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Compte-rendu analytique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (05/02/2003)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Politique et Société

Le rôle de la femme dans la mutation sociale

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Vous consultez actuellement le compte-rendu analytique du débat (intégralité des échanges)

Vous pouvez également en consulter une synthèse :

1 – En fait, vous n’avez pas affaire à un homme, mais à u androgyne. Le thème que je proposais, en fait, même si j’aurais préféré « le rôle de la féminité dans la mutation sociale ». Parce que le problème de la femme dans la mutation sociale, il faut peut-être expliquer ce qu’est la mutation sociale, c’est la reconnaissance de l’élément féminin. En réalité, les travaux de chercheurs, autant les psychologues que les physiologistes, ont montré une évidence, qui échappe encore à la majorité : l’être humain est dans sa constitution intime jusque sur le plan physique est androgyne. L’idée de ce thème m’a été inspiré par un livre récent, un best-seller en Allemagne, « le tao de la féminité » par Maitreyi D. Piontek aux éditions Le Pré aux Clercs et qui explore la question de la féminité. Il y a aussi un autre livre, de Thérèse Brosse qui s’appelle « la Conscience énergie » et vous pouvez notamment y lire : « la ségrégation sexuelle : quand l’androgyne se croit unisexué. » Et elle montre touts les problèmes sociaux posés par le problème de la méconnaissance et l’incapacité de mettre en pratique l’essence de la féminité, tant pour l’homme que pour la femme. Et je crois qu’il ne faut pas que l’homme se dise « ah, c’est prendre la parti de la femme, c’est être féministe ». Il s’agit de reconnaître le rôle de la féminité et d’arriver à une harmonisation entre les principes féminins et masculins au lieu de ce conflit qui domine encore notre société.

A – Tout de suite, vous lancez le débat sur un plan individuel, et sur notre façon d’appréhender la féminité ou la masculinité. C’est une première approche. Et vous parlez de la façon que l’on a de ressentir notre propre féminité. Pour chaque individu. Et ce que l’on peut en tirer dans notre vie.

2 – Mais aussi par rapport aux lois sociales qui régissent notre société actuellement, on sait que quelques pas ont été franchis au moins en théorie, par exemple la parité, la forme de représentation féminine dans les rôle politique. Mais ces questions vont évidemment beaucoup plus loin que cela.

3 – Dans le titre, quelque chose m’a un peu choqué, je trouve étonnant que l’on parle encore dans un café citoyen du rôle de LA femme. Cela fait des années que des féministes se bagarrent. Je crois qu’il n’y a pas UNE femme mais DES femmes. Et moi je suis venue là grâce à une copine qui m’en a parlé, et moi ce qui m’intéresse c’est « comment aujourd’hui des groupes de femmes ont un rôle à jouer en tant que citoyens et comment les femmes dans la dimension collective ont un rôle à jouer » et je parle d’une chose qui se passe à Paris : il existe des cafés féministes dans des quartiers, ce sont des groupes de femmes qui réfléchissent pour penser des actions. Moi je ne suis pas forcément venue là pour parler de la féminité. Petit clin d’œil, mes voisins ont pris un chocolat, je me suis demandé si je pouvais prendre un panaché, ma voisine m’a dit eh bien c’est peut-être votre côté masculin, eh bien allons-y.

A – Vous assister sur le fait qu’il faut voir la place des femmes et non pas de la femme dans la société. Vous nous dites que des femmes se mobilisent et se rassemblent. Vous insistez sur le fait que les femmes sont des citoyennes avant tout. Il y a une dimension collective. Et il me semble que vous mettez en balance le droit à l’indifférence que beaucoup de minorité ont demandé pour s’émanciper et la revendication notamment féministe. Il y a ces deux aspects de la question qui s’entrechoquent aujourd’hui.

4 – Pour essayer de répondre à madame qui avait des problèmes avec l’intitulé. J’insiste sur le fait que c’est pas simplement « la féminité » mais « dans la mutation sociale ». C’est extrêmement important. Il y a une transformation aujourd’hui : la féminité commence tout doucement à être reconnu, je dit bien tout doucement même si c’est un phénomène pluri-décennal, on l’a bien vu avec « le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir. Je crois que la modification sociale n’est pas encore perçue consciemment. Il s’agit à la fois pour l’homme de reconnaître les valeurs féminines en lui et pour la femme de reconnaître les valeurs masculines en elle. Il ne s’agit pas de vivre chacun dans son camp et de se confronter.

A – Alors c’est bien de rappeler qu’il y a des références historiques, une longue histoire du féminisme. C’est bien de s’aider d’évènements historiques, cela nous permettra peut-être de sentir ce que la femme ou les femmes ou la féminité peut apporter dans une mutation sociale. Aujourd’hui, ce qui serait intéressant de réaliser c’est de voir comment la féminité peut s’inscrire dans une transformation sociale que l’on sent bien en train de se réaliser.

5 – Je citerai juste Evelyne SULLEROT qui a été une féministe très active pendant des années, qui a fait partie du gouvernement européens, qui a fait tout un travail pour favoriser l’émancipation féminine, que j’ai vu il y a quelques années à Caen lors d’une conférence, qui suite aux effets de cette libération féminine a constaté certaines difficultés, en particulier dans la famille. On s’est rendu compte que la majorité des familles divorçant, dans la majorité des cas les enfants sont confiés à la mère et pas au père. Cela pose d’énorme problèmes. Elle a écrit un livre « Quels pères ? Quels fils ? » (Fayard, 1992 et le Livre de Poche 1994). Je sais par observation des milieux des jeunes qui ont subit le divorce à quel point cela peut conduire à des situations extrêmement graves.

