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Compte-rendu synthétique par Michel BlanchardCafé Citoyen de Sète (20/10/2017)

Animateur du débat : Michel Blanchard

» Démocratie et Citoyenneté

Face aux réalités du travail : Quelles formes de reconnaissances?

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Compte rendu de la première édition du café citoyen de SETE

« face aux réalités du travail, quelles formes de reconnaissance ? »

Invitée : Madeleine Estryn-Behar médecin du travail ergonome

Vingt personnes étaient présentes . Dans un premier temps, les objectifs d un café citoyen ont été explicités : répondre aux questions que nous nous posons pour nous et nos enfants, dans un monde complexe, en évolution rapide, afin de redonner du sens à nos parcours de vie.
Les modalités d échange ont été précisées : valoriser les vertus de la discussion, de l'intelligence collective, en acceptant les différences d'opinion comme une richesse , la contre verse comme une occasion de remise en question des pratiques et des représentations, dans le respect des personnes.
Le cadre juridique est bien celui de l'affiliation à une association nationale loi 1901 : LA NOUVELLE ARCADIE , par la signature d' une charte qui garantit que notre lieu d échange '' ne doit servir aucune idéologie ou action politique et veut rester un espace libre de réflexion et de discussion''.

Le thème de la discussion a été établi au sens large de l'OMS : l'Organisation Mondiale de la Santé , ''un état de bien être sur le plan physique, social et psychique''. Les participants ont été invités à se saisir des questions : '' quels ont été les effets du travail sur votre santé ? Qu'est ce qui peut les expliquer dans votre situation de travail concrète ?''

En réponse des professionnels de différents métiers se sont exprimés avec sincérité.

Pour plusieurs d entre eux, un sentiment de satisfaction émerge, qui n exclut pas la lucidité.
Ainsi, dans un métier artisanal,en pâtisserie ont été relevées certes les contraintes sur la vie familiale des horaires de travail décales , ainsi que la difficulté à la retraite à se déployer vers de nouveaux centres d'intérêt, d ailleurs trouvés, mais aussi des satisfactions d 'avoir créé sa propre entreprise artisanale, comportant des relations enrichissantes avec les collaborateurs, ainsi que l'autonomie dans l'organisation et les plaisirs d'un travail de qualité.
Une autre témoignage de ce métier a rejoint ce sentiment de satisfaction au travail dû aux relations professionnelles, malgré des facteurs de pénibilité physique du travail.
Dans les services publics, aux Chemins de fer dans un ex protectorat a été dite une vie professionnelle sans nuage, de part les relations développées et la possibilité d'un avancement grâce à la formation continue .

Pour autant d autres récits d expérience de vie professionnelle ont évoqués certains facteurs d atteinte à la santé, particulièrement sur le plan psycho-social.
A été relaté une forme de surdité due certes à une exposition , a côté d' une charge de travail mal vécue, survenue à un moment de relations conflictuelles avec une hiérarchie....
A été souligné non seulement le gâchis financier, mais surtout le sentiment de dévalorisation éprouvé par certains hauts fonctionnaires qui du fait de restructurations de services , se retrouvent certes pris en charge, mais sans utilité....
A été posée une question sur l'existence de la Cotorep, afin de reconnaître un handicap et d aménager la situation de travail au bénéfice du salarié...
L exercice de responsabilité dans un centre pour la petite enfance a été vécu péniblement à l'occasion d'une relation conflictuelle avec une salariée , et ses répercussions.
D autres situations professionnelles connues par les médias ont été évoquées, car la 2 souffrance au travail est maintenant clairement émergente , de part l'intensification du travail, d'une part, les relations professionnelles mises à mal, dans un contexte de pression accrue à l'efficacité , de précarité et de chômage massif...

