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Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (26/04/2008)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Éducation

Quelle éducation pour demain ?

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Président - Annonce de la création d’un café citoyen en Belgique à ARLON. Les prochaines rencontres nationales auront lieu à BOURGES fin août. Le 28 juin le café citoyen de Caen participera à un festival qui aura lieu à l’IMEC. Ce jour-là le café citoyen prévu ici au Drakkar se tiendra donc à l’Abbaye d’Ardennes. Ce sera un débat avec quelques spécialistes qui portera sur les OGM. L’assemblée générale tenue habituellement le jour du dernier débat sera donc avancée au 14 juin.

Animateur - Lecture de la charte de La Nouvelle Arcadie.

Animateur - Pour commencer le débat nous avons l’habitude de donner la parole à la personne qui a proposé le thème.

1 - Hier, un problème avec la réorganisation des universités, aujourd’hui, un problème avec la réorganisation des lycées et des collèges. Quelle éducation pour demain ? Comme le faisait justement remarquer Boris, c’est un sujet récurent pour le café citoyen mais qui confirme aussi une inquiétude légitime face à un futur difficilement appréhendable. Cependant, il me semble qu’il nous faut en premier nous interroger sur les missions et la performance des différentes étapes de l’éducation. A partir donc, de mon point de vue, de l’école primaire, du collège, des lycées et de l’université. En ce qui concerne les missions, face à l’évolution de notre environnement économique, l’éducation prépare-t-elle au mieux nos enfants ? Ceci dit, doit-elle être au service de l’économie ? Quant à la performance il me semble qu’il y a contestation notamment pour le Bac. Si je ne me trompe pas, en langue, il y a en option 54 langues. Autre question aussi, y a-t-il trop de bacs ? Si je prends en compte les discours que j’entends de nos éminents hommes politiques, il semblerait que l’éducation représente dans le budget de l’Etat une part parmi les plus fortes ou du moins les plus élevées d’Europe. Malgré cela, les sociétés de type Acadomia ont un chiffre d’affaires en plein développement et notre performance serait en retard sur les pays nordiques notamment et l’Allemagne. Mais il y a aussi autre chose dans mon interrogation, chaque ministre de l’éducation veut imprimer sa marque et les changements successifs au cours de ces vingt dernières années n’ont-elles pas altéré significativement l’éducation nationale ? Les principes, les objectifs, les moyens, les méthodes n’ont-ils pas besoin de temps et de tranquillité pour se mettre en place et réussir sans pour cela écarter quelques modifications ou ajustements nécessaires ? Je voudrais également et ce sera pour finir, vous faire part d’une observation, les personnes de mon âge effectuaient trois jours de test pour l’accomplissent du service militaire, donc c’était une classe d’âge qui était observée, en l’occurrence à 19 ans. 15% de la population observée ne maitrisait pas l’écriture, la lecture et le calcul. Aujourd’hui combien affronte ce même problème ?

Animateur - Education, thème éminent s’il en est du point de vue du café citoyen parce que l’éducation en matière de citoyenneté c’est quand même fondamental

2 - Il y a deux thèmes qui m’ont frappé dans la présentation faite par Raymond assez intéressants et révélateurs. D’une part le fait que ça parait assez nouveau, bon ce n’est pas nouveau immédiatement mais ça fait au moins une bonne dizaine d’années qu’on en prend de plus en plus conscience c’est que l’éducation et un phénomène, un problème mondial. Avant on était renfermé sur nous-mêmes, notre suffisance nationale, la France passait pour le pays le plus intelligent de la terre parait-il et maintenant on se rend compte qu’on a commis des bévues dans la fonction d’éducation et que ce serait intéressant de faire des comparaisons avec les méthodes employées dans d’autres pays que ce soit au niveau européen ou au niveau d’autres continents. D’autre part aussi la remarque que tu as faite qui me parait très pertinente que la formation qu’on appelle éducation en fait c’est beaucoup plus vaste que la formation à un métier, prépare essentiellement les élèves à savoir quel est le métier qu’ils pourront exercer qui leur permettra de faire le maximum de profits, la meilleure place et la plus juteuse pour employer un terme un peu surfait. Ca mérite réflexion. Je pense qu’il faut engager l’éducation à un niveau mondial, se préparer à rencontrer des personnes sur d’autres continents parce qu’il y a une extrêmement mobilité. On parle beaucoup du problème des immigrés, mais qu’est-ce qu’ils cherchent, ils cherchent une amélioration de leur condition mais ils découvrent aussi une autre culture. Je crois que ça c’est fondamental, intégrer dans l’éducation mieux que l’on a fait jusqu’ici, la découverte des autres cultures, je pense à la façon dont on nous a enseigné l’histoire, mes cheveux se sont dresses bien souvent en relisant les manuels d’autrefois aussi bien histoire que géographie.

Animateur - Juste parce que le thème s’y prête et la formulation de la question également, quelle éducation pour demain, on peut s’autoriser à imaginer ce qu’est pour nous l’éducation et essayer d’approcher idéalement, pour demain j’aimerais que l’éducation soit faite de telle manière , de telle sorte. On peut très bien l’aborder de cette manière là.

3 - Je pensais qu’on n’allait pas se focaliser uniquement sur l’éducation nationale, parce que l’éducation c’est d’abord la famille. Comment voulez-vous, on demande beaucoup à l’état, on demande beaucoup aux enseignants, et on ne demande rien à la famille. On a fait de l’école une garderie, malheureusement dans beaucoup de cas, les parents se débarrassent des gamins déjà à deux ans à la maternelle, ils sont pratiquement continuellement à l’école et jamais à la maison, là il y a un problème. On ne peut pas demander de la qualité à l’éducation nationale s’il n’y a pas l’appui des parents. On voit tout le contraire malheureusement, dans tous les faits divers qu’est-ce qu’on voit, des parents qui viennent râler à l’école, pourquoi ils râlent parce qu’on ne donne pas une bonne note, parce que l’enfant se plaint, l’enfant est cru et l’enseignant est devenu une sorte, je ne sais pas, un soliveau, quelqu’un qui est là pour garder l’école, pour essayer de faire passer le temps, c’est quand même dommage. Donc si on veut une éducation performante, demain il faudra quand même d’abord réfléchir à ce problème et responsabiliser beaucoup plus les chefs d’établissement, leur donner beaucoup plus de pouvoir et d’autorité. Alors je suis très frappé par un sondage qui a paru dans Phosphore récemment où l’on dit que les élèves eux-mêmes trouvent qu’il n’y a pas assez d’autorité dans la classe, notamment en ce qui concerne l’écoute, le respect des autres, et le travail fourni. Ensuite c’est quand même intéressant de savoir ça, on dit les jeunes manifestent dans la rue, c’est très bien, enfin ce n’est pas tous les jeunes, il y en a une partie mais ce n’est pas tous les jeunes. Les jeunes sont inquiets, c’est vrai qu’ils sont inquiets, mais ce qu’ils demandent c’est de pouvoir travailler. L’école de demain c’est d’abord une école où l’on travaille et où l’on apprend. Avant de chercher des formules trop alambiquées et trop sophistiquées, déjà il faut revenir à un certain nombre de fondamentaux. Quand on aura déjà, qu’on sortira de l’école primaire en sachant lire écrire et compter, après on pourra vachement se cultiver, je crois.

Animateur - Je retiens trois points qui sont importants, à mon avis, dans votre intervention. D’abord la place de la famille, c’est que quand on parle d’éducation on peut bien évidemment englober la famille. Deuxième point, vous parlez d’éducation mais au sens de ce qu’y apprend à l’école, qu’est-ce qu’on va y faire ? J’ai oublié le troisième point.

4 - Alors effectivement l’éducation c’est l’éducation nationale et c’est l’éducation apportée par la société toute entière aux individus, parce qu’il ne faut pas non plus rester focalisé forcément sur les enfants, on apprend à tout âge déjà. Moi je pense qu’on devrait reposer la question, l’éducation pour quoi faire ? A quoi ça peut servir d’éduquer, en d’autres termes, qu’est-ce que j’ai à transmettre si j’ai la charge d’éduquer. Pour transmettre il faut déjà soi-même être dans la position de ce que les anciens qualifieraient du maitre. Etre dans la position du maitre ça veut dire avoir, au moins en apparence, une assurance suffisante pour développer l’autorité nécessaire, l’autorité, et non pas être autoritaire, l’autorité nécessaire pour faire passer le savoir et l’expérience. Là je sors forcément du cadre de l’éducation nationale. Pour avoir cette autorité nécessaire il faut déjà soi-même ne pas être dans un système qui fait que l’on doute et notre société doute. Donc notre société se repose actuellement la question de ses valeurs, de ses objectifs, de la façon qu’elle a d’appréhender le monde et la façon qu’elle a de remettre en cause un certain nombre de choses passées. Du coup forcément il n’est pas très étonnant que le système éducatif soit un peu battu en brèche parce que forcément il y a toujours un décalage entre le discours, entre le professeur qui, on va dire est mâtiné de mai 68, et en même temps des vieilles structures façon Jules Ferry, il y a un peu ces deux visions là. Ni l’une ni l’autre n’est bonne aujourd’hui, parce que forcément il y a une façon d’appréhender le monde qui doit s’affranchir à mon avis des systèmes pour lesquels aujourd’hui on émet des doutes forts. Donc lorsqu’on aura retrouvé ce que l’on a à transmettre, très probablement et donc pour répondre à la question quelle éducation pour demain, lorsqu’ on aura retrouvé ce que l’on a à transmettre, quels sont les fondamentaux de notre société, dans quelle direction va notre société, à ce moment là par un phénomène je dirais quasi naturel, il y aura, l’éducation, on saura déjà quoi dire, quoi montrer et quelle expérience donner à nos enfants par exemple. Là forcément je pense que l’éducation aura de nouveau, je dirais, le professeur pourra retrouver ses lettres de noblesse par exemple, chose qui n’existe plus aujourd’hui et pour cause.

Animateur - La question de la transmission, on l’aborde là de manière un peu particulière mais effectivement c’est important parce que la transmission ça va d’un émetteur à un récepteur et c’est vrai qu’on a tendance à considérer que les récepteurs ne sont pas vraiment à l’écoute et que les émetteurs ne savent plus quoi émettre. Donc effectivement la question de la transmission et le fait de savoir ce qu’on a à transmettre c’est peut-être quelque chose qui peut nous aider à savoir quelle sera l’éducation de demain. On a fait un petit aparté sur mai 68, c’est vrai que c’est les quarante ans, l’anniversaire. Il y a eu un débat, je me rappelle avoir fait la synthèse qu’on pourra retrouver sur le site internet des cafés citoyen, sur mai 68, au café citoyen de Trouville, très bon débat et on a parlé justement d’autorité. Ce sera intéressant justement de s’intéresser à l’autorité dans l’éducation, pourquoi aujourd’hui l’autorité revient, on sent qu’à priori il y a un besoin d’autorité et ce que recouvre ce terme.