A – Alors là vous arrivez à un point qui me semble crucial dans le débat : le foyer. Le « foyer » que l’on distingue du « politique » depuis fort longtemps. On sent bien que toutes les tâches que l’on inculquait aux femmes étaient regroupés autour du foyer, ce que l’on appelait chez les Grecs l’oïkos. Et là on sent bien la transformation sociale d’aujourd’hui. La femmes acquiert petit à petit des droits qui la conduise à la citoyenneté. Et cette tâche qui lui était attribué elle commence à s’y sentir mal, en faisant une sorte de grand écart entre la vie publique et le foyer.

6 – Il me semble qu’il faut remettre le débat dans son contexte. Si on se pose la question c’est peut-être aussi parce que l’on peut reconnaître que notre société jusqu’ici autour de valeurs politiques, religieuses, sociales plutôt masculines. Même si les femmes ont eu des rôles évidents dans l’Histoire, l’Histoire l’a toujours peut-être un peu minimisé. Et effectivement notre société s’est construite autour de valeurs qui ont obéré la présence des femmes. C’est aussi pour cela que l’on se pose la question. On trouverait incongru de poser la question de la place de l’homme dans la mutation sociale. On part d’un constat qui met la femme dans une position sociale qui pour l’instant a été inférieur à celui de l’homme. La question est celle-ci : le rôle doit-il changer ? Et puis, il faut savoir s’il existe une mutation sociale.

A – Alors sur la masculinité. Je vous signale que le prochain Café Citoyen d’Argentan sera sur « la condition masculine dans notre société ». Et il n’y a pas eu de concordance. La question sur la masculinité se pose aujourd’hui.

7 – Alors on parle de mutation. J’ai peur moi des grandes mutations. Une fois j’étais en boîte, et dans la pénombre je vois une belle jeune fille avec une grande chevelure. Je l’invite et la personne se retourne : c’était un mec. J’ai été écœuré pendant pas mal de temps. C’était la mode unisexe. Et puis une autre histoire. Dans le métro, une seule pace libre, les portes s’ouvrent, un homme à l’extrémité, une femme de l’autre. Ils piquent un sprintent. L’homme gagne. La femme vexé, prend le bras de l’homme et lance fortement « il a gagné ! ». Alors par cette boutade, je voulais poser la question de la galanterie. En gagnant sa position sociale, la femme n’a t-elle pas perdu ce à quoi elles étaient attachée, la galanterie. La galanterie disparaît au fur et à mesure que la femme accède à l’égalité vis-à-vis de l’homme.

A – Cette boutade nous pose quelques questions. Les femmes, dans leur combat, ne perdraient-elles pas quelques choses essentielles ?
8 – Moi j’ai toujours été surpris par cette idée que « les femmes dans le temps n’étaient pas l’égales des hommes ». C’est quand même les femmes qui souvent tenaient la bourse. C’est eux qui gèrent l’argent, qui élèvent les enfants. Pourquoi seraient–elles moins citoyennes que les hommes alors qu’elles faisaient tout ce travail qui était énorme. Ce travail lié à la maison. Quand les hommes sont partis à la guerre, ce sont les femmes qui sont restées et qui ont tout fait tourner. Evidemment on peut parler d’une évolution citoyenne, d’une évolution politique. Mais je crois que les femmes quand elles gèrent elles font de la politique. J’ai du mal à concevoir le malaise des femmes aujourd’hui. Alors on veut que la loi fasse l’égalité, je pense que c’est du pipo. Cela peut faciliter les choses, mais pas plus. On dit qu’il faut autant de femme que d’homme en politique, on voit à l’Assemblée Nationale qu’il y a 7% de femmes, malgré la loi. On voit que très peu de femmes veulent s’engager en politique, alors c’est un choix, moi je n’ai rien à dire là-dessus. Mais il n’en reste pas moins que les femmes continuent à gérer. Est-ce que cela est moins importante que d’autres ? Je pense que non. Cette fonction de gérer, d’élever, est très importante, peut-être n’est-ce pas assez valorisé en fait.

A – C’est vrai que dans l’histoire on a une longue tradition de « la femme au foyer », et qui s’est établie on va dire « de façon naturelle ». Aujourd’hui, ce que semble remit en cause c’est une certaine accessibilité à l’égalité. Votre question est celle-ci : la dure accessibilité à l’égalité entre les femmes et les hommes ne conduirait-elle pas au délaissement du foyer ? Le foyer semble de plus en plus malmené parce que mal considéré.

9 – Monsieur disait que les femmes étaient citoyennes parce qu’elle s’occupait de la gestion du foyer. Il a fallut attendre quelle année pour obtenir le droit de vote ? Etre citoyen c’est effectivement avoir un droit dans la vie civique et la vie civile. La femme a été très longtemps considéré comme une sous-citoyenne, il fallait qu’elle demande à son mari pour le travail, pour avoir un compte en banque. Il y a quand même des choses qui infantilisaient les femmes. Par ailleurs, les femmes ont un rôle important dans le foyer. Que l’on demande toujours plus professionnellement aux femmes. Et les niveaux de rémunération ne sont pas égaux. Alors je pense que les femmes ont quitté à un moment donné le foyer mais je pense qu’il faut reconnaître le droit aux choix. Rester au foyer est une tâche parfaitement noble. Elever les enfants, faire des citoyen de demain, gérer un budget, certes. Mais je veux que l’on laisse le droit au femme de choisir. Et on peut avoir un développement tout à fait riche en restant au foyer mais avoir besoin d’aller à l’extérieur. Ce n’est pas pour cela un délaissement du foyer. Quand on travail à l’extérieur, on apporte beaucoup de choses à l’intérieur du foyer, notamment l’enrichissement et l’éducation civique des enfants. Madame parlait tout à l’heure de la vie collective des femmes. Sans aller à Paris, il y a des associations dans le Calvados, comme La Voix des Femmes, qui réfléchissent aussi à la place des femmes dans la société. Et qui ont fait bouger les choses.

