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Compte-rendu analytique par François ToutainCafé Citoyen de Caen (02/05/1998)

Animateur du débat : François Toutain

» Politique et Société

Gouvernement, médias, manipulation.

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1 - La question à aborder plus précisément touche aux liens qui existent entre les médias et le gouvernement. Ce dernier a-t-il une certaine autorité sur les émissions passées par les médias, sur les thèmes abordés, sur la façon de les aborder ? En somme, où peut se situer la manipulation ? Il y a des personnes, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, comme le Front National, par exemple, qui, ayant 15% des voix de l'électorat français, ne représente pour autant sur les écrans que 1% du temps alloué à la politique. N’est-ce pas le gouvernement qui limite ce temps-là ? S'il le fait pour ce point particulier, il peut le faire pour plein de choses. Donc, est-ce qu'il n’y a pas plein d’idées que le gouvernement veut faire passer par les médias au public ?

2 - Le temps de parole alloué aux partis politiques ne doit être proportionnel aux suffrages exprimés que dans les périodes de campagnes électorales. Si, après ça, les directeurs de chaînes n’ont pas envie de faire passer des personnes qu’ils jugent inintéressantes, ils n’en ont pas l’obligation, qu’il y ait ou non aval de l'État derrière. Pendant les périodes de campagnes, tous les partis ont leur temps. Ils ne sont pas lésés comme ils semblent vouloir le dire.

3 - Peut être, mais moi, j'entends ce qui est dit. Je n’ai pas moyen de juger et ne fait que répéter, en essayant d’avoir un avis objectif. Je ne fais qu’exposer les faits, ce qui est dit par certaines personnes.

4 - Vous avez parlé de 1% en ce qui concerne le Front National. Vous faisiez probablement référence à l’attribution du temps. Mais, au bruit, à l’oreille, je pense que cela représente plus de 1%.

5 - Il faut aussi considérer tout le temps que les autres passent à parler de ce phénomène-là.

6 - En terme de médias, il faut voir ce qui s’est passé en Allemagne quand le monde a pu voir la remontée des partis d’extrême droite. Tous les partis républicains ont décidé en commun de ne jamais en parler, de faire comme s’ils n’existaient pas. Ceci a permis à ces partis de ne pas prendre une implantation comme la connaît le Front National.

7 - Ce que vous venez de dire était vrai, mais ne l’est plus. Les « Republikaner » parlent maintenant à la télévision. Ce sont les médias allemands qui, aux-mêmes, ont dit qu’il fallait les laisser parler, parce qu’un boycott ou une censure trop forte leur donnent de la force.

8 - J’ai parlé, lors de ma première intervention pour expliquer le thème, du Front National. Ce n’est pas vraiment là-dessus que je souhaitais insister, mais vraiment sur le lien qui existe entre les médias, le gouvernement et la manipulation.

9 - Pour reprendre exactement le thème proposé, j’ai fait la découverte de l’existence d’un monstre. Ce monstre en France, je l’ai baptisé le T.S.P. : Triumvirat satanique parisien. Pourquoi triumvirat ? C’est que je l’estime composé de trois catégories de citoyens : des intellectuels, des journalistes, des politiques. Pourquoi satanique ? Parce qu’ils ont vendu leurs âmes à quelqu’un. Enfin, parisien, parce qu’ils sévissent surtout à Paris. La caractéristique principale de ce TSP est qu’il est très difficile à repérer. Les gens en sortent comme ils le veulent.

10 - Je trouve intéressant d’analyser des situations et d’essayer de les identifier, parce que c’est vrai que nous avons tous l’impression d’être manipulés par des médias, et des politiques avec un fort pouvoir. L’information qu’on reçoit est déjà mâchée pour que nous ayons une opinion toute faite. On a tous un peu ce sentiment, bien qu’on ne sache pas le définir. Maintenant, j ai très peur des analyses comme celle que vous venez de faire. C’est très rapidement qu’on va essayer de faire un schéma, de catégoriser des gens. Vous employez d’ailleurs un vocabulaire qui me fait frémir, comme « satanique ». Cela a déjà été fait dans les années précédentes. On disait que le pouvoir appartenait aux intellectuels juifs, aux francs-maçons. Il y a une certaine haine qui s’est développée vis-à-vis de ces gens-là, puisqu’on estime qu’ils ont le pouvoir, qu’ils manipulent etc… il faudrait peut-être garder la tête froide. Essayons de mettre de noms, plutôt que de parler de généralité.

11 - Je suis tout à fait d’accord avec vous. Ce sont les effets pervers de la chose. Il ne faut pas non plus avoir peur d’objectiver. Vous vouliez des noms. Je vais vous en citer quelques-uns. Lorsque Pivot honore Soljenitsyne pour aller encenser les vendéens morts pendant la révolte, à ce moment, il était dans le T.S.P. Ceci dit, il n’y est pas tout le temps.

12 - Vous avez posé le triptyque gouvernement, médias, manipulation. Je ne vois pas personnellement le triptyque, à partir du moment où apparaît le mot médias, puisque ce dernier, utilisé par quiconque, constitue un moyen de communication d’idées. Est-ce que lorsqu’on reçoit une idée, on est manipulé parce qu’elle ne vient pas de nous ? À partir du moment où il y a médias, à partir du moment où il y a diffusion d’idées, et que vous recevez une information, il y a transformation de ce que vous pouvez penser parfois vis-à-vis de cette information que vous recevez. Par contre, ce qui est intéressant pour moi dans ce thème, c’est le relais entre gouvernement et médias. Est-ce le gouvernement a droit de prise sur les médias, ou doit-on considérer que les médias sont libres de parole et ne doivent pas être des organes de propagandes pour le gouvernement?

