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Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu analytique par François ToutainCafé Citoyen de Caen (13/06/1998)

Animateur du débat : François Toutain

» Sciences

Existe-t-il des drogues douces, et faut-il les interdire ?

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1 - Personnellement, je trouve qu’il n’y a pas de drogues douces. Où est la limite entre la drogue douce et la drogue dure ? C’est très dangereux ! J’ai une de ces peurs de ces trucs-là, que je n’y toucherais pas, même la douce. C’est comme lorsqu’on commence par fumer des cigarettes avec filtres, et qu’on passe aux sans filtres, parce que les premières ne sont plus assez fortes.

2 - Est-ce qu’il y a un palier discontinu, au sens mathématique, entre de la cigarette "nicotinisée", un peu hachisée ou pas du tout, et puis le hachisch, qui est une drogue carrément. Donc, c’est une question d’ordre médical, savoir, là-dedans finalement, qu’est-ce qui entraîne le « droguage » ? Vous disiez, à juste titre, que lorsqu’on commence quelque chose, en général, on n’arrête plus - on fume une cigarette avec filtre, on réduit le filtre, et puis après, pour un peu, on boirait de la nicotine dans un verre... Pour la drogue, est-ce que, finalement, les drogues douces - je suppose que c’est le hachisch qu’on appelle drogue douce - vont déclencher des drogues dures, comme le crack.

3 - La différence consiste en une dépendance psychologique pour les drogues douces, et une dépendance physique pour les drogues dures. On peut arrêter à tout moment de consommer une drogue douce.

4 - Je pense qu’on peut élargir la notion de drogues douces à plein d’autres substances. c'est-à-dire qu’on peut être en dépendance par rapport au café - à partir de 10 tasses par jour, vous êtes caféinomane, et vous avez des symptÔmes de manque quand vous arrêtez. Il y a des dépendances à toutes sortes de choses, qui sont, effectivement, des dépendances plus psychologiques. Chaque fois qu’on consomme quelque chose avec excès et qu’il y a un phénomène de manque qui se produit quand on arrête, on peut considérer qu’on est en présence d’une drogue douce, et Ça peut donc se produire aussi bien avec la consommation excessive de cassettes vidéos, que de vin, que de cigarettes.

5 - Est-ce que, par exemple, si je prends du café, Ça va me conduire à prendre des drogues plus dures ?

6 - Je vais répondre uniquement sur le plan psychologique, car c’est celui que je connais le mieux. Chaque fois qu’on est dans une situation d’absorption de substances comme Ça, on appelle cela « un comportement de substitution », c'est-à-dire qu’à la place de sentir quelque chose de désagréable, je vais me mettre à consommer une substance comme Ça ; à ce moment-là, peu importe la substance. Effectivement, s’il y a une consommation de café, je peux me mettre à fumer une cigarette avec ; je peux ajouter du vin ; enfin je peux essayer toute sorte de choses qui vont, de toute faÇon, me faire rester dans la dépendance et, peut-être en augmenter les symptÔmes.

7 - Je crois que cette question des drogues douces et de leur interdiction, c’est avant tout un problème culturel. En France, nous sommes habitués à l’art de la table etc... Je considère que le vin peut faire partie des drogues douces à partir du moment où on le consomme de faÇon régulière. Seulement, le vin est une culture franÇaise, et, en l’occurrence, le haschich, pas trop - pas encore en tout cas. En JamaÏque, c’est peut-être le contraire. Donc, quand on parle de l’interdiction, à mon avis, je crois que soit on élargit le problème en parlant de toutes les drogues douces, même celles qui nous font plaisir tous les jours, soit on interdit rien du tout. Je crois qu’il y a là un véritable problème. Après tout, il y a des études qui montrent que le haschisch n’est pas plus dangereux que le tabac... Que faire à ce niveau ?

8 - Eduquer...

9 - Je pense que c’est le stress qui déclenche le besoin de recourir à un artifice pour annihiler la douleur. Le substitut crée alors, petit à petit, une dépendance parce que l’individu ne peut plus supporter la moindre angoisse, la moindre souffrance. C’est le stress qui déclenche ce désir.