10 – Juste apporter un petit témoignage. Je suis syndicaliste dans mon entreprise. Et l’entreprise aujourd’hui est bien le reflet de la condition féminine dans notre société. Parce que l’observation seule des salaires et des niveaux de hiérarchie est une réponse extrêmement claire. La femme n’a pas encore gagné l’égalité. Je m’inscris un peu en faux par rapport à ce que disait monsieur tout à l’heure, la galanterie n’est pour moi qu’une forme d’aliénation de la femme. Parce ce que ce n’est pas la respecter. Je ne sais pas ce qu’il faut faire, je ne connais pas les recettes, mais par contre je sais qu’il existe des inégalités qu’ils faut combattre.

A – Effectivement ce n’est pas évident de savoir de savoir comment considérer la femme comme l’égal de l’homme. Ceci dit on constate facilement les inégalités, et il en existe de nombreuses, ne serait-ce que du point de vue professionnel, chose qui est aujourd’hui rarement dite.

11 – J’ai tendance à faire des petites boutades. J’ai un relent de blonde aux cheveux longs. Ma réponse à moi, c’est « oui, je veux tout ». Ce qui m’intéressait dans le débat, c’est de savoir si les pratiques citoyennes des femmes sont les mêmes que celles de hommes. Et dans la mutation sociale, ce qui m’interroge aujourd’hui, c’est qu’historiquement nous avons connu une période de croissance et d’évolution positive par rapport aux statuts de femmes que ces soit les femmes à l’intérieur ou l’extérieur de leur foyer. Je trouve que l’on assiste aujourd’hui à une régression qui s’installe insidieusement. C’est cela qui m’inquiète. Ce combat qui a été mené et qui n’est toujours pas gagné sur tous les plans. Petit à petit, c’est en train d’être renié insidieusement. Dans les pratiques sociales, on revient à un retour en arrière.

A – Pour autant aujourd’hui on a une grande présence féministe. Ce qui peut paraître un peu contradictoire. Et on peut se poser la question suivante : est-ce que ces pratiques féministes corporatistes ne vont pas à l’encontre de leur implication dans la société. Vous parliez de pratiques citoyennes. A l’inverse, on peut se demander si les femmes ont des pratiques citoyennes particulières, d’autres approches que les hommes, et ainsi justifier cette mutation sociale.

12 – Je pense que dans les paroles, on parle beaucoup de la reconnaissance des femmes. Dans les faits, c’est autre chose. Tout à l’heure quelqu’un disait que les lois ne font pas grand chose. Mais il est indispensable de passer par les lois. Et il y a un sujet que l’on a pas aborder, celui de la religion. Qui joue un rôle extrêmement important aussi. Dans la tradition évangélique, Jésus disait « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Mais on voilà on a obligé Dieu à se soumettre aux volontés humaines et essentiellement masculines. Regardez certaines religions prédominantes et qui ont une imprégnation fortement patriarcale. J’étais très frappé il y a quelques années par le cas de Taslima Nasrin. C’est une femme malgache qui avait une formation médicale et sur qui on a lancé une fatwa, à ma connaissance toujours pas levée. J’ai vu le cas d’une avocate égyptienne qui a du se battre pour sauver une femme adultère. Et ne nous renions pas en disant que cela se passe uniquement dans les pays étrangers. En France, que se passe-t-il ? Le harcèlement sexuel chez nous, la plupart du temps, c’est la femme qui en est victime. Un autre exemple, Françoise Giroud qui vient de décéder a écrit un livre magnifique, une biographie de Marx, assez féroce, montrant tout le rôle de la femme autour de Marx (LOU - HISTOIRE D'UNE FEMME LIBRE, Fayard, 2002).

A – Vous insistez sur la loi. La loi nous fait tous égaux. On ne passe que par la loi pour faire des égaux. Alors concernant les fatwa, vous citez l’exemple de cette femme malgache, on peut aussi citer celui de Salman Rushdie. Le fait de ne pas passer par la loi laisse le champ à des coutumes ou des façons de faire quelques fois ignobles.

13 – Oui, et cela s’explique très bien par l’évolution des civilisations. On se rend compte que les religions dites patriarcales sont essentiellement des religions de nomades. Regardez l’exemple de la religion juive, avec tout son code juridique qui favorisait essentiellement les hommes, pour des motifs purement économiques, la tradition islamique aussi. Maintenant, nous ne sommes plus des nomades, mais on n’a pas encore accepté. Il faut que les lois s’imposent. Et de toutes façons, on est pas obligé d’attendre les lois, je reviens souvent là-dessus, « être un homme c’est être responsable ». C’est-à-dire qu’en attendant que les lois se réalisent, on a sa propre prise de conscience et dans son propre foyer dans son entourage vivre en anticipant sur des lois souhaitables. La responsabilité individuelle favorise la progression collective.

14 – Moi, ça va être très court. Je considère que le jour où l’on a crée le ministère des Droits de la Femme, j’ai été horrifié parce que j’ai considéré que c’était une forme de ségrégation. Que l’on nous mettait à part des hommes et que l’on était pas des citoyens comme les hommes.

15 – Alors tout cela est discutable. Il y a des fois des choses qui ne sont pas dans la ligne directrice de l’égalité qui sont importantes à faire pour initier un équilibre. On peut faire un parallèle avec l’obligation de voter aujourd’hui. Dans la mesure où aujourd’hui on sent qu’il y a un délaissement du vote. Et c’est vrai qu’idéalement le vote n’est pas à imposer. C’est quelque chose qui doit être vécu par le citoyen comme un acte presque naturel et devoir. Ceci dit si on ne fait rien comment faire pour endiguer ce problème ? Quelques fois, des mesures semblent contrecarrer l’idéal, et pour autant elles ne sont pas totalement dénuée de sens. C’est un débat. Oui.