13 - C’est bien dans ce sens que je l’entendais.

14 - Plutôt que de parler de manipulation, je parlerais plus volontiers de filtrage de l’information. Les médias filtrent et ça ne veut pas dire qu’on est pour autant manipuler.

15 - À propos de Tchernobyl, il est bien clair qu’il y a eu manipulation. Il est vrai qu’il est un peu délicat de parler de manipulation, puisque tous les médias manipulent d’une manière ou d’une autre. Pour Tchernobyl, c’est caricatural. La contamination, en 1987, s’était arrêtée à la frontière franco-allemande. Aujourd’hui, on revient sur cette conception : en fin de compte, le nuage radioactif avait peut-être traversé le pays.

16 - Tchernobyl n’est pas, selon moi, un exemple de manipulation. Les médias ont donné ce qu’ils avaient. C’est comme en période de guerre. Il y a des services qui donnent les informations aux médias, et ceux-ci en font ce qu’ils veulent. Un vrai exemple de manipulation, c’était lorsqu’il y a eu un générique du journal télévisé de France2 où l’on voyait des images subliminales de Mitterrand. Il s’agissait ici d’une véritable manipulation du pouvoir vers les médias. Mais, on ne peut pas dire que c’est parce qu’on manipule les médias, que les médias manipulent. Il y a deux choses. - Le pouvoir qui manipule les médias, certainement. - Mais les médias ne manipulent pas pour autant. Dans l’exemple du générique du journal télévisé, on est en présence des médias qui manipulent eux-mêmes.

17 - Je pense que dans cette hypothèse, il y avait de la manipulation. Les images n’étaient pas subliminales. Elles étaient très courtes, mais jamais subliminales. De ce fait, il n’y a pas eu de sanctions. Il y avait cette image, mais elle n’a jamais été subliminale. Ceci est important, car une telle image est une image qui manipule, puisqu’elle est inscrite inconsciemment dans l’esprit.

18 - Selon moi, l’image subliminale, c’est la vingt sixième image. À partir de vingt-cinq images par seconde, l’œil ne capte plus rien. Donc, si on introduit une image supplémentaire, le cerveau va la garder en mémoire.

19 - L’image de Mitterrand durait sur plus de 1/25eme de seconde, ce qui exclu la qualification d’image subliminale.

20 - Je trouve cela bien qu’on fasse la mise au point sur qui manipule qui. Est-ce que les médias sont manipulés par le gouvernement ? Est-ce que les médias nous manipulent ?

21 - Je souhaiterais que nous nous mettions bien en accord sur la définition du terme « médias ». Le média est une addition de « médium ». On a tous du mal à admettre qu’on est manipulé. Quand on arrive au monde, on se trouve taxé du péché originel. 8 jours après, on en est déchargé par le baptême, pour être rechargé par la peur du Jugement Dernier. Puis, on vit dans la peur. Je ne parle que de la religion chrétienne, car je ne connais qu’elle. Est-ce que c’est de la manipulation ou non ? La religion est-elle un médium ?

22 - J’avoue que je n’ai pas bien saisi. Pour moi, les médias, ce sont tous les moyens de diffusion.

23 - Quand j’ai proposé le thème, je pensais surtout à la télévision, aux livres, aux radios. C’est vrai qu’on transmet tous des idées. Mais, en fait, je visais les médias qui touchent un grand nombre de personnes, les grands médias.

24 - À mon avis, il faut bien définir ce qu’est une volonté de manipulation, et, en suite, la nécessité de plaire. Le directeur de chaîne, d’antenne, de journal, qui tient à sa place vis-à-vis de ses actionnaires, qui est pris dans un certain nombre de contraintes, ne peut pas forcément se permettre d’attaquer toujours certaines institutions. Ce n’est pas pour autant qu’il devient asservi à un gouvernement. Il faut ensuite voir pourquoi il y aurait une relation entre médias et politiques. Je crois que cela revient à l’origine des médias, mais pas dans le sens que vous dites (intervention n°21), même s’il est vrai que la Bible est bien un média. Les premiers médias, où on a pu sentir ce rôle-là, sont nés dans les années 40. Le pouvoir nazi a mis en place les nouveaux moyens de radiodiffusion, de télédiffusion, pour diffuser sa propagande. Les premières émissions télévisées ont justement été faites à cette époque. On a complètement vu l’intérêt du média pour manipuler. Après cela, il y a eu des règles du jeu qui ont été instaurées par les médias eux-mêmes pour, par déontologie, se séparer du pouvoir. À la base, il est vrai que le problème était réel.

25 - Nous parlons de manipulation, mais, toute manipulation appelle une volonté de diriger dans une direction établie préalablement. La manipulation se fait donc à l’intérieur d’un groupe, ou par l’intermédiaire d’une personne, dans un but bien défini auparavant. Le fait que cette manipulation soit effectuée par l’intermédiaire des médias constitue les moyens. Mais il nous faut tâcher de définir le but avant d’aborder les moyens, car il y a très certainement un but à la manipulation.

