“Le comptoir d'un café est le parlement du peuple.”

Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu analytique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (14/10/2002)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Politique et Société

L'engagement littéraire peut-il changer le monde ?

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Vous consultez actuellement le compte-rendu analytique du débat (intégralité des échanges)

Vous pouvez également en consulter une synthèse :

[En partenariat avec le Café de Philosophie du Mémorial. Débat co-animé par Charles-Edouard Leroux du Café de Philosophie et Marc Houssaye du Café Citoyen de Caen]

Présentation :
CEL : Sur la formulation de notre débat de ce soir. Naturellement il s’agissait de partir du prétexte ou de l’occasion de célébrer l’année Hugo. Et naturellement on pense tout de suite parce que cela a été un cliché, au Hugo engagé, au Hugo combattant du peuple, au chantre de la République, non seulement la République Française, et puis l’héritage des Lumières, Voltaire et Rousseau, tout le monde connaît la chanson de Gavroche, mais aussi le rêve de Hugo d’une République Universelle, donc Hugo qui était écrivain, voyant, prophète mais aussi homme politique. Comme nous ne sommes pas forcément rompu à la lecture de Hugo mais il y a peut-être des passionnés, des lecteurs de Hugo ici, toutes les interventions, même les plus modestes sur Hugo seront les bienvenus, mais nous avons naturellement trouvé un thème de débat, celui qu’incarne Hugo, et d’autres que nous évoquerons sûrement, de l’écrivain engagé. Ca signifie aussi bien, mais cela je laisserait ce soin à Marc, mélange et association de préoccupations littéraires que morales, politique, sociales, religieuses, donc ouverture d’un débat beaucoup plus large qui doit vous laisser une grande liberté. Ne vous laissez pas impressionné par l’idée « Ah oui mais Hugo je ne sais pas », tachons de penser la question de l’engagement littéraire, de son sens ou de son absurdité ou de son illusion, ou de son utilité, indépendamment de la connaissance que nous pouvons avoir de Hugo ou d’autres écrivains. Il s’agit d’évoquer l’engagement de l’écrivain, peut-être aussi, nous verrons, de l’engagement de l’artiste, et peut-être notion plus récente, l’engagement de l’intellectuel en général. Notre préoccupation c’est « l’engagement littéraire - ou plus largement l’engagement intellectuel - , qu’est-ce que cela veut dire ? ».

J’ai commis un lapsus en formulant le sujet. J’avais à l’origine pensé d’une façon radicale et c’est ce que vous avez eu en main : « l’engagement littéraire peut-il sauver le monde ? ». On va en redire un petit mot tout de suite parce que c’est gigantesque quand même, « sauver le monde ». Et puis je m’étais rasséréné, soyons quand même plus modeste, j’ai mis « changer le monde » ; et puis sans m’en apercevoir, donc c’est un lapsus, j’ai effectivement transmis le sujet sous la forme « sauver le monde ».Cela me paraît finalement très bien. Ca va nous aider. J’avais même prévu à l’origine : « l’engagement littéraire peut-il encore sauver le monde ? ». Mais cela présupposait qu’il l’avait déjà fait dans le passé. Alors « sauver « , c’est peut-être moins raisonnable, mais est-ce que cela ne peut pas nous permettre de débattre de l’idée d’une ambition, à la légitimité d’une ambition, à sa possibilité, voilà au fond ce qui nous intéresse. Tout compte fait prenons-le à la lettre, comme une provocation, une incitation à réfléchir pourquoi, en quoi, un écrivain, un artiste ou autre, qui s’engage dans des combats de la société, peut être fondé à le faire. Dons le débat n’est peut-être pas neuf mais encore une fois, en principe de notre café philo, nous pouvons très bien ignorer l’ancienneté du débat, et puis tout simplement aller à la découverte de ce que peut signifier cet engagement et ses limites. Alors je vais laisser Marc donner quelques idées puis nous commencerons.