5 - Je voulais rebondir sur ce que disais monsieur au sujet justement, on va dire des échos de mai 68 ou de Jules Ferry dans l’attitude des professeurs aujourd’hui, je pense que c’était volontaire. Est-ce que vous pensez vraiment que la toute dernière génération de professeurs, que ce soit dans les écoles primaires, les collèges ou les lycées, ait un quelconque rapport avec mai 68 de près ou de loin. Moi je crois surtout que le problème des jeunes professeurs à l’heure actuelle c’est le fossé entre leur formation et ce qu’ils vont rencontrer sur le terrain avec une formation qui est encore aujourd’hui très élitiste. Le niveau d’entrée pour le concours et même le contenu de la formation pour le Capes est quand même assez élevé et ce sont quand même de jeunes professeurs qui majoritairement vont se retrouver en ZEP, en banlieue etc. dans des postes qui à priori pas évident quand on débute dans ce métier. Ils vont effectivement se trouver confrontés au problème de l’autorité entre autre, mais aussi à un quotidien des élèves et des familles qui est une réalité sociale. Monsieur parlait tout à l’heure de l’éducation dans la famille et du rôle de la famille, des parents qui ne sont pas forcément démissionnaires d’ailleurs, ce n’est pas forcément une démarche de leur part, c’est peut-être aussi simplement qu’ils ne peuvent pas faire autrement. Donc voilà je pense, il faut faire le lien avec ce que vous disiez, que les jeunes professeurs qui ont 25 ou 30 ans aujourd’hui, mai 68 est un peu loin pour eux quand même, voilà. Et puis je voulais poser une question peut-être pour la suite du débat, je ne sais pas si ça peut être intéressant éventuellement. On a parlé d’éducation nationale, du rôle de la famille dans l’éducation, de par mon métier je suis sensible à un domaine qui est peut-être méconnu qui est l’éducation spécialisé qui concerne on va dire pour faire large les enfants porteurs d’un handicap quel que soit le degré invalidant de ce handicap. Leur intégration dans l’éducation ordinaire et aussi dans l’éducation spécialisée dont les Clis mais aussi les établissements médico-sociaux. Donc si le sujet vous intéresse on pourra peut-être en parler.

Animateur - On pourra effectivement aborder cette question du handicap et de l’intégration dans la société, de la place de l’handicapé dans la société qui nous montre quelles sont les valeurs de cette société, la façon dont elle traite les handicapés. On pourrait se poser cette question là, de quoi auront besoin les enfants, ou même nous d’ailleurs, demain et à partir de cette question quand on aura découvert ce dont on aura besoin, savoir ce qu’il serait intéressant de mettre en place pour pouvoir le transmettre, le faire découvrir, puisqu’il y a un coté de découverte dans l’éducation. Donc de quoi aurons-nous besoin dans quelques temps, est-ce que notre société aujourd’hui nous amène des choses utiles ?

6-Oui c’est un fait à travers les propos que vous teniez, il est patent que les jeunes enseignants sortant de leur formation sont mis effectivement dans les zones d’éducation les plus difficiles. Alors c’est évident qu’à partir de là le fossé est très large entre la formation acquise et la confrontation avec les jeunes enfants de cités difficiles, alors que là on devrait mettre les enseignants les plus aguerris. Il n’en demeure pas moins vrai que c’est ainsi, je ne doute pas de la difficulté de ces jeunes enseignants. Dans mon préambule je m’interrogeai sur le problème de la lisibilité du futur, ce n’était pas innocent de ma part, parce que tous les futurologues se sont plantés, aucun n’a pu faire une prévision patente à telle enseigne qu’on s’appuie de plus en plus aujourd’hui sur les auteurs de BD pour essayer d’avoir une visibilité. En fait, à mon point de vue, ce qui est important c’est d’apprendre à apprendre parce qu’on est appelé à apprendre durant toute son existence, je dirais même presque jusqu’au dernier quart d’heure, parce que là aussi on fait une découverte, on est confronté à la mort et on ne sait pas non plus à quoi s’en tenir là-dessus. Donc on est appelé à apprendre durant toute sa vie et il faut que l’acquisition de connaissances différentes de celles acquises précédemment, ça doit être une joie. Il faudrait à mon point de vue aussi qu’il y ait des structures beaucoup plus développées qui à partir d’un bilan bien précis sur l’acquisition de connaissances de la personne lui donnent la possibilité d’enrichir son vocabulaire, je dirais, et de pouvoir aller plus loin ou de pouvoir changer de direction, parce qu’on le voir aujourd’hui ce sera difficile de rentrer dans une entreprise et puis de dire j’en ai jusqu’à la retraite. Non, non ce n’est plus comme ça, les emplois deviennent, on devient kleenex quoi les uns les autres. Donc dans cette acquisition de connaissances il faut aussi apprendre à savoir réagir devant cette mobilité que l'on attend de nous. Ce n’est peut-être pas la société rêvée, ce n’est pas celle dont nous avons rêvé, mais c’est celle dans laquelle nous sommes confrontés. L’importance du premier cercle effectivement, l’importance du cercle familial, c’est à nous parents aussi d’agir de telle façon que l’apprentissage et notamment les premières années d’apprentissage, que ça ne soit pas une corvée d’aller à l’école. Donc il y a le problème de ce premier cercle qui à mon point de vue est fondamental à telle enseigne que regardons, bon l’enfant d’une famille de professeurs qu’est-ce qu’il deviendra, professeur, l’enfant d’un couple dans la haute administration qu’est-ce qu’il fera, il fera l’ENA. Donc on voit bien les exemples je peux les multiplier à la pelle on voit bien quand même que l’influence de ce premier cercle familial et très déterminante dans l’acquisition à venir de connaissances pour l’enfant. Donc ce premier cercle est important. On a pu observer aussi que parfois il était défaillant, c’est là que le problème se pose, peut-être qu’il faudrait établir d’autres structures intermédiaire que les professeurs ne se trouvent pas confrontés à une hostilité de caste, il y a peut-être d’autres structures à créer entre les deux qui permettent, parce qu’un enfant n’est jamais profondément mauvais, ce n’est pas vrai, il peut le devenir par l’éducation justement, donc on peut peut-être jouer à ce niveau là, c’est une première piste que je donne.

Animateur - Pour revenir sur la notion de famille, c’est intéressant parce que l’école républicaine quand elle a été fondée c’était aussi pour pouvoir chasser cet aspect clanique des choses, le fait que les familles se perpétuaient, on était notaire de père en fils et professeur de père en fils. Ceci dit j’ai pris quelques vacances, certains d’entre vous le savent et dans d’autres contrées, la famille n’existe pas, il y a le coté tribu qui existe plutôt, c’est un peu plus vaste, c’est vraiment à l’échelle presque quasiment d’une commune puisqu’ils sont tous plus ou moins cousins, ils font tous partie de la même famille, notamment chez les bédouins. On peut s’interroger sur ce qu’on y apprend aussi dans ces cercles familiaux, en tout cas ces cercles qui sont, avant l’école républicaine, normative, l’école républicaine est quand même normative. On peut aussi s’interroger sur à quoi ça sert d’apprendre, pourquoi faire, pourquoi apprendre et pourquoi apprendre tout le temps. Pourquoi ?

7 - C’est un peu déroutant ça va un peu dans tous les sens, le sujet est tellement riche, tellement vaste, c’est très difficile à traiter, ça va peut-être ouvrir des pistes pour d’autres débats dans l’avenir. Je crois que ce qui est fondamental, pour revenir là-dessus, quand on pense éducation on dit éducation nationale, on ne pense pas éducation générale, mondiale, c’est aussi le fait qu’on laisse beaucoup de coté la famille, l’articulation entre la famille et l’école est très mal vécue, très mal perçue. L’école devrait être un relai mais c’est vrai qu’à mon sens l’éducation fondamentale on la reçoit dans la famille. Un enfant qui n’a pas une structure familiale solide où on lui inculque des valeurs, une discipline, on forme son caractère, aura beaucoup de mal à s’intégrer à l’école parce qu’il rencontrera des personnalités très diverses. ils formeront peut-être des petits clans, des groupes factieux disons, qui les prépareront plus tard aux difficultés des relations aussi bien nationales qu’internationales à différents partis etc. et non pas avoir le sens du service, former le caractère, apprendre à découvrir l’autre, à le connaître et à le comprendre sans pour autant avoir recours à la violence. Je crois que ces aspects de l’éducation sont extrêmement importants, il faut centrer sur la famille et voir la responsabilité de la famille par rapport à l’école. J’ai connu une époque où un enfant qui revenait de l’école, si l’instituteur lui avait infligé un travail, on appelait ç aune punition, parce qu’il s’était mal conduit, ses parents disaient moi je le double parce que je trouve que l’instituteur n’est pas assez sévère. Maintenant c’est l’inverse, c’est révélateur d’un changement de mentalité qui pose question. Je suis d’accord aussi avec cette notion que la formation c’est toute la vie. Pour finir, le café citoyen qu’est-ce que c’est, sinon un centre d’éducation à la citoyenneté, au civisme. Consciemment ou non on est éduqués par le café citoyen.

Animateur - C’est vrai, vous avez raison de souligner qu’ici la méthode même, permet de nous-mêmes nous enseigner, s’enseigner les uns les autres, voilà apprendre à s’écouter. Ce bâton de parole que j’ai dans la main nous permet de respecter les opinions d’autrui et puis de construire en commun, on sent bien les choses qui commencent à se construire. Voilà la méthode est là. Alors est-ce que vous pensez vraiment qu’aujourd’hui le professeur ou le maitre comme on l’a dit tout à l’heure, si on veut faire référence à des notions antiques, est-ce que vous pensez que son rôle est diminué, vraiment diminué aujourd’hui, est-ce que vous pensez que les élèves attendent quelque chose de leurs ainés, ou pas du tout, est-ce que vous pensez qu’on est encore en train de chercher une méthode pour savoir quoi transmettre. Est-ce que ce flou qui caractérise notre situation sociétale, est-ce que vous pensez qu’il y a quand même des choses qui ressortent.