10 - Le stress, ou la douleur physique...

11 - Oui, mais le stress est plus subtil que la douleur physique. S’appelle drogue, ce qui vous intoxique, ce qui ronge votre force, l’équilibre organique etc.... A partir du moment où vous consommez, vous vous intoxiquez, et vous sombrez dans la dépendance - que ce soit café, médicaments, alcool, drogues. Vous ne pouvez plus affronter seul votre stress. Je crois que c’est un faux débat, dans la mesure où le problème central, c’est l’angoisse, qui règne un peu partout, surtout dans la jeunesse, et les substituts qu’on met à la portée de tout le monde - médicaments, drogues etc.... En quelque sorte, l’interdiction, lorsqu’elle est débattue au niveau gouvernemental, à mon avis, c’est du pipeau!

12 - Oui, je comprends.

13 - Vous avez dit (intervention n81) qu’il n’y avait pas de drogues douces. «a veut dire que vous considérez le tabac, ou les cassettes vidéos, comme il a été dit, le vin, au même titre que l’héroÏne ou la cocaÏne ?

14 - Justement, Ça m’a ouvert les yeux un petit peu, car je ne pensais pas à l’alcool et au tabac comme drogues douces. Il y avait une limite bien précise. «a commenÇait par le haschich. En fait, je viens de m’arrêter de fumer depuis 8 mois, et c’est une drogue. Je crois qu’on peut appeler « drogues » à partir du moment où on ne peut plus s’en passer. Le médecin m’a expliqué que ce sont les neurones qui en ont besoin pour continuer à vivre. C’est vrai que vous m’avez ouvert le débat. Vraiment, je suis beaucoup plus embêté que lorsque j’ai posé la question.

15 - On peut très bien élargir le débat. Il faut cependant faire attention, parce que tout risque de devenir drogue, la politique, la religion...

16 - Et l’opium du peuple alors ?

17 - On peut poser une petite différence entre ce qui est important, et ce qui l’est moins.

18 - On voit bien apparaître une différenciation entre « drogues douces » et « drogues dures ». Ceci dit, avant tout, il faudrait peut-être se poser la question de savoir pourquoi on interdirait les drogues, qu’elles soient dures ou douces. A priori, quelqu’un qui commence, même à s’assujettir à une drogue dure, qu’est-ce qui peut l’empêcher, quel est le poids social qui fait qu’on devrait l’interdire de consommer ces choses-là. Il ne faut pas oublier qu’il y a certains artistes qui, par exemple, ont pu crée de très belles choses sous l’emprise de drogues. Je veux juste rappeler qu’avant de se demander quelle est la limite entre drogues douces et drogues dures, il faut peut-être poser la question pourquoi, à la base, est-ce que qu’on interdirait quoique ce soit. Il y a le rapport avec la liberté personnelle qu’il ne faut pas oublier.

19 - Peut-être un élément de réponse. A partir de quel moment la consommation d’une drogue devient-elle un problème de société ? L’alcoolique qui se saoule seul chez lui, ne gène personne. Il démolit son foie, mais il n’y a aucune conséquence au niveau de la société. Qu’est-ce qui est réprimé au niveau de l’alcoolisme ? C’est le trouble sur l’ordre public. A partir de ce moment, Ça devient un problème de société...

20 - Et familial.

21 - Oui, bien sûr !

22 - (Suite de l’intervention n819). Cela devient donc un problème de société avec la consommation de choses qui font que les gens deviennent malades, et que la société doit rembourser un certain nombre de traitements.

23 - Justement, à ce sujet, est-ce que se droguer, d’une manière douce ou dure, peut engendrer pour la société, et pour les autres ? Qu’est-ce que les personnes vont vivre à cÔté de ces gens qui se droguent et qui ne peuvent s’en passer ?

24 - Je trouve que l’alcool n’est pas considéré comme un problème de société, justement parce que tout le monde ferme les yeux là-dessus, et surtout sur son commerce. Je considère que c’est un problème de société ; seulement, on a appris à fermer les yeux. C’est tout.