26 - Nous avons parlé récemment de finalité. Dans toute action, il y a une finalité, des buts pour atteindre cette finalité, et des moyens. Il serait donc très intéressant qu’on arrive à parler un langage commun, et qu’on se mette d’accord sur les termes finalité, but, moyens, objectifs.

27 - Je crois que le débat est accès sur le média et le politique. Dans quelles mesures l’un influence-t-il l’autre ? Le but et la finalité sont donc forcément par rapport au politique.

28 - Le point important est celui qui relie les médias et le gouvernement. Est-ce le gouvernement a la mainmise sur les médias ?

29 - Je veux bien qu’on en reste là, mais je trouverais dommage de ne pas aborder le rapport médias / gouvernement et politiques. Il n’y a pas que le gouvernement qui a des pouvoirs sur eux. Les gouvernements ont changé, et les problèmes, à mon avis, sont restés les mêmes. Il faut mieux aborder médias et politique, plutôt que gouvernement, bien que spécifiquement il y a quand même eu un ministère de l’information.

30 - Je me demande s’ils manipulent plus que d’autres personnes. Par exemple, lorsque Jospin dit « je vais passer au journal de 20 heures parce que j’ai des choses à dire », j’ai envie de dire qu’à la limite, quand Alain Delon ou Vanessa Paradis sortent un film, c’est pareil. Ils ont de la promotion à faire, ils appellent et passent aussi au journal. Est-ce qu’ils manipulent plus ? Je ne sais pas. À la limite, il est plus intéressant de savoir, s’ils peuvent censurer. Quoi que vous en disiez, ce n’était tout de même pas anodin qu’on n’ait pas parlé de Tchernobyl au moment des faits. J’ai du mal à croire qu’aucun journaliste, en France, n’ait essayé de savoir si le nuage avait atteint la France ou non. On peut également parler de la Hague. Il y a tout un tas d’informations qui ne sortent pas, ou qui sortent longtemps après. Je considère qu’à partir de ce moment-là, il y a manipulation, et cette manipulation vient d’en haut. Après, nous pouvons nous demander pourquoi il y a eu manipulation à ce moment-là, donc les buts. Mais, je crois que c’est quand même lié au pouvoir.

31 - Il faut ajouter à ce que vous venez de dire l’autocensure des journalistes. Il n’y a pas besoin de censure dans certains cas. Il y a besoin de censure dans les cas extrêmes. De plus, ils sont tenus de faire eux-mêmes cette censure. Ainsi, Jean-François Khan a-t-il été remercié pour ne pas avoir fait son autocensure.

32 - Nous pouvons démarrer sur la base que le contre-pouvoir du politique est, en premier lieu, les médias. On doit donc peut-être dire que par principe le médias dénonce les mauvais agissements, et que par exception, il y a des censures. Sachons que les médias sont, en principe, le cinquième pouvoir.

33 - J’admire votre angélisme !

34 - Je ne vois pas en quoi les médias sont un contre-pouvoir, dans la mesure où leurs dirigeants sont mis en place par des politiques

35 - Je pense qu’on ne peut pas dire cela, car il y a quand même des médias qui sont tenus par l’argent, et strictement pas par les partis politiques. Je ne peux laisser dire que tous les médias sont politiques. Je l’entends trop souvent, et, à mon avis, ce n’est pas vrai.

36 - Je me demande si c’est le politique qui a le pouvoir, ou bien plutôt l’économique. Si on parle de T.F.1., qui est à la tête de cette chaîne ? Bouygues. Ce dernier n’a pas perdu sa place lors de changement de majorité. À mon avis, ils ont une grosse influence sur les politiques.

37 - Pour vous répondre (intervention n°35), il suffit de voir les conseils d’Administration des médias, et on remarque que toutes ces personnes sortent de l’E.N.A. et ont toutes été cooptées entre elles.

38 - C’est vrai que sortir de l’E.N.A. peut aider pour faire de la politique. Mais il y a beaucoup d’énarques qui vont dans l’économie.

39 - Prenez, par exemple, le dirigeant de la Compagnie Générale des eaux, qui vient de racheter Havas. Avec cela, il peut très bien manipuler les gens.

40 - Ce n’est pas pour cela qu’il fait de la politique.

41 - C’est vrai que les rapports entre les médias et le politique, sont surtout des rapports de connivences. Ils se connaissent, et font partie de la même élite. On peut donc se demander si on est manipulé par l’élite, et dans ce cas, on peut mettre médias et politique dans le même sac.

42 - En discutant, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui venaient de milieux policiers, C.R.S, et autres. De ce que ces gens m’ont dit, il y a plein de choses qui se passent vraiment terribles, et qui sont totalement passées sous couvert. Maintenant, il est vrai que j’ai l’impression qu’on entend le terme « manipulation » comme quelque chose de néfaste. Or, il y a, à mon avis, une certaine part de manipulation, qu’on peut considérer comme motivée par une volonté de rassurer.