A chaque personne, l'invitée médecin du travail et ergonome hospitalière a répondu en explicitant telles contraintes de la situation de travail , d'une part, et en reliant les faits individuels au cadre plus général du métier. Des tableaux statistiques provenant d enquêtes françaises et européennes ont ainsi été projetées et seront ajoutés au compte rendu actuel.

Pour clore la rencontre, un schéma explicatif de synthèse a été commenté , afin d apporter des éléments de compréhension généraux concernant les liens entre les réalités du travail et la santé, sur la plan physique, social et psychique. il reprend d une part les mots clés de l'ergonomie, et d autre part les mots clés de l'approche de la ''psycho -dynamique du travail'' (Cristophe Dejours).

Ce schéma est illustré par un triangle. Un pôle est constitué par la ''personne'', le second par le ''réel '' du travail, le 3ème par le lien antre la personne et ''autrui''.

Dans sa contribution au réel du travail, selon les mots clés de l'Ergonomie, le (la) salarié(e)travaille dans le cadre d'une ''tâche prescrite'' c'est à dire un ensemble d objectifs, de procédures, de moyens humains et matériels, de résultats à atteindre en termes de quantité, de qualité, de délais....
Cependant, les imprévus de tous ordres : défauts de matières premières, pannes et dysfonctionnement de machines, absence de collègues, non actualisation de logiciels , variations saisonnières de la production ….sont toujours plus nombreux que prévus...Il y a ainsi toujours un écart entre prévision et réalité rencontrée : il peut être réduit ou très important, mais il est toujours imprescriptible, à chaque moment du travail.
Face à cette ''Variabilité, l'opérateur est amené à s'éloigner momentanément de la prescription pour cependant y revenir...il fait preuve d'intelligence pratique et trouve des modes ''dégradés'' utiles à l'atteinte des résultats, qui sans ses apports n 'auraient pu être envisagés.
Son ''activité réelle'' s'éloigne ainsi de l'activité prescrite.La connaissance de cette activité réelle est imparfaitement partagée. En effet, sa communication pourrait constituer un facteur de reproche par exemple de s'être éloigné des consignes de sécurité prévisionnelles...l'obstacle à partager l'information est en bonne part d'origine sociale : les acteurs de terrain en sont les connaisseurs au quotidien, la hiérarchie plus éloignée...

C'est à ce point que se situe la naissance possibles de formes de ''méconnaissance'' voire de souffrance au travail, ou au contraire de ''reconnaissance'' et de bien être selon les destin de la communication ou non de la réalité du travail.Ce lien se situe entre la ''personne '' et ''autrui'', sur le champ social.
En effet, des jugements d'évaluation sont à l’œuvre .

Celui de la hiérarchie est particulièrement fondé sur ''l efficacité'', l'atteinte des résultats.De fait, dans des temps d' '' intensification'' du travail que connaissent nos sociétés, les exemples de salariés qui , avec les moyens dont ils disposent ont donné de leur peine sans pouvoir atteindre des résultats très ambitieux sont multiples. Ils se trouvent alors dans une situation de travail ''contrainte, voire de ''débordement''. Le thème de la ''souffrance ''au travail a émergé et donne maintenant lieu à l'ouverture de consultations en réponse. (cf l'émission ''cash investigation '' de France 2 sur les conditions de travail dans des entrepôts de logistique de la grande 3 distribution)
.Les démarches innovantes permettant de faire remonter et prendre en compte la connaissance de l'activité réelle , si elles existent, sont particulièrement mises à l’œuvre à la suite d'études ergonomiques, après des dysfonctionnements constatés, alors qu'il est très souhaitable et possible d intervenir à la conception, le plus en amont possible. L'approche ergonomique permet ainsi, selon une définition reconnue , d'''adapter le travail à l'Homme et non l'Homme au travail''

Les salariés peuvent bénéficier en outre de jugements de ''gratitude '' ou non,de la part de clients.