MH : Oui, je vais rebondir sur l’ambition que l’on va tenter d’aborder. Je voudrais juste signaler que l’on a peut-être toujours tendance à faire une dichotomie entre les écrivains qui parle de la société que l’on qualifie d’engagés et ceux que l’on qualifie d’écrivains « art pour l’art » qui ne semblent pas se préoccuper des mouvements sociaux. Je voudrais simplement vous mettre en garde contre cette différence un peu légère. On pourra se demander si tout écrivain n’est pas engagé dans la mesure ou il publie et qu’il porte à la connaissance de ses concitoyens un certains nombres de réflexions. On a tous en tête l’influence de Jean-Jacques Rousseau sur les évènements de la Révolution Française, ou le « Figaro a tué la noblesse » de Danton évoquant Beaumarchais. A contrario, on pourrait penser que la suprématie de l’esthétisme littéraire bloquerait l’engagement de l’écrivain. Il y a peut-être beaucoup plus d’engagement littéraire qu’on ne le présuppose. Certainement devrons-nous nous pencher sur ce que c’est que « s’engager » de façon littéraire. On vous laisse la parole pour débattre.

1 – Je crois qu’il y a une différence fondamentale entre l’artiste engagé et l’artiste qui vous livre une œuvre sans message particulier pour l’époque. Je vais prendre deux exemples, je j’estime beaucoup, pas pour leurs talents littéraires, mais pour leurs positions courageuses. Voltaire. Bon c’est un lieu commun. Voltaire me paraît être l’écrivain engagé type pour ses combats pour la liberté, la tolérance, et contre la transigeance des religions. Un autre exemple, c’est Zola. Je me suis intéressé à l’affaire Dreyfus et j’ai toujours été étonné, admiré, par la position de Zola, pas seulement de Zola, des Dreyfusards en général, parce que au fond l’opinion française accusait Dreyfus. Et donc le courage de Zola qui, déjà écrivain célèbre, se bat et publie un document, le « J’accuse » publié dans l’Aurore. Mais je crois qu’il y aussi des écrivains qui ont défendu des causes insupportables. Je prendrais comme exemple Marcel Déat. Et puis Drieux La Rochelle. Je crois que l’on ne peut pas dire que la littérature peut sauver le monde, mais qu’il y a des écrivains, des artistes, qui se sont battus pour des causes nobles à une époque ou c’était courageux de le faire.

A – Alors vous avez fait référence à des écrivains de grandes traditions, avec cette idée que l’engagement littéraire n’est pas toujours du côté des grandes causes, notamment pendant la période que vous évoquez, celle de l’occupation et de la collaboration avec l’Allemagne.

2 – Je suis très embarrassé. Je pense que c’est l’ignorance qui me fait parler. On parle d’un poète ou d’un écrivain qui est engagé. Je ne saurai pas dire ce que signifié ce mot « engagé ». J’ai marqué ce que ce pouvait être. Est-ce que c’est engagé en philosophie humanitaire, on pense à Voltaire, et puis bien d’autres. Est-ce que c’est engagé en littérature, le genre littéraire, quelqu’un qui défend un modèle littéraire (classique, moderne, romantique), la forme littéraire. Ensuite, il y a engagement religieux, enfin politique. Or on s’aperçoit que l’engagé littéraire il peut être tout à la fois. Et je pense que cela peut-être dangereux que c’est un homme politique parce que ce moment là on ne voit plus que la surface et non l’homme lui-même. Je pense qu’il faudrait arriver à définir ce que c’est qu’un littéraire engagé. Et ne pouvons-nous pas élargir et parler de peintres engagés pour ne citer qu’eux. Picasso était un peintre engagé que je sache. Il était engagé par son cubisme. Est-ce que c’est ses formes qui faisait révolution ? Ou est-ce que c’était sa façon de manifester contre la violence humaine quand il a peint par exemple « Guernica ». On s’aperçoit en fin de compte que dans ce sujet intéressant beaucoup de choses se cachent.

A – Je crois que vous posez la question juste. Si l’on veut susciter le débat, il faut que l’on est un problème avec le terme « engagé ». Alors vous posez deux questions : pourquoi cette figure de l’écrivain engagé, et qu’est-ce que signifie cet engagement, parce que vous le soulignez, toute personne qui fait quelque chose est engagé dans ce qu’elle fait. Donc d’où vient ce thème spécifique, et quel sens particulier recouvre l’engagement de l’écrivain ? Pourquoi attend-t-on d’un écrivain qu’il soit engagé plus qu’un autre ?

A – Vous avez cité une facette de l’engagement qu’il ne faudrait pas oublier, c’est la façon dans la forme, quand on met en place une autre façon de penser le monde, vous parliez de Picasso.