8 - Donc l’éducation, pour moi, c’est transmettre des connaissances, c’est un moyen de transmettre des connaissances, des valeurs à des jeunes et aussi à des adultes. Le problème actuel est que, je pense depuis plusieurs années, les enseignants, tout ce qui concerne l’éducation nationale, sont un peu dévalorisés dans la société. Je pense qu’ils font un travail qui n’est pas toujours facile et notamment les jeunes enseignants, comme disait monsieur, on les met souvent pour le premier poste dans des zones difficiles, des zones éloignées, des zones prioritaires où ils sont confrontés à un malaise social ressenti à la fois par les familles et aussi les jeunes. Je ne connais pas exactement le contenu des enseignements des professeurs en I.U.F.M. mais c’est vrai que ce n’est pas toujours facile de se retrouver face à une multitude de difficultés sociales. Alors transmettre c’est faire passer des connaissances à des jeunes, futurs adultes, et c’est transmettre des valeurs de respect, d’écoute notamment et puis de pouvoir aussi préparer ces jeunes à une adaptation à un monde qui évolue de façon perpétuelle. Moi ce que j’ai constaté dans l’éducation que j’ai eue c’est qu’on nous inculquait beaucoup de connaissances mais ce qui nous manquait, ce qui pêchait quelquefois, c’est les méthodes d’apprentissage. On nous transmettait beaucoup de choses mais on était un peu démunis, ou alors quand on devait à un certain grade d’éducation pouvoir, comment dire, faire une dissertation ou autre chose là, ben, on avait un petit peu de mal. Peut-être qu’il faudrait orienter l’éducation vers l’adaptation au monde moderne. Alors c’et vrai que les jeunes sont beaucoup plus attirés par Internet que par un cours traditionnel. Je pense qu’il faut allier les deux, la modernité technologique tout en préservant le contenu qui est mis dan ces technologies. Il n’est pas question non plus de faire n’importe quoi avec ces technologies mais je pense que ça se fait maintenant, intégrer toute la technologie informatique pour que les jeunes puissent s’adapter ensuite dans la société. Il faut aussi leur apprendre à être autonomes, à pouvoir devenir responsables de leur geste, de leur action au sein de la société mais en ayant des bases, des connaissances. Je suis d’accord avec monsieur, il est important de maitriser ce qu’on appelle les fondamentaux c'est-à-dire l’écriture, la lecture et le calcul. J’ai constaté quand j’étais surveillant, quand les jeunes entraient en sixième ils ne maitrisaient pas la lecture, ça les empêcher de comprendre un exercice de mathématiques. Au départ on pensait qu’ils n’étaient pas bon en maths, en fait c’était parce qu’ils ne comprenaient pas le libellé du texte, et pourquoi, parce qu’ils ne maitrisaient pas le vocabulaire. Donc moi je faisais un apprentissage, en complément, du vocabulaire pour qu’ils puissent comprendre le texte de l’exercice et en fait ils arrivaient à comprendre l’exercice. Donc c’est quand même important d’avoir des bases mais ce n’est pas seulement essentiel, il faut aussi des méthodes d’apprentissage pour devenir autonome pour pouvoir ne pas apprendre seulement par cœur mais aussi pouvoir se débrouiller avec un texte, un exercice et avoir une réflexion qui permette de devenir responsables et autonomes sans avoir à recracher un cours qui pour moi a souvent été un peu le cas parce qu’on demandait d’apprendre beaucoup de connaissances et de ressortir par cœur les choses. Puis dans l’enseignement plus secondaire on nous demandait autre chose, c’est çà dire prendre un peu plus de recul, et on se retrouve avec un peu plus de difficulté. Donc ça c’est la méthode, devenir autonome, disons prendre du recul par rapport à des connaissances, pouvoir les exploiter, pouvoir réfléchir par rapport à des sujets. Je pense que c’est l’avenir de l’éducation, avoir des bases, avoir des connaissances mais pouvoir les exploiter pour qu’après les jeunes quand ils rentrent dans des entreprises, des structures, puissent avoir la faculté d’adaptation. Alors dernière chose, je crois qu’il est intéressant, on parlait d’éducation dans la famille, donc il y a des parents qui ont la capacité d’éduquer leurs enfants ou qui ont plus de facilités que d’autres, et puis il y en a d’autres, je pense dans des zones difficiles, où les gens sont en difficultés, ce qui ne veut pas dire qu’ils éduquent mal leurs enfants, mais parce qu’il n’ont pas forcément le temps ni les moyens de pouvoir le faire. Je pense qu’il faut associer les parents à l’éducation parce qu’on disait tout à l’heure que les parents contestaient quand les enfants n’avaient pas une bonne note, le fait de ne pas avoir une bonne note ce n’est pas forcément une mauvaise chose mais quand il y a un problème il faut le résoudre, mais le résoudre comment, en faisant venir les parents dans l’école. C’est vrai que bien souvent les réunions de parents d’élèves, les parents ne sont pas là, mais il faut, peut-être trouver dans des associations de quartier un échange, un dialogue avec les parents pour pouvoir les associer à l’éducation et les aider, notamment beaucoup de femmes qui sont seules avec leurs enfants, de pouvoir aider leurs enfants à faire leurs devoirs. C’est peut-être le rôle aussi de certains enseignants dans le cadre des études surveillées ou bien d’autres structures, comme des associations de quartier qui aident les enfants à faire leur devoir. C’est un peu toutes les pistes qui pourraient se dégager pour l’avenir.

Animateur - On a bien compris que pour vous l’éducation sert principalement à rendre les gens autonomes et à fabriquer des individus libres. On n’a pas parlé encore de liberté, c’est important cette notion de liberté dans l’éducation. Alors on va essayer de poser la question différemment, est-ce qu'aujourd’hui vous pensez qu’il y a des phénomènes de dépendance qui se mettent en place qui feraient en sorte qu’on serait moins libres, qu’on ait de moins en moins d’autonomie, que finalement on soit de moins en moins maitre de notre destin. Tout l’enjeu est là, l’éducation c’est faire en sorte que les individus libres forgent leur destin eux-mêmes. Donc aujourd’hui quelles sont les choses qui nous empêchent de pouvoir maitriser les choses, la façon dont fonctionne la société et ce devoir d’anticipation dont vous avait parlé aussi. Est-ce qu’on éduque dans l’idée d’anticiper les choses, ou est-ce qu’on éduque pour combler un besoin de notre société aujourd’hui, besoin de professionnalisme, des besoins quelconques.

9-Ca m’arrange bien cette question, c’est par là que je voulais commencer. J’ai l’impression qu’aujourd’hui l’école, ou en tout cas le système d’éducation nationale dans son ensemble a tendance à préparer l’avenir économique du pays plutôt qu’à se soucier de l’avenir des hommes qui composent ce même pays. Moi je veux dire qu’avant toute chose, on l’avait fait ici, on avait posé la question, l’école doit-elle instruire ou éduquer. Pour moi cette distinction entre éducation et instruction est fondamentale. L’éducation ne sert à mon avis pas à donner des connaissances aux gens mais plutôt simplement à les mettre dans une disposition d’esprit qui va leur permettre d’aller s’instruire. justement si on commence par le premier cercle, par exemple le cercle familial, lorsque des parents inculquent à leurs enfants le respect de l’autorité au sens de celle qui sait, bien évidement à l’école il v a avoir plus d’attention, plus d’écoute que celui à qui on a finalement dit que le maitre n’avait aucun droit sur lui et qu’il ne devait pas le punir etc. etc. Donc je pense que le premier cercle c’est ça, apprendre à reconnaitre l’autorité qui sait tout en gardant un libre arbitre bien évidemment qui va permettre de critiquer celui qui sait. D’un autre coté on a évoqué tout à l’heure les jeunes professeurs, les jeunes maitres en disant qu’ils étaient bien loin de Mai 68. Alors c’est probablement vrai sur le fond de ce qu’a été Mai 68. Mais moi je pense que si aujourd’hui les élèves descendant parfois dans la rue pour soutenir ces mêmes maitres c’est justement parce qu’ils ont bien conscience que ce n’est pas à eux qu’il faut demander quelque chose, parce qu’eux-mêmes sont prisonniers d’uns structure totalement vieillotte et qui ne prend pas en compte l’humain pour ce qu’il est. Alors il y a quelques années de ça avaient été mis sur le devant de la scène de nouveaux tests, des tests qui concernaient plutôt le domaine professionnel et pas celui de la scolarité. Ces tests au lieu de prendre en considération le calcul du fameux QI, prenaient en compte le calcul du QE, le coefficient émotionnel. Il y a eu quelques exemples, quelques solutions de trouver pour un certain nombre d’individus dans le domaine professionnel qui leur a permis de changer de voix et totalement s’épanouir. J’ai encore à l’esprit l’exemple de ce jardinier municipal qui depuis des années remuait la terre pour le compte d’une commune, il ne s’en plaignait pas, jusqu’au jour où on lui a fait faire une espèce de bilan de compétence et on s’est rendu compte que c’était quelqu’un qui avait des dons d’artiste, qui aimait dessiner. Ce jardinier est devenu patron d’une entreprise de charpente de marine, il dessinait des bateaux et il s’est accompli comme ça. Donc moi, on s’est demandé tout à l’heure comment pourrions-nous rêver l’éducation de demain, moi je rêve d’une éducation qui prenne en compte l’émotion, c'est-à-dire la sensibilité des gens. On le voit aujourd’hui, dans le cercle familial, lorsqu’on a à faire à des parents qui sont à l’écoute de leurs enfants, mais j’insiste toujours, en les guidant, et non pas bouché bée devant un enfant qui aurait soi-disant des talents de chanteur. Je veux dire par là qu’il est important d’être à l’écoute du cœur des gens, du cœur des enfants mais aussi du cœur des gens qui sont dans l’activité professionnelle pour mieux les fréquenter. Mon rêve pour demain serait de trouver une éducation avec de vrais conseillers d’orientation, pas des gens qui vous orienteraient vers telle ou telle filière parce que c’est tout ce qu’ils ont sous la main.

10 - Je voudrais revenir tout d’abord sur l’idée de la famille, ça m’a un peu gênée d’entendre certaines choses. Je trouve qu’il n’y a pas que la responsabilité de la famille, il y a aussi la responsabilité de la société. Quand on parle d’éducation, il y a aussi un système économique derrière, il y a aussi un système de pensée de notre société. L’éducation telle qu’elle est faite aujourd’hui, c’est parce qu’on considère que le libéralisme est important. On peut aussi faire le parallèle avec ca, c’est la première chose. Ces familles qui sont défaillantes, en difficulté à certain moment, ne sont pas forcément des familles qui n’ont pas de valeur, ce n’est pas la même chose, ne pas suffisamment encadrer ses enfants et ne pas leur transmettre des choses ce n’est pas pareil. Il y avait aussi l’éducation populaire, je trouve que ç’ est important aussi, il n’y a pas que l’éducation nationale qui instruit et éduque, il y a aussi des mouvements d’éducation populaire. Ils ne sont plus grès présents maintenant mais ils l’étaient il y a encore voilà encore 20 ou 30 ans, mais il y en a encore. Je crois que s’éduquer par soi-même, monter des projets, faire des choses, accompagner les jeunes dans, tu peux faire, on croit en toi, tu peux apprendre par toi-même et grandir par toi-même. En tout cas ça, moi j’y crois et j’aimerais que l’éducation nationale soit plus là-dedans, soit plus dans la confiance, permette plus aux jeunes de mettre des choses en place, d’apprendre par eux-mêmes par du théâtre, par des ateliers, je ne sais pas comment ça pourrait se monter mais que ça ne soit pas simplement des cours magistraux où il y a quelqu’un qui a un savoir et d’autres qui ne l’ont pas. C’est l’idée d’un partage peut-être plus.

Animateur - On commence à dériver petit à petit, c’est intéressant, on commence à parler d’éducation dans ce qu’on rêvait. C’est intéressant parce qu’on laisse parler les choses qui sont au fond de nous-mêmes et qu’on aimerait bien voir se réaliser. Ce serait intéressant d’avoir un latiniste avec nous parce que je pense qu’entre instruire et éduquer, les racines latines ne nous donnent pas beaucoup de pistes pour comprendre la différence. Educare, sortir du chemin, conduire à l’extérieur, on sent bien la notion de liberté, d’autonomie derrière l’éducation, alors que dans l’instruction il y a le savoir, une transmission du savoir, de structure.

