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Compte-rendu analytique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (12/12/1998)

Animateur du débat : Marc Houssaye

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Doit-on pouvoir juger les gens de crime contre l'humanité même lorsqu'ils sont en activité ?

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[Thème lié à l'activité médiatique du Général Pinochet]

1 - On est au courant aujourd'hui qu'il y a des gens qui sont coupables d'avoir commis des crimes contre l'humanité mais ils sont encore en activité et on n’a manifestement aucune prise sur eux. Peut-on créer un tribunal un peu permanent pour juger de tout cela sachant que le tribunal permanent existe dans deux cas : pour les crimes du Rwanda et les crimes de la Yougoslavie ? On voit quand même dans son application qu'avec des gens comme Miloševic , le tribunal est plus symbolique qu'efficace.

2 - On peut se demander pourquoi le général Pinochet est poursuivi alors que Kabila est reçu à l'Elysée parce qu'on peut le considérer comme quelqu'un qui a fait des crimes dans son pays et il est toujours en activité.

3 - L'affaire de Kabila pose la question du droit d'intervention dans les affaires d'un pays.

4 - Il peut être intéressant de se demander ce qu'est une immunité diplomatique, à quoi cela sert ? Il est évident que si dans un pays même on ne peut pas toucher aux hommes d'État, est-ce que des gens de l'extérieur peuvent s'immiscer dans les affaires internes du pays.

5 - Je crois qu'en activité, il n'y a que le crime de trahison qui est appliqué, le crime de sang est jugé après.

6 - Mais après, c'est-à-dire?

7 - Une fois que la personne en question n'a plus ses fonctions.

8 - Je crois qu'il n’y a que le crime de haute trahison qui soit, en France, susceptible d'être jugé pendant les fonctions.

9 - Je crois qu'il faudra définir un crime contre l'humanité. Pour Pinochet, il n'a pas été condamné pour crime contre l'humanité. Il a seulement été inculpé pour disparition d'enfants et d'adultes. La notion de crime contre l'humanité, même si elle est moralement retenue, ne l'est pas légalement.

10 - De toute façon, le procès qui a eu lieu en Grande Bretagne n'avait pas à juger s'il y avait un crime contre l'humanité. C'est juste pour savoir si l'immunité diplomatique pouvait être enlevée et s'il pouvait être extradé vers un pays qui voulait le condamner pour crime contre l'humanité.

11 - Je parle de ce qu'ont fait la France et l'Angleterre pour pouvoir l'extrader. Il a fallu une qualification et l'avocat ne s'est pas appuyé sur le crime contre l'humanité parce que cela n'aurait pas été retenu. Il l'accuse d'avoir fait disparaître des personnes.

12 - Il serait intéressant de savoir ce qu'est un crime contre l'humanité par rapport au crime de sang, etc.

13 - Je crois que cette question là pose un problème qui est finalement le droit pour un homme d'Etat d'utiliser la force dans son propre pays. Si on imagine que l'on peut accuser les gens dans leur propre pays, ou même leur enlever l'immunité diplomatique, cela suppose qu'il peut y avoir des excès des deux côtés. C'est-à-dire qu'un président qui réprime la révolution par exemple serait passif de crime contre l'humanité sachant qu'il pourrait y avoir des escalades dans la violence, etc. Finalement, si cette loi passait, elle interdirait quasiment l'usage de la force.

14 - Vous pensez à la révolution française, si je comprend bien.

15 - Eh bien, à la limite, imaginez que quelqu'un de l'extérieur ait dit que Louis XVI était coupable de crime contre l'humanité.

16 - Et inversement Robespierre.

17 - Je pense que cette idée d'immunité veut dire que le président, tout en essayant de rester juste, bénéficie de certaines prérogatives.

18 - Les limites sont difficiles à préciser. Je pense qu'il y a un premier phénomène, c'est le niveau de la mondialisation. Mondialisation, d'accord, mais il y a quand même chaque pays. Et chaque pays s'institue à un régime politique propre. Si ce pays est sous un régime qui dérive vers le racisme, une idéologie appliquée, alors là, c'est un crime contre l'humanité. C'est ça le crime contre l'humanité à mon sens. Par contre, ce qui est plus difficile, c'est dans un pays où il y a des opposants au pouvoir. Dans les moyens que Pinochet applique pour garder le pouvoir, le crime contre l'humanité est moins net.