3 – Je pense que lorsque l’on parle d’artiste engagé, cela implique qu’il y ai un très grand idéal à la base. Quand les gens ont un idéal profond, alors ils s’engagent. Mais il faut qu’ils aient des convictions très profondes. Ils faut aussi qu’ils sentent que quelque chose ne va pas et qu’il faut la changer. Par exemple Sartre a lutté contre le collectivisme, mais avant il était communisme. Il avait essayé de faire comprendre ce que c’était l’Homme, de faire comprendre que c’est un être capable de liberté et de choix. Et c’est à l’opposé du régime soviétique qu’il avait connu avant.

A – Sur l’engagement de Sartre, enfin votre présentation de Sartre n’est pas tout à fait juste mais cela ne fait rien, c’est assez complexe le rapport de Sartre avec le communisme, mais il n’a pas été communiste et s’est battu contre le communisme ensuite. C’est beaucoup plus compliqué que cela. N’empêche que ce que vous dites est important. Parce que grosso modo c’est Sartre qui est à l’origine de ce terme d’engagement, qui rétrospectivement s’applique à Zola, à Voltaire, etc. Qu’attend-t-on de l’écrivain ? A savoir qu’il fasse son œuvre ou qu’il s’engage pour un idéal ? Pourquoi attend-on d’un écrivain ou d’un artiste qu’il se mette au service d’une cause qu’après tout homme est supposé embrasser, défendre ?

4 – On pourrait citer un magnifique alexandrin de Hugo, pour revenir à lui, un alexandrin qui est le début du septième livre des « Châtiments » : « Sonnez, sonnez toujours clairons de la pensée » ; Je crois que l’engagement littéraire c’est faire passer des idées. Le dernier vers de ce poème c’est « A la septième fois les murailles tombèrent » donc avec la force de la pensée on peut faire tomber les villes et à la fois des pouvoirs qui n’ont plus leur légitimité. Ca peut servir à cela l’engagement littéraire.

A – Vous nous donner le plus bel exemple de l’ambition. L’idée c’est que la pensée et l’expression poétique et littéraire est en mesure de transformer le monde. On a vu qu’il y a le rôle de l’écrivain qui par ses textes évidemment incite à la pensée, à la réflexion, et puis il y a celui qui est capable de faire tomber des murs par la puissance de son verbe. C’est la grande dimensions de Hugo.

5 – Mais est-ce qu’il faut vraiment être écrivain pour cela ? Dans la plupart des exemples que l’on a cité, nous sommes à des époque où il n’y avait pas d’autres moyens de faire connaître une pensée que l’écriture. Même à l’époque de Sartre les moyens de radiocommunications actuels était balbutiant quand même. Aujourd’hui on a quand même d’autres moyens que l’écriture que la littérature pour faire passer un message. Alors faut-il être écrivain pour faire tomber des murs, pour faire passer des messages ? Ou est-ce que l’on ne peut pas profiter des autres moyens de communication ?

A – Alors vous élargissez aux intellectuels engagés. Alors peut-être y a t’il une spécificité de la littérature qui lui donne cette suprématie d’engagement ? Pour continuer le débat, empruntez dans votre quotidien des exemples. Que pensez vous des écrivains que vous lisez ? Qu’est-ce qu’ils vous apportent ? Que voudriez-vous qu’ils fassent ? C’est peut-être en empruntant des choses de votre vie que vous allez savoir ce que représente un écrivain engagé, en tout cas pour vous.

6 – Je voudrais citer Victor Hugo qui a dit en littérature le plus sûr moyen d’avoir raison c’est d’être mort. Et Victor Hugo a été l’un des premiers à demander l’abolition de la peine de mort. Il a fallu plus de 160 ans avant que l’on y arrive. En France seulement parce que dans le monde entier, et notamment aux Etats-Unis, le combat n’est pas fini. Victor Hugo était un précurseur. Aujourd’hui, dans notre formulation, si l’on enlève le terme littéraire, il y a dix sept possibilité de s’engager selon le petit Larousse. L’engagement c’est quelque chose de positif, en bien ou en mal comme cela a été dit tout à l’heure. C’est quelque chose que l’on voudrait autre. Je préfère la formulation « changer » à « sauver », « sauver » étant d’une prétention plus qu’utopique, c’est irréaliste. Est-ce que lorsque Marx parlait de la concentration automatique qui se poursuivrait dans la mondialisation du capitalisme, on peut parler d’engagement ? Mais est-ce que cela a changé quelque chose ? Non, parce qu’aujourd’hui le capitalisme a vaincu le socialisme et le communisme. Autre chose, « Mein Kampf » d’Hitler, c’est un engagement littéraire, on savait ce qu’il ferait. Et qu’est-ce que cela a changé dans la société ? Pas grand chose. J’entend encore dire en 1936, « plutôt Hitler que les communistes ». L’influence littéraire de Hitler cela n’a rien changé au monde, au contraire parce qu’il y a un choix dans l’objectif, il peut être bon comme mauvais.

