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Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu synthétique par Pascal BrunoCafé Citoyen de Ajaccio (27/04/2010)

Animateur du débat : Pascal Bruno

» Politique et Société

Comment remettre l’humain au cœur de la politique ?

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Pascal exprime ses regrets pour le léger retard avec lequel commence le café citoyen. Il est 20H20. Il précise que l’initiative qu’il a prise en lançant le café citoyen n’est pas une opération commerciale mais une démarche sur le long terme dans laquelle il croit vraiment. Malgré les difficultés de la société qui sont hélas bien réelles et qui pourraient conduire au pessimisme, il refuse de baisser les bras et conserve sa foi en l’être humain.
Père de quatre enfants, il a conscience de notre responsabilité vis-à-vis des jeunes et de l’avenir. Il rappelle le principe de la prise de parole.

Le thème de la soirée a été : « Comment remettre l’humain au cœur de la politique ? »

Une trentaine de personnes étaient présentes, certaines ayant déjà participé le mois dernier au premier « café citoyen ».

Pour aborder le thème du jour, Pascal avait prévu quatre sous- questions :

Est-il possible de lier l’humain et le politique lorsque la valeur dominante au sein de notre société est l’Argent ?

Que vaut l’individu lorsque les entorses au code du travail se multiplient ?

Quel est l’effet produit par les sociétés Low-Cost ?

Que faire de la Corse ?

Un des participants indique que le thème qui a été choisi l'a été volontairement, d’une portée large,afin de s'habituer à travailler tous ensemble.
Un thème technique ou trop précis aurait en effet, avantagé tel ou tel en fonction de son domaine d’activité.
Pour lui, mettre l’humain au cœur de la politique, c’est mettre la vie au cœur de la politique.

Le présent compte-rendu est articulé autour de domaines et idées qui ont été abordés au cours de la soirée.

Le premier axe de discussion a été, logiquement ,car il conditionne toute démarche citoyenne: la prise de parole et l’expression de tous dans la Société

Prise de parole et expression de tous
Une personne présente, d’un certain âge, précise qu’elle vient pour écouter sans avoir forcément envie de prendre la parole. Elle est bien décidée, pour reprendre son expression à « apprendre jusqu’au bout »

Pascal, l’initiateur et l’animateur du café citoyen rappelle, au sujet de la prise de parole en public ,qu’il est timide mais qu’il se soigne. Le but du café citoyen est d’échanger et non d’aboutir nécessairement à un consensus. Nous sommes tous ici des citoyens à égalité de droits.

Un intervenant regrette que l’on n’ ait pas assez la parole dans notre société. On peut, certes, s’exprimer oralement ou par écrit mais ce n’est qu’une liberté formelle car on n’est pas réellement écouté et entendu. Il a fait de la politique et a même créé un mouvement mais les medias ne lui ont donné aucun écho. Le Peuple n’a pas la parole.

Or, la Démocratie, c’est le gouvernement du Peuple par le Peuple et pour le Peuple. Il est donc fondamental qu’il s’exprime et que sa parole ne soit pas déformée ou instrumentalisée.
Internet est un espace d’expression mais selon les sites, les commentaires peuvent être censurés.
Finalement, il n’y a que peu de réelles communications dans la société actuelle.

La prise de parole, notamment au sein de la société Corse, nécessite de ne plus avoir peur et d’avoir le courage de dire ce que l’on pense sans craindre tel ou tel.
Cette peur empêche la libre expression de la volonté populaire.

Le fait qu’il n’y ait, au-delà de démarches particulières, de prise de position collective contre le climat de violence et les assassinats commis la semaine écoulée semble inquiéter ce dernier.

La politique ne doit pas être régie ou réglée par la violence des armes. Cependant, il semblerait qu’il y ait une acceptation collective de la violence comme si elle était un vrai moyen de régler les problèmes.
Les réactions d’indignation restent-elles trop souvent individuelles ?

Une autre citoyenne nuance le constat qui vient d’être fait. Les actes de violences donnent souvent lieu à des marches ou manifestations silencieuses, pour preuve que le consensus vis-à-vis de la violence est loin d’être partagé par toute la société corse.
Le silence est parfois plus fort que les paroles.

On oublie souvent ce qu’était le passé. Ce n’était guère mieux. Il y avait autant de délits meurtriers qu’aujourd’hui et voire même, beaucoup plus. Pascal Paoli a fait baisser le nombre de crimes de sang en instaurant des tribunaux qui se sont ainsi substitués à la vengeance privée.