16 – A mon avis, ce qui est intéressant dans ce débat, ce n’est pas de savoir ce qui a pu opposer l’homme et la femme, quels sont les déficits qui ont pu exister par rapport aux droits des femmes, mais plus de savoir si nous sommes en mutation sociale actuellement qu’est-ce que les femmes pourront apporter que les hommes sont incapables d’apporter. Parce qu’à partir du moment où les femmes et les hommes ont le même niveau d’instruction, à partir du moment où les étudiants et les étudiantes étudient la même chose, est-ce qu’ils ne sont pas déjà inscrits dans un moule pré-établi ? Qui va faire en sorte d’obérer les conditions masculines et féminines. Moi ce qui m’intéresse, c’est de savoir ce que je suis incapable de faire q’une femme serait capable de faire. Déjà est-ce que cela est vrai ? Est-ce que ce n’est pas un mythe issu de ces cinquante dernières années de vouloir faire « de la femme l’avenir de l’homme » ou ce genre de chose ? Est-ce qu’il y a vraiment des caractéristiques féminines qui pourraient faire bouger la société. Alors moi j’en vois déjà une : il y aurait plus de femme dans le monde politique qu’il y aurait déjà un renouvellement intéressant du personnel politique.

17 – Là on parle du système dans lequel nous vivons et qui a été installé, entretenu, construit, depuis des centaines d’années, qui il est vrai est largement masculin. Alors comment imaginer que l’essence féminine puisse s’extraire de ce cadre ? Et que peut apporter l’épanouissement des caractères féminins, si ils existent bien évidemment ?

18 – Ce n’est pas la peine de chercher et d’attendre. Je crois que lorsque les valeurs féminines se seront installées plus largement dans la société, cela réduira considérablement la violence. Et pour savoir ce que ces valeurs féminines apporteraient de plus, il n’y a qu’à voir en soi-même. Je vais revenir sur l’androgynité, c’est à dire l’harmonisation des valeurs masculines et féminines en nous. La part masculine, c’est l’élan, la force, etc. La part féminine, c’est l’imagination, la créativité. Le livre de Thérèse Brosse montre que chez les étudiants on n’encourage pas leur part de créativité. Et que la réaction tendait vers la violence.

19 – Alors vous attribuez des qualités directement à la femme et à l’homme. On peut en discuter. Alors une autre question : comment échapper pour la femme au mimétisme de l’homme. C’est-à-dire comment imaginer une émancipation de la femme, comment imaginer que les femmes puissent découvrir elle-mêmes les valeurs qu’elles pourraient apporter à la société, sans pour autant qu’elles sombrent dans un mimétisme par le simple fait qu’elle appartiennent à un système fait par les hommes et globalement pour les hommes ? Regardons le monde politique : ces femmes politiques ne sont-elles pas des « hommes en jupe » ?

20 – Je voulais revenir sur le problème des lois. Moi j’appartiens à une génération où l’autorité parentale était accordée au père et non à la mère, avant les années 70, et je pense qu’il faut que les femmes s’accordent pour utiliser les lois. Nous sommes à égalité vis-à-vis des hommes. Et il faut utiliser les lois. J’ai essayé de transmettre cela à mes filles. Qu’il fallait qu’elles utilisent les lois telles qu’elles étaient. Qu’il n’y avait aucune raison de ne pas s’accorder les mêmes libertés que les hommes, et les mêmes droits. En utilisant les lois, on peut s’épanouir. Seulement cela demande beaucoup de force. A chaque fois on est amené à se battre beaucoup plus. Mais quand on y arrive on est content. Mes enfants ont créé des entreprises, assez originales par ailleurs. C’est peut-être cela que les femmes produisent, des choses plus humaines, des relations autres que celles des hommes. Peut-être que ce qui manque aux femmes pour conserver ces lois, ces de la persévérance dans la lutte pour non pas dans l’établissement de l’égalité mais dans la conservation.

A – Les femmes doivent prendre position et s’accrocher à un idéal de justice même si cela demande beaucoup plus de force. Il faut qu’elles osent.

21 – Je rebondis sur ce mot « lutte ». Pour moi la femme est un être sensible, doté d’une résistance à toute épreuve. La femme élève des enfants dans l’amour. Après, l’homme intervient et invente les guerres pour les envoyer au casse-pipe. Alors puisque la femme a toutes ces vertus de tendresse, si elle accédait au pouvoir elle pourrait humaniser notre société. Hélas, le problème se situe dans la lutte que vous prônez. Quand les femmes veulent arracher le pouvoir, l’égalité, etc., par la lutte elle est piégé et obligé d’utiliser les mêmes armes que les hommes. Exemple, un chef d’entreprise féminin n’a rien a envier à un chef d’entreprise masculin en ce concerne l’agressivité ou du « vouloir réussir ». Madame Tatcher est l’exemple type de la femme qui pour accéder à des postes est obligé de se déguiser en homme. Ce qu’il faudrait c’est que la femme revendique une chose : accéder à des responsabilités, mais rester femme avant tout.