A – Alors déjà qu’est-ce que c’est que l’engagement ? Il faut que l’on se maintienne là-dessus. En quoi l’engagement littéraire est-il investi d’une valeur particulière ? L’est-il toujours ? Quelqu’un auparavant a souligné que la plume de l’écrivain n’est peut-être plus l’outil essentiel pour s’engager. Il y a deux problèmes : qu’avons-nous besoin des écrivains ? Et que veut dire littéraire ? Vous le souligner. Il y a deux sens. Le livre, l’engagement par le livre, par l’écriture. Et puis l’engagement par l’œuvre.

(…) manque trente minutes. Problème d’enregistrement.

7 - « Le voyage au bout de La Nuit » de Louis Ferdinand Céline ne va pas à l’encontre de son antisémitisme. Il y a un passage dans le livre où Céline parle d’une prostitué et ce qu’il dit sur cette femme je ne vois pas comment quelqu’un d’antisémite peut écrire cela. Je me pose des questions. Il y a une contradiction qui m’étonne.

A – Alors l’exemple de Céline est important parce que c’est un exemple d’un grand problème posé par l’époque de l’engagement littéraire après-guerre. Des années 50 si vous voulez. N’oublions pas que Céline est un des rares écrivains dont des livres, au moins deux à ma connaissance, sont toujours interdits de réédition. Les exemplaires qui existaient sont en circulation. C’est « Bagatelle pour Un Massacre » et puis « l’Ecole des Cadavres ». On les lit toujours. Ils sont en bibliothèque. Mais on a pas le droit de les rééditer parce que ce sont des… Il a mit sont talent inouï au service d’un délire de haine et d’ordure antisémite absolument inimaginable. Là il y a une contradiction chez Céline. La puissance du verbe peut être pervertie.
Et puis maintenant vous l’avez souligné il y a le caractère irremplaçable de la lecture, du verbe, qui transforme les esprits. Maintenant est-ce qu’il y a à notre époque d’autres moyens d’arriver à ces fins ? Est-ce qu’il y a l’équivalent ? Je pense à la radio, au cinéma.

8 – Il y a plusieurs films actuellement dont on pourrait parler. Il y a le film d’Elia Suleiman qui s’appelle « Intervention divine » mais il y a aussi le film « Bowling for Columbine » de Michael Moore qui est un véritable pamphlet contre les armes aux Etats-Unis. Le lycée de Columbine c’est le lycée où il y a eu un massacre de huit lycéens qui ont été tué par des copains de classe (NdT : Columbine est le nom du lycée d'une paisible bourgade, Littleton, dans le Colorado, où deux élèves ont massacré douze de leurs condisciples et un professeur, avant de se suicider avec des armes à feu acquises en toute légalité. ).

9 – En s’exprimant sur les écrivains et les philosophes je ne pense pas qu’ils puissent changer le monde. Parce qu’écrire est un investissement assez physique. J’entend par là qu’il faut pas mal de temps pour s’en remettre. Et quand on en est remis on se remet à écrire. Je pense qu’il vaut mieux faire écrire ses pensées par d’autres pour pouvoir faire bouger les choses. C’est peut-être pour cela que les grands personnages de l’Histoire qui ont fait bouger les choses n’ont rien écrit. Comme Jésus…

A – Est-ce qu’un écrivain est chargé de faire bouger les choses ?

10 – Je pense que cela peut être un révélateur mais ce doit être avant tout un homme d’action. Parce qu’il est le seul à connaître le sens de ses paroles. Et s’il passe lui même à l’action cela évitera tout problème de malversation.

