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Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu synthétique par Benjamin BALLCafé Citoyen de Lisieux (10/03/2005)

Animateur du débat : Benjamin BALL

» Économie

Le consommateur peut-il redevenir citoyen ?

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Le débat est introduit par une petite réflexion sur les termes du sujet : ceux-ci impliquent en effet que consommateur s'oppose à citoyen, le premier étant dans le domaine de l'avoir, le second dans celui de l'être.

La formulation du sujet, remarque quelqu'un, suppose que le consommateur a été autrefois citoyen. Le vocabulaire de la consommation envahit tous les aspects de la vie car, notamment dans les services publics, on parle de plus en plus de clients, et de moins en moins d'usagers, et cela ne peut être un hasard!

Une première partie du débat porte sur la possibilité d’avoir une attitude citoyenne en tant que consommateur : regroupement en associations, défense des intérêts collectifs, refus d’acheter certains produits au nom de principes éthiques (pour la défense de l’environnement, contre le travail des enfants, etc.) Des exemples comme les produits Lu-Danone sont évoqués : les consommateurs ont ainsi (très minoritairement) protesté contre des licenciements abusifs. Un "consommateur éclairé" peut ainsi faire tâche d’huile par son exemple, comme la personne qui refuse de prendre un sac en plastique dans un magasin.

Mais les partisans au débat constatent que l’existence de cette attitude de "consommation citoyenne" ne rend pas compte de l’ensemble du problème : la discussion s’oriente alors sur le rôle idéologique joué en profondeur par la publicité, notamment par celle qui s'adresse aux enfants, qui ne fait pas que vanter des produits, mais façonne le comportement, les relations avec les adultes, les valeurs, l’image de soi-même pour les plus jeunes. On évoque ici la tyrannie des "marques" et son influence sur la sociabilité des jeunes.

Les participants au débat affirment que le fonctionnement même de la société est en cause, et que chaque citoyen y a une part de responsabilité. On reprend l’exemple des produits bon marché, qui viennent de pays où les conditions sociales sont épouvantables, et que chacun de nous a le pouvoir de refuser. Pourtant, est-il objecté, tout le monde sait par quiet dans quelles conditions les composants électroniques sont produits, et bien peu de citoyens éclairés songent à se priver d’un téléphone portable. Pour des raisons éthiques !

Ce qu’il faut remettre en question, c’est la place prise par le marché, qui n’a pas vocation à diriger la société toute entière. Si l’on prend ce mot au sens propre, il semble logique que le placier, représentant des autorités, fasse respecter des règles. Mais aujourd’hui, et c’est cela qui est critiquable, ce sont les "boutiquiers" qui font la loi !

L’aliénation du citoyen par la télévision est évoquée ; pourtant, disent certains, personne n’est obligé de se laisser manipulé ; la citoyenneté réside justement dans le choix, l’exercice du libre-arbitre et de l’esprit critique. L’assistance s’accorde à déclarer que les citoyens ont baissé les bras devant le monstre qu’ils ont créé. Nous vivons dans un monde où tout est objet de consommation, même la pensée, même l’action politique : le recours aux ‘‘Dir.com’’, l’attention exclusive portée à la forme et à l’image montrent bien cette dérive publicitaire du monde politique.

La discussion débouche sur l’idée que l’homme est trop souvent prêt à abandonner son libre-arbitre : dans cette perspective, l’humanité apparaît comme une fourmilière. Dans la conjoncture actuelle, disent certains, les citoyens sont tellement perdus, tellement désabusés, qu’ils se retournent vers la consommation, pour avoir l’illusion de ‘‘vivre leur vie’’.

Cette partie du débat s’achève sur la conclusion qu’il faut se changer soi-même. "Cela fait des années que nous le faisons !" s’exclame un des participants, car pour changer le monde, il faut aussi agir sur les autres, et de manière assidue, pas en dilettante. Ici, la notion de manipulation (vertueuse) est mise en avant, ce qui provoque un tollé : le manipulateur ne respecte pas les gens qu’il dirige comme des objets, alors que celui qui cherche à convaincre ou à éduquer n’oublie jamais qu’il s’adresse à des personnes douées de conscience.

Quelqu’un signale que l’attitude de consommation n’est pas spécifique à notre époque, que de tous temps certains milieux ont créé et suivi des modes, ont privilégié par-dessus tout leur apparence. Cependant, objecte une autre personne, le phénomène prend une telle ampleur avec la publicité et les médias, qu’il change de nature ; il s’agit aujourd’hui d’une manipulation de masse pour étouffer l’esprit critique.

Le débat rebondit sur cette idée : il s’agit bien d’une guerre idéologique, que le néo-libéralisme remporte haut la main, puisque trop peu de gens remettent en cause ses dogmes. Plusieurs personnes sont d’accord pour dire que ce qui manque aujourd’hui, ce sont des penseurs, des "sages" capables d’expliquer le monde moderne, de fournir l’outillage conceptuel pour saisir la complexité de la société actuelle.

La discussion s’achève sur une note quelque peu pessimiste, avec une référence à Platon : la démocratie se termine nécessairement par la tyrannie de tous contre tous. On constate pourtant que les hommes n’ont jamais eu autant d’atouts pour conquérir leur libre-arbitre : l’accès à l’école devrait être un facteur décisif. A ce propos, quelqu’un signale l’absurdité de la situation : d’un côté la société, par son système éducatif, met en œuvre de gros efforts pour former des citoyens doués d’esprit critique ; de l’autre côté, la même société, par ses médias, détruit tous ces efforts pour pouvoir mieux vendre !

Sujet proposés pour le débat du jeudi 14 Avril 2005 :

- Quelle place pour l'art aujourd'hui ?
- Fin d'un monde... et après ?
- Peut-on concevoir un gouvernement mondial ?
- Révolution ou évolution, quel est le plus souhaitable ?
- L'humanitaire n'est-il pas l'affaire de chacun ?

Sujet choisi : Quelle place pour l'art aujourd'hui ?

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