25 - C’est là, justement, où je voulais arriver. Que se soit une drogue douce, ou une drogue dure, elle engendre toujours dans une famille un problème psychologique grave qu’on est obligé de traiter par la suite, d’une manière ou d’une autre, et qui coûte très chère à la société. Donc, comment arriver à ce qu’on substitue à cette drogue, autre chose qui fasse qu’on peut trouver une indépendance dans la vie ?

26 - Il faudrait poser la question de la faÇon suivante : on a l’impression, tous autant qu’on est, que les personnes qui nous gouvernent ont l’intention de supprimer la drogue comme si c’était quelque chose de dangereux. Eux, ils ont décidé, mais le citoyen, voyez comme on fait en ce moment, se pose la question.

27 - Or, quand on voit des gens de tout bord, c’est NON. Non pour la douce, non pour la dure. Il faudrait comprendre les mécanismes qui font que la prohibition vient toujours d’en haut.

28 - Pour continuer sur le raisonnement de l’intervention n819, je dirais que la consommation de drogues est un problème pour la société, ne serait-ce que par l’achat, par des vols de plus en plus quotidiens, parce que la drogue est de plus en plus chère. Ne serait-ce que pour cela, il n’y a pas de drogues douces.

29 - Il a été question de dur et de doux. Doux et dur sont des obligations infantiles et enfantines. Vous vous souvenez peut-être des oppositions marrantes dans les slogans publicitaires, du genre « Les petits durs ont leurs fesses douces ». Réunion intéressante. Mais, il faudrait pouvoir montrer en quoi l’opposition entre le doux et le dur fait gerber l’opinion à un niveau très élémentaire, très très élémentaire. C’est un problème d’opinion en ce que Ça a d’incertain et de piégeant. Il y a une administration du dur et du doux par rapport à la drogue. Il y a 50 000 morts par alcoolisation progressive en France et ailleurs. C’est vraiment puissant. Et puis, derrière tout cela, ce n’est pas des problèmes psychologiques, c’est une économie importante de l’alcoolisation, de la drogue. Dans les Etats, le budget de la drogue, quelle qu’elle soit, est terrible. Donc, ne soyons pas angélique, les problèmes des drogues multiformes ne sont absolument pas les problèmes psychologiques. Et, quand vous parliez tout à l’heure du gars intime qui se "poivrote" dans un coin, il est certain que ce type va tomber dans un espace de type public, et que nous allons, directement ou indirectement, encaisser ces problèmes d’intimité. Donc le problème est d’emblée social. Il n’est pas purement individuel. Même si on jouit dans nos coins, avec toute sorte de trucaillerie qui nous rendent dépendants, il faut se rendre compte que le problème essentiel est celui de la géopolitique, de l’économie des drogues multiples, et de l’intérêt des Etats et des structures institutionnelles pour faire semblant, dans des oppositions manipulantes du type « le dur, le doux » etc... En fait, quand on connaît assez bien le problème, c’est beaucoup plus complexe que cela ; et quand on approche, à plusieurs niveaux, on ne se contente pas des slogans généraux. Le doux et le dur, c’est enfantin, et ce sont des paradigmes qui contribuent à nous donner bonne conscience. Quand on va, dans des espaces de différents types, la drogue dure et la drogue douce, on rigole un peu. Pourquoi ? parce que ce n’est pas seulement le problème. On s’arrange pour diaboliser quelque peu des manques divers, et on n’aborde pas les problèmes des mécanismes sociaux, économiques et politiques qui rendent Ça possible. On va attaquer - pour prendre l’exemple de la conduite automobile - le petit mec qui a 0,81 gr, alors que, précisément, on n’attaque pas les circuits de production de cet alcool-là.

30 - Effectivement, s’agissant des drogues douces et des drogues dures, il y a peut-être une faÇon dure de consommer des drogues douces, et une faÇon douce de consommer des drogues dures. D’autre part, quand vous regardez ce qui se passe à la télévision quand on nous informe qu’il y a eu des saisies de drogues, on va voir, effectivement, la saisie, la destruction, avec un maximum de caméras braquées dessus, pour que les gens se rendent bien compte que là, on fait une action civique. Mais on ne récupère pas l’argent de la drogue, et on s’aperÇoit que cet argent représente des sommes considérables, que l’économie de certains pays est basée là-dessus, et que beaucoup de banques blanchissent ces sommes, en sachant ou non d’où elles proviennent.