19 - Je pense que si on essaie de définir le crime contre l'humanité, à moins qu'il y ait des juristes spécialistes dans ce domaine ici présents, on risque d'être un peu embêté. Il y a par contre quelque chose que l'on connaît bien, c'est le génocide. Et Miloševic, lui, a été accusé de génocide. Il était encore en activité et on a monté le tribunal de La Haye qui est sensé juger les criminels de guerre accusés de génocide dans l'ex-Yougoslavie. Alors quand on dit que cela est très difficile à mettre en œuvre, j'ai surtout envie de dire que c'est difficile quand on ne veut pas vraiment. On peut se remémorer Nuremberg : les criminels de guerre ont été accusés fin 45 et des mesures ont été prises moins de six mois après les hostilités. On a mis en place très vite un tribunal, on a su très vite comment faire…

20 - Les conditions étaient réunies pour cela.

21 - Alors, la question est: pourquoi les conditions ne sont-elles pas réunies pour faire en sorte que Miloševic soit accusé et puis tous les gens qui ont fait plein de choses pas belles ? C'est bien joli de s'enorgueillir d'avoir un tribunal de La Haye mais s'il ne sert à rien…

22 - Oui mais ce n'est pas pareil. Kabila et les autres sont encore au pouvoir. Ceux de Nuremberg n'y étaient plus. C'est la différence des vaincus.

23 - Si je puis me permettre, le tribunal de La Haye autorise l'ingérence. Pour le Rwanda et la Yougoslavie, on ne se pose plus le problème. Le problème qui est posé actuellement, c'est l'élargissement du tribunal de La Haye a tous les tueurs potentiels ou affirmés du monde. Il ne faut pas oublier qu'il faut une volonté politique. Actuellement, la France a reconnu que la Turquie avait fait un génocide avec l'Arménie. Théoriquement, le président de la Turquie devrait être transféré au tribunal mais ce ne sera pas fait parce que la Turquie veut rentrer dans l'Europe, etc. Il n'y a qu'un pays à l'avoir dit, c'est la France. Ils se sont fait engueuler mais les autres ne bougent pas. Il devrait y avoir un tribunal déterminant les conditions d'intervention. L'apartheid pourrait être considéré comme un génocide. En Chine, avec le Tibet, on se demande ce qu'est cette affaire là.

24 - Je me demande s'il n'y aura pas un frein vis-à-vis des pays ayant leurs propres accidents passés lorsqu'il existera un tribunal mondial. Je pense notamment à la Chine qui aurait du mal, comme d'autres pays, à porter plainte contre des choses qu'ils auraient fait eux-mêmes.

25 - Actuellement, dans deux exemples, on a parfaitement les moyens de condamner ces gens, des moyens légaux. On a le droit de les mettre en prison. Or il ne se passe rien. C'est ma première préoccupation. Celle de savoir si la construction d'un tribunal mondial serait accompagné par une efficacité. Ma deuxième préoccupation est : est-ce que l'on a le droit de faire cela ?

26 - Effectivement, si le peuple chilien a pardonné à Pinochet, est-ce que nous, nous pouvons nous permettre de lui pardonner aussi ?

27 - Je pense que l'on parle ici de ce qui est finalement le politiquement correct de dirigeants et de ce que l'on peut faire passer. Mais je pense que le crime contre l'humanité va beaucoup plus loin que les dirigeants c'est-à-dire qu'il y a énormément de gens qui sont responsables. Et je ne vois pas pourquoi les gens qui participent aux crimes, aux côtés des dirigeants, ne sont pas jugés aussi. Ce sont les complices actifs, serviles. J'ai entendu qu'il y avait différents degrés dans crime contre l'humanité. A mon avis, il n'y en a qu'un seul. On pourrait, à la limite, nommer crime contre l'humanité le fait de mettre des gens de côté, parce que des dirigeants sont lâches, incapables de décisions pour faire en sorte que les gens aient des conditions d'existence décentes. On retrouve par exemple un certain nombre de gens chaque hiver morts dans la rue, est-ce que ce n'est pas aussi un crime contre l'humanité que de laisser faire ?

