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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (12/11/2003)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Démocratie et Citoyenneté

Revenu minimum et citoyenneté

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Le débat s'engagea de suite sur le thème du revenu minimum d'insertion (RMI) tant dans l'esprit de chacun le revenu minimum est associé au RMI. Lors de sa création en 1989, le revenu minimum d'insertion se voulait pour ses bénéficiaires une solution temporaire au chômage et un outil de réintégration dans la vie professionnelle. Aujourd'hui, nombreuses sont les critiques qui s'élèvent face à ce système qui s'englue.

Certains considèrent que le RMI ne possède plus de caractère réintégrateur. «On a oublié le I de Insertion», lance-t-on. D'autres dénoncent la petitesse de ce minimum social. « On ne vit pas avec le RMI. On survit ». Les Rmistes sont dans un tel état de précarité qu'un intervenant n'hésite pas à dire qu'on les cantonne au statut de sous citoyen. Dans certains quartiers, l'abstention bat de tristes records. On comprend d'ailleurs que la politique n'intéresse plus lorsque l'on est obligé de vivre au jour le jour. Et lorsque l'on rencontre seulement les délégations politiciennes à l'approche des élections.

L'indifférence, la méfiance voire le dégoût du politique facilitent la montée des extrémismes. Certains avancent que dans ces conditions de précarité, le Rmiste n'est pas réellement en pleine possession de sa citoyenneté. Certes, la conscience citoyenne et l'approche de l'intérêt général nécessite du recul vis-à-vis du quotidien et une sérénité dans sa vie personnelle. Mais cette réflexion menée jusqu'au bout cautionne le suffrage censitaire. N'est-ce pas trop facile ?

On évoqua également l'accusation que l'on porte souvent au Rmistes de vivre aux dépens des autres. Quelqu'un dénonça ce regard qui engendre de graves processus psychologiques (culpabilisation, marginalisation, etc.). Un autre intervenant nous explique d'ailleurs comment en perdant son travail il s'est retrouvé délaissé par ses amis ; Alors même que pendant sa période de chômage il ne s'est jamais autant impliqué dans des activités bénévoles.

N'oublions pas que le travail n'est que la contrepartie sociale de nos droits à profiter de la société. Lorsque l'on oppose l'assistanat et le salariat, on présuppose que le salaire est l'exact reflet de notre travail personnel alors qu'il n'est que le résultat de la démultiplication par la société de notre contribution sociale.

Les exclus de notre société le sont souvent parce qu'ils ne participent pas au développement de la richesse économique de notre pays. Cette richesse nationale est par ailleurs arbitrairement définie comme l'ensemble des revenus produits par les entreprises. Sans travail, quelqu'un ne contribue pas au PNB (Produit National Brut), alors qu'il peut créer, par le bénévolat, par des activités utiles mais non rémunérées, de la richesse sociale. L'exemple des SEL (Système d'Echanges Locaux) montre que les échanges peuvent largement dépasser le cadre économique actuel. Pourquoi ne pourrait-on pas accorder autant d'importance à des activités considérées aujourd'hui comme non rémunératrices mais qui sont utiles ? La richesse d'une société semble donc mal mesurée aujourd'hui.

Nous sentons que notre système économique est de plus en plus étriqué. Le fantasme du plein emploi reste circonscrit à l'intérieur même des cadres définis par notre système. Si nous élargissions le domaine des activités rémunérées aux activités utiles socialement, la hantise du chômage et le mal-être qu'il engendre s'atténueraient. Cette réflexion nous pousse même à remettre en question la croissance, ce moteur presque « céleste » de l'économie. Par les progrès que nos ancêtres ont apporté à la société, la richesse est censée s'accumuler et s'intégrer aux structures sociales. Pourquoi cette richesse réelle ne pourrait pas constituer un revenu garanti pour l'ensemble des individus vivant dans une société ?

Dans la salle, on propose de dissocier le salaire provenant d'un travail et le revenu minimum de citoyenneté identique pour chaque citoyen. Ce revenu de base, assumé par l'État et ne dépendant ni de la condition sociale du sujet (travailleur actif, chômeur, retraité, étudiant) ni de sa condition économique (classe moyenne, riche ou pauvre), serait accordé à tout citoyen reconnu comme tel.

Le but d'un tel revenu ne se réduit pas à un simple mode de survie ou, encore moins, à une invitation à ne plus travailler. Il s'agit au contraire, d'inciter la réinsertion du citoyen dans des activités économiques ou sociales en le libérant de l'angoisse du lendemain. Ce revenu minimum garanti favoriserait les chances d'insertion sociale du citoyen déclassé. Notons que présentement le citoyen se retrouve effectivement souvent dans un état d'extrême vulnérabilité: dès qu'il sort de la sphère reconnue et valorisante du travail salarié, il est presque condamné, selon l'éthique traditionnelle, à perdre toute valeur et toute dignité...

Pourquoi travaillons-nous de nos jours ? Si ce n'est à cause de ce sentiment de devoir ou d'obligation. Il est plus juste de penser le travail comme un outil d'épanouissement personnel.

Libéré de cette vulnérabilité économique grâce à l'assurance d'un revenu de base, le citoyen retrouverait le goût du risque et d'entreprendre ; En se prenant en mains grâce au soutien financier et psychologique qu'offrirait un revenu minimum garanti, le citoyen déclassé retrouverait confiance en ses talents et cesserait de se percevoir comme un éternel et stérile pensionné à la charge de l'État. Remarquons comment dans les systèmes d'assurance-chômage et d'aide sociale actuels c'est trop souvent ce qui se produit : dès qu'un individu retourne partiellement sur le marché du travail, il est pénalisé. On lui « coupe » au prorata de ses nouveaux revenus de travail ses prestations d'aide... Ce qui n'incite pas à retourner travailler, d'où la tentation compréhensible à vouloir s'accrocher à perpétuité à un système d'aide réduit à un simple moyen de survie.

Une question brièvement évoquée reste en suspens : comment financer un tel projet de revenu de citoyenneté ? Elle fera peut-être l'objet d'un autre Café Citoyen.

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