43 - Il y avait un amalgame dans le débat qui s’est instauré entre la manipulation, et le fait de savoir qui possède les médias. C’est vrai, qu’à la rigueur, on peut penser qu’il y a une sorte de groupe de gens qui sont amis, et qui font de la politique, ou qui sont des médias. Ce n’est pas pour autant qu’il y a manipulation. Je rejoindrais ce qui a été dit tout à l’heure (intervention n°25), quand il y a manipulation, il y a un but derrière. Il faut donc se demander si, par exemple, les médias peuvent servir à manipuler les gens dans un but précis : en les abrutissant volontairement avec des émissions stupides ; en mettant de la violence volontairement à la télévision pour je ne sais quel but. Il y aurait ici manipulation. Mais dire que les politiques sont un groupe de copains qui possèdent et l’argent, et le pouvoir, et les médias, certes oui. Mais ce n’est pas pour cela qu’il y a manipulation. Il y a manipulation lorsqu’on a une idée derrière la tête. Ainsi, le faux charnier au début de la révolution Roumaine. On montre cela à la télévision. Les gens sont choqués, se lèvent, et vont dans la rue pour crier leur mécontentement. Ce n’est pas parce qu’on détient 50% ou 60 % des parts d’une télévision qu’on est un manipulateur. On est un homme de pouvoir. Il faut également essayer de trouver en quoi la télévision manipulerait. Tout le monde dit que la télévision abrutie. Il pourrait y avoir un intérêt du politique à abrutir les gens…

44 - (Pour faire suite à l’intervention n°42). Comme mon père travaille au Ministère de l’Intérieur, on lui donne certaines directives pour libérer les casseurs. Cela rejoint d’ailleurs le thème proposé sur la violence dans les banlieues. On leur dit qu’il serait bien de libérer telle personne. Résultat, que voit-on à la télévision ? : la violence à diminuer. Cela rassure psychologiquement les gens.

45 - On peut donc dire que c’est une manipulation positive.

46 - Le problème, c’est que pour moi, il n’y a pas de manipulation positive. Rassurer les gens, c’est bien gentil, mais il y a autre chose derrière. On peut les rassurer, mais, en attendant, cela continue d’exister, et cela ne va pas en diminuant. Si on continue de cacher, et que cela continue de monter, quand ça va arriver aux yeux de tout le monde, cela me paraît franchement mauvais. Il n’y a pas de manipulation positive.

47 - Il y a quelque chose qui m’étonne, c’est que tous les médias disent grosso modo la même chose, notamment sur des sujets graves. Cela n’est pas fait au hasard, il y a une finalité derrière tout cela. L’affaire de Tchernobyl, il y avait une finalité, c’est le problème du nucléaire en France. On peut également parler de la manière dont le génocide rwandais fut présenté. C’est incroyable, parce que tous les médias l’ont présenté de la même manière. On fait machine arrière maintenant. Il y a quand même bien manipulation. Je ne peux pas penser que c’est un hasard. Il y a quand même bien l’État derrière. Il y a volonté de cacher certaines choses, de présenter une autre réalité. Je dis aussi que les journalistes ne sont pas des crétins. Il y a donc eu censure, ou je ne sais quoi.

49 - Je suis tout à fait d’accord avec vous. Il faut chercher la finalité de la chose. Voici ce qui est intéressant.

50 - L’ordre des informations me trouble. Quand la guerre en Yougoslavie a commencé, ça passait en gros titre tous les soirs. Au fur et à mesure, on s’y habitue. On en parle un peu à la fin. C’est pareil pour tous les drames qui se passent. On en parle, puis, ça s’essouffle ; comme si ça pouvait ainsi s’essouffler dans la réalité. Dans l’ordre des informations, et dans la place qu’on leur donne à l’intérieur du journal, même si à force de perdurer il y a moins de choses à dire, ça a l’air de prendre beaucoup moins d’importance pour les gens. Pour moi, cela constitue une manipulation.

51 - Je souhaite revenir sur le problème de Tchernobyl, et dire que cette affaire constitue une manipulation pseudo-positive. Le gouvernement a voulu éviter un vent de panique, et donc a diffusé un message qui était peut-être erroné par rapport à la réalité. C’était pour ne pas éffrayer les gens.

52 - S’il y avait vraiment un organe chargé de la censure et de la manipulation, il y a tout de même un certain nombre de journalistes professionnels, qui font cela par passion, qui s’en iraient en claquant la porte. Il y aurait au moins une personne qui aurait tout lâché. Par exemple, même si ce n’est pas forcément le modèle de journaliste, Karl Zéro dirait des choses comme cela.

53 - Certes. Mais concernant le génocide Rwandais, comme pour Tchernobyl, ça n’a pas été le cas ! Personne n’en a parlé.

54 - C’est pourquoi je pense que les médias eux-mêmes ont été manipulés. On ne leur a pas donné les bonnes informations. Ce sont les scientifiques qui ont été manipulés pour ne pas divulguer les informations. On est scientifique. On découvre que le nuage est au-dessus de nos têtes. Que se passe-t-il ? On n’a pas envie de se faire virer de son laboratoire, on le dit donc au Directeur. Même raisonnement pour celui-ci qui ne désire pas quitter son emploi, et qui prévient la Direction de la Protection Civile. Cela remonte, et, là-haut, il y en a un qui dit qu’il ne faut surtout pas que la population soit au courant. Cela va redescendre. Le scientifique va déclarer à la télévision que le nuage, suite à des mesures prises, n’a pas atteint la France. Ce sont les médias qui sont manipulés ici, et non pas eux qui manipulent.

55 - Je vais dans le sens de cette intervention. Cessons d’être paranoïaques. Le gouvernement, si on veut définir ses finalités, c’est d’être apprécié, de montrer à la population qu’il fait une politique qui fonctionne. Pour faire cela, quelque fois, il va employer des subterfuges, des procédés plus ou moins malhonnêtes pour arriver à cela. Mais, attention, n’imaginons pas non plus qu’il y a un groupuscule de petits hommes gris qui manipulent tout dans un laboratoire.