28 - Au procès de Nuremberg, on a surtout accusé les dirigeants parce qu'il existe un autre principe appliqué dans la hiérarchie militaire par exemple, celui d'être dans l'obligation d'obéir à un ordre d'un supérieur, sans quoi on est passible de mort. Alors on est parfois obligé de se faire complice.

29 - Je crois qu'il y a un droit à la désobéissance, on l'avait d'ailleurs vu dans un précédent Café Citoyen* parce que quelqu'un qui agit sauvagement, comme Himmler , se rend coupable vis-à-vis de ses responsabilités.

30 - Oui, effectivement, mais j'essaie de savoir pourquoi on considère les dirigeants plus responsables que d'autres.

31 - Quand vous parlez des gens que l'on laisse mourir dans la rue, ce n'est quand même pas pareil que de vouloir les faire mourir. Quand même, c'est pas pareil.

32 - Le concept de crime contre l'humanité a été créé après la guerre mondiale lorsque l'on s'est aperçu dans certains pays qu'il y avait une certaine politique visant à exterminer une certaine partie de la population. Il y a le génocide et puis deux autres concepts constituant le crime contre l'humanité qui sont réellement des politiques mises en place par des gouvernements ou des opposants. Je pense que l'on s'attaque aux dirigeants parce que ce sont eux qui mettent en place ces régimes. Alors, c'est déjà bien puisque l'on vise les têtes. Ensuite, pour que les décisions ne soient pas prises qu'au niveau politique mais de manière objective, on crée un tribunal pénal international. Ce tribunal va être indépendant et va prendre des décisions par rapport à des critères objectifs. On va pouvoir condamner des gens, selon des critères qui vont être élaborés, sans pressions politiques. On va être capable de dire: là, vous allez trop loin, il y a les Droits de l'Homme à respecter, vous êtes passible de passer devant le tribunal international.

33 - Par rapport à Nuremberg, c'est tout à fait exact. Les seuls à avoir été condamnés sont ceux qui avaient organisé. Je suis d'accord avec l'établissement d'un tribunal mondial mais le mot employé le plus important est "indépendant". Il le sera certainement dans l'organisation, dans la définition, dans les condamnations, seulement après il y a l'exécution. C'est ce qui se passe d'ailleurs actuellement. Le tribunal demande à la force publique d'aller exécuter ce qui a été décidé.

34 - Il a été dit: "c'est bien actuellement parce que l'on vise les têtes". Je dirais : "il ne sert à rien de viser si tu ne tires pas" parce que c'est quand même un peu le problème. J'ai l'impression que l'on est en train de s'enorgueillir de lois, de textes, de choses que l'on met en place, etc., mais on ne peut rien faire parce qu'ils ont une armée. Et alors, à quoi cela sert-il ?

35 - On a parlé tout de suite des responsabilités. Je crois que la justice est là pour départager des responsabilités en effet. Peut-être pas au niveau des exécutants, etc. mais au moins à Nuremberg, on avait toutes les têtes et on essayait de reconstruire le mécanisme. Le problème, c'est quand on a qu'un bonhomme et qu'il y a certainement plein de composantes dont le tribunal risque de ne pas avoir connaissance. Alors maintenant l'immunité, pourquoi cela sert et pourquoi c'est là ? Quand on était gamin et que l'on jouait, on avait le "mouille" ou "pouce" qui faisait que l'on avait une certaine confiance en l'autre. J'ai l'impression que l'immunité, c'est un peu cela aussi. D'une part cela répond au fait que dans la Déclaration des Droits de l'Homme, il est dit que bien que les citoyens soient aptes à être gouvernés par ceux qu'ils veulent, c'est-à-dire qu'il y a l'autodétermination des peuples, l'immunité sert à respecter cette volonté du peuple d'avoir choisi tel ou tel dirigeant. Cela sert ensuite à assurer les relations entre des pays de régimes différents. Si aller dans un pays dont le dirigeant est un dictateur conduit à la séquestration, cela ne sert à rien. A l'inverse, si un dictateur sait qu'il va se faire épingler lors de sa prochaine sortie dans un autre pays, il n'y aura pas discussion. Je pense que si on commence à couper le pont avec les dictateurs, ce sera plus dangereux.