11 - Educare ça veut dire élever, ça veut dire faire monter quelqu’un, de l’enfant on fait un homme, un homme qui est libre comme vous disiez tout à l’heure, c’est ça qu’il faut, c’est le but de l’éducation. Alors moi il y a une chose qui m’intéresse, c’est que, tout à l’heure on a dit le monde change, il faut s’adapter au monde actuel. Actuellement on constate une chose, de plus en plus, moi je regarde souvent des revues économique sur des recrutements etc., il ne faut pas non plus nier l’aspect économique, c’est intéressant aussi, il ne faut pas non plus le stigmatiser systématiquement. Il y a beaucoup de patrons maintenant qui veulent des gens qui ont de la culture générale, moins de spécialistes. Ils ont constaté que dans un monde en pleine évolution, le spécialiste a des œillères, il est enfermé, il est inadaptable. Donc maintenant ils sont même pour des bacs littéraires, on recherche des bacs littéraires, c’est ça qui est intéressant de voir. Donc à une époque on disait, il ne fait pas « S », il sera bon à rien, ce sera un philosophe, un sociologue etc. Mais on recherche de plus en plus des gens qui ont plus de culture, assez suffisante, assez complète pour pouvoir s’adapter aux changements du monde actuel. Quand on disait il faut s’ouvrir sur le monde, la mondialisation, c’est des gens qui ont une culture générale qui pourront effectivement s’ouvrir.

Animateur - La notion de culture générale est intéressante, on peut la rapprocher de l’éducation populaire, le fait de partager ensemble les mêmes connaissances, les mêmes valeurs. Ce serait intéressant de se poser la question aujourd’hui de savoir si effectivement cette couche d’éducation populaire existe, est encore partagée par la plupart des français, pour savoir qu’est-ce qui fonde ce qui pourrait nous relier finalement. Alors on a parlé aussi de la société qui pénétrait l’école, on pourrait aussi s’interroger de savoir pourquoi l’école n’est plus vraiment un sanctuaire comme elle devrait l’être, un endroit où l’on fabrique des hommes libres, on essaie de les instruire et de les éduquer et comment remettre ç a en place.

12 - Deux choses, j’entends le fait de dire l’éducation ça sert à amener du respect, sert à amener l’autonomie, ça sert à rendre citoyen, ça sert à rendre libre. On entend tout ça, mais avons-nous, nous-mêmes, été bien éduqués, sommes-nous respectueux, sommes-nous libres, sommes-nous citoyens ? Je pense que si on regarde bien, assez peu finalement. Les adultes, eux-mêmes, dans le système dans lequel nous vivons perdent ou ont perdu ces valeurs, ont perdu cette façon de voir le monde et du coup, très objectivement, les modèles sociaux aujourd’hui sont très, très divers, il n’y a plus de modèles sociaux avec une bipolarité forte, il n’y a plus par exemple d’idéologie forte, la fin du 20° siècle, c’est la fin des idéologies. Or les idéologies, telles qu’elles étaient, amenaient forcément une structure sociale qui amenait des polarités qui faisaient que les gens pouvaient se retrouver par rapport à ces polarités. Aujourd’hui, comme les polarités sont difficiles à faire et qu’on vit quand même dans un relativisme, certes intéressant parce qu’il permet de douter de tout, mais en même temps peu intéressant en terme de transmission de valeurs puisque forcément on doute de tout, ce qui amène à trouver des systèmes éducatifs à base d’échange et pas à base d’instruction. Finalement le professeur, on va dire qu’il va apprendre autant des élèves que les élèves du professeur et pourquoi pas à la limite. Le gros problème aujourd’hui c’est comment trouver, encore une fois comment trouver un système de valeur qui va permettre de transmettre de manière efficace son système, alors qu’aujourd’hui même les adultes que nous sommes peuvent toujours parler du respect, de l’autonomie etc., mais qu’on regarde bien ,je connais très peu de gens qui sont tout à fait autonomes, très peu de gens qui sont libres, alors un peu plus quand même et heureusement de gens qui sont respectueux, mais quand on regarde, dans les médias, les modèles on se rend compte qu’il y a tout un tas de gens qui sont à la tête de tout un tas de grands systèmes, qui vivent très bien, qui ont le plus total manque de respect pour les autres. Donc forcément, un élève, il est intelligent, il est sensible à ça, donc lorsqu’il n’y a plus de polarité, lorsqu’il n’y a plus de système, qu’est-ce qu’il a à comprendre, il est aussi opportuniste que les adultes, il se demande s’il est bien dans cette société, il dit mais à quoi ça sert tout ça, pourquoi j’irais à l ’école, de toutes façons je ne vais pas avoir plus de boulot, ou si je fais ça j’arriverais mieux, il est aussi opportuniste que nous, aussi zappeur que nous, et donc forcément il y a des décalages qui se créent en terme d’image. c’est pour ça que je parlais de Mai 68 et de Jules Ferry de manière un peu caricaturale, mais il y a un décalage très fort entre l’image qu’on se fait d’un système éducatif tel qu’on l’imagine, donc porteur de valeurs, porteur du triptyque républicain, liberté, égalité, fraternité, à mon avis les gens en banlieue disent « tu parles » toutes ces valeurs sont « des valeurs de papa » y compris celles de 68, c’est les valeurs de papa. Dans ce monde là, quelles sont les valeurs, quelles sont les valeurs, quel est le système que l’on doit transmettre. Aujourd’hui on n'arrive pas à les définir ces valeurs, on est des zappeurs, on est des consommateurs, on est de gens qui, peut-être la valeur de l’argent mais ça se transmet difficilement, on aimerait bien mais c’est des fois difficile, est-ce que c’est vraiment une valeur. Je crois que vraiment il y a un problème à ce niveau là et trouver des responsabilités tant dans la famille que dans l’éducation nationale me semble être complètement à coté de la plaque, parce que c’est la société toute entière qui est à remettre en cause. Nos enfants ne sont guère que les produits de ce que nous en avons fait et ce n’est ni les profs, ni la famille, ils sont comme nous, ils ne sont ni plus ni moins que d’autres, je vois plein de mômes, des ados etc. ils sont tout aussi opportunistes que leurs parents, ils ont une vision un peu différente des choses mais ils sont opportunistes pareil. Quand ils disent finalement à quoi ça sert l’école, si c’est pour faire chômeur, qu’est-ce que je vais aller m’embêter, qu’est-ce que vous voulez lui répondre à ça. C’est vrai qu’on peut toujours dire à la façon de papa, mon fils si tu fais des études tu auras forcément plus de chance que les autres. Il suffit d’aller voir à la fac pour voir qu’il y a quand même tout un tas de filières complètement sinistrées qui mènent directement à l’ANPE. Donc ça c’est une réalité et pourtant ce sont des filières très intéressantes. Forcément un môme de treize ans, pré pubère qui plus est, les bancs de l’école dans un système comme ça, forcément c’est moins simple.

Animateur - C’est à mon avis un autre pan de la question, quelle éducation pour demain ? On voit qu’il y a deux choses qui s’entrechoquent, d’une part une vision idéaliste qui consisterait à établir les plans de formation du citoyen de demain, de l’individu, et on voudrait finalement qu’il soit le plus vertueux possible, finalement qu’il change la société. Mais finalement la société est peut-être beaucoup plus forte, on peut aussi s’interroger là-dessus, est-ce que la société n’est pas beaucoup plus forte, telle qu’elle est constituée, telle qu’elle est construite aujourd’hui, est-ce qu’elle n’a pas brisé les quelques vertus qu’on aura essayer d’insuffler et d’entretenir chez les jeunes qu’on essaie d’éduquer. Voilà, effectivement on sent bien qu’il y a deux choses qui s’entrechoquent, il y a cette idée de faire passer des valeurs auxquelles on tient, les valeurs de respect, d’écoute, de fraternité, toutes ces choses là qui n’étaient pas que des valeurs à l’époque où elles ont été construites, c’était vécu, c’était ressenti, puissamment ressenti dans le corps. Comment faire en sorte que, même en faisant en sorte d’éduquer de cette manière là, ben ce soit utile, qu’on n’envoie pas nos enfants face à la société qui va les bouffer. C’est aussi ça, éduquer, c’est penser à comment ça va être utile pour nos enfants, même si on essaie de la plus sincère manière d’éduquer selon des méthodes, selon des vertus, etc., de former vertueusement nos enfants, comment faire pour qu’ils arrivent à dépasser ça finalement, il y a un gros choc avec la société dans la quelle on vit.

13 - Je voudrais rebondir sur ce qu’ont dit Fabrice et Boris. Par rapport à ce que disait Fabrice sur cette notion d’orientation en tenant compte de ce qu’est l’individu, je crois que c’est fondamental et malheureusement ce n’est pas ce qui se passe actuellement. Actuellement on nous parle de quota, il faut faire passer tant d’élèves en seconde, tant d’élèves et puis voilà. Donc l’aspect individu, l’aspect aspiration personnelle, la personnalité de l’élève passe après les chiffres, c'est-à-dire qu’on nous met en avant d’abord les résultats, les stats. Je trouve que c’est un système qui marche sur la tête. Rien que ça, ça devrait déjà disparaitre de l’éducation de demain. Pour moi l’éducation c’est effectivement pouvoir répondre aux aspirations de chacun dans ce qu’il est et dans ce qu’il peut faire. Actuellement je pense qu’on freine cet aspect là des choses, malheureusement pour des raisons économiques, parce que c’est une histoire de poste dans tel ou tel endroit, c’est une histoire de formation dévalorisée pour des raisons x ou y qui ne tiennent pas forcément la route sinon que par exemple on va mettre en avant l’aspect financier, tu gagneras plus à cet endroit là qu’à celui-là. Si l’élève a envie de le faire, pourquoi pas ? Donc à ce niveau on a beaucoup de choses à revoir, l’orientation elle est vraiment dans l’éducation nationale c’est vraiment de pire en pire, vraiment on nous parle de quota, je parle en connaissance de cause, on nous demande de faire passer au moins les deux tiers des élèves en seconde, pourquoi ? Ah ! Parce qu’il faut les deux tiers en seconde, 80% de la classe d’âge au bac, vous connaissez les discours politiques à ce niveau là. La société, j’ai été, vous avez eu l’occasion de suivre le discours de Monsieur Sarkozy cette semaine, il a parlé de l’éducation suite aux difficultés qu’il rencontre actuellement, il y a une phrase qu’il a dite, qui m’a terriblement choquée, il y a 15% des élèves entrant en sixième qui sont fichus. Je me dis, mais c’est incroyable de sortir ce genre de propos, ce sont des enfants de onze ans qui n’ont rien fait de leur vie, je veux dire, onze ans, ils sont fichus. Imaginez l’impact que ça a sur ce genre d’élèves, sur leurs familles et sur le quotidien de ces familles et de ces élèves là. Si la société, c’est quand même le représentant de la société française qui le dit, ose sortir ce genre de propos, je me demande comment on peut insuffler l’énergie nécessaire pour le jeune pour se lancer dans la vie. Je ne parle pas de l’aspect économique et ce qui va avec, on lui a dit t’es fichu. Comment voulez- vous progresser dans ce cas là. Autre chose qui me tient aussi profondément à cœur dans l’éducation nationale, c’est la laïcité, cet aspect effectivement respect mais aussi le droit à l’éducation pour tous, et c'est-à-dire le public, je ne parle pas différence public/privé, c'est-à-dire que le droit à l’instruction, à l’éducation pour tous, doit être possible. Je reviens sur ce que disait monsieur sur les aides au devoir, chose qui devrait être prise en charge par l’éducation nationale. Or actuellement, qui s’en occupe essentiellement, c’est les entreprises comme Acadomia, donc ça fait forcément des différences entre chaque élève, je pense qu’il y a moyen de pallier à ce genre de difficulté. Et que c’est une refonte de l’éducation nationale qui répondra à ces besoins, quoique malgré la difficulté financière que ça suppose et ce qui va avec. Donc une société qui respecte ses jeunes et une société qui donne le libre accès à l’instruction, à l’éducation pour tous.