Je voulais aussi intervenir sur les cas où on a vu de la manipulation. Je crois, effectivement, qu’il y a un certain nombre d’informations qui ne passe pas. Les journaux ne publient pas parce qu’il y a eu une censure et qu’ils n’ont pas été mis au courant. Regardons toutes les fois où « le Canard enchaîné » dénonce des scandales. Je suis désolée, mais cela met la politique en émoi. C’est très difficile pour eux de s’en sortir après. Ce contre-pouvoir fonctionne donc. Quelques fois, ça ne fonctionne pas parce qu’ils sont très doués, et qu’ils cachent l’information. Le plus souvent, ils ont très peur de se faire dénoncer. Au moment des problèmes au Rwanda, je recevais l’information alors que j’étais au Canada. Dès 1995, dès le début des massacres, on m’a dit « le gouvernement français est en train de faire passer des auteurs des génocides à la frontière, est en train d’aider les Hutus, alors que c’était eux les criminels ». En France, bien entendu, on n’en parlé pas ! Sinon, bien sûr, le gouvernement aurait sauté. Il y a donc eu très clairement manipulation en France. Dès 1995, j’entendais dénoncer les histoires du fils de Mitterrand. Les médias canadiens disaient même que c’était probablement les Français qui avaient commis l’attentat contre l’avion du président Rwandais.

56 - Justement, j’avais une discrimination à faire entre les médias. Il y a ceux qui dénoncent, comme « le Canard enchaîné ». Mais, ce que je trouve bizarre, ceux qui sont le plus regardés, et qui sont en fait les journaux télévisés, n’arrivent jamais à dénoncer un scandale. C’est pourtant le mode de diffusion qui touche le plus les gens. En cela aussi il y a manipulation à mon avis, car le média qui touche le plus de gens, est, peut-on dire, le plus crétin.

57 - Je voudrais rebondir sur tout ce qui vient d’être dit. Quand il y a média, il y a aussi l’auditeur ou le lecteur. Il ne faut pas oublier qu’il y a aussi les journaux. Je vais reprendre l’exemple de Tchernobyl, que je connais très bien, car il se trouve que j’étais l’un de ceux qui ont combattu Tchernobyl dès 1987, et qui ont dit qu’il était impossible que le nuage s’arrête au niveau de la frontière. J’ai fait une revue de presse à l’époque en tant que citoyen lecteur qui a des journaux. Il est vrai que personne, dans les médias télévisés, a pu dire que le nuage avait largement pénétré sur le territoire national. Or, nul besoin d’être un technicien pour se dire que ce n’est pas une frontière terrestre qui peut stopper un nuage radioactif. Ici, je suis d’accord, il y a bien eu manipulation, mais de gens qui ont bien voulu être manipulés. Il ne faut oublier qu’il y a multiplicité des médias. Au niveau des journaux, il y en a beaucoup qui ont donné l’information. Il existe des articles du « Monde », notamment. Il y avait, en autre, la même personne qui a dit que les Alpes ont été touchées. On a, en effet, retrouvé dans le lait des vaches savoyardes, des doses assez importantes de radiation. Il se trouve que la personne qui a dénoncé cela, et on va rejoindre ici le monde politique, était la présidente de la CRII-RAD, Michèle Ribasie. Elle est maintenant Députée. À ce moment-là, elle n’avait que le titre de présidente d’un organisme privé et indépendant. Du fait de la députation, peut-être qu’on l’écoute un peu plus maintenant qu’auparavant. C’est vrai que l’histoire de la canalisation de la Hague est identique. Cependant, il y a des journaux, y compris dans la région, qui en ont parlé depuis très longtemps, bien avant Greenpeace.

58 - En fait, il semblerait que la presse écrite soit plus difficilement canalisable.

59 - Je ne sais pas si elle est plus difficilement canalisable, ou si c’est parce que c’est le média qui est le plus rapide. C’est vrai qu’en une demi-heure, on ne peut lire « Le Monde » entier. Il faut un certain temps pour le lire intégralement. Il y a des petits articles qui traitent de tout. Et c’est vrai qu’en une demi-heure, trois-quarts d'heure, on ne peut pas tout faire passer. Vous disiez tout à l’heure qu’on voyait la même chose dans tous les médias. C’est vrai pour les journaux télévisés. Mais, s’agissant des journaux écrits, il suffit d’acheter un journal de gauche et un journal de droite, ce que je fais assez régulièrement, pour avoir une vision plus large de l’actualité. Autre chose importante : avec le câble, et on l’a bien vu avec l’exemple canadien (intervention n°55), on voit les télévisions étrangères. Les télévisions allemandes parlaient du Rwanda d’une façon différente que les chaînes nationales. Enfin, il faut parler d’un média qui me paraît à la fois le plus manipulable et le moins manipulable, c’est internet. L’exemple type, c’est l’A.M.I., maintenant nommé le N.T.M., dénoncé par des journalistes canadiens, puis transmis par eux sur le web. L’accord secret devenait ainsi public. Il faut voir que la multiplicité des médias me paraît être une arme contre la manipulation.