36 - Il y a la notion de force aussi parce que l'intervention est quand même un rapport entre deux forces.

37 - Effectivement c'est un rapport de force, que ce soit mondial, national, tribal, familial. Mais il ne faut pas que ce rapport de force en vienne à l'extermination de l'autre. Si l'Amérique avait décidé de "mettre le paquet" sur l'Irak, est-ce que cela aurait été un crime contre l'humanité ? Alors que l'O.N.U. existe ! Et l'Amérique pourrait faire sa loi en Irak. On voit bien qu'au Chili, dans le même pays, il y a des gens pour le général Pinochet et des gens contre celui-ci. Alors comment pouvons nous, pays extérieurs, nous insinuer dans la politique de ce pays ? L'ingérence dans un pays pose un problème. Le crime contre l'humanité existera toujours dans des conditions données. Je pense que l'action se situe au niveau de la prévention de l'établissement de conditions favorables à l'épanouissement d'une politique de crime contre l'humanité.

38 - Vous parlez de ce qu'il y a de bien et de ce qu'il y a de mauvais dans l'immunité, mais c'est exactement comme la démocratie, c'est ce qu'il y a de meilleur dans le moins bon. C'est pas exactement la formule mais…

39 - Je crois qu'enlever l'immunité au gens et d'aller les condamner chez eux, c'est facile à proclamer et difficile à mettre en œuvre. Par contre, ce qui est intéressant c'est l'imprescriptibilité du crime. J'ai entendu Robert Badinter parler et il disait que l'avantage serait que les gens réfléchissent un peu avant de commettre des crimes. Jusqu'à avant-hier, on pouvait commettre des crimes et rester tranquille après que l'on soit au pouvoir ou pas. Maintenant, il y a un effet dissuasif.

40 - Des fois, il y a, entre guillemets, des bons dictateurs. Il y en a qui assurent le redressement d'un pays.

41 - Oui mais je ne parle pas du système dictatorial en lui-même mais des conséquences de la dictature.

42 - Par rapport à Nuremberg, il sont malins les dirigeants. En temps de guerre, on tue le commandant, le caporal, etc., et puis quand on arrive au chef, et bien on arrête la guerre. Il faut que l'on donne ensuite l'apparence d'un tribunal pour montrer que l'on est pas aussi barbare que la personne que l'on combat. Par contre, on peut imaginer que s'il n'existait pas de tribunal, les militaires pourraient aller jusqu'au bout de leur action d'intervention. Il n'y a pas de raison que la dernière personne, sous prétexte qu'elle ait arrêté la guerre et que les rangs de ses petits protégés se soient épuisés, reste en vie. Dans l'optique de guerre, le tribunal est là pour modérer cela.

43 - La justice, qu’elle soit internationale ou nationale n'est pas neutre. Il y a des pays qui ont un poids et d'autres qui n'en ont pas et donc qui n'ont rien. Les conflits et les dictateurs n'arrivent pas par hasard, c'est économique, c'est politique. Dans le cas du Chili, si Pinochet est arrivé au pouvoir, c'est parce que l'on a détruit l'économie du Chili. Pourquoi est-ce que l'on ne jugerais pas les Etats-Unis en tant que principal responsable de ce qui est arrivé ?

44 - En ce qui concerne l'humanité, est-ce que toutes les personnes sur la planète la considèrent de la même façon ? Est-ce que dans un pays asiatique, où la torture est beaucoup plus importante qu'en Europe, ils considèrent de la même façon que nous, européens, le crime contre l'humanité ? Peut-être devrions nous voir avec leurs yeux aussi. En ce qui concerne le Chili, j'y étais juste avant Pinochet. On n’a d'ailleurs pas pu partir à cause des grèves. Le pays s'enfonçait et se ruinait. C'est grâce à Pinochet, quoi qu'on en dise, que le pays est remonté. Je suis resté un mois là-bas.