31 - Par rapport à la faÇon de traiter le problème de la drogue, il y a plein d’approches possibles. Par exemple, un jeune homme se drogue. La première chose va être de dire qu’il se drogue parce qu’il y a de la drogue en circulation. Et là, on va avoir à chaque fois la réponse au niveau de la question, c'est-à-dire la réponse va être : puisqu’on produit de la drogue, il va falloir incendier les champs au Maroc, il va falloir supprimer les fabriques etc. Il va y avoir une autre approche du problème qui consiste à dire que le jeune se drogue parce qu’il a des problèmes personnels, et là, on va l’envoyer en psychothérapie. La réponse se trouve toujours au niveau de question. On va pouvoir dire aussi : « il se drogue parce qu’il a des problèmes familiaux ». On va donc essayer de voir ce qu’on pourrait essayer de faire avec la famille, introduire une assistante sociale etc. A chaque fois, on va avoir une réponse qui va être liée à la faÇon de cerner le problème. La réalité de la chose, c’est que le problème de la drogue, on peut l’aborder par tous ces cÔtés à la fois, et que si on ne cherche pas par quels moyens on va pouvoir avoir une action efficace, Ça s’appelle en systémique « agir sur le point système » c'est-à-dire qu’on va chercher dans l’ensemble de ces choses-là quelle est la chose qui va être la plus efficace. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille négliger les autres approches.

32 - Pour répondre à l’intervention n°22, c’est vrai que finalement, on s’aperÇoit qu’on se drogue parce que c’est une chose personnelle. C’est une décision individuelle, parce qu’on a à répondre à des problèmes individuels. Finalement, si on regarde les choses au niveau global, on s’aperÇoit qu’à chaque fois qu’il y a des personnes qui sont dépendantes de l’alcool, ou de la drogue, Ça se fait au niveau d’un groupe social, comme les Indiens qui sont regroupés dans les réserves, parqués, et qui se sont mis à boire. Les jeunes qui se sont retrouvés dans des quartiers livrés à eux-mêmes se sont mis à se droguer. Finalement, ce ne serait pas une décision individuelle mais un phénomène social, un phénomène de groupe social. Finalement, nous ne sommes absolument pas libres de décider de nous droguer. C’est comme quelque chose, une fatalité, quelque chose de plus fort que soi qui se met en place et qui nous atteints. Il y a donc peut-être une certaine démagogie de la part des Etats de dire qu’ils vont lutter contre la drogue, apparemment, ce sont plutÔt eux qui la donnent. C’est plutÔt les Etats, au sens large, au sens pouvoir politique/société/politique sociale qui feraient en sorte que le phénomène de la drogue se mette en place.

33 - Je pense qu’il ne faut pas se noyer dans le débat drogue douce / drogue dure. Ce qui est le problème principal, c’est de rechercher les origines de l’excès. Pourquoi les gens consomment-ils excessivement une drogue? Il y a des origines qui sont sociales à mon avis, et c’est plutÔt cela qu’il faudrait étudier.

34 - Pourquoi les êtres n’ont pas cette force de l’intérieur pour aller au-delà de cela? Qu’est-ce que dans la société il manque pour qu’on puisse avoir une force intérieure suffisante pour accepter ou refuser? Tout à l’heure vous disiez que la société met tout en oeuvre pour que Ça se passe. Mais, au fond, dans l’individu, n’y-a-t-il pas une force pour éviter cela? Ne sommes-nous pas libres, quelque part, de trouver un chemin ou un moyen pour s’en sortir? Cela parait très pessimiste.

35 - Je pense que j’aurais été russe dans les années soixante, j’aurais été alcoolique, j’aurais pris de la vodka. J’aurais été dans un quartier de banlieue défavorisée, j’aurais peut-être eu accès à l’héroÏne.