60 - Derrière ce que j’entends depuis un moment, je crois que la question qu’il convient de se poser est : « est-ce que tout est bon à dire ? ». On a parlé de Tchernobyl, du Rwanda. En somme, est-ce qu’on peut considérer, qu’à n’importe quel moment, la population française doit tout connaître ? - et d’ailleurs, ce n’est jamais tout. Il y a deux choses : l’ordre public et la raison d’État. Je ne sais pas trop ce que ça représente. Je pense, pour ma part, que tout le monde ne doit pas tout savoir, puisque de toute façon, ce n’est pas possible. Les bribes d’informations données à la population pourraient créer des troubles. Ainsi, on aurait pu avoir une peur immense du nucléaire après Tchernobyl, et peut-être sans raison en France, car nous sommes cent fois plus sécurisé qu’en Russie. Devait-on le dire, et créer une peur panique chez les français, ou pouvait-on laisser l’événement caché, et dire un peu n’importe quoi, que le nuage s’était arrêté. La question est là : est-ce que la population doit tout savoir, sachant que pour moi, c’est impossible ?

61 - Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dîtes. Quels sont les intérêts de tout savoir ? S’agissant du nucléaire, il est évident que les gens auraient pris peur. Mis à par la protection de la population, je pense qu’il y a d’autres enjeux en amont. Pourquoi n’a-t-on pas parlé du Rwanda ? Quelle est la finalité ?

62 - Les journalistes ont deux choses à faire en général. - Transiter l’information. - Expliquer l’information, la commenter, la mettre en forme pour qu’elle soit compréhensible par les gens. Le directeur d’un laboratoire dit que le nuage est passé, on a pris des mesures : information pure qui arrive sur les télex. Le ministère de l’intérieur dit, de son côté, dans un avis officiel, que le nuage n’est pas passé. Le média a obligation de retranscrire les informations brutes, ce qu’il fait avec les égards qui conviennent aux personnes qui les ont énoncées. L’avis du ministère de l’intérieur est une information de premier plan, face au directeur, même si celui-ci est plus compétent. Par rapport à cela, les médias canadiens, qui n’ont que faire de l’avis du ministre de l’intérieur, qui considère que le scientifique est plus compétent, vont prendre en compte son avis. Il y a ici le problème de l’interprétation de l’information, et du devoir qu’on a de la retransmettre. Quand on est Français, et que le ministre de l’intérieur parle, on doit retransmettre son information qu’on soit d’accord ou non. Si un tiers dit le contraire, le poids du ministère de l’intérieur va avoir énormément plus d’empreinte sur la population. C’est vrai que le média qui est extérieur va être plus objectif, et c’est peut-être pour cela qu’en Iran, les gens achètent des paraboles. Ceci dérange beaucoup les pouvoirs publics iraniens. C’est une télévision clairement manipulée, et les gens vont regarder C.N.N.

63 - C’est tout de même une élite. Tout comme ce que vous disiez tout à l’heure. Les gens qui vont lire beaucoup de journaux différents, qui vont être câblés, qui vont avoir internet - même s’il est vrai qu’il s’agit d’un contre-pouvoir très efficace - font partie d’une élite.

64 - En somme, peut-on avoir confiance en nos médias quand ils parlent ? Un journal de l’opposition va, il est vrai, un peu relativiser ce que va dire le ministre de l’intérieur. Il va, quand même, être obligé de dire que le ministre a parlé, faute de quoi il passe à côté de quelque chose de très important. Si je suis Poivre-d’Arvore, je ne vais pas dire : « il dit une bêtise », parce que le directeur du CRII-RAD dit cela. Il y a donc le problème de l’information brute et l’information commentée.

65 - Tout est-il bon à dire ? C’est une question que je me suis longtemps posée. Par expérience, j’ai un semblant de réponse : NON, car cela apporte trop de soucis. Il y a risques énormes.

66 - On a parlé de la raison d’État. À chaque fois que le gouvernement censure, quel est son but ? Quelle est la raison d’État qui justifie qu’on ne dise pas tout ?

67 - Il y a des moments clairs où le média a un rôle à jouer : si on doit publier la photo d’un assassin, dire une chose pour piéger quelqu’un. Il y a des moments où il y a des raisons supérieures, où il y a des choses qu’on ne peut dire. Si le président Chirac est mort à l’instant, on ne le saura pas. Il y a un délai de trois jours avant d’en avertir la population.

68 - À la mort de Pompidou, l’annonce fut faite immédiatement. Le système d’État prévoit la prise de pouvoir du président du Sénat.

69 - Je voulais revenir à ce que vous disiez en parlant du ministre de l’intérieur et le directeur de tel organisme (intervention n°62). C’est une dérive. Le ministre de l’intérieur dit une chose. Vis-à-vis de la population, si c’est une grosse « connerie », on peut le citer, mais on peut dire après que c’en était une. Où alors, on peut contre-balancer ce qu’a dit le ministre, par ce qu’a dit le spécialiste. J’ai tendance a pensé que c’est un problème Franco-français, cette histoire de considérer qu’on va dire ce que dit le ministre, et c’est tout. On a des journaux de gauche qui tapent à droite, des journaux de droite qui tapent à gauche, des journaux comme « le Canard enchaîné » ou le « Faux Journal » qui tapent partout. Là-dedans, y-a-t-il une véritable objectivité ? Je n’en suis pas sûr. J’aimerai prendre l’exemple du Watergate, où, visiblement, ce que disait Nixon et ses conseillers, était ouvertement considéré comme de la rigolade. J’ai vu dernièrement un reportage sur ce sujet. Le procureur chargé de l’affaire avait été renvoyé par le Président. Ce fut un tollé dans les médias. Le procureur a fait une conférence de presse qui a été applaudie par les journalistes, ce qui ne s’était jamais vu. Je voulais relativiser. Ce que dit le ministre, si ce n’est qu’écouter, je pense que cette attitude de déférence au pouvoir est purement Française.

