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Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Trouville-sur-Mer (11/11/2006)

Animateur du débat : Christian Carle

» Politique et Société

Faut-il en finir avec les idées de mai 68 ?

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au Bar Le Chatham, 22 Place Marechal Foch

L'assemblée a tout au long du débat fait l'inventaire des différents concepts correspondant à cette époque de mai 1968. Elle s'est interrogée sur leur persistance jusqu'à notre époque : ces idées sont-elles mortes ? Assiste-t-on à leurs renaissances ? A leurs survivances ?

L'époque soixante-huitarde est bien trop souvent restreinte à celle de la libération des mœurs. Pourtant, l'assemblée s'accorde à dire que le mouvement de mai 68 était très large et varié, tant du point de vue de la population que des idées. On le constate également avec la médiatisation de commémorations en tout genre concernant le général De Gaulle, on essaie aujourd'hui de se remémorer des époques où l'on sentait un air de liberté souffler sur la France.

La contestation de l'autorité est évidemment un des thèmes centraux de mai 68. La formule « Il est interdit d'interdire », même paradoxale, illustre parfaitement cette révolte à l'égard de l'autorité. Les grandes manifestations contre De Gaulle (autre formule « 10 ans, ça suffit ! ») montre également cette remise en cause de l'autorité gouvernementale. Cette contestation de l'ordre établi s'accompagnait d'une volonté de bousculer les habitudes. Aussi devons-nous valoriser l'émergence des droits des femmes. Quelqu'un dans la salle rappelle qu'avant mai 68 il était impossible pour une femme d'ouvrir un compte en banque ou d'accepter un travail sans l'autorisation de son mari. L'émancipation des femmes est indéniablement un progrès qu'il nous faut préserver. Doit-on l'imputer aux mouvements soixante-huitard ? Toujours est-il que le climat de mai 68 accélérera certainement cette évolution sociale.

Mais les conséquences néfastes de cette contestation de l'autorité sont également visibles : d'abord dans le milieu scolaire où les professeurs, « plus propices à un enseignement laxiste » dit-on dans la salle, ont décrédibilisé le principe du Maître et de l'enseignement du savoir. L'idée de faire des efforts pour obtenir ce que l'on veut n'était plus au centre des préoccupations d'apprentissage. L'idée également que « Tout se vaut » a engendré une crise des valeurs. Cette remise en cause de l'autorité a également coïncidé avec l'avènement du manque de respect des institutions. Rappelons-nous la désormais célèbre formule de mai 68 « Elections, piège à cons » dont les échos résonnent aujourd'hui dans le pourcentage grandissant des abstentionnistes.
Mais doit-on considérer cette irrévérence à l'égard des institutions comme totalement néfaste ? Le changement, s'il devait se produire, doit passer forcément par une négation du système en place. Être loyal envers une République qui n'en est plus une peut s'avérer moins citoyen que d'en dénoncer les défauts.

Mai 68 a également été l'objet d'un grand décloisonnement social. Le dialogue entre les classes a pu s'installer et la communication s'est établie plus facilement, notamment entre étudiants et ouvriers, mais également dans les entreprises. Pour autant, ajoute quelqu'un dans la salle, cette restructuration du monde de l'entreprise n'a pas conduit, comme il était souhaité par un bon nombre de soixante-huitards, à intégrer la démocratie dans les entreprises, mais bel et bien à renforcer le pouvoir de l'économie de marché et l'emprise de ses concepts sur toutes les couches sociales. Ce retournement de situation était-il prévisible dès mai 68 ? Certains le pensent, étant donné la manière dont une grande partie de la population s'est contentée soit de subir ces mouvements sociaux, soit de se laisser entraîner d'abord par le mouvement de 68 puis par la société consumériste qui a suivi. Les grands bouleversements économiques d'après-guerre, en grande partie liés à l'accélération du phénomène de mondialisation, ont peut-être plus influencé, à cette époque, le fonctionnement de notre société. Les mouvements grévistes, très impliquées en 68, comme le souligne quelqu'un dans la salle, par leurs revendications corporatistes et matérialistes (augmentation de salaires, intéressement aux bénéfices, etc.), ont peut-être conduit également le citoyen à accepter plus facilement son rôle de producteur-consommateur. Certains aujourd'hui ne s'accrocheraient-ils pas à idéaliser alors mai 68 comme on embellit un rêve qui ne s'est jamais réalisé ?

Car la société de consommation s'est bel et bien installée depuis mai 68, alors qu'à cette époque le retour à la Nature et une modération des besoins étaient prônés, notamment chez les hippies et dans les cercles de vie alternative et communautaire. En quarante ans, l'idéologie consumériste a pris le pas sur les idéaux de changement de vie matérielle. Mais, les préoccupations écologiques ressurgissant, il est aisé de faire un pont entre les aspirations de certains soixante-huitards et la nécessité que nous avons aujourd'hui de changer de mode de vie. Certains s'aventurent même à dire que les altermondialistes, avec leur slogan « Un autre monde est possible », seraient le prolongement de cette pensée. José Bové ne vient-il pas d'ailleurs du Larzac ?

Mai 68 est également un tournant du point de vue des forces politiques dans notre pays. Force est de constater que depuis la fin des années 60, les partis politiques ont pris de plus en plus de pouvoir sur la démocratie, imposant un rythme calqué sur les échéances électorales, favorisant ainsi les jeux de pouvoirs et les calculs électoraux au détriment de l'esprit démocratique. La vie politique s'est alors considérablement professionnalisée, permettant à une caste politique de s'auto-proclamer indispensable aux affaires publiques. Mais à ne plus consulter le peuple, à s'enfermer dans des discours prosélytes en rejetant en bloc les idées de l'adversaire, les idées nouvelles n'apparaissent plus, et les discours se ressemblent avant de ne plus ressembler à grand chose.

Un autre idéal important de mai 68 est celui de « l'imagination au pouvoir ». C'est certainement celui qui a le plus d'échos de nos jours. En effet, face aux problèmes fondamentaux qui nous attendent, problèmes d'ordre mondial et complexes (démographie, écologie, énergétique, etc.), nous aurons un besoin certain de nous extraire de la routine de notre société de consommation, et bien plus encore, parce que l'urgence de l'époque nous l'impose, l'utopie ne pourra se conjuguer qu'avec le pragmatisme.

Thèmes proposés pour le Café Citoyen de Trouville-sur-Mer de janvier 2007 :
- Comment réduire la consommation sans détruire l'économie ? 7 voix
- Comment garder l'esprit citoyen dans un monde sans cité ? 8 voix
- Le communautarisme est-il un obstacle à la vie citoyenne ? 4 voix
- Comment réorganiser la politique de la ville dans l'objectif de sauvegarder la planète ? 7 voix
- Faut-il mettre en place des jurys citoyens ? 3 voix

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