au niveau des salaires on n'arrive jamais à s'en sortir parce qu'à par défendre vraiment la qualité du travail produit on a en face de nous des chiffres qui sont des fourchettes et c'est très difficile de s'y retrouver. Peut-être que ce qui justifie le salaire maintenant ce n'est pas ce qui le justifiait à l'origine, c'est-à-dire que les bases du salaire, comment elle ont été mises avec les grilles, les classifications, ce n'est plus ça maintenant, c'est peut-être pour ça qu'on ne s'y retrouve pas au niveau du salaire, parce que ce qui était bon peut-être il y a cent ans ne l'est plus maintenant par rapport à notre façon de vivre, par rapport à nos besoins, par rapport à tout l'environnement. Dans l'entreprise où je suis la part variable ça va être des stocks option, je suis employée de banque, donc ça va concerner une certaine partie de l'encadrement, donc maintenant il y a une jalousie qui se met en place dans l'encadrement parce qu'ils n'y ont pas tous le droit. Il y a plein de trucs comme ça mais ça ne concerne pas les employés, on n'est pas forcément jaloux parce qu'on sait qu'on n'y aura pas droit. Mais ça veut dire que d'entrée on baisse les bras on sait que l'on ne va pas revendiquer ce truc là non plus.

Animateur - Vous avez parlé de prise de risque, et si on revient à la première intervention qui posait un certain nombre de questions, vous parliez aussi d'un certain nombre de paramètres qui pourraient justifier le montant d'un salaire, la pénibilité du travail, le degré de savoir acquis, d'expérience, tout un tas d'autres choses que vous avez énumérées. Est-ce qu'il est raisonnable de penser qu'on pourrait déclarer les montants de salaires selon ces critères là. Et puis après poser la question du partage des richesses.

19 - Qu'est-ce qui fait le montant d'un salaire. On choisit soit un parcours à risque, soit un parcours protégé. Le parcours à risque c'est dans le privé, le parcours protégé c'est dans le public. Alors si on choisit le parcours protégé suivant les études qu'on a faites, déjà on commence par profiter de l'avantage que la société vous a donné pour faire vos études. Aujourd'hui lorsqu'on est dans ce secteur protégé, un salaire à vie dans un monde où les parcours à risque vraiment très, très risqués où beaucoup de gens risquent de se retrouver sans travail, c'est quand même pas mal. Est-ce qu'on peut revendiquer le même salaire que dans le privé, personnellement je n'en suis pas convaincu. Dans ce secteur protégé la majorité des gens qui y travaillent sont des femmes, c'est comme ça, l'immense majorité, c'est 80% dans certains secteurs. Alors quand madame dit les salaires des femmes sont à 30% de moins que les salaires des hommes, déjà ça pose question. 9a pose question parce que comment fait-on, je sais bien qu'on est dans une société de féminisme rampant, mais quand même est-ce qu'on a le droit de raconter pareil mensonge. Moi je ne crois pas, parce que c'est un mensonge, il n'y a pas cette différence. Effectivement si on fait le calcul, la somme de tous les salaires des hommes et de tous les salaires des femmes on n'arrive peut-être pas loin de ce niveau là, mais ce n'est pas vrai aujourd'hui c'est plutôt aux alentours de 20à 25%.Mais quand on fait la comparaison à poste équivalent entre les femmes et les hommes on tombe aux alentours de 10%. Je ne défends rien mais je vais dire qu'un employeur un peu intelligent a intérêt à avoir des employés aussi compétents que possible, je ne vois pas son intérêt à rémunérer moins des femmes que des hommes, à compétence égale je pense que les salaires sont égaux, au moins dans le privé. Dans le public les salaires sont strictement égaux que je sache. Moi je crois qu'il ne faut pas se focaliser sur les salaires, je vais continuer à parler du secteur protégé, quand on est dans le secteur protégé au niveau de la retraite on a le dernier échelon, le dernier indice auquel on a donné un coup de pouce qui fait qu'on a une retraite supérieure au salaire. Lorsqu'on est dans le secteur privé c'est 50%, et encore, du salaire qu'on avait. Alors on ne peut pas comparer du tout, du tout les choses. Alors je dirais, qu'est-ce qui justifie le montant d'un salaire entre, je =vais parler de quelqu'un, Savidan, footballeur professionnel qui gagne 90000 euros par mois pour s'éclater sur le terrain, c'est que ça implique un engagement physique important, et puis quelqu'un qui va effectivement travailler 8 heures par jour dans les travaux publics, quelle est la différence, il y en a qui penseront que ces métiers valent autant que d'autres et encore c'est pas sur. Je me souviens qu'à un moment donné, j'ai été syndicaliste avant d'être autre chose, on parlait d'un salaire de vie et d'un salaire de fonction c'est quelque chose qui a été vite banni par l'ensemble des salariés qui n'en voulait pas parce que chacun avait envie de se faire son salaire et ne voulait pas entendre parler de ça. Or je pense que c'est justice de parler d'un salaire de vie, le même pour tout le monde à partir du moment où on travaille et puis d'un salaire de fonction qui serait beaucoup moins important qu'aujourd'hui, c'est-à-dire injustifiable pour certain qui même lorsqu'ils font les plus grosses bêtises arrivent à retrouver par je ne sais quel moyen des sommes considérables, en tout cas pour avoir casé leurs clients, ça n'engage que moi. Définir le salaire tout dépend vers à quoi on aspire, quelle société on veut, une société un peu plus équitable dans laquelle les différences de salaires serait moins importante, ou est-ce qu'on veut que ça continue comme ça, une société sans foi ni loi, c'est aussi une question qu'il faut se poser, quel type de société voulons-nous et à partir de ce moment qu'est-ce qui définira les moyens de vie quelque que soit la disposition dans laquelle on est.