36 - Peut-être, ou peut-être pas. Je ne suis pas trop d’accord avec cela. Je fais partie d’une famille d’alcooliques. Je ne bois pas d’alcool. J’ai fait partie d’un milieu social très bas. Je n’y ai pas touché. J’aurais pu car j’étais en plein dedans. Pourquoi ? N’y-a-t-il pas une force dans l’individu pour essayer de trouver cette force, pour ne pas se laisser envahir par la société?

37 - Si on leur avait donné les moyens d’être libres et indépendants, effectivement. Peut-être que vous avez eu la chance de prendre du recul, de réfléchir, gr‚ce peut-être à l’enseignement que vous avez eu à l’école.

38 - Tout le monde, je crois, a cette possibilité intérieure. Dans cette société on ne met pas en valeur ces valeurs. Si on avait plus de base au niveau des valeurs personnelles, si on croyait plus en soi, on pourrait faire une société différente.

39 - Si la question est « faut-il interdire les drogues douces? », pour prendre l’exemple du haschisch, seule drogue douce interdite, le café etc. c’est en vente libre. «a pourrait être parce que cela engendre des effets gênants pour la société, ce qui n’est vrai. Quelqu’un qui fume est comparé à quelqu’un qui boit, alors que ce dernier va avoir un comportement violent, va conduire n’importe comment. Quelqu’un qui fume sera souriant, relaxé. Il n’y a pas de comportement nocif pour la société. Le problème c’est que nous n’avons pas affaire dans les gens qui discutent à des gens qui ont consommé. Je ne sais pas si vous avez conduit sous h, mais je peux vous dire qu’on est prudent comme on n’a jamais été. Alors que sous alcool, vous avez envie d’aller vite. C’est donc la première chose : il n’y a pas de violence. Après, ce serait l’escalade. On dit beaucoup que si on fume du h, après on va passer à l’héroÏne. Il n’y a aucune donnée scientifique qui démontre cela. Il n’y a aucune dépendance physique au h, Ça a été prouvé, il y a uniquement une dépendance psychologique. La troisième chose, c’est l’histoire de l’économie parallèle. Et Ça, Ça ne vient pas de la consommation, mais de l’interdiction. Je pense que le problème, c’est l’interdiction et non la consommation, parce que, évidemment, si c’est interdit, il faut de l’argent. Pour l’argent, bien sûr, on vole des voitures etc. Ce qui fait qu’il existe une escalade, c’est que, quand on est amateur de drogue douce, il faut aller voir quelqu’un qui va faire beaucoup de bénéfices, parce qu’il y a beaucoup de gens de notre âge qui gagnent plus d’argent que leurs parents en vendant du Hachisch, c’est évident; si on accepte ces gens là qui vendent de l’héroÏne et du Hachisch, c’est parce qu’avec eux on va passer à autre chose. Je pense que le problème n’est pas dans la consommation mais dans l’interdiction. Pour tout ce qui est drogue coupée etc. , c’est pareil. Si la drogue était autorisée, il pourrait y avoir un statut médico-social. Quand on est vendeur de Hachisch, il faut faire revenir le client, et Ça, ce n’est pas compliqué, on crée une dépendance plus forte en mettant un peu d’héroÏne dedans. Je pense vraiment que l’interdiction est le problème. «a entraîne toute l’économie parallèle, la violence et tous les problèmes liés à la consommation de drogues dures. Quand vous dites que la consommation vient d’un malaise, etc; il y a autre chose aussi, et il n’y a qu’un consommateur qui puisse dire cela, c’est que la drogue est avant tout un plaisir. Ca amène à des perceptions sensorielles différentes par rapport à la musique et plein de choses, et c’est avant tout un état agréable. Ce n’est pas nécessairement pour fuir quelque chose qu’on se drogue et Ça peut être dans un contexte de fête. Quand c’est une consommation qui est douce et intelligente, Ça peut être un plaisir énorme. Je pense que le gros problème, c’est que les gens qui pensent les lois ne connaissent pas les produits parce qu’ils ne les ont pas consommés.