11 – On parle de l’intérêt de l’engagement littéraire. Je pense que cela permet de passer des barrages. Si Boulgakov avait écrit un essai politique, ses propos auraient pu disparaître. En fait il a écrit « Le Maître et Marguerite » (NdT : Mikhaïl Boulgakov, Edition Pocket ). Il en a dit autant il a fait passer ses idées. Et on peut continuer à lire ses propos. Quant à l’engagement littéraire actuelle Monsieur disait tout à l’heure qu’il n’y avait peut-être pas de circonstances qui le permettaient actuellement. Je n’en suis pas persuadé. Dans notre société où les médias tiennent la publicité et les maisons d’éditions, il y a certainement un engagement à prendre contre la censure.

A – C’est un propos qui devait arriver à un moment ou à un autre. Lorsque l’on a évoqué Voltaire par exemple, il s’agissait d’écrivains qui arrivaient à dire ce qui n’était pas dicible ou bien parce que c’était directement censuré par le pouvoir ou bien parce que les esprits n’étaient pas prêt à l’accepter. L’écrivain c’est celui qui ose dire et qui sait dire et qui réussi à dire. Et il n’est pas sûr qu’aujourd’hui dans nos sociétés au fond assez permissives… Enfin vous avez évoqué la manière dont les médias audiovisuels et maisons d’édition sont tenus. Il n’est pas du tout évident qu’un écrivain puisse être publié si son discours ne convient pas. Il y a aujourd’hui une censure d’un type nouveau, non inscrite dans la loi, plus insidieuse. Et il y a peut-être un grand besoin d’entendre ou de lire des écrivains.

12 – Par rapport à cela, je vous conseille d’aller voir le film « Bowling for Columbine » parce cela montre notamment la manipulation des médias sur l’information.

A – Cela nous permet aussi de rebalancer la dichotomie entre « médiatisé » et « engagé ». Peut-être y a t’il une grande différence…

13 – Je reste toujours assez admiratif au Café Philo (NdT : Ce débat se déroulait en partenariat avec le Café de Philosophie du Mémorial dans l’enceinte du Mémorial) de la vision que l’on a de l’artiste. On a une vision absolument angélique et idyllique de la personne de l’artiste dans toutes ses formes. A chaque fois que l’on en discute. Or moi il me semble que c’est certainement pas l’engagement littéraire qui peut, alors on a dit « sauver le monde » - voyez comme on a de l’ambition ! Parlons déjà de « changer le monde ». Il me semble quand même que s’il en avait eu un eh bien qu’on le nomme. J’ai entendu parler de Zola, de Voltaire, etc. On t’il jamais changé quoi que ce soit ? Ils ont écrit, ils ont sans doute contribué à ce que d’autres changent le monde. Mais ils me semble qu’eux seuls il y a une incapacité notoire de l’écrivain à changer le monde. Parce que justement s’il est engagé il n’aura pas ce détachement suffisant pour faire de son œuvre une œuvre majeure. Lorsque l’on a un écrivain comme Rousseau, si son œuvre avait été appliquée par les Révolutionnaires dans son contenant brute il y aurait rien eu de possible. Il faut des exégètes, des gens qui pensent, qui re-réfléchissent, qui pensent à l’application. L’écrivain peut-être un catalyseur, au mieux. On peut e demander ce que serait Max sans Lénine, Rousseau ou Voltaire sans les Révolutionnaires. « Changer le monde », ce sont des facteurs tellement complexes, et tellement nombreux qu’un écrivain seul n’en a pas le pouvoir. Et j’ai envie de dire que lorsque je vois ce sujet, qui m’a fait par ailleurs beaucoup rire jaune quand je l’ai lu pour la première fois, c’est vraiment pathologique de notre société. On essaie de chercher des messies, des sauveurs qui vont changer le monde. Alors ça va être des écrivains, des artistes, des peintres… Est-ce que l’on va se demander un jour si nous on va le changer le monde ? Parce que moi je ne suis pas écrivain, je suis peut-être un petit peu engagé mais je ne suis pas un écrivain engagé, manque de bol je ne vais pas le changer. Alors qui ici v le changer ? Si on avait un réflexe citoyen, puisque ici on est à la fois dans un Café Philo et un Café Citoyen, il me semble qu’il faudrait arrêter de se dire que ce sont les autres qui vont le changer, le monde.

A – Cela fait partie des manières d’appréhender le sujet. Il fallait une remise en question comme celle-ci ; Dans la figure de l’écrivain engagé, on peut se demander s’il n’y a pas de l’imposture. Y a des impostures, et des illusions aussi. Il faut se demander si un jour un écrivain a pu changer le moindre bout de réalité. Et puis si c’est possible, revenons à Victor Hugo, on peut se demander si l’individu en lui-même peut quelque chose mais en tant que personnage public. « Donner écho » disait Hugo à l’air du temps. Et il est vrai qu’aujourd’hui on eut voir une imposture dans le fait que les intellectuels se présentent aujourd’hui comme ceux par qui les choses vont changer.