Animateur - La vous posez une question, il faut voir si c'est vraiment une question qui aura de plus en plus d'importance dans notre société, si vous avez le sentiment, au niveau des salaires, que les inégalités se creusent ou pas, et est-ce un sentiment qui est flou, fabriqué, quelle est votre opinion là-dessus ?

20 - Il y a beaucoup de choses qui ont été dites, ce n'est pas évident d'intervenir à cette heure-ci. Ce qui justifie le salaire, pour ma part, comme on a dit le savoir faire. Ca peut être par exemple, un artisan qui a un savoir faire très précis, qui a été dans une école spécialisée, ou bien transmis par un autre artisan la rémunération de son travail doit justifier la qualité de son travail et la qualité de son savoir faire pour d‘une part motiver pour continuer à fabriquer des objets, des outils qui respectent ce savoir faire et puis pouvoir créer des choses dans l'avenir. Donc c'est une manière aussi de pouvoir motiver la personne et pouvoir faire reconnaître son savoir faire. Donc ça c'est une chose. Ca peut être aussi, comment dire, la qualité de la production, la capacité d'innover, de créer d'investir, de prendre des paris sur l'avenir, de prendre des risques, ça justifie un peu tous ces paramètres, toutes ces qualités qui doivent mises en œuvre dans le travail. Moi ça ne me choque pas qu'un chef d'entreprise, on parlait de chef d'entreprise tout à l'heure, ai une rémunération qui corresponde à ses études, aux investissements, aux prises de risque qu'il a fait, mais aussi je pense qu'il est aussi utile et motivant pour le salarié d'avoir aussi un salaire qui reconnaît la compétence, la capacité de s'investir de produire, de travailler pour l'entreprise, la structure à laquelle ils veulent aider, et que ce salaire en même temps, comment dire, puisse être reconnu à la valeur de la personne. Il faut aussi que l'échelle des salaires ne soit pas de 1 à 10 ou à 12 quelquefois. Rémunérer la capacité, d'après ce que j'ai vu tout de suite ma parait normal, mais ce qui me parait anormal c'est cette échelle très grande de salaire entre un cadre et un ouvrier par exemple même s'ils ne font pas le même travail, même s'ils ne prennent pas les mêmes décisions parce que ce qui pose problème c'est aussi la capacité d'utiliser ce salaire dans sa vie parce que maintenant la vie devient de plus en plus chère. Je crois que c'est ça aussi qui entraine un mécontentement parce que les salaires ne sont pas assez élevés. Peut-être qu'il faudrait revoir l'échelle basse des salaires, remonter les niveaux quitte à rapprocher des échelles beaucoup plus hautes pour avoir une distance, une équidistance on va dire en mathématiques qui soit beaucoup moindre. Pour moi le salaire ça peut se justifier dans certains cas mais il ne faut pas qu'il y ait une échelle trop importante. Je répondrais aussi concernant la fonction publique, on parle de traitement, je ne connais pas l'origine de ce mot là, mais ce que je voudrais dire c'est que dans la fonction publique ce n'est peut-être des emplois protégés, bien que dans l'avenir ce ne sera peut-être plus le cas, mais en tout cas il y a quand même des échelles de salaires qui sont très grandes, entre la catégorie C, il y a aussi des ouvriers dans la fonction publique de catégorie C qui ne gagnent pas forcément ce qu'on peut penser et puis aussi les cadres qui gagnent bien leur vie, ce qui peut être justifié par leurs études, la capacité de décision qu'ils peuvent avoir. Mais il faut quand même reconnaître que dans la fonction publique il n'y a pas de des gens qui gagnent bien leur vie il y a aussi des gens qui travaillent dans la fonction publique et qui n'ont pas les moyens d'avoir un logement , qui sont obligés d'aller au restaurant du cœur pour aller chercher à manger. Donc il ne faut pas tout mélanger non plus.