La parole des citoyens doit s’exprimer mais faut-il encore qu’elle soit entendue et relayée par les élus et que ces derniers entendent la voix du peuple, celle de l’intérêt général et non celle de tel ou tel groupe ne défendant que des intérêts particuliers.
C’est la thématique de la « Recherche de l’intérêt général et de la Démocratie représentative ».

Recherche de l’intérêt général et Démocratie représentative :

Les politiques, déplore une personne présente, s’adressent et satisfont des intérêts particuliers en oubliant l’intérêt général.
L’humain est lié aux politiques mais de façon déformée.
La devise de la République « Liberté, Egalité , Fraternité » est galvaudée par les politiques.
La liberté se réduit à celle de consommer.
Etre citioyen, c’est décliner LIBERTE ( base) EGALITE ( moyen ) FRATERNITE ( but).

On a élu les hommes politiques mais votons-nous toujours en pleine connaissance de cause ?

La Société n’est pas tissée exclusivement par des mécanismes électoraux mais elle est aussi constituée de valeurs qui conditionnent la vie des individus et qu’il convient d’aborder dans un café citoyen sous peine de ne pas comprendre le monde dans lequel ceux-ci évoluent.

Valeurs de la Société :

La Société actuelle est marquée par l’argent et l’individualisme.

Argent :

L’Argent n’est pas seulement la valeur dominante mais tend à devenir la seule valeur de notre Société.
L’Argent est devenu, hélas, l’étalon de mesure de la valeur de chaque individu. Un enseignant, jadis respecté, est aujourd’hui dévalorisé et un chercheur ne pèse pas lourd face à un footballeur .C’est à l’aune de cette hégémonie de la valeur Argent que l’on doit analyser la volonté d’assouplir le Code du Travail afin de permettre le travail le dimanche.
Il s’agissait, en effet de la seule journée où la valeur Argent n’était pas la seule. Le repos du dimanche permet de tisser des liens sociaux, de vivre en famille, de faire du sport etc …
Pour un participant,en revanche, le problème ne se pose pas en ces termes. Si quelque chose lui plaît, peu lui importe de travailler quel que soit le jour de la semaine.
Un travail peut être motivant. Par exemple, les fonctionnaires servent l’intérêt général ce qui est une mission valorisante.
Plus généralement, si l’on prend conscience de l’utilité sociale du métier que l’on exerce, quel qu’il soit, on en mesure l’utilité et la dignité.
Il faut redonner le goût du travail et qu’il ne soit pas simplement perçu pour son aspect financier.
L’Argent ne peut être la seule valeur refuge. Sénèque disait que, quand il n’y a qu’une seule valeur, il n’y a plus de Démocratie.
Il convient cependant de rappeler que si les philosophes grecs pouvaient philosopher, c’est qu’ils étaient déchargés de toutes les contraintes matérielles, des esclaves étant obligés d’y pourvoir. Il faut donc se garder de tout idéalisme vis-à-vis de l’antiquité grecque.
L' important, c’est de créer et de partager des richesses.

En Corse, autrefois, il y avait ce système de partage des richesses, ceux qui possédaient des terres laissaient à ceux qui n’en avaient pas une partie de cette terre.

Pour quelqu’un d’autre, il semble qu’il y a une réaction contre cette société régie par l’Argent. Il y a un retour vers un mode de vie plus spirituel et intellectuel. Il pense que le dimanche ne sera pas banalisé et que l’on ne reviendra pas sur les 35 heures.

Individualisme :

Un membre du comité citoyen évoque un poème tragique démontrant que l’on doit se sentir concerné par ce qui arrive à autrui : « Quand ils sont venus chercher les Juifs, je ne m’en suis pas soucié, je n’étais pas juif, quand ils sont venus chercher les tziganes, je ne m’en suis pas soucié, je n’étais pas tzigane ; quand ils sont venus arrêter les homosexuels, je ne m’en suis pas soucié car je n’étais pas homosexuel ….. Quand ils sont venus m’arrêter, personne ne s’est soucié de moi.

Lorsqu'on effectue une recherche sur internet : « politique économique » on a infiniment plus de réponses que lorsqu'on tape « politique humaine », ce qui démontre l’acuité du débat de ce soir.