45 - Oui mais dans ce cas, on peut dire qu'Hitler a fait pareil. Il a remonté le pays mais… Pinochet aurait pu faire la même chose.

46 - Je crois que la comparaison n'est pas bonne puisqu'Hitler a remonté un pays qui était effectivement très bas alors que Pinochet a remonté un pays que lui et d'autres ont contribués à faire descendre.

47 - Vous avez en fait posé la question très intéressante de l'universalité des Droits de l'Homme. Un héritage philosophique occidental nous a fait sentir les Droits de l'Homme et il s'avère que cela ne fonctionne que si on le déclare universel. On ne peut pas déclarer qu'il existe des Droits pour les Hommes et dire que certains en sont exclus sinon ce serait dire que certains ne sont pas des hommes. Par contre, est-ce que ces droits sont acceptés, reconnus par tout le monde ? D'un point de vue des gens qui défendent les Droits de l'Homme, ils sont forcément universels. Si on y croit, on y croit pour tout le monde.

48 - Mais pourquoi les Droits Universels n'auraient pas été fabriqué par les Chinois ?

49 - Historiquement, ils ont été fait par nous. De notre point de vue, ils sont forcément universels.

50 - Le vrai problème serait de savoir pourquoi c'est nous qui avons raison.

51 - C'est l'une des raisons pour lesquelles les actions d'envergure internationale sont mises en place à partir du moment où il y a des plaintes. Quand il y a une plainte qui porte atteinte aux Droits de l'Homme dans un pays, cela veut dire que la personne portant plainte reconnaît ces Droits de l'Homme. L'universalité se comprend comme cela. Ce n'est pas les gens au pouvoir qui peuvent dire que les Droits de l'Homme ne sont pas universels. C'est ceux qui sont opprimés qui ont le droit de se réclamer de ces droits là. C'est un principe.

52 - Je crois qu'en fait, c'est la notion fondamentale. On vient de le dire à l'instant, de notre point de vue, ils sont universels. Je pense que si on les considère comme universels c'est pour dépasser ce point de vue rattaché à l'Occident et d'où il a pris naissance. C'est le principe de l'O.N.U.. Les gens qui proclament ces droits universels perdent en quelques sortes leurs nationalités pour acquérir un statut universel. Ils disent : je suis tout simplement humain.

53 - Je me pose la question suivante, et cela en pensant à la Chine : pouvons nous faire la révolution en respectant les Droits de l'Homme ? Théoriquement, on devrait. A ce moment là, est-ce que l'on doit intervenir dans cette révolution. On a créé en France les Droits de l'Homme avec du sang. Doit-on intervenir de nos jours dans une révolution, dans un quelconque pays ?

54 - Vous disiez que les Chinois n'ont pas la même conception que nous. C'est quand même relativement universel cette conception des Droits de l'Homme. J'ai l'impression que l'on ne se bat pas sur l'universalité des Droits de l'Homme. Je pense qu'aussi bien un Africain qu'un Asiatique sait ce que c'est que d'être battu, torturé et tué. La notion qui est née en Occident du point de vue philosophique est quand même relativement acceptée dans le monde entier. C'est cela qui fait son universalité. Et évidemment, du point de vue de la base, pas des dirigeants.

55 - Ce qui me gêne un peu, c'est que cela vienne toujours de chez nous.

56 - Historiquement parlant, on a peut-être eu une influence dans le monde.

57 - Il y a des pays où les Droits de l'Homme ne sont pas respectés. Je pense au problème de la Mauritanie où il existe des formes d'esclavage.

58 - La plainte n'est pas émise ici.