22 – Je voulais rebondir sur le problème politique. Depuis les suffragettes, Madame Weil, celle qui était chez Renaud, la loi des quotas, je crois que ce qui est important c’est le sujet. Je prends un exemple, pour moi le plus important pour l’évolution de la femme, c’est le procès de Bobigny (1972 : mobilisation féministe lors du procès à Bobigny d'une mineure qui a avorté clandestinement), avec Simone Weil, Gisèle Halimi, etc. Et sur cette question fondamentale (note : de la dépénalisation de l’avortement), on voyait même des gens d’un même camp, Lecanuet était sous la table, à l’époque il était ministre, Simone Weil était secrétaire d’Etat, c’est elle qui a défendu le projet. Je crois que c’est avant sur les questions politiques et non pas sur la fonction. Je ne crois pas qu’en ce moment Roselyne Bachelot, l’actuelle ministre des Armées, qui sont des femmes, ne changent quoi que ce soit. Cette espèce d’égalitarisme de façade cache des modifications profondes. Et on a vu à l’époque du procès de Bobigny, où il y a eu par exemple Milliez (note : professeur qui a déclaré au procès de Bobigny, en 1972, qu'il avait fait des avortements), un grand mandarin à l’époque, qui a subit les foudres du conseil de l’ordre pour se bagarrer sur cette question. Donc, il y a une espèce de fausse perspective de certaines lois d’égalité. On le voit dans le code du travail, il n’y a pas de discrimination, à part le travail de nuit pour les femmes, encore que Bruxelles a remis cela en place. C’est dans les applications qu’il y a inégalités. Par exemple les transformations assistante de direction en secrétaire de direction. En réalité, le contenu du travail a été très peu modifié. Il y a eu une appellation incontrôlée d’ « assistante de direction », sur le fond du problème, les mêmes tâches étaient affectées aux mêmes personnes, une légères augmentation alors que le profil des gens c’était d’être bilingue, trilingue quelques fois, il y aurait du y avoir un contenu du travail analysé. Pour conclure, je pense que ce n’est pas sur les quotas, c’est sur les problèmes politiques. En ce moment, vous avez un problème de retraite. Eh bien quand les femmes gardent leurs enfants, prennent un congés parental, quid de la diminution de leur retraite au niveau de leur régime complémentaire. Or si on veut que la femme ait une indépendance financière, elle doit l’avoir tout au long de sa vie. Les attributions de postes politiques n’ont que faire que ce soit un homme ou une femme, ce qui importe c’est la compétence de l’élu ou de l’élue.

23 – Il est évident qu’il existe des différences naturelles entre homme et femme. Que ces différences doivent être exploitées comme toute différence parce qu’elles amènent la richesse. Et actuellement, si on a une vision de lutte, on va un jour arriver à ce que le balancier change de camp, mais on sera toujours dans un esprit de lutte. Si mutation il y a il faut l’accompagner et se servir de ces richesses pour faire en sorte de faire l’erreur qui a été celle que l’on a faite en créant une société comme la nôtre qui a été trop imprégnée de valeurs masculines. Alors la mutation pour moi elle existe dans le sens où la féminité gagne l’homme. Alors à définir la masculinité et la féminité, mais en effet il y a aujourd’hui beaucoup plus d’envie chez les hommes de participer au cadre familial, d’être moins sous l’emprise du travail et d’une carrière. Il y a aussi des désirs de la femme de responsabilité sociale. Tout cela, c’est bien, mais il ne faut pas que cela se passe dans le cadre qui a été défini par les hommes. Parce que sinon la lutte restera. Si il y a des hiérarchies dans les entreprises, c’est parce qu’elles ont été imaginé selon des modèles de lois économiques masculins. Le fait qu’il y ait une hiérarchie sous-entend des luttes, des ambitions, etc. Et un jour, on pourrait imaginer que les hiérarchies s’inversent et je pense d’ailleurs qu’il y a certains métiers où les femmes sont beaucoup plus présentes que les hommes et la hiérarchie peut éventuellement être inversée, donc il existe des jeu comme quoi on préfère une femme à telle poste, etc. Alors que c’est peut-être l’idée même de hiérarchie qui est une idée masculine. Profitons de cette mutation pour savoir ce qui pourrait être féminin dans ce type d’organisation plutôt que de mettre des femmes à la place des hommes en tentant de rééquilibrer mais toujours dans un système de luttes, essayons d’imaginer ce que pourrait être une entreprise ou une organisation sociale où on ferait abstraction de ce qui existe à savoir par exemple la hiérarchie et laissons la parole aux dames pour voir ce qu’elles pourraient imaginer comme système. Je pense qu’il faut utiliser les différences pour susciter de la création et de la nouveauté, pour accompagner la mutation non pas seulement de manière quantitatif, parce que la quantitivité c’est aussi le règne de l’homme, mais aussi de manière qualitatif. Il faut que les femmes mettent leurs empreintes non seulement dans le modèle qui été voulu par les hommes mais sur le moule lui même de la société. Et je crois que c’est en prenant conscience que beaucoup d’hommes acceptent cette mutation et voient bien le mur vers lequel on se dirige avec cette société que l’on a battit, sous-entendons bien évidemment que l’on est dans le monde occidental, il y a d’autres sociétés où les femmes ont une place différente, pire ou meilleure, mais en tout cas essayons de recréer non seulement le contenu mais aussi le contenant de la société. Et faisons en sorte que les femmes participent à l’élaboration du moule.

A – Alors vous soulignez bien que c’est en exploitant les différences que l’on développe les richesses. Toute la difficulté réside dans le changement de système en mettant en place un système égalitaire devant la féminité et la masculinité. C’est vrai qu’exacerber le féminisme pour remplacer l’homme par la femme mais dans le même schéma masculin, cela ne résout pas les choses.

24 – Rapidement pour prendre en exemple qui va dans la continuité de l’intervention précédente, j’ai toujours été frappé de voir que sur des activités habituellement liées à la femme, qui sont la cuisine et la couture, on trouve dans notre système que des cuisiniers reconnus masculins, et énormément de grands couturiers masculins. Et il me semble que pour les femmes, plutôt que de se dire « y en a marre, moi aussi j’ai envie d’être reconnue et il faut que sois grande aussi », l’idée serait de se dire à quoi cela sert d’être reconnu. Et donc de changer le moule de notre société.