70 - Je voudrais revenir sur la question que vous avez posée (intervention n°60). En vertu de quoi, tout ne saurait pas bon à dire ? C’est une manière de faire les tabous. On enterre les problèmes, et, à un moment donné, on se dit « tiens, il y avait un problème ; ça a évolué et c’est grave. » Le problème évolue avec le temps, et, en général, ça va en s’aggravant. Et c’est pourquoi, je ne vois pas en vertu de quoi on cacherait des choses. Pour Tchernobyl, peut-être, effectivement, que les foules se seraient affolées. Mais, peut-être, y avait-il d’autres enjeux.

71 - Selon moi, Tchernobyl est une manipulation du politique sur le média. Je suis ministre de l’intérieur, je fais un discours dans lequel je dis que tout s’est bien passé. Je sais que des personnes vont prétendre le contraire. Mais je sais surtout que mon discours sera retransmis, et qu’il aura la plus forte audience. Les médias ne sont pas responsables. Ce n’est pas comme Timisoara, où ils sont responsables d’avoir filmés quelque chose, et d’avoir dit que c’était autre chose.

72 - C’est du sophisme. Est-ce que ne pas dire quelque chose qu’on connaît, c’est ou non un mensonge ? Pour moi, ne pas dire quelque chose que tu sais, c’est un mensonge.

73 - J’ai tendance à souhaiter qu’on arrête de nous cacher des choses, et qu’on laisse les médias faire leur travail. Il est vrai que, par moment, c’est délicat. Le gouvernement a manipulé les gens pour que la population soutienne la guerre en Irak. C’était nécessaire. Mais je pense que les gens étaient assez responsables pour prendre une décision librement. J’ai plus envie d’une société où les choses sont dites. Pendant la guerre du Golf, on nous a complètement caché la façon dont la guerre s’est passée. On nous a montré des images où il n’y avait aucun civil de tuer. Or, quand les troupes Irakiennes ont quitté le Koweït, les américains les ont toutes éliminées, alors qu’ils avaient les drapeaux blancs.

74 - (Suite de l’intervention n°71.) Je vais reprendre l’exemple de Tchernobyl. « Toutes les vérités sont bonnes à dire ! » Mais, qu’est-ce que la vérité ? C’est, par exemple, on a mesuré une pointe de radioactivité à tel endroit : c’est quelque chose de brut. Si on dit, « le nuage est passé au dessus de la France ». C’est une interprétation de la vérité qui touche l’affectif. Les journalistes savent l’influence que les mots vont avoir, et ils ont eux-mêmes une façon de formuler qui va être respectueuse de la vérité. Ils ne vont pas dire « le nuage est passé au-dessus de la France », si le directeur d’un laboratoire déclare qu’il a eu une pointe. C’est pour cela qu’il y a des choses qui ne sont pas forcément à cacher, mais au moins, ou alors on les dit dans toute leur complexité, et on prend 45 minutes pour expliquer au journal ce qui s’est passé exactement, ou bien, on dit le minimum.

75 - Si on est capable de me dire, pour raison d’État, telle chose n’a pas été dite à telle époque, je suis capable de l’accepter. Cependant, dans les pays voisins, on a prévenu la population, et personne n’est mort de peur.

76 - Je crois que toute vérité est bonne à dire. Nous sommes des citoyens et des citoyennes qui doivent avoir des informations. Après, on fait le tri. Il y a des médias d’opposition. Si l’affaire Tchernobyl se passait actuellement, je sais pas comment nos deux ministres réagiraient. Est-ce que le ministre de l’intérieur exigerait le silence, avec un ministre de l’environnement qui voudrait dire la vérité ?

77 - Je voudrais revenir à la guerre, et à la représentation de la guerre par les médias. En temps de guerre, il faut que ça « tourne ». Le plus grand malheur d’un gouvernement serait que la population ne le soutienne pas. C’est ce qui s’est passé entre 1968 et 1973 au Viêt-nam. La défaite américaine est, en grande partie, venue de l’intérieur. Des pauvres gamins allaient faire la guerre à 18 000 kilomètres de chez eux, et, à leur retour, étaient traités d’assassins. Tout cela se savait, et ce n’était guère bon pour le moral des troupes. À la suite de cela, les médias et le gouvernement ont bien compris que ce n’était pas des choses très faciles à dire. On a préféré, ça s’est bien vu avec l’Irak qui était la guerre suivante faite les États-Unis, mené une guerre « la fleur au fusil ». On ne voulait surtout pas avoir des émeutes à l’intérieur du pays en même temps qu’une guerre. De fait, aussi grand qu’on soit, cela est difficile à gérer. Donc, est-ce tout est bon à dire ? Là, je dirais que la volonté de ne pas mener à pire amène les gens à cacher certaines informations pour que les gens soient, au moins, derrière ceux qui sont sensés donner leur vie pour leur pays.