Animateur - Effectivement on ne peut pas dire que le public et le privé soit tellement différent mais on pourrait s'interroger sur ce qui s'apparenterait à des privilèges, en tout cas où sont les privilèges. Comment peut-on expliquer que quelqu'un qui travaille n'ait pas la possibilité de subvenir à ses besoins primaires comme par exemple avoir un toit.

21 - Je voudrais faire une petite digression, tout à l'heure on se demandait quel était le moteur de la question et moi je disais que l'on avait sur cette question franco-française au niveau européen, un peu une idée de jalousie comme moteur. Pour moi quelque part si on regarde notre société, on est une société de castes. Aujourd'hui quelqu'un qui va commencer sa carrière dans un poste salarié comme ouvrier a très peu de chance d'évoluer dans sa carrière et de là va se trouver enfermer dans une situation et donc ne pourra qu'envier les autres. L'idée aux USA, c'est vrai qu'il y a aussi des castes bien entendu, mais il y a aussi une plus grande mobilité, on voit des gens qui ont commencé au bas de l'échelle et qui finissent en haut, et même qui retombent des fois. Cette mobilité sociale entraine plus une admiration, ou moins d'envie, et se dire c'est possible on peut le faire. Ça été le moteur du dernier « yes we can » Quelque part quand on se dit qu'on a la possibilité de la faire je pense que l'on a un rapport tout à fait différent. Chez nous notre société est assez fermée et les très rares cas qui ont pu se produire ne sont pas suffisants pour donner de l'espoir à tout le monde et donner une vision. Par contre tout à l'heure on a parlé de différents salaires et je me faisais la réflexion qu'en fait notre système, dans l'idée, notre système n'est pas si éloigné. Quand une entreprise verse 150 pour un salaire, il y a grosso modo 75 de salaire qui va aller servir la protection sociale, le futur, les retraites et également la solidarité, les indemnités de chômage, la famille et tout ça. Et puis il va nous rester 75. On a versé 150 au départ, généralement il y a 50 pour les cotisations patronales, 25 pour les cotisations salariales, ou 20 donc il va rester 78 au salarié Ca c'est par rapport au coût du travail pour l'entreprise. On parlé de revenu d'existence, on quelque chose qu'on appelle le Smig, alors est-ce qu'il est suffisant, pas suffisant mais dans l'idée au départ c'était bien de créer un revenu d'existence minimum et que toute personne qui a un salaire ait les moyen d'exister. Par contre aujourd'hui ce que l'on regarde, et c'est de en plus vrai dans notre société, c'est que le marché, qui devrait édicter ces lois est entravé, entravé par des tas de nouvelles raisons. Moi j'ai été un peu choqué de voir qu'on disait que l'on ne trouvait pas de personnes dans certains métiers il y a quelque temps, en fait je pense que la question n'était pas de dire on ne trouve pas de personnes mais est-ce qu'on accepte de les payer plus pour en trouve, quelque part ce n'était pas parce qu'on n'avait pas de candidats mais pas de candidats à un certain prix et on n'était pas prêt à les payer plus cher .Il y a aussi quelque chose après si l'on va plus loin, la valeur ajoutée d'une entreprise est faite par ses clients, par les consommateurs. On parlait tout à l'heure de la valeur d'un informaticien, aujourd'hui elle est relativisée, quand o n va en Inde on va trouver un informaticien pour 2 à 3 fois moins cher, voire beaucoup moins d'ailleurs. Donc la compétition internationale va aussi jouer sur le montant des salaires en termes de facteur extérieur.