25 – Est-ce que la question qui peut se poser aussi c’est de savoir si le fait de souhaiter que les femmes jouent le ou les mêmes rôles que ceux que jouent les hommes c’est forcément un progrès pour l’humanité ? Et que peut-être il y aurait mieux à faire… Cela me fait penser à un conférence qui a eu lieu dans le cadre des ateliers de l’histoire du Mémorial de Caen, sur le thème « les femmes dans la résistance ». L’animatrice de la conférence nous a précisé que dans la résistance française les femmes étaient cantonnées à des rôles subalternes de renseignements, la cuisine et infirmière et porter le courrier, la question posée était la suivante : est-ce que le fait que des jeunes femmes palestiniennes s’entourent le corps d’une ceinture d’explosifs pour aller comme les hommes faire les kamikazes, est-ce que c’est un progrès pour l’humanité ? Il y a peut-être mieux à faire que de copier ce genre de comportement inhumain et inacceptable. Alors il faut dire que l’armée israélienne qui comporte aussi des femmes n’a pas toujours un comportement extrêmement humanitaire. Est-ce que copier ce que font les hommes et parfois ce qu’ils font de pire ce sera forcément un progrès pour les femmes ?

A - Alors vous nous parlez de l’instrumentalisation de la femme par notre système. Soulignons aussi que les actes terroristes n’ont aucune légitimité quand ils sont perpétrés par les hommes aussi.

26 – Je crois utile de revenir sur la question de la religion en ce qui concerne la mutation sociale. Je cite un communiqué de l’AFP (Agence France Presse), le Vatican excommunie sept femmes prêtres. Je pense qu’il y a une action très importante à faire dans le domaine religieux, qu’elle que soit la religion d’ailleurs. Parce que la religion vous présente la transcendance comme quelques choses d’intouchable, de sacré, eh bien on a encore plus peur que devant les hommes politiques. On pourrait par exemple faire la grève de la messe. Pour dire : « nous voulons des femmes ». Les études archéologiques ont montré que à l’origine du christianisme les femmes avaient des rôles pareils aux apôtres, qu’il y avait des femmes évêques. Seulement on nous a inculqué une certaine interprétation des écritures que l’on ne veut plus ou peut plus le voir. Autre chose : il ne s’agit pas de remplacer la prédominance masculine par la prédominance féminine. Il y a des exemples de civilisations purement matriarcales qui ont abouti à des désastres, lisez par exemple « La femme celte » de Markale (La Femme celte de Jean Markale, Petite bibliothèque Payot, août 2001). Le problème est toujours posé : comment vivons-nous en chacun de nous la relation entre féminité et masculinité.

A – Au stade où nous sommes dans le débat, je pense qu’il serait intéressant de se poser la question de la construction collective et surtout de la hiérarchisation de la construction collective. Cela peut être intéressant de montrer que dans différents domaines la féminité peut apporter autre chose ou en tout cas une autre façon de construire.

27 – Moi je pense que les mesure politiques sur les trente cinq heures de Martine Aubry ont été un désastre. Y a du chômage, les entreprises ferment. Et puis y a le problème des retraites. Et puis y a la délocalisation. …

A – Alors vous n’avez pas forcément parlé du thème qui nous intéresse aujourd’hui. A priori, votre prétexte pour rentrer dans le débat, [ rappel à l’ordre : tout le monde à le droit de s’exprimer, on n’exclut personne s’il vous plait dans la salle.], votre prétexte c’est de parler d’une mesure s’une femme politique. Alors déjà je ne pense pas que c’est le résultat de son seul travail, et puis la question est la suivante : est-ce que faire abstraction du caractère féminin ou masculin de la personne valorise la fonction, on l’a dit tout à l’heure.

28 – Si l’on aborde le mode du travail, et si on prend par exemple le mode de la santé auquel j’appartiens, on a vu beaucoup de femmes prendre des postes de médecin et des postes de service à la place d’homme, et moi personnellement, je trouve que c’est au bénéfice des patients. Parce qu’au lieu que les hommes continuent à vouloir exercer une forme de mandarinat, une forme de prestige, les femmes sont beaucoup plus modestes et font un travail de fond et ont des échanges plus grands avec leur personnel. Et ont beaucoup plus de réflexion sur la qualité des soin qui peuvent être apportés aux patients. A la fin de ma carrière, c’est mon sentiment. J’ai encore six mois à faire.

29 – Je suis assez d’accord avec vous madame, mais je ne suis pas sûr que ce soit comme cela dans toutes les entreprises. Je voulais revenir sur le fait d’être responsable et engagé. Finalement on s’aperçoit que les femmes peuvent être aussi mauvaises que les hommes. La question réside dans la responsabilisation et l’engagement. Je prend pour exemple le cas des enfants, il y a trente ou quarante ans, on disait déjà qu’il fallait que les filles accèdent aux mêmes métiers que les hommes. On poussait les filles vers les métiers manuels. Comment en voit-on de femmes mécanicien aujourd’hui ? La technologie a permit tout de même de rendre les métiers très pénibles réservés à des hommes à la portée des femmes. Et pourtant les femmes ne s’y précipitent pas. Alors est-ce que cela ne tient pas aussi aux femmes et à ce qu’elles perpétuent. Mes deux filles n’ont pas été poussées à faire un métier dans l’industrie. Pourtant elles y sont, et elles en sont contentes. Je pense que si chacun était responsable de a manière dont il élève ses enfants, en inculquant des idées égalitaires au sein de la famille, peut-être que l’on aurait une autre vision de l’égalité dans la société.

A – Et c’est vrai qu’il y a des traditions auxquelles il est difficile de s’extirper.