Enfin et surtout, ils peuvent bénéficier de jugements de ''beauté'' de la part de leur pairs. Une formulation possible en est : ''dans les conditions qui étaient les tiennes, que nous connaissons, avoir trouvé les gestes et ressources permettant de faire face aux imprévus et de limiter l'écart d avec la prévision mise en défaut et la réalité rencontrée, ...mérite notre reconnaissance et notre soutien ; ton exemple entre dans une tradition de savoir faire et de savoir être qui est la nôtre....''
Ce jugement apparaît comme le plus important pour la santé des salariés sur tous les plans, et notamment sur celui psychologique et social, car il permet au salarié de réintégrer une communauté de travail mise à mal, sur le plan humain.
Le souhaitable se situe bien évidemment quand les différentes logiques à l'oeuvre dans les situations de travail soient prises en compte en même temps, et satisfaites : on peut dire que prendre en compte à la fois le critère de l'efficacité, et aussi celui de la santé au sens large, dans ses dimensions sociales et individuelles, permet un ''agir communicationnel'' (Habermas).

Il reste à le plus important à comprendre  pour la santé au sens large : le lien l'activité réelle ,mise en visibilité ou non prise en compte ,et les jugements de reconnaissance ou de méconnaissance.
En effet, ces jugements s'ils sont formulés sur le ''faire'' du travail, sont rapatriés par la personne dans le registre de l ''être''. Une formulation de cette '' traduction peut être : '' si on me dit que j'ai bien fait ma tâche, c'est que je suis aussi une personne bien'' ; à l'inverse : '' si on me dit que je n'ai pas rempli ma tâche, c'est que je ne suis pas une personne bien''. C 'est ainsi le niveau d estime de soi que est en question, cela touche au récit intime que chacun se fait des épisodes de sa vie, à la question de l'identité qui est l'armature de la santé, sur le plan psychique.
Cela explique que le travail puisse être constructeur pour la santé, ou au contraire destructeur , en raison du retentissement des jugements d'évaluation, domaine très sensible pour les salariés, portés sur leur travail. On peut dire, selon un mot de salarié entendu que le travail, qui était auparavant une ''valeur'', puisse être de nos jours davantage vécu comme une ''faveur''.
Un lien est possible avec l'actualité, parfois très sensible : des salariés éprouvant des formes de souffrance au travail , en raison de jugements de ''méconnaissance'' répétés, particulièrement s'ils ne bénéficient pas, dans leur vie privée, de satisfactions, peuvent être mis en situation de fragilité dommageable pour eux mêmes , l'entreprise et la société....

Il resterait à s'interroger sur les ''déterminants extérieurs'' du travail qui , très en amont de la situation de travail, en définissent les marges de manœuvre , entre recherche de l'efficacité en vigueur, et prise en compte de la santé, qui apparaît, malgré les Institutions protectrices et les normes, comme un enjeu, voire un défi actuel. 4
Quelles tendances lourdes peuvent elles être à l'oeuvre dans nos sociétés ? On ne peut qu'en évoquer quelques unes, sous réserve de discussions pour en apprécier les conséquences.
Il y a une composante technologique : où va le travail humain ? : sous l'influence du numérique et de la robotisation, ne se dessine t il un avenir comportant destruction d'emplois et création de nouveaux ? Ceci a une échéance assez rapprochée pour nous interroger. Ne seront ils pas accessibles inégalement, en priorité à ceux qui auront su ou pu développer les compétences requises? ..au contraire, ne cette situation ne constituera t elle pas une chance si une création de richesses accrue dégagerait des ressources et du temps pour des activités socialement utiles ?
Il y a une composante économique : la mondialisation à l'oeuvre et la financiarisation de l'économie feront elle la place, sous la pression des Institutions en charge du bien commun et de l'intérêt général , à des règles de régulation  essentielles pour le ''vivre ensemble ''?
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Autant de thèmes de discussion utiles à l'exercice de la citoyenneté.

Michel Blanchard
michel.blanchard11@laposte.net


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