Animateur - D’accord, il y a plusieurs questions qui me viennent à l’esprit à ce moment du débat. On a beaucoup parlé de l’éducation nationale, on sait que l’éducation nationale est issue principalement quand même de l’idée d’un état important en France, de l’état nation en ce qui concerne la France. Finalement on en a beaucoup discuté aujourd’hui au café citoyen, enfin pas aujourd’hui mais dans les précédents débats, l’état on sent bien qu’il y a quelque chose qui est en train de se fragiliser, il y a une sorte de déconstruction qui est en train de se faire aujourd’hui. On pourrait aussi se demander si l’éducation nationale, qui est liée forcément à l’état au sens de construction humaine et sociétale, est-ce qu’elle n’est pas à revoir justement du point de vue géographique également ? C’est juste pour lancer quelques pistes, géographique et du point de vus structurelle.

14 - J’ai pris plusieurs notes pour différentes choses. Suite à votre séjour en Jordanie vous avez fait allusion aussi à d’autres groupes humains avec un rapprochement concernant l’enfant et l’incidence de la tribu. Quelque part, notre génération a un peu connu la tribu. Je veux dire par là que nous étions aussi sous l’œil des voisins et les observations ce n’était pas nécessairement les parents qui les faisaient, ou ils les faisaient en deuxième rang parce qu’on nous reprenait sévèrement déjà, il y avait aussi le respect de l’adulte. Et dans le fond c’est l’importance de la tribu parce que l’enfant est sous l’œil de l’adulte. C’est peut-être aussi, je crois que l’on a un problème d’adaptation, les choses vont très, très vite et je crois que finalement nous n’avons pas encore tous, je parle sur le plan sociétal, on n’a pas encore digéré l’urbanisation accélérée. Alors il y a un écart, un écart parce que quelque part, quand on gratte un peu il y a un paysan derrière, mais la notion d’urbain et une notion très jeune et qui est en pleine accélération, on accélère le mouvement de l’urbanisation. Ca c’est une première piste que je mets en avant, le rapprochement avec vos propos du départ. Puis, à juste titre, Boris faisait observer la perte d’idéologie, il n’y a plus d’idéologie et c’était effectivement une façon de voir le monde. Mais cette même réflexion, je la fais aussi en rapprochement avec ce changement sociétal et dans le fond c’est relativement récent. Si on gratte un peu, ce phénomène d’accélération de l’urbanisation, globalement ça a véritablement commencé dans les années soixante, ça a occasionné Mai 68 d’ailleurs, ça a été une des conséquences. Je me rapproche par rapport à ce dont vous parliez aussi tout à l’heure, c’est un constat, aujourd’hui un élément déterminant, je dirais dans la question sociétale, ce sont les stats, les sondages, et à partir de là on détermine des quotas. Bon alors est-ce cela la gouvernance, je n’en suis pas certain quant aux résultats, c’est ce dont on parle encore aujourd’hui comme sujet. Et puis vous avez parlé aussi, et ça j’y crois également très profondément, à partir des quotas on a aussi déterminé des dominances. Alors c’est la dominance des maths. J’ai encore à l’oreille des propos tenus par le professeur Escandre, les mathématiques étaient déterminantes dans la sélection pour devenir médecin. Et bien c’était peut-être une bonne sélection mais ça ne donnait pas nécessairement de bons médecins. Donc ça commence aussi à être sérieusement remis en cause, et ceci est à valoir pour une multiplicité d’activités humaines. Il n’en demeure pas moins vrai que si je reviens à mon préambule, le questionnement, je m’éloigne un peu de l’école communale, j’arrive à l’université, Boris d’ailleurs y a fait allusion tout à l’heure, on forme beaucoup trop en psychologie, ça peut être un intermédiaire pour accéder à d’autres formations mais ça ne peut être une finalité. Voyez quand je prends un petit peu en cause les différent éléments de notre discussion c’est vrai qu’on se rend compte tous les uns et les autres qu’il faut encore rêver parce qu’on n’a pas encore trouvé le système d’éducation qui nous permet de trouver, je dirais, le chemin, excusez-moi c’est un peu idéaliste, le chemin de la réalisation personnelle, de l’épanouissement personnel. Or en fait une société est faite d’individus et il est important que l’individu se sente bien à l’intérieur d’une société et ça ne se règle pas à coup de sondage, à coup de stats.

Animateur - Deux choses qui me viennent à l’esprit, on revient sur le tissu social au début de votre intervention, ça me semble intéressant de se replonger dans cette question de tissu social. Vous avez parlé de quartier, du fait qu’avant il y avait une communauté d’adultes, il y avait une sorte de tissu social qui était bien présent, on sentait vraiment les liens entre les individus. On a beaucoup parlé d’individualisme au café citoyen et peut-être que là aussi on sent les méfaits de cet individualisme, ce repli sur soi, il y a moins de contact entre les gens et peut-être aussi l’idée de faire vivre un quartier, une cité, serait effectivement plus intéressante, on sentirait plus cette notion d’éducation s’il y avait des quartiers, des cités un peu plus vivants qui relieraient plus les individus. Alors on a parlé aussi et c’est peut-être le contrecoup du siècle précédent, c’est que l’idéologie, effectivement on en a fait, on a un peu tué les idéologies, alors ça aurait pu nous permettre de nous affranchir des dogmatismes. le souci c’est que nous avons aussi un peu supprimé les idées, en fait aujourd’hui les idées sur l’avenir, ce qui peut nous aider à croire en quelque chose à transmettre, finalement les idées sur l’avenir on en a pas beaucoup, on parle beaucoup plus de bilan aujourd’hui sur notre société, on est vraiment sur les bilans, on sait qu’il y a tant de CO2 qui se déverse dans la nature etc., et puis il y a, voilà on est entrain de dresser des bilans et c’est parfois des choses catastrophiques qui nous empêchent de réagir sur l’avenir.

15 - Je voulais revenir là-dessus, je n’ai pas l’impression qu’on soit moins idéologues qu’il y a vingt ans, j’espère que non en tout cas. On l’est différemment, on a moins d’endroit où le dire, on peut le dire différemment, mais je n’ai pas l’impression, enfin je le crois, je suis relativement jeune et j’ai l’impression que mes amies ont envie de construire un monde meilleur, ont envie d’aller de l’avant. C’est aussi révélateur qu’il y a encore des gens qui ont envie d’avancer, de changer l’école, envie de changer notre société. Ce n’est pas Mai 68 et ce ne sera plus Mai 68 et heureusement peut-être je ne sais pas. Ce sera sans doute des choses différentes mais je n’ai pas l’impression qu’il y ait moins de jeunes qui s’investissent en politique, je n’ai pas l’impression qu’il y ait moins de jeunes. Peut-être que ce qui se faisait avant, en s’encarte moins par exemple dans les syndicats, dans les partis politiques parce que peut-être ce qu’ils nous renvoient n’est pas ce qu’on souhaite, mais ça ne veut pas dire qu’on se désengage, qu’on ne considère pas qu’on a un rôle à jouer dans cette société là. Donc je ne sais pas si on n’est moins idéaliste. La deuxième chose puisque là on se concentre plus sur l’école et sur l’éducation nationale, je me disais aussi qu’il y a plein de pays où l’éducation nationale fonctionne mieux que chez nous en en tout cas laisse moins d’enfants sur le coté de la route. En Allemagne ou dans les pays du Nord par exemple, on construit plus la personne, l’individu qu’on ne l’instruit, enfin on le construit en tout cas pas en l’instruisant, ou l’inverse, ou les deux, mais en tout cas ils grandissent de façon, avec des choses qui ne sont pas forcément comme chez nous où l’enfant est pendant sept heures assis sur une chaise, à écouter, avec peut-être d’autres choses. Pourquoi pas aller voir dans ces pays et voir comment ça se passe, l’éducation à la citoyenneté, voir que ces enfants ne sont pas forcément notés avec un stylo rouge et puis soit une lettre soit un zéro. Voilà, essayer de choper d’autres idées parce que ce n’est peut-être pas, et chez nous, tout n’est pas à jeter non plus, on fait plein de choses bien, moi je n’ai pas un mauvais souvenir de l’école, j’ai l’impression que ça m’a construite quand même, l’école n’est pas complètement en échec non plus, enfin l’éducation nationale, notre éducation nationale.

Animateur - Alors effectivement juste un petit point. Aujourd’hui on a tendance à considérer que les gens sont moins engagés, peut-être parce que notre image de la société est tronquée, peut-être que les structures qui ont existé, les structures classiques, les partis politiques classiques, les syndicats classiques etc. ne sont plus vraiment représentatifs de l’engagement des gens. C’est peut-être aussi pour ça que l’on voit moins bien ce bouillonnement, le fait que, ah ! Oui finalement et heureusement il y a des gens encore qui espèrent et qui veulent faire des choses, qui veulent construire ensemble des choses.

16 - Je voulais rebondir, tout à l’heure tu as amorcé la question de l’état. Je pense que c’est intéressant quand même, on a parlé de la famille, on a parlé de l’école, on peut parler de l’état effectivement. Alors il faut dire que l’école républicaine est le produit de l’état jacobin. Or de plus en plus on sent qu’il y a un mouvement vers la décentralisation. Je ne sais pas si vous vous rappelez, à une époque il a été très critiqué pour ce qu’il a dit, c’était Claude Allègre, il disait il faut dégraisser le mammouth. Quand il disait ça, il parlait de l’administration, pas des enseignants, il parlait de l’administration qui est une lourde machine administrative. Justement lui il était plutôt pour la décentralisation pour rapprocher un petit peu l’école, disons l’éducation nationale, du terrain. Dans beaucoup de pays où ça marche, regardez en Allemagne, ce n’est pas l’état qui s’occupe de l’éducation nationale, ce sont les régions, ce sont les grandes régions. Les régions, on ne peut pas dire que ça marche mal, en France justement. Tout à l’heure madame disait qu’il y avait de très gros problèmes au sein de l’éducation nationale, justement c’est parce que c’est une lourde machine. Moi j’ai vu des choses aberrantes, j’ai vu par exemple, parce que je m’occupais, quand j’étais médiateur, j’ai vu des gens qui sortaient de l’IUFM, ils étaient dans l’académie de Caen, il n’y avait pas de poste, ils avaient la possibilité d’avoir des postes en Charente- maritime. L’académie de Caen a refusé de faire la mutation, alors que l’académie de Charente, plutôt de la région de Poitiers était d’accord pour le transfert de ces enseignants, et bien il y a eu un blocage tout ça parce que la machine administrative fonctionne comme ça. Alors moi je pense que s’il y avait beaucoup plus de souplesse dans l’éducation nationale, il y aurait peut-être des améliorations, notamment en ce qui concerne la pédagogie, la responsabilisation des chefs d’établissement, la responsabilisation des enseignants, car ils sont très cadrés. Quand l’inspecteur vient dans une classe c’est souvent pour voir si on applique bien les consignes de Paris. C’est quand même quelque chose à revoir, je pense qu’on ne pourra pas progresser et innover dans l’éducation nationale tant qu’on aura ce carcan ministériel cette lourdeur. Il y a deux cent mille fonctionnaires pour un million d’enseignants, deux cent mille fonctionnaires qui gèrent un million d’enseignants. Est-ce que c’est tolérable, c’est pire que l’armée soviétique cette histoire là.