30 – Juste pour répondre à monsieur, c’est vrai que ces métiers ne sont pas investis par les femmes. Mais je constate aussi que dès lors que certains métiers sont investis par les femmes et désertés pas les hommes, les niveaux de rémunération baissent. Je parle notamment des métiers du social. Je pense à la formation d’éducateur spécialisé. Et puis je voudrais rebondir sur une intervention précédente qui disait : « à quoi cela sert que les femmes veuillent imiter les hommes ? ». Je voudrais simplement rappeler qu’en tant que femme je cherche pas à imiter les hommes mais à être moi-même. Que l’on me laisse me développer telle que je suis, avec mes capacités, mes incapacités, et que l’on me laisse une place dans la société que je sois un homme ou que je sois une femme. Vous avez raison de dire que c’est dans l’éducation que cela se passe. J’ai deux filles, et j’ai milité en 1968, j’ai été féministe en 68 parce que je pense que l’on ne pouvait pas faire autrement à l’époque que d’être excessif pour obtenir ce que l’on a obtenu. Je ne suis plus dans cette logique là parce que je pense qu’il y a eu des choses qui ont été acquises, qui ne restent pas acquises et sur lesquelles il faut se battre toujours. Mais j’ai appris à mes femmes, en tout cas j’espère leur avoir fait passer ce message : « soyez vous-même, prenez vos responsabilités, soyez citoyennes, militez dans des associations, faites passer des messages ». Et je pense que la société pourra changer si les femmes prennent aussi leur place et leur responsabilité à tous niveaux.

A – Là, vous nous parlez d’acquis « pas forcément acquis ». Qu’il faut toujours être vigilant. A priori, c’est un problème qui s’apparente à celui d’une transition. Ce problème d’acquis fragiles, où il faut que l’éducation prenne le relais.

31 – Je reprends sur la santé. J’ai été frappé par le cas par exemple de madame Kousmine à qui on a refusé d’exercer le rôle de médecin, c’était en Suisse. Uniquement parce qu’elle était une femme. Il y a le cas de Thérèse Brosse qui pendant la guerre a voulu s’investir et qui a essuyé les refus, elle ne pouvait être qu’infirmière. Ce qui est regrettable, c’est que la médecine pourrait s’enrichir des qualités féminines, une approche différente et complémentaire de celle de l’homme en ce qui concerne les soins. C’est tout de même la femme qui porte l’enfant dans son ventre. Elle a une proximité avec l’être humain qui lui donne une expérience irremplaçable, insaisissable par l’homme. On le voir bien aussi dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement. Elles ont des qualité d’intuition, de perception directe, qui sans nier la logique relève plutôt du senti, du toucher. Malheureusement, beaucoup de femmes se laissent envahir par des perceptions masculines et oublient cela. Et que pensez du rôle de la femme dans l’armée ? Je pense qu’elle pourrait apporter beaucoup de chose.

A – Votre intervention soulève un autre débat. La nature est quelque fois en contradiction avec la culture. C’est vrai que l’on ne peut pas aller contre la nature, mais en quoi la culture peut aller contre la nature ? Je pense que l’on peut aller dans ce sens.

32 – On a essayé de donner des qualités purement masculines et des qualités purement féminines. C’est un petit peu une gageure que de réfléchir comme cela parce qu’au bilan on va se retrouver avec l’éternelle sensibilité féminine et brutalité masculine. Et donc rien de nouveau sous le soleil, on va mettre les hommes à la guerre, les femmes à l’éducation. Finalement, il n’y a pas grand chose qui va changer. Il me semble que si l’on raisonne en terme de mutation sociale, ce n’est pas en terme de masculinité et de féminité qu’il faut réfléchir, mais en terme de valeur. Et c’est remettre en cause la valeur et pas seulement voir quelles sont les qualités des uns et des autres. C’est dire par exemple que l’on a un système globalement pyramidal avec un chef, l’entreprise, l’Etat. Il faut remettre en cause le système et pas dire puisque la femme est plus sensible on va la mettre à cette place. Sinon on va rien changer. Changer le système c’est à la fois tenir compte les sensibilité de chacun sans mettre en exergue les qualités de chacun. Revoir la société, c’est revoir un système pyramidal, c’est revoir la valeur de la reconnaissance sociale.

A – Vous insistez sur le fait que les hommes et les femmes doivent participer à la construction commune d’un système. Et c’est l’essence même de l’égrégor.

33 – Je disais tout à l’heure que non seulement il fallait que les femmes investissent la société telle que moulée actuellement mais aussi le moule. Et je dirais même un niveau antérieur, elles doivent investir la méthodologie que l’on va utiliser pour fabriquer le moule de la nouvelle société. Pour que la mutation soit vraiment bénéfique et que l’on ne fasse plus les erreurs du passé, pour que l’on construise une société qui mette les hommes et les femmes à égalité dès le point de départ, il faut que l’on pense la façon dont on va faire le moule de la prochaine société et que cette réflexion là ne soit pas uniquement une réflexion d’hommes. La question est la suivante : est-ce que compte tenu de la culture actuelle, moi je l’ai vécu personnellement au travers d’associations, quand on veut parler de réflexion sur la société, de refaire le monde entre guillemets, j’arrivais facilement à intégrer dans l’association des garçons et en gros leurs copines c’était « on va vous laisser pendant que vous refaites le monde ». En gros c’était « nous on est quand même plus pratique, quand vous aurez des choses concrètes à proposer on voudra bien s’investir ». Ca c’est purement culturelle parce que dans des discutions comme celle d’aujourd’hui les femmes sont capables de s’investir dans la réflexion. Mais culturellement il y a quand même beaucoup de femmes qui attendent des choses pratiques, concrètes, dans l’action. Et les débats de certains peuvent leur paraître juvéniles. Est-ce que le culturel d’hier ne va pas nous empêcher de créer une méthodologie égalitaire à la base du moule de la société de demain ?

34 – Je reviens en arrière, on a parlé de la sensibilité des hommes a été étouffé. Pendant longtemps, les garçons n’avaient pas le droit de pleurer. Et les garçons n’osaient pas montrer leurs sentiments. Aujourd’hui c’est moins vrai. Et puis aujourd’hui on trouve aussi des hommes instituteurs en maternelle, et dans le milieu psychiatrique où il y avait beaucoup d’homme, avec l’apparition des camisoles chimiques on a plus de femmes. Je trouve que certaines professions ont acquis une mixité certaine.