40 - Par rapport à ce sujet, je voudrais prendre du recul. Je m’aperÇois que l’apparition massive de la drogue, dure comme douce, est simultanée à l’apparition massive de graves problèmes psychologiques : le divorce, le chÔmage, les zones urbaines à forte concentration, où il n’y a aucun loisir, et où le cadre de vie est répugnant. Les deux phénomènes simultanés ne peuvent pas être apparus spontanément. Il y a une logique derrière tout cela, une logique qui, peut-être, est politique. Quelqu’un parlait du commerce sous-jacent. On sait que ceux qui en font du commerce sont très malins, et savent très bien comment intoxiquer quelqu’un, et comment stabiliser leurs affaires. En fin de compte, les deux mécanismes sont bien enclenchés. On est devant une véritable organisation criminelle à haut niveau. Tout le monde sait - on a entendu des bruits au niveau local - que ce sont nos responsables locaux qui en sont les premiers consommateurs, et probablement aussi les premiers dealers. Que vient faire ici l’interdiction, alors que le circuit commercial et les mécanismes psychologiques sont très bien ancrés. Elle vient relancer tout simplement le mécanisme pour fonctionner comme une contrainte. On sait très bien que le jeune va vouloir lutter contre l’interdit. On lui fait croire qu’il est coupable, et on fait croire qu’on protège le peuple de la drogue. Ceci est faux !

41 - Je ne scinde pas personnellement les drogues douces et les drogues dures. Je considère qu’il faut plutÔt les scinder en deux catégories : drogues perÇues comme une fuite, pour s’extérioriser vis-à-vis du problème social, économique, et les drogues pour le plaisir, que j’appellerais « les drogues d’étudiants ». Je pense que le véritable problème est un problème de responsabilité. J’entends Ça dans le sens où celui qui se drogue doit évidemment prendre de la drogue pour le plaisir, et qu’il doit bien différencier le stade où il en prend, et le stade où il se retrouve dans un cadre social. Je pense que c’est au niveau de la responsabilité de l’individu qu’il faut faire, et ce, au niveau de l’éducation.

42 - On a parlé de la drogues par rapport aux autres. Par rapport à soi-même, on aimerait savoir quel est notre devenir quand on prend de l’opium... On sait que cela dépend des individus. Il y a des gens qui vont voir des crocodiles, d’autres des oiseaux. Il y a quand même un schéma directeur qui permettrait de dire : voilà ce qui va m’arriver si je consomme de la drogue.

43 - Je voudrais revenir sur l’intervention n839. Je suis totalement d’accord avec vous. Je pense qu’il y a véritablement le problème de l’interdiction en France. Et comme tout interdit, on essaie de le transgresser. En Hollande, les drogues dites douces sont en vente libre dans les « coffee shop ». Ce qui se passe par contre, c’est que, sous le manteau, circulent des drogues dites dures, dans un marché parallèle - cocaÏne, héroÏne etc... Ce marché parallèle, dû à l’interdiction, amène des excès, une volonté de prise de bénéfices toujours plus importante parce qu’on est dans un système de marché. Le terme d’overdose est selon moi mal approprié, parce que les gens meurent en fait de la consommation d’un mauvais produit. On l’a vu dans le premier tiers du siècle avec la Prohibition : il n’y a jamais autant de gens qui sont morts d’alcool, non pas du fait de la consommation, mais du fait qu’ils prenaient des produits frelatés, et puis aussi, ils sont morts à cause de l’alcool, mais par d’autres manières, assassinats etc... C’est d’ailleurs amusant de parler de l’interdiction des drogues douces puisque actuellement, on en est plutÔt à se demander si on ne va pas les légaliser. Nous, ici, on parle de l’interdiction, mais on a l’air d’être un peu à contre-courant. Ceci étant dit, je pense vraiment que l’interdiction présente le danger du non-contrÔle, du non-respect. Je ne suis pas sûr que la prise de drogue contrÔlée soit plus mauvaise que la prise d’alcool de manière contrÔlée. Enfin, il faut au moins le prouver. Et, quitte à interdire, qu’interdit-on ? Est-ce qu’on interdit tout ? Est-ce qu’on légalise tout ?

44 - On a dit tout à l’heure que les vrais circuits de la drogue n’étaient pas attaqués. On a également parlé de blanchissements, de l’apparition d’autres fléaux. Je me demande s’il ne serait pas bon d’aller un peu plus loin dans ce domaine, et voir si la drogue n’est pas choisie, quand on voit le chiffre d’affaire de la drogue, qui permet bien des choses, et qui permet en même temps, de détruire des civilisations, comme une arme pour établir une certaine hégémonie.