Quelqu’un tient à rappeler certains apports oubliés de la Révolution Française qui est souvent vue sous les symboles des Droits de l’Homme et du Citoyen et ….de la guillotine.
Elle a adopté le système métrique mais surtout, elle faisait précéder tous les noms de métiers du terme citoyen démontrant par-là même que le rôle de chacun doit être envisagé dans son utilité collective et au service de tous. C’est ainsi que l’on parlait de « Citoyen menuisier, citoyen maçon, citoyen médecin … » Il suggère que le café citoyen renoue avec cette tradition oubliée.

Le danger d’une société en crise économique est qu’elle favorise l’individualisme et son corollaire,le communautarisme, qui procèdent du rejet de l’autre dans sa différence.
C’est le vivre ensemble qui est remis en cause et le Citoyen au sens des lumières disparaît derrière des individus clivés.
Il convient d’avoir toujours présente à l’esprit cette phrase de Montaigne « Chaque homme porte en lui l’image de l’humaine condition ».

Quelqu’un dans l’assistance invite à s’interroger sur la temporalité du politique. Doit-on faire de la politique pour qu’elle assure notre bien être actuel ou pour qu’elle permette un meilleur avenir à nos enfants ?

Il est évident que la jeunesse représente l’avenir de la société et que la démarche du café citoyen s’inscrit dans la durée et ses effets n’auront lieu que dans l’Avenir.

Jeunesse et Avenir de la Société :

La valeur dominante de la société qui est l’Argent ainsi qu’il a déjà été évoqué est prégnante également chez les jeunes. Selon une enseignante, les jeunes vivent en castes et ne sont que des "fashion victims". Cette attitude à tout le moins inquiétante serait "encouragée" par les parents.
Ceux qui essaient encore d’inculquer des valeurs morales sont rejetés.
Cette prévalence ne semble laisser que peu d’espoir pour le "devenir". Les concepts de citoyenneté et d’ouverture à l’autre sont, dans ce contexte, totalement utopiques.
Il ne faut pas compter sur ce type de formation de la jeunesse pour bâtir une Corse ouverte et solidaire.

Un autre participant pointe la responsabilité des parents et des politiques dans cette attitude d’une partie de la jeunesse.
Il a aussi été dit que le dialogue entre générations n’est pas assez répandu et fécond.
Les enfants sont ce que nous en faisons. Où sont les adultes dans la cité ?
Les adultes baissent les bras et, à ce titre, sont loin d’être des modèles pour les jeunes.
Une « mère de trois enfants » considère que c'est à terme que l’on peut juger un enfant et pas seulement durant son adolescence.
Plusieurs voix se sont alors élevées pour plaider une certaine indulgence pour la jeunesse.
La France sacrifie sa jeunesse. Les jeunes n’ont aucune illusion quant à leur futur. Les jeunes Corses, par réaction, se réfugient dans le matriarcat et l’insularité pour éviter de se projeter dans l’avenir qui leur apparaît sombre.
Et ceux, issus de l’immigration doivent gérer une triple identité : Corse , Française et immigrée.

Au-delà de l’indulgence pour la jeunesse, une mère de famille indique qu’il y a des jeunes corses qui réussissent dans le monde et qui font des choses extraordinaires. Pour elle, les valeurs de la civilisation corse ne sont pas pour rien dans cette réussite.
Ce qui fait réagir un membre du comité citoyen qui est gêné par le terme « civilisation corse » ( ndlr : terme qui lui paraît probablement trop identitaire).

Un « citoyen » tient à rappeler que dans chaque génération, il y a toujours eu des gens et des jeunes bien et d’autres moins.
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En règle générale,concernant la jeunesse, Socrate, déjà, critiquait celle de son temps qui n’était plus comme celle de la précédente génération. Le débat est donc déjà très ancien.
La spécificité de notre époque est que l’on ne peut plus transmettre son métier à ses enfants, métier qui, dans le passé, assurait un revenu mais structurait également l’identité.
Nombre d’adultes ne peuvent plus transmettre des valeurs et une manière de vivre, car ils sont eux même en survie.