59 - Oui, c'est la plainte qui fait l'universalité des Droits de l'Homme. A la rigueur, on ne peut pas imposer les Droits de l'Homme à quelqu'un qui a envie de se soumettre. Mais philosophiquement cela ne convient pas. Pour étendre un peu, dans un pays où la peine de mort existe, qu'est-ce qui pourra empêcher, s'il existe une administration supranationale, un condamné à mort de porter plainte auprès du tribunal international de l'acte que l'on va commettre envers lui ? C'est quand même une atteinte aux Droits de l'Homme, la peine de mort.

60 - Je pense qu'en ce moment aucun pays ne peut mettre ne place un tribunal international. J'ai l'impression que dans tous les pays du monde, il y a eu toute une partie qui a été opprimée. Pourquoi ? Parce que c'est l'Histoire. La Démocratie s'est mise en place dans l'Ouest et cela se développe progressivement. On essaie de convaincre les autres pays d'aller dans ce sens là. Mais je crois que l'on n'est pas prêt à installer un tribunal international.

61 - Pour revenir au fait que si la plainte est inexistante, on ne peut rien faire. Je pense qu'il y a le problème du savoir aussi. Pour prendre l'exemple de la Révolution Française, avant que l'on montre au peuple Français l'existence d'un modèle autre, ils étaient habitués au roi. Ils pouvaient se plaindre mais cela s'arrêtait là. Pour instituer un droit nouveau qui est contraire aux traditions, je pense qu'il faut malheureusement passer par une période transitoire de non droit.

62 - Je ne crois pas non plus à la capacité actuelle de création d'un tribunal international parce qu'il y aura toujours le problème de l'indépendance. Les gens qui vont constituer ce tribunal vont appartenir à un pays et on peut se demander quelle va être la légitimité de cette personne.

63 - C'est vrai que la plainte, on peut la subir mais les contraintes peuvent nous empêcher de l'émettre.

64 - A partir du moment où un régime, quel qu'il soit, dit démocratique ou pas, tue ses opposants, il est bien évident qu'un tribunal international a à intervenir. Cela me semble évident.

65 - Je suis d'accord, mais pour que ce soit accepté, il ne faut pas qu'il y ait des conflits d'intérêts. La seule solution serait l'abandon de la nationalité pour ceux qui feraient partie de cette organisation nationale.

66 - Vous parlez d'attendre la plainte, mais lorsque vous voyez qu'en Afghanistan, on empêche les femmes de sortir, d'aller à l'école, de se soigner, etc., ne croyez vous pas que c'est pratiquement les tuer ?

67 - Oui, mais est-ce que l'on a le droit de s'insinuer dans un pays qui fait sa route tranquillement comme on l'a fait, nous la France, pour arriver au stade actuel ?

68 - Je pense que ce qui fera avancer les choses, c'est notre responsabilité de citoyens, notre responsabilité et puis celle d'autres par le monde. C'est ainsi que le démocratie universelle avancera.

69 - Je crois que Pinochet représente l'armée, c'est-à-dire un groupe d'assassins qui ont assassiné des gens. Il y a un devoir d'ingérence à juger quelqu'un de ce type. Je crois que c'est un problème de responsabilité collective. Les sociétés du type occidental, la démocratie du type occidental, ne donnent pas de véritable choix aux citoyens, elles anesthésient leurs choix. C'est aux citoyens du monde de ne pas vouloir se laisser berner par toutes sortes de raisons qui feraient que l'on ne pourrait pas juger les assassins.

70 - J'ai l'impression que l'on est pris dans l'éternel problème qui est que d'un côté, on se dit que l'on n’a peut-être pas la science infuse, et que de l'autre côté, on se dit : "on a quand même des siècles d'Histoire qui montrent que la dictature a créé plein de morts et de désolation, la conscience humaine voulant d'abord éviter cela. On est toujours pris entre les deux. Mais il faut agir dans le sens qui nous paraît le meilleur.

71 - On voit bien toutes les précautions que prenait Chirac quand il allait en Chine.

72 - Je crois que l'immunité diplomatique ne devrait pas être accordée par le pays mais accordée et éventuellement retirée par l'O.N.U.. Ce serait le monde qui dirait : "lui, on le protège, lui, on ne le protège pas".

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