Animateur - Deux petites interrogations, on n'a pas parlé effectivement de la mondialisation, parce que le nivellement des salaires peut aussi se faire de manière transnationale. Et puis il y a une autre interrogation quand même parce qu'on s'aperçoit qu'il y a moins de travail, le travail est difficilement partagé et quand une personne travaille elle doit »supporter » le poids de quatre ou cinq personnes, je crois, en France, et donc on peut se demander, est-ce qu'on doit seulement se baser sur le travail pour fournir le minimum décent.

22 - Tout à l'heure je me suis peut-être mal exprimé, je voulais simplement dire, plutôt poser la question, est-ce qu'il y a une différence énorme entre un salaire et un revenu. Ce que je voudrais dire, est qu'il faut qu'on arrête quand même, c'est un mal un peu français, de comparer le salarié qui est dans le privé avec celui qui travaille dans le secteur public. Dans le secteur public il n'y a pas que le fonctionnaire, comme on dit un peu péjorativement dans un bureau, il y a aussi dans la fonction publique un grand nombre de gens qui y travaillent et qui sont aussi productifs au niveau du produit intérieur brut. Donc ce que je voudrais est qu'on arrête de faire ces comparaisons. Et aussi ce que je voulais dire, c'est pourquoi ce problème de salaire. Le salaire en gros il était pour être dépensé au niveau de tous les frais qu'il y a, donc on a tous à peu près les mêmes consommations au départ, à savoir l'électricité, le gaz, le téléphone, la télé, ça c'est ce qui existe pour tout le monde. Arrive à un moment par rapport à la différence des salaires, vous en avez qui gagnent beaucoup plus et on parle de revenu exorbitant pour certains et de pauvreté pour d'autres qui travaille et qui ont à peine le RMI pour subvenir en fin de mois à leurs besoins, et eux aussi ont besoin de consommer et pourquoi n'ont-ils pas la possibilité, eux, de consommer. J'ai entendu tout à l'heure le problème du risque au niveau des entrepreneurs, il y a en a peut-être qui ont eu la possibilité de devenir et donc de prendre des risques au niveau du développement de leur entreprise. Mais lorsqu'il y a un, bon résultat, est-ce que tout le résultat positif est retransmis à tous les salariés, c'est-à-dire, lui a peut-être pris un risque, mais les ouvriers eux aussi ont accepté de prendre le risque en même temps que lui, il le droit peut-être moralement mais les autres aussi prennent le risque plutôt physiquement, c'est-à-dire qu'ils arrivent à développer leur entreprise. Est-ce que quand il y a un, bon résultat, tout est retransmis à tout le monde ou bien est-ce lui s'en garde beaucoup plus qu'il reverse à d'autres. Alors lui a pris un risque, s'il y a un problème de difficulté financière dans l'entreprise, la première des choses qu'il fait c'est de licencier le personnel pour pouvoir continuer à subvenir. Donc là je pense qu'effectivement il y a un problème.

Animateur - On sent bien que derrière tout ça il y a ce sentiment d'injustice qui couve, on parle des résultats des grandes entreprises qui licencient, on ne comprend pas la raison, il y a vraiment ce sentiment d'injustice. Mais en même temps je me pose cette question, est-ce que ce sentiment d'injustice n'est pas d' abord et avant tout parce qu'on a eu nous-mêmes, ou en tout chez ceux où se sentiment apparaît, et du coup on revient dans la suite du débat, j'essaie de trouver pourquoi on s'interroge sur la comparaison.

