“Le comptoir d'un café est le parlement du peuple.”

Honoré de Balzac (1799 - 1850)

Bienvenue en Arcadie

Vous êtes ici : Accueil > Comptes-rendus > Faut-il diaboliser le capitalisme ?

Compte-rendu synthétique par Blaise Hersent-LechatreuxCafé Citoyen de Caen (28/02/2004)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Économie

Faut-il diaboliser le capitalisme ?

ShareThis

La personne qui a proposé le thème introduit la question en notant que le problème de la moralité du capitalisme se pose pour plusieurs raisons : Tout d’abord, nul –riche ou pauvre- ne peut se soustraire aux questions morales (qu’est-ce qui est bien ou mal ?) ni aux questions économiques (comment puis-je m’enrichir ?). Ensuite, on ne peut dissocier cette question de celle plus vaste de l’entreprise. Enfin, les affaires que l’on connaît (scandales politico-financiers) nous obligent à nous interroger sur le rapport entre morale et argent.

Le capitalisme, le libéralisme, et le néo-libéralisme ne sont pas la même chose, et il convient de bien définir chacun de ces termes afin de ne pas les confondre. Le capitalisme est ressenti comme une loi du plus fort adaptée à l’économie ; il est alors opposé au communisme, du moins tel qu’on l’a connu. Le libéralisme est une des doctrines du capitalisme. Défini par Marx par opposition aux forces du travail, ce dernier est plus ancien que le libéralisme. Le néo-libéralisme, promu par Thatcher et Reagan, entend que l’intérêt général peut être la somme d’intérêts particuliers. Un autre intervenant distingue également capitalisme d'État et capitalisme financier, qu’on cherche seul à diaboliser parce qu’on ne le maîtrise pas. Pourtant, des organismes de régulation, l’Organisation Mondiale du Commerce et l’Accord Général pour les Commerces et les Services, existent.

La désinence « isme » suggère qu’il s’agit d’une idéologie alors que la possession d’un capital n’est que l’expression d’un besoin. Peut-on dire, avec Comte-Sponville, que le capitalisme est « a-moral » ? D’ailleurs, d’autres capitalismes naissent, notamment avec l’économie solidaire. Ce sont des normes morales qu’il faut introduire dans le capitalisme. D’ailleurs c’est également notre attitude en tant que citoyen qui est contestable : « Je suis bien dans ma case, à côté peu importe ». Il serait plus utile de se mobiliser contre les déséquilibres et les inégalités que de chercher à diaboliser le capitalisme, qui peut d’ailleurs être utile comme nuisible (les capitalistes d’hier étaient de grands créateurs, André Citroën par exemple, ceux d’aujourd’hui sont des spéculateurs qui n’apportent rien que leur héritage.

Il a ensuite été souligné que la distinction faite en classes sociales ou en pauvres contre riches n’était pas forcément heureuse. En effet, les idéaux Révolutionnaires ont rappelé l’inviolabilité du droit à la propriété et ont mis en avant l’autonomie et la place de l’individu sur le groupe, privilégiant ainsi l’idéal de possession. Le bien n’est pas d’un côté, le mal de l’autre. D’ailleurs, Francis Ponge soulignait : « Esclave, je me sens plus libre qu’un maître, chargé de soins et de mauvaise conscience ». D’ailleurs les subventions des uns sont vécues comme des privilèges pour d’autres qui nuisent à l’équité de la concurrence.

Les rapports de pouvoir et de domination ont été présents dans tous les systèmes politiques. Expression de nos instincts animaux, la course à la possession engendre aussi la frustration chez d’autres. Le progrès technique a sa contrepartie de dégénérescence culturelle et peut également être remis en cause dans un monde qui s’épuise. Ce phénomène touche la « culture d’entreprise », qui était autrefois un espace d’épanouissement des individus, mais aussi le capitalisme en art, où certaines valeurs sont véhiculées pour la compétition plus que pour la culture.

Un intervenant sent le besoin de préciser le fond de la pensée marxiste, en trois points principaux : le travail d’un ouvrier est une marchandise comme une autre, la valeur de la chose produite est supérieure à celle de la durée nécessaire pour la produire (plus-value). Ce gain, conservé par le propriétaire des installations de l’usine, constituait une contrepartie au risque que celui-ci prenait en transformant son argent en un outil de production qui pouvait être détruit ou simplement détérioré par le temps. Aujourd’hui, on convient que ce risque n’est plus vraiment présent. Quelqu’un ajoute que le capitalisme est indispensable à l’accomplissement par un groupe social de tâches complexes, ou nécessitant beaucoup de travail ou d’énergie. Si une entreprise transporte des cailloux de petite taille sur une petite distance. Un ouvrier suffit à effectuer une micro tache, le patron est payé par le client et peut à son tour payer l’ouvrier le soir même. Si on veut transporter une lourde pierre sur une longue distance, le patron sera payé une fois le travail effectué, aura du subvenir au remplacement d’un ou plusieurs ouvriers ayant déserté le chantier… Devant toujours payer chaque ouvrier le soir, il doit disposer d’un capital pour attendre le paiement global par le client. Le capitalisme est une nécessité pour accomplir de grandes œuvres, il ne porte aucune valeur morale en soi. Il peut d’ailleurs être privé, appartenir aux ouvriers qui décident eux-mêmes d’attendre la fin du travail pour être payés, ou être public. A cette vision marxiste permettant de définir les coûts du point de vue de la production, il ne faut pas oublier que dans une société marchande, ces coûts sont ensuite indexés par des mécanismes nombreux (économies d’échelle, concurrence, demande du marché). Ces mécanismes doivent également subir le contrôle moral d’une éthique propre (éthique de marché, éthique boursière). La loi de rareté provoque en effet une dissociation importante entre une richesse et sa valeur déclarée en bourse.

Une dernière intervention ouvre le débat sur les bienfaits possibles du capitalisme, notamment dans son rapport à la citoyenneté : le capitalisme est caractérisé par la liberté économique. Quand on goûte ainsi par la société de consommation aux libertés économiques, n’est-on pas tenté de revendiquer d’autres libertés, plus politiques ?

Choix des thèmes pour le café du 13 mars 2004 :

Thèmes / Nombre de voix / Ballottage
- Qu’attendons-nous de la région ? 14 - 15
- Pouvoir ou dictature de l’administration ? 14 - 11
- L’esperanto, langue universelle ? 6
- Devoir de mémoire et nécessité de l’avenir sont-ils compatibles ? 11
- Mondialisation : vers de nouvelles synthèses civilisationnelles ? 10
- Peut-on parler de la fin de la classe ouvrière ? 9
- A-t-on fait mai 68 pour ne pas devenir ce que nous sommes devenus ? 11

Interventions

Participer au débat

Les champ marqués d'une * sont obligatoires

Marre de retaper vos coordonnées ? Créez un compte ! Créer un compte permet d'être averti des nouvelles contributions, d'être reconnu et donc de ne pas avoir à taper ses coordonnées pour participer aux débats.

Premier ouvrage des Cafés Citoyens

Où en est l'esprit démocratique aujourd'hui ?

La démocratie, c'est nous !

En savoir plus