Il ne faut pas sombrer dans le défaitisme, car si les difficultés sont grandes, avec de la volonté et du dialogue, les citoyens peuvent faire bouger les lignes de la société :

Des signes d’espoir existent :

Un « marché paysan » a été institué à Cauro et en Haute- Corse qui permet aux producteurs de vendre plus chers que s’ils passaient par un intermédiaire et aux acheteurs de payer moins cher que s’ils s’approvisionnaient dans le cadre d’un circuit commercial classique.
Paul, qui se revendique « pessimiste joyeux » fait part de son expérience. Il a vécu au Liban et a rencontré dans toutes les communautés des « salopards » mais aussi des gens qui se bougeaient pour que les choses s’améliorent pour tous. Pour lui, on a le droit d’être pessimiste mais pas celui d’être défaitiste.

Les réformes régressives abondent mais il est une réforme qui a été adoptée et dont on ne mesure pas assez l’importance car elle redonne du pouvoir aux citoyens. C’est la question prioritaire de constitutionnalité. A l’occasion de tout litige, une des parties pourra contester la constitutionalité de la loi applicable à l’affaire en cours . Néanmoins , la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen fait partie intégrante du préambule de la constitution et , potentiellement, autorisera beaucoup de confrontation des réalités juridiques aux principes qu’elle contient .

Jean Jaurès disait « Il faut aller à l’idéal et comprendre le réel » signant ainsi la raison d’être du café citoyen.

Cette séance du café citoyen a eu ceci de particulier que Pascal a invité au débat Kenneth Brown anthropologue, écrivain et rédacteur de la revue « Méditerranée ».
Sa présence a été un atout majeur car il a une expérience aiguë des sociétés du Proche Orient où le vivre ensemble semble une gageure et un pari insensé mais, où de nombreuses initiatives signent l’espoir d’un monde meilleur. La dialectique de l’affirmation identitaire et de celle de l’esprit citoyen ouvert à l’autre est au cœur de l’Avenir de toutes les sociétés qu’elles soient proches,orientales ou îliennes.

La revue « Méditerranée » est bilingue ( Français, Anglais) car il faut lutter contre l’ethnocentrisme. C’est une revue où l’on parle de tout mais plus par la littérature et la Culture que sous l’angle directement politique.
Le n°14 est consacré à la ville d’Haïfa en Israël.
C’est une ville qui n’a pas de passé biblique. Elle a été créée par les Ottomans à la fin du XVII siècle car en 1918 elle faisait partie de l’empire Ottoman. Elle est située à deux heures de route de Jérusalem, Beyrouth et de Damas.
Sous le mandat Britannique de 1918 à 1948, c’était une ville marquée par une mixité entre Juifs et Arabes. En 1948 il y avait 60 000 juifs et 70 000 Musulmans.
C’était une ville où la Culture occupait une grande place. De nombreux artistes ayant fui l’Allemagne avaient reconstitué un mini Bauhaus On parlait beaucoup allemand. Einstein est venu pour l’inauguration du Technikon , centre de recherches scientifiques et technologiques.
En 1945, après la Shoah, beaucoup de survivants de l’holocauste sont venus s’installer en Palestine et à Haïfa. En 1948, après le conflit consécutif à la création de l’Etat d’Israël, le nombre de palestiniens à Haïfa est passé de 70 000 à 3000 hab.
De nos jours Israël compte 7, 5 millions d’habitants dont 6 millions de juifs et 1,5 million d’arabes israéliens.
Haïfa est devenue une ville peuplée en majorité de personnes âgées et assez conservatrices.
Les jeunes partent et sont surtout attirés par Tel Aviv.
Pour Kenneth Brown qui était interrogé sur sa vision d’une possibilité ou non d’avenir commun:« nous sommes tous condamnés à vivre ensemble » à Haïfa comme ailleurs.
Il craint simplement que l’Europe ne se détourne peu à peu du Sud pour les pays d’Europe de l’est qui sont culturellement plus proches.
Il y a des menaces réelles en Méditerranée mais des richesses potentielles égales.

Une nouvelle intervenante s'est éssayée a une comparaison entre Ajaccio et Haïfa, car Ajaccio compte également de nombreuses personnes âgées et un manque certain d’activités culturelles a été souligné.

Devant le très grand nombre de thèmes proposés pour le prochain café citoyen, Pascal propose que les sujets potentiels soient mis en ligne sur le blog du café citoyen : http://comitecitoyen2010.blogspot.com
Les votes se faisant , aussi, par voie électronique dans les jours à venir. Il était près de 22H30 quand ont commencé les discussions informelles à l’étage après que la séance officielle s’est achevée.

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