Animateur - Voilà bien un propos de girondin. C’est vrai que c’est important quand même de se poser la question du corps social et de ce qui constitue le socle de l’éducation. Il y a un petit bémol sur le savoir qui constitue vraiment l’école républicaine, il y a quand même tout un passé au 19° siècle, avec Jules Ferry notamment, qui n’est pas vraiment constitutif de l’époque jacobine, il y a quand même des surcouches par-dessus.

17 - Je vais répondre aux deux personnes précédentes concernant le système puisque je suis enseignante donc je connais un petit peu. En termes de liberté pédagogique je crois que suis encore assez libre, je pense qu’on reste encore une profession assez libre à ce niveau là. Je suis enseignante dans le secondaire, c’est peut-être moins vrai dans le primaire, mais je n’ai pas l’impression de subir les assauts de mon inspecteur. Je le vois tous les cinq ans, une fois tous les cinq ans, donc je n’ai pas l’impression de le subir, franchement non. Donc à ce niveau là, après pour ce qui est du rouage des mutations et tout ce qui s’en suit c’est vrai que c’est très lourd, je pense qu’Allègre avait voulu aller dans ce sens là. Ca rentre plus dans l’aspect politique donc je passe un peu ce thème. Par contre en ce qui concerne les résultats, on a parlé de l’Allemagne, des pays du Nord. Je pense qu’on se base sur le questionnaire PISA que tout le monde connaît, c'est-à-dire que les pays dits développés font passer à une partie de leurs élèves des tests communs et à partir de ces tests chacun établit les résultats, donc encore des statistiques, pour connaître les capacités et les résultats de chaque pays. Alors les grands vainqueurs sont les Finlandais. Moi j’ai eu l’occasion d’assister à une réunion avec l’inspection générale, au niveau du ministère, qui a fait un retour sur ces résultats puisqu’ils ont décidé d’aller en Finlande pour voir ce qui se passait. Ils se sont rendu compte qu’en fait le système finlandais était très performant jusqu’à la troisième. Au-delà de la troisième, et bien ils étaient coincés. Pourquoi ?, parce qu’ils ont mis en place ce que nous on est en train de mettre en place, ce qu’on appelle le fameux socle commun, c'est-à-dire une éducation commune à tous, très bien. On est tous d’accord qu’en sortant du système scolaire obligatoire chacun doit avoir un minimum de connaissances. Seulement la différence entre ce que fait l’éducation en France, et ce que fait la Finlande, c’est que nous, on enseigne à nos élèves la capacité d’analyse, une capacité que manifestement les Finlandais n’ont pas introduite de manière aussi développée que nous, dans leur enseignement. Alors ils ont mis en avant d’autres apprentissages qui sont plus des apprentissages qu’on va appeler, nous, des fondamentaux, mais ils se contentent. On constate au final, les Finlandais viennent chercher leur imaginaire, leurs élites chez nous, pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas ça chez eux. Résultat des courses, ils sont obligés d’aller chercher ailleurs. On reproche au système français de mettre de coté des élèves et j’en suis parfaitement consciente et je suis compétemment outrée de ceci, mais on a quand même mis aussi en avant les capacités d’analyse, des capacités d’études qu’on nous reconnait de manière internationale et qui manifestement sont quand même des capacités qu’on recherche. Ce n’est pas forcément facile mais qui s’adresse quand même jusqu’à le plus longtemps possible à tous nos élèves. Avec ce qui est entrain de se profiler, je ne vais pas rentrer dans le détail, je crains que ce ne soit plus le cas. Je pense qu’on peut modérer un peu ce système PISA, il à ses deux cotés, ses mauvais cotés, je pense qu’il faut qu’on prenne les deux et qu’on se rende compte que malheureusement on ne nous dit pas tout à chaque fois quand on analyse les résultats. Et ca vient de l’inspection générale, c’est les inspecteurs des inspecteurs, donc ils sont au ministère, ce n’est pas venu du terrain, c’est venu d’en haut. Je tenais à rappeler ça. Concernant ensuite l’école de demain, je pense que les savoirs fondamentaux restent une obligation pour la fin de troisième et que justement cet esprit d’analyse, cet esprit critique, ce besoin d’esprit citrique reste aussi fondamental et qu’on ne doit pas pour raison économie oublier cet aspect.

Animateur - C’est que l’on a très peu abordé cette notion de liberté d’action, en tout cas d’analyse, de faire en sorte que l’on puisse travailler là-dessus, faire prendre du recul à l’élève, à l’étudiant. Mais à quoi ça nous servirait aujourd’hui, finalement, cette critique. Finalement on fait aujourd’hui quasiment tout pour que tout nous convienne, la critique n’est plus vraiment de mise aujourd’hui. Ce que je veux dire c’est que la façon dont on décrit la société c’est qu’on n’a plus vraiment besoin de faire d’effort, tout nous vient, on a le choix, on peut tout faire si on veut, finalement l’analyse n’a plus vraiment d’importance on va au gré de ce qui nous est proposé.

18 - Il a tellement, tellement de choses qui ont été dites que c’est un peu compliqué de remettre les idées dans l’ordre. Monsieur a plusieurs fois parlé de la notion de doute, du fait que nous étions dans une société qui doute, que les enseignants eux-mêmes doutaient etc., etc. Pour replacer ça au niveau de l’enfant qui va être le premier intéressé dans l’histoire, je ne sais pas si tous un petit peu l’effort de se souvenir de l’enfant que l’on a été. Il y a au moins une grande période, ça fait plusieurs années où la question que l’on pose le plus souvent, c’est pourquoi ceci, pourquoi cela, c’est quand même le questionnement. Alors le plus souvent vers les adultes, que ce soit l’enseignant, le parent, un membre de la famille. L’enfant est une espèce d’éponge très, très malléable jusqu’à un certain âge, il y a une plasticité du cerveau de l’enfant même s’il a sa personnalité. L’enfant a de toutes façons soif de connaissance, on peut dire c’est un postulat de base. Après on va lui offrir, avec plus ou moins de bonheur, la chance de cultiver cela, mais je crois qu’un enfant, c’est presque constitutif de l’être humain, a de toutes façons l’envie d’apprendre. Après il va avoir l’opportunité de le faire dans de plus ou moins bonnes conditions. Le doute, je crois, est nécessaire, tout au long de la vie. Je vois bien ce que vous vouliez dire tout à l’heure et peut-être que ce que je dis n’a pas de rapport, mais une phrase un peu toute faite, savoir qu’on ne sait rien jusqu’au dernier instant et toujours remettre le travail sur le métier pour continuer à tisser quelque chose, je pense que c’est fondamental. Le doute n’est pas vécu comme angoissant si les adultes ne projettent pas leurs propres angoisses en ce qui concerne l’avenir dans la génération qui vient, je pense que le doute peut être très constructif. Le questionnement, peut-être que ce n’est pas tout à fait la même chose. La deuxième chose, par rapport à l’université, alors je ne peux évidemment pas parler de ce qu’est l’université en général, mais comment je l’ai vécue personnellement, faisant une filière littéraire. Moi j’ai plus vécu mon passage à l’université comme une espèce de parenthèse où j’avais cette chance de pouvoir aller plus loin dans un domaine qui m’intéressait et en même temps c’est un terrain formidable d’initiation à la citoyenneté, à la rencontre, au partage. Il y a tout un tas de nationalités sur un campus, c’est quand même une occasion qui dans la vie ne se représente peut-être pas après, sauf si on a la chance de pouvoir beaucoup voyager. C’est quand même un endroit génial quand on a vingt ans. Effectivement je crois que l’université ne prétendait pas, alors peut-être que ça va changer, être le lieu d’une formation professionnelle pour apprendre un métier, mais plus l’endroit où on pouvait cultiver un peu plus, alors peut-être pas ses dons, mais en tout cas ses domaines préférés, de prédilection, et étendre sa culture générale. C’est cela qui construit l’individu et pas seulement le futur travailleur mais l’individu au travers de sa personnalité propre. La dernière chose c’était, justement quand je disais que les principaux intéressés étaient les enfants, si on parle d’école dont on pourrait rêver pour demain, c’est dommage il n’y a pas d’enfants ici, mais je crois que si on les écoute et si on regarde ce qui se passe dans les écoles, je parle de l’école primaire, il y a quand même énormément de projets qui sont mis en place. A titre d’exemple dans la manche, il y a une zone d’éducation prioritaire sur Cherbourg Octeville, qui a été pionnière pour la région de Basse-Normandie, c’est un peu barbare, ce sont des initiales, ça s’appelait le RAZED réseau d’aide en zone d’éducation prioritaire. C’est un réseau constitué d’enseignants, sachant qu’en école en zone prioritaire il y a ce qu’on appelle des maitres d’adaptation, pour les enfants primo arrivants qui ne parlaient pas forcément français, leur permettre d’intégrer leur classe d’âge. Voilà, donc c’étaient des enseignants pour accueillir les enfants en individuel ou en petit groupe et reprendre les fondamentaux, des psychologues scolaires, des assistantes sociales, des éducateurs de quartier, tous ces gens travaillent en connexion les uns avec les autres. Justement on parlait de soutien scolaire en dehors des heures de classe, tout ça était proposé [Interruption due à l’oubli du changement de bobine]