23 - Vous avez abordé la question de savoir si le salaire était le seul moyen de distribution sociale. J'avais l'intention d'intervenir sur ce sujet mais j'hésitais par crainte de m'écarter du sujet, mais puisque l'animateur l'aborde je n'hésite plus. D'abord le salaire comme tout autre revenu commence par permettre de vivre. Après est-ce que l'entreprise doit servir de vase communicant entre les besoins et les moyens c'est toute une question. On vit en France depuis la fin de la guerre avec une philosophie qui a consisté à créer une aide sociale assez importante puisque on se vante qu'elle est l'une des meilleures, mais les seules ressources de financement de cette couverture c'est l'entreprise. Il y a encore 30 ou 35 ans sur 100 de salaire brut on retenait 10 ou 11 ce qui permettait de payer la sécurité sociale, la retraite etc. Aujourd'hui on est au minimum à 25%. Ceux qui nous dirigent n'ont pas compris que plus on avançait les machines remplaçaient les salariés et que les machines ne cotisent pas. Mais néanmoins cette structure mise en place en 1945/1946 a petit à petit, peut-être inconsciemment, fait considérer l'entreprise comme distributrice d'œuvre sociale, compensatrice d'un manque de pouvoir d'achat, c'est ainsi d'ailleurs qu'on parle de rapport de force. J'ai parlé tout à l'heure de marché, peut-être que mon raisonnement est influencé par la carrière que j'ai fait essentiellement en PME où cette notion de marché est beaucoup plus réelle. Si on admet qu'une entreprise est faite pour produire ou acheter pour vendre en essayant de faire un bénéfice, on doit admettre que le salarié est là pour aider à la production ou au commerce et donc on doit considérer le salaire comme un élément de charge s'ajoutant aux autres charges de l'entreprise et donc on essaie d'2viter que ces charges ne soient pas plus importantes que le chiffre d'affaires. Par conséquent cela explique, quelqu'un tout de suite parlait de licenciement, si pour vendre 100 il faut deux salariés, lorsqu'on ne vend plus de 50 il peut paraître normal de croire qu'un salarié suffit, si on garde les deux on fait faillite. Ca rejoint ce que je disais à l'instant, si on considère l'entreprise comme compensateur social on garde tout le monde, exemple dans la région la SMN, et quelques années plus tard on ferme et on licencie tout le monde. Ce n'est pas à l'entreprise d'assurer l'aide sociale c'est à la collectivité dans son ensemble. D'ailleurs quand on parle d'échelle de salaire il faut aussi regarder le salaire après impôt. Si on arrivait à revenir à la notion économique de l'entreprise on admettrait que le salaire est un élément économique et qu'ainsi sa justification réside en sa valeur sur le marché.

Animateur - La on pose la question eut égard à la rareté du travail dans notre société, est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer, on l'a abordé » dans d'autres interventions, on parlait de revenu d'existence minimum, ça progresse ce genre de chose quoi fait apparaître l'idée qu'il y a un capital acquis par les générations qui pourrait être redistribué. Pourquoi le travail reste fondamental, le travail au sens le plus prosélyte, pour quoi reste-il le pilier fondamental de notre société.

24 - Je pense que c'est une très bonne question que tu poses Marc, j'ai lu un excellent livre de Jacques Marseille, c'est un libéral, il parle lui le l'allocation unique universelle. C'est-à-dire, c'est ce que tu disais, le travail va devenir rare, premièrement on le partage avec les pays émergents, il restera peut-être que du travail intéressant, valorisant et à valeur plus ajoutée. Lui il pensait, et pourtant c'est un libéral, l'allocation universelle, on a dit à une époque que c'était utopique, c'est Thomas Paine qui en avait parlé le premier. Cette allocation universelle permettrait d'avoir à coté du secteur marchand, des gens qui toucheraient une allocation universelle qui serait fixée à tant part personne adulte et tant par enfant, et qui serait toute la vie. Cela permettrait à certains d'avoir des activités culturelles, de faire du bénévolat et qui pourraient éventuellement passer dans le service marchand pour améliorer éventuellement leur retraite, leur bien-être etc. Cela corresponds un petit peu à ce problème, cette problématique de la disparition et de la distorsion entre le salaire et le travail.

Animateur - Effectivement on s'aperçoit, alors que l'adéquation était très justifiée entre le salaire et le travail il y a encore cinquante ans, ça a rythmé notre société pendant des décennies, là on sent qu'il y a une cassure ; il faudrait inventer autre chose.