A – Et cela pose la question de l’engagement du lecteur. Quel est votre propre engagement lorsque vous recevez un vision du monde particulière d’un écrivain. Qu’est-ce que cela vous fait changer au niveau de votre citoyenneté, dans quel sens ? Est-ce que cela vous sensibilise sur certains points ? Bref est-ce que cela vous amène à devenir de plus en plus citoyen, c’est-à-dire de plus en plus préoccupé par des questions d’intérêt général ?

14 – J’ai entendu le mot censure tout à l’heure. Je ne crois pas qu’il y ait de la censure aujourd’hui tel que nous l’imaginons, l’interdiction formelle et publique. Je crois que la grande censure aujourd’hui c’est l’argent. Les éditeurs ne prennent pas n’importe quel livre. Il faut être connu pour pouvoir être publié. Par exemple Rika Zarai a vendu un livre à des millions d’exemplaires. Des gens ont tenté des expériences en recopiant à la main des œuvres connues, de Proust, etc. Et ils l’ont présenté à dix éditeurs, neuf l’ont renvoyé de façon automatique. Les éditeurs s’auto censurent aujourd’hui par le besoin de faire de l’argent. Alors on dit que nous sommes dans un pays de liberté d’expression, elle n’existe plus dans l’écriture.

A – Alors ne confondons pas ce qui est médiatique et le réel engagement.

15 – On a beaucoup parlé des courageux qui se sont engagés. Pour essayer de changer le monde. Mais ont-ils changé quelque chose ? Est-ce que le monde désire se changer ? Lorsque l’on propose un travail psychothérapeutique à un enfant, on étudie sa personnalité pour savoir s’il va la supporter, et surtout il faut son consentement. Je pense que c’est à nous de changer le monde. Et je pense que s’il y a des gens qui ont une lumière plus particulière pour aider les autres, la sensibilité va intervenir et aller dans le sens de celui qui apporte un message. Il faudrait je pense proposer à l’humanité un message qui lui correspondrait bien, qui satisfasse chacun, avec des valeurs humaines, d’honnêteté, de justice.
Et puis je pense que pour convaincre quelqu’un il faut soit même être profondément convaincu.

A – C’est vrai qu’il faut que pour que la parole de l’écrivain possède une force qu’elle soit désirée.

16 – Je voudrais ajouter que ce ne sont pas tellement les intellectuels qui vont changer le monde. On parlait du Christ tout à l’heure. Lui n’avait pas un langage intellectuel, il s’adressait aux plus simples, à des gens qui ne savaient pas lire.

17 – Je dis que la Bible qui est le livre le plus lu au monde, finalement s’il avait un impact, cela se saurait. Il y a des pages littéraires extraordinaires dans la Bible mais sur le plan « avancée de l’humanité » je crois qu’il faut essayer de réfléchir à autre chose. Je pense qu’il ne faut pas s’enliser dans des schémas que l’on a depuis des siècles.

18 – Ce n’est pas la théorie qui compte, c’est l’action.

19 – C’est quelque chose de très problématique. En fait ne vivons-nous pas dans l’illusion d’une parole ? Au fond, est-ce que la puissance magique de la parole a jamais fait avancer le monde ? Et alors cessons d’attendre de l’écrivain ou de l’artiste quelque chose et faisons autre chose.

20 – Je trouve que « l’engagement littéraire peut-il sauver le monde ? » est une bien grande phrase. Je pense que l’on pourrait plus facilement dire « l’engagement littéraire peut-il changer le lecteur ? » Or j’ai l’impression, d’après mes souvenirs, que de la sixième à la terminale, on change beaucoup selon les auteurs que l’on étudie. Un écrivain comme Maupassant peut changer totalement la vision que l’on a du monde, en dénonçant par exemple un égoïsme bourgeois – quand on lit les « Contes de le Bécasse » - et qui donne envie de changer quelque chose. Pour moi l’engagement n’est pas forcément politique et il peut commencer très tôt chez l’enfant. Je le constate lorsque je lis des livres à mon enfant qui n’a pas trois ans.