78 - Pour trier l’information, il faut être au courant de toutes les mesures prises par le gouvernement. Si le gouvernement a décidé, avec beaucoup de réflexion, qu’il fallait développer tel ou tel axe, et qu’il le fasse transcrire par les médias, pour que tout le monde puisse avoir la réflexion au niveau de la base, il faudrait que tout le monde puisse avoir accès aux axes de développement utilisés à l’échelle mondiale.

80 - Ce que vous dites est impossible. On ne peut jamais savoir si on a toutes les informations. C’est le doute de Descartes.

81 - Toutes les vérités sont bonnes à dire : cela se retrouve sur le plan personnel. Vous êtes atteint d’une grave maladie, le médecin le sait, il ne vous le dira peut-être pas pour ne pas gâcher les quatre ou six mois qu’il vous reste à vivre.

82 - je voudrais rebondir sur l’intervention n°78. Le simple citoyen n’a pas tous les éléments dans les mains. Le danger est donc qu’il se fasse une opinion erronée de la situation. C’est peut-être pour cela qu’on peut dire que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

83 - Dans « Homme, Femme, Mode d’emploi », avec Bernard Tapie, il est fait allusion à l’effet placebo. C'est-à-dire qu’en disant qu’il a une maladie, cela peut très bien lui faire développer. Si on dit à quelqu’un qui a déjà la maladie, qu’il ne l’a pas, elle peut se résorber. En fait, cela dépend des individus. Pour celui qui est capable de résorber la maladie, si on lui qu’il ne l’a pas, est-ce que ce n’est pas plus maléfique pour lui ? Tout cela dépend des individus, et reste un exemple.

84 - J’aurais envie de savoir pour plusieurs raisons. La première est que je n’ai pas envie d’être prise pour la reine des idiotes. Ensuite, quand on sait, on peut se battre. Pour Tchernobyl, soit c’était grave, et il y avait peut-être des mesures à prendre sur le moment, soit ce ne l’était pas, et je ne vois pas pourquoi on ne nous l’a pas dit. Autre chose : lorsque vous dites (intervention n°74) qu’on a le choix entre 5 minutes, où on ne comprend rien, et 45 minutes de complexité, peut-être que cela valait le coût d’expliquer sérieusement ce qui se passait. On va entendre parler de la coupe du monde durant des heures. Pourquoi pas Tchernobyl ?

85 - Oui, mais encore fallait-il en être sûr. Est-ce que le nuage n’avait pas perdu toute toxicité en avançant ?

86 - Dans toute action, comme dans tout discours, il y a un message explicite, et un message implicite. Ce qui est important, c’est de connaître les finalités des discours.

87 - Ce que vous dites est intéressant, car je crois que la langue de bois est une manipulation. Pour revenir à la question de savoir si toutes les vérités sont bonnes à dire, si on regarde les choses d’une manière historique, on s’aperçoit qu’on se dirige vers la révélation de la vérité. L’information nous permet d’accéder à la vérité beaucoup plus qu’il y a cent ans. La vérité permet d’être honnête avec soi-même et avec les autres. Elle nous permet de nous en sortir.

88 - Selon moi, il n’y a pas de vérités. Il n’y a que des réalités.

89 - Je pense qu’on ne devrait pas dire la vérité à tout le monde. J’en veux pour preuve la construction de l’Europe. J’ai vu un article sur internet que la France a signé avec Maastricht, mais dont on s’est bien passé de parler. Cet article prévoit la disparition du service public tel qu’il est actuellement pour le soumettre à concurrence.

90 - S’agissant de la façon dont les politiques usent des médias et de la façon dont les médias usent des politiques. L’exemple de Timisoara est net. Les journalistes présents sur le terrain ont tous admis qu’ils se sont fait avoir. C’était une manipulation du politique. C’est le gouvernement roumain qui a monté toute l’affaire. Les journalistes n’ont pas fait leur travail. S'il y a toute cette dépendance média/politique, c’est que ce sont un peu les médias qui font les politiques. Face à deux gens de la même valeur, si un média fait monter les idées de l’un, ce dernier va naturellement arriver plus vite au pouvoir. Un homme politique forgé en partie par les médias, doit quelque chose aux médias.

91 - On parlait des médias télévisés qui touchaient le plus de personnes. À mon avis, il n’y a pas assez de contrôles. Le code de déontologie n’est peut-être pas assez strict pour gérer les informations orientées par les politiques. Il faudrait peut-être imposer des règles pour contre-balancer une information qui apparaît comme politique.

92 - Pour terminer avec la vérité est-elle bonne à dire, je dirais qu’encore faut-il être sûr d’avoir la vérité. Oui, dans l’absolue, la vérité est bonne à dire. Mais la vérité n’est pas forcément ce que disent les médias. Ces derniers ont une responsabilité de pas forcément dire les choses, tant qu’ils ne savent pas que ça va être perçu comme il faut.

93 - Il est né le publi-reportage, sorte de publicité qui se déguise sous des aspects de journalisme. Pourquoi le journalisme ? Justement parce qu’on attend la vérité. Donc, toutes les vérités sont bonnes à dire, oui. Mais est-ce que le publi-reportage, c’est la vérité ? Il faut savoir si on a la vérité soi-même avant de la dire.

94 - Dans « Liberté de Normandie », il y a des publi-reportages. On pense de fait avoir affaire à des reportages, mais il s’agit en fait de publicités.

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