19 - [Interruption due à l’oubli du changement de bobine] Si on est resté aussi idéaliste, on ne l’est plus de la même manière. Autrefois les idéalistes étaient des proactifs, aujourd’hui on est des réactifs. Il y a énormément d’associations qui se montent en France, tous les jours il y en a une centaine de plus, énormément aussi de lieux de parole, mais finalement on a à faire à des associations réactives et absolument pas proactives, elles ne proposent pas réellement de choses pour l’avenir, c’est le premier constat. Le deuxième constat, et vous me pardonnerez de la légèreté de la chose, tout à l’heure une intervenant nous a dit que dans le domaine de l’éducation, certains pays étaient plus à l’aise que nous, elle a cité l’Allemagne, elle a cité les pays du Nord. Force est de constater encore une fois que dans ces pays là il y a une place très importante donnée aux sports, c'est-à-dire à l’éveil, à l’appréhension de ce qu’on est, de ses capacités physiques. Mais une fois ces capacités physiques développées on a tendance bien souvent à rendre l’individu plus sobre parce qu’il est capable de, et donc il prend confiance en lui et s’ouvre plus facilement au monde. D’ailleurs on cite souvent ici, au café citoyen, le modèle de la Grèce antique dans bien des domaines, primordialement dans le domaine de la cité, dans le domaine démocratique, mais il ne faut pas oublier que les grecs sont les pères ders jeux olympiques et qu’ils avaient bien compris eux aussi l’utilité du sport dans la manière d’éduquer les gens. Nous, les français, on a une histoire que s’est plu à rappeler notre président de la république dans les discours de Ryad et de Latran, je ne m’engagerai pas là-dessus mais, il y a quand même quelque chose à souligner. On à une histoire judéo-chrétienne et cette histoire judéo chrétienne elle est très fortement imprégnée de la notion du martyr. Donc ce n’est pas bien de se faire du bien et donc le sport ça fait du bien, le sport égal loisir, loisir égal paresse. Notre tradition fait que le sport n’a pas d’autre place que celle du loisir dans notre société. Enfin je voulais finir sur quelque chose qui a été soulignée, très importante dans le débat qui nous occupe, c’est la lourdeur de l’administration française dans son ensemble. Cette lourdeur dans l’école se traduit notamment par une foultitude de lois et de règlements qui viennent alourdir une structure déjà très lourde, déjà très vieille. Je vais vous donner quelques exemple vécus, j’ai le bonheur d’être le papa de trois enfants, douze ans, neuf ans et cinq ans, ils sont tous scolarisés à des niveaux différents bien entendu. Quelque chose m’a frappé encore très récemment, parce que ça m’arrive quasiment tous les jours, mais ça m’est arrivé encore très récemment, c’est que dans les écoles on ne soigne plus, mais même pas les premiers soins, les enfants à qui il arrivent un pépin, parce que le règlement intérieur et aussi les arrêts jurisprudentiels qui ont amenée parfois à condamner certains directeurs d’établissements pour avoir trop porté assistance, on marche sur la tâte. Aujourd’hui dans les écoles on ne soigne plus les enfants. J’ai ma petite fille de cinq ans, il y a trois semaines s’est ouvert le front, le directeur d’école a tenté d’appeler sa mère qui était en réunion, il m’a appelé ensuite, il a réussi à me joindre, mais le temps que j’arrive à l’école on a laissé ma petite saigner du front, parce qu’on ne peut pas lui mettre un pansement, on ne peut pas mettre un produit désinfectant parce que quand un enfant se fait une bosse on ne peut pas mettre un peu d’arnica parce qu’ on risque d’être embêté. Alors pourquoi je vous emmène là-dessus, ce n’est pas pour raconter ma vie bien évidement, quoique si vous me le demandez, je vous parle de ça parce que qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un enfant devant l’inertie de celui qui est censé le guider, c’est ça le fond du problème. La lourdeur de l’administration étouffe l’administration, étouffe l’école, empêche les enfants de comprendre ce pourquoi ils sont venus. Bref en tourne rond.

20 - Je ne reviendrai pas sur le fait du sport qui fait du bien, ce qui est pour moi un concept totalement étranger. Je vais revenir sur deux choses. Sur la notion de doute d’abord. Le doute je crois est avant tout une notion individuelle, c’est constructif quand c’est individuel. A partir du moment où le doute devient collectif, il devient quasiment une valeur sociale, c'est-à-dire il n’y a plus de vérité, c’est un point de vue, c’est toujours la réponse, je me suis toujours fait cette remarque là, à quelqu’un qui argumente quelque chose, la réponse qui casse le plus c’est simplement ce simple jet, oh ! bien après tout c’est ton point de vue. Est-ce qu’il y a une contre argumentation, est-ce qu’il y a un effort rhétorique pour essayer, non, non c’est ton point de vue, ça veut dire finalement tout se vaut et je n’ai même plus besoin de t’expliquer en quoi je ne suis pas d’accord avec toi puisqu’après tout c’est ton point de vue, donc tout va bien. Je crois que le doute c’et d’abord une valeur individuelle et c’est foncièrement une valeur d’adulte, ce n’est pas une valeur d’enfant. L’enfant a quand même des passages, je sais bien que notre société est aussi une société qui abolit tous les rituels de passage, donc forcément ça finit par être compliqué, on ne sait plus bien qui est enfant, qui est adulte, tout ça, l’âge de raison c’est pareil, c’est la conception de papa l’âge de raison. Pourtant il y avait des choses vraies dans tout ça, il y avait des choses qui à un moment donné faisait que l’on était réellement un enfant et donc que l’on était à un moment donné soumis, parce qu’il n’y a pas d’autre mot, soumis à la conception de l’autorité, alors l’autorité il fallait qu’elle en soit une évidemment, ça supposait tout un tas de choses, le fait d’être soumis, on ne soumet pas comme ça, pour être soumis il faut en contre partie une autorité forte et pas une personne autoritaire, encore une fois deux choses très différentes. Donc on était soumis à l’autorité parce que l’idée fondamentale qui soutends la liberté c’est l’affranchissement de la contrainte, il n’y a pas philosophiquement de liberté sans l’affranchissement de la contrainte. Donc la contrainte il fallait la créer, ce que l’adolescent était chargé de casser la contrainte pour finalement reconstruire un être libre, adulte et conscient. Donc tout ça se fait par étape, il y a l’étape de l’enfant qui, en gros, écoute, qui est soumis même si la soumission il ne faut y voir tout un tas de choses négatives, est soumis, enfin écoute tout simplement. Il y a l’étape de l’adolescence qui récite, qui va aller à l’encontre, qui va poser des questions, être arrogant éventuellement, revenir sur un tas de choses soi-disant évidentes. Et puis finalement il y a un adulte qui finalement va essayer de faire une synthèse, vous connaissez la thèse, l’antithèse, la synthèse, l’adulte va faire la synthèse de tout ça pour finalement être un individu conscient au final. Mais cette étape de la soumission qui est la première par rapport à l’enfant suppose deux choses. Elle suppose que l’adulte ait suffisamment d’autorité, et elle suppose de ne pas avoir peur du mot soumission non plus. Or moi je constate quand même que soumission est un gros mot, vraiment un mot à manier avec les précautions les plus grandes parce que c’est trop connoté pour être un mot que l’on emploie facilement. Je crois pourtant qu’il n’y a pas d’autre terme que celui-là puisqu’il faut créer la contrainte nécessaire à l’affranchissement de celui qui deviendra adulte. Ca je pense que le système éducatif est très loin de ça. Alors en réaction probablement à un système éducatif précédent qui lui avait fait de la contrainte et de la férule qui n’est pas non plus, enfin de la soumission une valeur on a dit un peu liée aux valeurs judéo-chrétiennes, mais la contrainte et la soumission ce n’est pas la règle sur les doigts et tout ça ne veut pas forcément dire les sévices corporels, ce n’est pas non plus la soumission. Je crois que l’éducation doit être matinée de tout cet ensemble de choses pour finalement créer un adulte qui lui va se permettre encore de douter et d’apprendre et de continuer sur le chemin de la vie. Si on n’a pas ces étapes préalables nécessaires, voire ritualisées, et bien on devient un adulte très imparfait.

Animateur - Alors cette construction individuelle on pourrait essayer de savoir pourquoi, parce que c’est vrai qu’il y a des choses intéressantes aujourd’hui. L’idée de soumission dans une société qui se veut démocratique, qui se veut remplie de citoyens libres, enfin de gens qui ont leur bonheur à portée de main etc., cette idée de soumission c’est vrai elle est gênante. Pour autant peut-être elle est indissociable de la confiance, c'est-à-dire que si on accepte de rentrer, de faire le premier pas sur le chemin de l’éducation et donc qui est la soumission il faut aussi savoir faire confiance et c’est peut-être ça qui manque aujourd’hui dans notre société, c’est qu’il n’y a plus vraiment de confiance qui est tissée qui relit les gens. Donc ou alors il faudrait savoir où peut-être, je laisse les pistes.

21 - Je voulais revenir sur cette notion de soumission qui me parait importante. Je pense que c’est une sorte de patate chaude que les parents en premier lieu ont du mal à garder en main, donc on la refile aux enseignants. J’ai l’impression qu’on est dans une époque où l’on demande beaucoup au système éducatif. Il y a une espèce de message tacite, ben oui les parents on les sent un peu défaillants, mais qu’est-ce qu’on peut en attendre ma foi, c’est comme ça, attaquons nous plutôt au système éducatif, l’éducation nationale, on va souligner les failles du système. Les parents en attendent beaucoup, mais je crois que les failles sont essentiellement, à mon avis elles concernent plutôt la famille actuellement qui est en manque de repaire et donc du coup qui a du mal à infliger à ses enfants cette notion de ligne de conduite, de mur sans que ce soit péjoratif, mais de choses sur lesquelles l’enfant pourra se reporter, mais il aura quelque chose qui a de la substance, qui pourra après tenter de progresser, de franchir, il aura quelque chose qui pourra l’accompagner. Donc voilà j’ai l’impression qu’on a abordé plusieurs fois cette notion importante de famille qui éduque, mais on ne s’y est pas beaucoup attardé, j’ai l’impression que c’est un terrain un peu miné, on sent que c’est défaillant mais ça fait un petit peur d’aller attaquer les parents, ceux qui transmettent en premier lieu ces valeurs là oh ! Là on préfère s’attaquer au mammouth, le lustre un peu, lustrer le poil ou lui faire des croche- pieds, mais s’attaquer plutôt à la famille, alors je crois c’est ce qui faiblit actuellement. D’ailleurs ça revient de façon récurrente, dès l’instant qu’un enfant a des difficultés scolaires on va tout de suite aller voir ce qui se passe dans sa famille. Ah ! Ben oui c’est une famille mono parentale, ah ! Ben oui il y a quelque chose qui coince, il y a un problème d’alcoolisme ou de je ne sais pas, de chômage, on va toujours aller voir ce qui se passe d’abord dans sa famille. Donc c’est vraiment quelque chose qui importe mais on ne sait pas trop ce qu’on peut exiger de cette famille.

Animateur - C’est intéressant effectivement qu’est-ce qu’on peut exiger de la famille. Je ne pose plus trop de questions parce qu’après on va repartir sur le débat. Sinon qu’est-ce que la société dans l’esprit de constitution au-delà des individus qui composent la société, qu’est-ce qu’elle peut demander, exiger aux familles, puisque les familles appartiennent à une société, elles ont des avantages à appartenir à cette société, qu’est-ce que cette société pourrait demander, exiger à ces familles.