A – Et puis on peut prolonger. C’est vrai que l’on évolue beaucoup de la sixième à la troisième. Et après, on peut toujours évoluer. C’est pas parce que l’on est adulte que tout est figé.

21 – On commence à voir que le littérateur seul ne peut pas changer grand chose même s’il peut être l’impulsion de quelques mouvements d’idées. Ce qui serait intéressant de voir c’est la contre apposée de la proposition qui est faite : « est-ce quelqu’un ou un groupe peut changer le monde sans un engagement artistique ? ». On se rend compte qu’à chaque révolution, qu’à chaque grand moment de l’histoire au niveau de l’action politique, il s’accompagne toujours d’un mouvement artistique. Pour la Révolution Française, c’est le romantisme qui est précurseur et post-curseur au niveau de la musique, de la littérature, de l’iconographie. La révolution de 1917, alors je sous-entend par révolution « changement important du monde », tant dans l’architecture que la littérature, l’art graphique, apporte – avec le réalisme notamment – de nouvelles voies. Est-ce les deux sont liés. Le changement du monde intéresse t’ils les observateurs que sont les artistes qui du coup ont une nouvelle perceptions du monde, ou est-ce que l’un et l’autre ne sont pas indicibles ? Personnellement pour la littérature je pense que l’arrivée du mouvement romantique, en simplifiant la mise en avant de la personne humaine face à la Nature, a des sources occultes profondes qui sont les mêmes que les sources d’émancipation politique.

A – Je pense à une vielle question philosophique « On ne transforme pas le monde sans transformer l’Homme ». Et ce qui est évoqué depuis quelque temps dans le débat, c’est la transformation intérieure, c’est la puissance du verbe, par extension la puissance de l’art. Elle l’accompagne, elle l’anticipe ? Où est la cause, où est l’effet ?

22 – A tel point que les personnes qui volontairement dans l’action veulent marquer l’Histoire s’entourent toujours d’artistes. On a vu Adolf Hitler s’entourer et vouloir créer un nouveau style monumental, un nouveau style architectural, une nouvelle forme de peinture, etc. Ils anticipent en voulant s’accompagner de mouvements artistiques.

23 – Je crois que cela peut aider le débat de faire une distinction claire entre « sauver le monde » et « changer la représentation du monde ». Je crois que le domaine de l’artiste c’est d’entrer pleinement dans la façon de représenter le monde. Les artistes de mérite sont ceux qui ont le courage ou l’ingénuité, ou la curiosité de traiter les choses qui ne sont pas dites, qui ne sont pas majoritairement admises. Pourquoi la littérature de la fin du XIXème siècle était si riche, Hugo, Zola, etc. c’est parce que sont plutôt les voies dissidentes. J’étais assez surpris de l’intervention tout à l’heure sur Jésus et de Socrate. (…)

(…) manque dix minutes à la fin. Problème d’enregistrement.

Interventions

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lamesta

samedi 16 octobre 2010 19:30:29 +00:00

je pense que l'on peut changer le monde ,a condition de ne pas ce faire la guérre,la psychologie et souvent plus importante ,pour changer des mentalité,a condition bienssure qu,il y est de la solidarité,mais c,est vrais que nous somme dans un monde ou les idée sont trop diverse
c,est un peu comme la toure de babel,quand les gens ne parlais plu le méme langage,ils ya trop de confrontation d,idée,et pas beaucoup de monde cherche,a rester sur une logique de savoire vivre
peut on a évolué trés vite technologiquent,et le reste na pas suivie,donc normale que l'on c,est fait surprendre,quand je parle des technologie,moderne,je n,es rien contre,mais a ue tendance a oublié les vrais problem qui touche le monde en général,entre parentaise ,on a perdue beaucoup de valleur ,a voulloire croire que la technologie réglerais les problems (faux)on a perdue le naturelle ,les gens rie de moins en moins ,et on devient égoiste,une question qu,il faut se posé .c,est quois évolué?????,c,est quoi avancé???ques que l'amoure aujour dhui????le langage litéraire je ni croie pas.par contre un petit retour en arriére peut faire du bien,mois de bétons et plus de campagne,les gens ont bessoins de réver ,es que vous penser que les gens réves aujour dhui???pour redonner de la valleur il faut aussi revenire aux vrais valleur
si on se remet pas en questions tous on avancera a rien.toute ces idée peuvent étre dévollopé,et avancer la vie ,la vraie.

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