A – Alors effectivement on revient sur la transformation sociale. La culture d’hier et peut-être celle que l’on vit aujourd’hui et qui nous empêche d’aller plus loin est bien plus profondément ancrée que l’on ne le croit. Et peut-être que la transformation de la société sera d’autant plus grande que l’on aura été puiser au fond de nous ce qui nous a empêché de creuser hier. Il faut aller chercher très loin ce que la culture d’hier nos a mis comme barrière.

35 – Quand je pense à mon enfance, ma mère ne nous laissait rien faire en ce qui concerne le ménage, la cuisine. La tradition a des fois des forces insoupçonnées. Heureusement que je me suis corrigé tout seul… On pense aujourd’hui que ce n’est pas valorisant de faire une vaisselle, mais il faut valoriser tous ces secteurs d’activités.

36 – Je suis tout simplement navrée que ce monsieur ait été victime d’une femme dès sa plus tendre enfance… Mais je voulais revenir sur le problème de l’enseignement. Il y a plus de femme dans l’enseignement. Or il n’y a pas de différence de salaire entre hommes et femmes. Chose extraordinaire et merveilleuse. Mais les hommes sont moins présents dans l’éducation car ils demandent plus parce que le salaire n’est pas valorisant. C’est dommage parce que les enfants ont besoin de modèles masculins et féminins, particulièrement dans les collèges où l’âge est difficile et à multiples problèmes. Eh bien là nous voulons des hommes, et qui acceptent d’avoir un salaire peut-être féminin.

37 – On a besoin d’une société qui offre des modèles. Mais il ne faut pas que ces modèles soient associés à des représentations, hommes ou femmes.

A – Cela peut être un nouveau thème de débat. Merci.

38 – Je pense que souvent dans les débat féministes on se trompe de problème. Pour la question de salaire, il n’y a pas de différences de salaire entre un homme ou une femme pour une qualification en tous cas qui répond à une norme de convention. Il n’y a pas de différence. [Contestation dans la salle]. Il y a des statuts, des conventions collectives, c’est appliqué, voilà tout. Si on prend l’exemple de l’éducateur spécialisé. Quand la fonction a été créé, il y a une trentaine d’années, c’était essentiellement occupé par des hommes. Beaucoup d’éducateur qui ont eu des actions posaient des problèmes. On a créé alors la fonction d’éducatrice de jeunes enfants, moins rémunéré mais qui faisait le même nombre d’étude. Aujourd’hui, je crois que les salaires sont équilibrés. Il y a une lutte entre le capital et la production qui créé des fonctions et des inégalités et qui tend de plus en plus à réduire les salaires des gens. Mais ce n’est pas la question. La convention collective est unique, que vous soyez homme ou femme vous avez le même salaire. On s’est aperçu que cela coûtait encore trop cher d’avoir des éducateurs sociaux parce qu’ils sont toujours en train de revendiquer, on a donc créé des AMP (Le métier d'aide médico-psychologique (AMP) se situe à la frontière du médical et du social), sous-qualifiés, et qui pouvait faire le même boulot que des éducateurs spécialisés. Et que s’est-il passé ? Ces AMP c’était généralement des jeunes femmes sans travail et qui ont petit à petit amené à une baisse des rémunérations dans le secteur social. Mais cette baisse n’a rien à voir avec la différence entre homme et femme.

A – Sur l’inégalité des salaires, je crois qu’il aurait été judicieux d’avoir en notre présence des personnes qui en connaissent plus.

39 – Oui, juste une petite confirmation. Depuis les trente dernières années, notre société est devenue de plus en plus technique. Or les profils des hommes et des femmes sont un peu différents vis-à-vis de cette technicité. Je pense que les garçons ont beaucoup plus poussés vers les sciences durs, les filles plus vers les sciences humaines, sociologie, etc. En France, il y a trente ans, il y avait 7% de femmes ingénieurs, on en est aujourd’hui à 12%. La croissance est lente. Et on comprend mal pourquoi des parents qui sont au courant de cette évolution technique de la société ne prennent pas en compte ces données pour l’orientation des filles.

40 – Je me suis peut-être mal exprimé par rapport à ce que je voulais dire sur les rémunérations tout à l’heure. Dès lors qu’une profession se féminise, les hommes la quitte et le statut baisse ou ne progresse plus. Après on ne va pas entrer dans les détails.

41 – Je voudrais jeter un pavé dans la mare. En gros est-ce que ce thème est intéressant ? Est-ce que cela sert, si l’on veut refaire la société, de montrer les différences entre les hommes et les femmes ? Finalement, on peut continuer, homosexuel, hétérosexuel, blanc caucasien, noir, nord-africain. On peut faire tout un tas de dichotomie en essayant de voir les différences. Il me semble que ça va à l’encontre de la création du groupe. Si l’on a envie de refaire la société il faut arrêter de se regarder le nombril en se disant « qu’est-ce qui fait ma spécificité à moi ?». A mon avis, la dichotomie entre homme et femme n’est pas forcément si intéressante que cela.

A – Bon, je pense qu’il est important de dire que les différences sont importantes à souligner. Ceci dit rien ne doit prévaloir sur le sentiment d’appartenir à la cité. Et la citoyenneté doit être prédominante sur les aspects communautaires que l’on peut voir aujourd’hui.

FIN DU DEBAT

Thèmes proposés :

- La famille, noyau de la citoyenneté ?
- La civilisation judéo-chrétienne est-elle en péril ?
- Les retraites
- Quelle méthodologie pour changer la société ?
- Les USA aujourd’hui
- Ecole et violence
- Le sentiment anti-américain en France
- 17 millions d’actifs, 60 millions de français. Que faire ?
- La France a-t-elle fini sa décolonisation ?
- Citoyenneté et utilisation de l’humour.
- Comment percevons-nous les jeunes ? thème retenu
- Littérature et politique
- La laïcité est-elle en danger ?

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