22 - Par rapport au rôle de la famille, puisqu’effectivement madame a raison on n’est pas allé tellement plus loin sur ce sujet là. Dernièrement il y a eu des préoccupations de cet ordre là, mais plus sur le volet répressif peut-être avec l’histoire de la suspension des allocations familiales pour les familles dont l’adolescent posait problème d’une façon ou d’une autre. L’histoire du couvre feu, c’était plus dans le sens de pénaliser les familles qu’on pouvait juger comme étant défaillantes ou insuffisantes, plutôt que dans le sens d’une aide à la parentalité qui peut-être serait une priorité aujourd’hui pour établir un lien entre l’école, donc l’instruction, et la famille et l’éducation. Je voulais juste peut-être, il y a encore deux choses, je vais essayer de faire court, des souvenirs d’école, ce n’est pas si loin que ça après tout, j’ai eu la chance de faire, on va dire, mes petites classes à la campagne, l’effectif était tellement réduit, c'est-à-dire que c’était une classe avec trois niveaux, on était une petite quinzaine d’élèves et du coup quand il y avait une sortie scolaire, et bien on emmenait la moitié du hameau, donc les grand-mères, les tantes etc. Là le lien social de l’école était vraiment mis en avant, enfin voilà des tas de choses comme ça. Er puis la place de l’instituteur, dans le hameau, le village, dans cette petit commune, il avait une place, on ne va peut-être pas dire de notable mais il avait un rôle à jouer dans le lien social, comme le médecin, comme des figures comme ça, c’était un petit peu, on va dire, écouter, il faisait partie du conseil municipal pourquoi pas, toutes ces choses là c’est vrai qu’on a l’impression que ça revient au 19° siècle, c’était il n’y a pas si longtemps que ça. Je pense que ça peut se réfléchir différemment aujourd’hui même dans les zones d’éducation prioritaire, les banlieues ça se serait pas passé de la même façon mais il y a quelque chose à réfléchir de cet ordre là, effectivement de retisser du lien social autour de l’école, autour de la famille , autour de l’enfant puisqu’encore une fois je pense que c’est vraiment le point de dé part, des fois si on les écoutait un petit plus ils demanderaient pas mieux que de dire ce qu’ils ont envie de faire à l’école, on serait peut-être agréablement surpris. La dernière chose que je voulais dire, ce n’est pas du tout un parallèle que je cherche à établir puisque bien évidement c’est pas du tout le même domaine, ce ne sont pas les mêmes enfants, ni les mêmes budgets, ni les mêmes contrats. Dans l’éducation spécialisée il y a peut-être parfois avec excès, cette notion de projet individualisé pour les enfants. C'est-à-dire que chaque enfant, à chaque rentrée a son projet individualisé, il y a une synthèse avec les différents professionnels qui s’occupent de cet enfant, qu’il soit enseignant spécialisé, paramédicaux, éducateurs etc. et on construit tous ensemble avec si possible la famille si elle le souhaite, le projet de cet enfant pour l’année à venir. Donc c’est extrêmement individualisé, c’est totalement irréalisable dans une classe de Trente-cinq, on est d’accord, mais en tout cas ça a le mérite chaque année de reposer la question de savoir ce qui va être le mieux pour cet enfant là et pas pour l'ensemble du groupe et quoi que ce soit. C’est paradoxal c’est quand même des enfants qui ont un avenir bien souvent en institution avec des perspectives qui ne sont pas toujours très agréables, mais en tout cas on est toujours en train d’essayer de projeter quelque chose qui soit positive pour leur épanouissement. Donc ce n’est certainement pas applicable à l’éducation nationale, mais on peut aussi des fois prendre un petit bout d’idée pour essayer d’en faire quelque chose qui soit applicable sur le terrain.

Animateur - Juste ce qui est intéressant c’est comment on considère les gens qui son respectables dans la communauté. Vous parliez du médecin, vous parliez du professeur d’école, pourquoi pas le curé à un moment donné, dans les sociétés il y avait aussi le curé qui avait une place. Toujours est-il que c’est peut-être comme ça qu’on voit, qu’on peut analyser une société, comment est-elle, aujourd’hui ses valeurs, quelles sont les idoles de notre société finalement.

23 - Je voudrais faire une proposition qui n’en est peut-être pas une, les professionnels de l’éducation vont pouvoir me le dire. Il existe à l’université le système Erasmus qui permet à des étudiants d’aller à l’étranger étudier et bien, l’étranger et voir comment se passe la vie estudiantine ou locale. Pour pouvoir faire évoluer les méthodes éducatives et l’éducation dans le futur, le but de notre sujet, l’éducation pour demain, ce serait, peut-être que ça existe, je ne sais pas, notamment étendre ce système ERASMUS qui serait peut-être un peu différent, notamment dans les IUFM, c'est-à-dire échanger, faire le lien des autres enseignants internationaux ou européens ou japonais ou chinois ou etc., pour voir quelles sont les méthodes éducatives qui sont employées ailleurs. J’ai vu un reportage qui rejoint ce que vous disiez, on a vu monsieur DARCOS se promener dans un bus avec tous ses inspecteurs pour aller en Finlande étudier un petit peu les méthodes éducatives pour les maternelles et les primaires, il avait l’air très enchanté, donc il voulait transposer ça en France .Donc serait pour faire ressortir d’échange international et pas seulement au niveau de l’IUFM mais tout au long de la formation continue des enseignants ou bien des chefs d’établissement, toute l’équipe pédagogue, pour qu’on puisse justement tirer la partie positive des méthodes employées, des enseignements faits et faire des bilans, par exemple faire un colloque international chaque année, un peu un G7 éducatif qui pourrait tourner dans l’éducation en Europe ou dans le monde, avec des enseignants, des inspecteurs etc. pour essayer de faire évoluer les méthodes éducatives et d’en tirer le mieux pour justement éviter les échecs et les désagréments et aussi la démotivation des jeunes enseignants qui se retrouvent dans des situations parfois pas faciles . Donc moi je propose, si ça n’existe pas de faire une sorte d’Erasmus tout au long de la vie professionnelle des enseignants de façon à ce qu’ils fassent trois mois, je ne sais pas dans un pays au contact d’autres pédagogues pour essayer après de l’adapter dans chaque pays.

Animateur - D’accord ce coté transversal et international existe. Juste un petit point qui me fait penser à ça, on a beaucoup parlé de la Grèce antique, on a beaucoup parlé d’éducation dans ce modèle là, mais à cette époque là il y avait plusieurs écoles. Il y a aussi ça qui aurait été intéressant de voir aujourd’hui, c’est que l’école telle qu’on la décrit aujourd’hui, elle est centralisée, c’est l’éducation nationale et pour autant au temps de la Grèce antique il y avait une multitude d’école avec leur cortège de mentors peut-être mais en tout cas il y avait plusieurs écoles et finalement on pourrait se poser la question de savoir ci cette unicité est intéressante ou pas.

24 - Je vais être très rapide, il faudrait prendre tout à tour, pour être méthodique, analytiquement tous les aspects de l’éducation. Flaubert parle bien de l’éducation sentimentale, il y a aussi ce qu’on appelle l’éducation musicale, l’éducation artistique qui en général malheureusement quand je pense rétrospectivement, était extrêmement secondaire à l’époque où j’ai été formé, on voyait l’éducation artistique un petit peu en histoire. J’étais fasciné par les reproductions de tableaux qu’il y avait dans les bouquins d’histoire malgré tout mais c’était plutôt maigre. Heureusement des amis de la famille m’ont offert un magnifique bouquin sur l’histoire de l’art. Bon, l’éducation religieuse aussi qui prête à beaucoup de controverses qui a tout de même un intérêt, c’est une ouverture au monde, seulement le problème quand on entend éducation religieuse les gens veulent se cantonner sur une religion particulièrement et en dépréciant les autres, ce pas permettre l’ouverture d’esprit. Qu’est-ce- qu’il y a encore, éducation intellectuelle évidemment, éducation sportive, on en finirait pas. Je voulais revenir sur la question du doute, il y a toute la relation qu’il y a entre ce qu’on amène l’enfant à apprendre à l’école dont on imbibe d’un esprit national prioritairement et aussi d’une certaine conception que l’on a de la culture et l’enfant peut se découvrir tout à fait autre chose comme vocation . Je m’en suis aperçu personnellement au fil de mes études, à un moment donné j’étais très attiré par une carrière autre que l’enseignement des arts classiques auxquels j’attachais pourtant un immense intérêt. Je sentais un appel tout à fait différent dans le domaine de la musique mais l’imprégnation que j’ai eue avant par un excès sans doute d’autorité a fait que j’ai eu peur que je n’ai pas osé, je ne voyais pas et personne n’a fait, ne s’est réellement aperçu de l’orientation que je prenais et qui était pus conforme à ma réalité. Je crois que dans l’éducation on devrait faire apprendre à découvrir davantage ce qui fait la spécificité, l’originalité de chaque individu, c’est fondamental.

Animateur - Pour revenir juste sur l’éducation au fait religieux, il y a eu quelques propositions dernièrement pour mettre à l’école l’histoire des religions ou la spiritualité. C’est au programme déjà ? Dernière intervention avant le choix du thème pour le prochain café.

25 - Mon voisin de droite vous parlait tout à l’heure de soumission, il vous parlait également de progression ritualisée, progression individuelle ritualisée, Marc a évoqué encore une fois l’antiquité et les différentes écoles qu’on pouvait y trouver. Ca m’a fait penser aux mystères, aux fameux mystères antiques, les mystères d’Eleusis, les mystères de Dionysos qui étaient de véritables écoles. Je me dis qu’aujourd’hui il n’y a plus rien de mystérieux, on récolte un peu la rançon de la gloire, c'est-à-dire qu’on a accès tellement facilement à l’information que finalement il n’y a plus grand mystère pour les uns et les autres, il suffit de chercher un petit peu, on ne cherche plus beaucoup. Alors je suis d’accord avec vous, je vois votre grimace, on peut effectivement, je me fais l’avocat du diable, quand je dis ça il faut toujours aller chercher plus loin, bien entendu ce n’est pas en surfant sur doctissimo qu’on devient médecin, je suis d’accord, mais je veux dire par là, quand on a un trop d’informations pour reprendre une expression courante trop d’informations tue l’information, on n’a plus de convoitise, quand tout est accessible immédiatement et on n’a plus envie d’apprendre. C’est quelque chose qui a été évoquée en tout début de débat, on a souvent parlé du maitre ou du système éducatif et on n’est jamais été très loin en ce qui concerne l’élève lui-même, il faut qu’il veuille, il faut qu’il ait envie, il faut qu’il puisse se faire plaisir pour que de l’autre coté on puisse lui transmettre quelque chose. Donc moi je pense, c’est peut-être un peu pessimiste pour une fin de débat, mais je pense qu’on a trop d’informations et que cette convoitise on va avoir bien du mal à la réveiller.

26 - c'est peut-être un livre que beaucoup de personnes ont lu ça s’appelle « comme un roman » de Daniel Pennac, ce n’est pas une fiction, ce n’est pas sur l’apprentissage de la lecture c’est sur comment donner envie à un enfant d’apprendre à lire, de lire tout court. C’est vraiment un très bon bouquin là-dessus. En fait c’est une forme d’éducation à la liberté, faire le choix d’être un lecteur c’est déjà un acte volontaire vers, voilà, c’est déjà faire des choix, c’est un très, très bon bouquin, Daniel Pennac, comme un roman c’est chez Folio en poche.

Animateur - Bien comme ça on ne va pas finir sur cet aspect un peu pessimiste de notre sportif, oisif et mystérieux, je l’ai casé. On va passer au choix du thème pour le prochain café citoyen.

Choix du thème pour le prochain Café Citoyen :

1 - Qu’est-ce qui légitime le montant d’un salaire ? 11 voix
2 - Le téléphone portable va-t-il amener des changements dans la vie démocratique 3 voix
3 - Qu’en est-il de l’égalité parentale ? 7 voix
4 - Faut-il boycotter les jeux olympiques ? 8 voix
5 - Est-il nécessaire de s’informer aujourd’hui ? 4 voix
6 - Les voyages ne forment-ils que la jeunesse ? 5 voix
7 - Faut-il modifier le mode de scrutin ? 8 voix
8 - Quelle télévision pour demain ? 4 voix
9 - Rêve-t-on encore en politique aujourd’hui ? 7 voix
10 - Vivons-nous en démocratie ou dans une dictature de l’opinion ? 13 voix

Prochain café citoyen le samedi 10 mai à 15 heures : Vivons-nous en démocratie ou dans une dictature de l’opinion ?

Interventions

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