25 - Cela me fait penser à une idée qui m'est venue deux ou trois fois lors de cafés citoyen le sujet est tellement riche, de reporter la suite du débat au café citoyen suivant, c'est arrivé deux ou trois fois, bon voilà je ferme la parenthèse. J'ai été très sensible à ce que tu as dit tout à l'heure, élargir la vision. Actuellement on n'est plus confiné dans une activité donnée, il y a quelques décennies il y a des gens qui n'avaient jamais quitté leur village de leur vie, aujourd'hui avec les moyens d'information que l'on a, on a de plus en plus une conscience planétaire. Il est important, si l'on veut résoudre des problèmes locaux d'être attentif à ce qui se fait dans d'autres pays tant sur le plan de la justice et de l'épanouissement du progrès, que des échecs et des difficultés. Ici en France, avec nos territoires d'outre mer qui sont des territoires qu'on considère toujours comme étrangers, soumis même si on ne veut pas le reconnaître à une forme d'esclavage ;, il a fallu que les gens évoluent et prennent conscience de leur situation, de leur état, pour que les revendications se fassent très fortes. Je pense à la Guadeloupe, à la Martinique à la Réunion etc. Et puis aussi on se rend compte que par rapport à d'autres états, d'autres continents qu'il y a des inégalités fantastiques et ce n'est qu'en développant une conscience planétaire attentive aux besoins des autres de trouver une solution qui leur permettra de mieux vivre. A propos du salaire et du traitement je pense qu'à une époque, elle a duré assez longtemps mais elle révolue maintenant où il y avait ce qu'on appelle le mécénat, des peintres comme Rembrandt, Bruegel et d'autres parcouraient toute l'Europe pour améliorer leur qualité artistique et ils étaient traités, reçus par un mécène qui leur permettait d'épanouir leur art complètement. Je pense que l'Avenir sera aussi dans la libération de l'entrave du travail de point de vue purement pratique pour développer tout ce qui est de l'ordre artistique et culturel.

Animateur - Il reste une minute je vous donne le micro pour une courte intervention. Vous parliez de reporter le débat, vous pouvez aussi réfléchir à la question qui a émergé pendant ce débat et la proposer pour la suite.

26 - Je voudrais intervenir sur un point qui est le partage de la richesse. Je veux simplement dire que nos entreprises tournent parce qu'on consomme, s'il n'y a pas de consommation il n'y a pas de clients donc l'entreprise ne peut pas fonctionner. Donc il faut bien savoir que le moteur de la consommation, il y a bien sur le salaire qui est une source de revenu, mais le salaire est la part importante. Quand il y a de la trésorerie dans l'entreprise on fait des augmentations sans trop craindre car la croissance est importante, mais quand tout d'un coup la croissance s'inverse là on arrive à une compression des salaires. C'est ce qui se passe depuis à peu près 15 à 20 ans. La deuxième chose c'est que ce n'est pas vécu de la même façon dans une PME que dans une grosse boite. A la fin de ma carrière j'ai été contrôleur de gestion dans une très grosse banque, je peux vous dire que dans une très grosse boite je regardais comment ça fonctionnait. Ces entreprises quand elles voulaient réduire les effectifs, elles n'avaient pas une approche industrielle, elles avaient une approche bilancielle. La première chose qu'elles faisaient quand elles voulaient retrouver un bénéfice c'était de réduire les effectifs, elles savaient que ces licenciements avaient un retour sur investissement. C'est ce que savent tous les contrôleurs de gestion. Donc ce n'est pas la même problématique selon que l'on est une petite entreprise ou une grosse entreprise.

Animateur - C'était donc la dernière intervention. Le débat n'est pas fini, chacun repart avec ce qu'il a saisi du débat, c'est une question qui n'est pas si facile que ça parce que, ça peut paraître naïf de se poser ce genre de question mais finalement on s'aperçoit que c'est assez difficile parce que ça touche des notions qui sont le fondement de notre société, le travail social, le partage de la richesse produite. On a vu qu'il y avait peut-être des choses qui ont évolué, il faut peut-être inventer autre chose. On va passer maintenant au choix du thème du prochain café.

Choix du thème pour le Café Citoyen de Caen du 14 mars 2009 :
1 - Une société solidaire doit-elle développer des activités non marchandes ? 11 voix
2 - Peine accomplie, faute pardonnée ? 17 voix
3 - Est-il nécessaire de réduire le nombre de régions ? 4 voix
4 - Où en est l'égalité parentale ? 9 voix
5 - Le suffrage universel est-il démocratique ? 15 voix
6 - Quelle est la dynamique de l'opposition droite, gauche ? 3 voix
7 - Faut-il réformer les collectivités locales et les régions ? 8 voix
8 - Inégalités homme femme de quel coté penche la balance ? 4 voix
9 - Comment fonctionne la cyber citoyenneté ? 3 voix
10 - Qu'attendons-nous d'une politique écologique ? 16 voix
11 - Que serait une consommation citoyenne ? 13 voix

Prochain Café Citoyen : Peine accomplie, faute pardonnée ?

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