45 - Je n’ai pas tellement d’idée sur la qualité des drogues. Tout ce que je sais, c’est que j’ai été dépendant pendant 30 ans du tabac. Par conséquent, je ne veux pas participer au débat sur la qualité des drogues etc... Par contre, je crois que j’ai une certitude. Monsieur vient d’évoquer la période 1929 aux Etats-Unis, où il y avait une interdiction de vendre de l’alcool (intervention n843). Cela a provoqué le banditisme. J’ai connu en ce qui me concerne, j’habitais la frontière belge - ce n’était pas interdit, mais il y avait une très grande différence de prix entre le tabac en Belgique et en France. Il y avait par conséquent trafic. Il y avait un banditisme lié à cela. D’une manière beaucoup plus succincte, j’ai fait mon service militaire, pendant l’OTAN, dans une base américaine dans la région parisienne. Il y avait là aussi des gens qui faisaient du trafic de cigarettes. S’il y avait une raison de légaliser certaines drogues, ce serait incontestablement la disparition du banditisme.

46 - J’ai entendu un monsieur qui était mexicain, bien placé, me dire : « tu comprends, si on supprime la drogue, chez nous, il va y avoir un chÔmage épouvantable ». Je me suis posé des questions. Voilà quelqu’un qui n’est pas franÇais, qui m’a fait peur, car ce n’est pas la même faÇon de voir. Donc, il y a à réfléchir sur la manière dont nous, franÇais, nous jugeons la drogue par rapport à d’autres pays.

47 - On a essayé de faire cultiver autre chose aux producteurs de cocaÏne. «a leur a rapporté 10 fois moins. Mettez-vous à leur place. Que feriez-vous ? Evidemment plus Ça rapporte plus on en fait. C’est comme nous pour le blé... On en a de trop, mais on continue de produire, parce que Ça rapporte.

48 - On a dit tout à l’heure qu’il ne fallait pas interdire les drogues. Moi, je suis de cet avis. En les interdisant, elles prennent de la valeur. La preuve, le marché de la drogue représente 2500 milliards de francs. Cet argent est souvent réinvesti dans la Bourse. Cette bourse permet de développer les marchés émergeants. Ceux-ci deviennent des marchés d’exportation pour notre pays. En fin de compte, en interdisant, on crée de la richesse dans notre pays. Il y a un aspect bassement humain. Au niveau micro-économique, la drogue a une réelle importance, et la légaliser serait une grossière erreur financière.

49 - Au-delà de l’aspect économique, je vais revenir à ce qui fait l’interdiction au sens de la cohérence sociale. On a vu tout à l’heure que la consommation de substances peut entraîner des comportements délictueux après, quand on se retrouve en société. C’est à prouver parce que, à mon avis, quelqu’un qui a mal dormi peut également avoir des comportements délictueux. La personne qui a un comportement délictueux, elle est punie pour ce comportement-là, déjà. Donc, quel est l’intérêt d’avoir en amont, une répression sur quelque chose qui est complètement personnel, dans la mesure où cette chose-là est susceptible d’entraîner d’autres comportements, qui eux, seraient après réprimandés. On a vu qu’il y avait effectivement certaines drogues qui, par leur consommation pouvait amener des frais pour la société - des frais de prise en charge en cas d’overdose, etc... Il y a peut-être toute une série d’étapes pendant lesquelles on n’est pas bien, et où on a besoin de soins assez durs. Là, C’est vrai qu’engendrant des frais pour la société, on peut penser à une interdiction, parce que c’est un mal en soi. Eventuellement. Mais, il y a, quand même, à bien cerner la limite entre la liberté de l’individu, qui va avoir des conséquences, ou bien déjà réprimandées, ou bien peu graves pour sa personne, si bien qu’il n’y a aucune nécessité d’hospitaliser, par exemple, et ces drogues qui vont peut-être être dures - la dureté de la drogue pouvant être la consommation excessive d’une drogue douce. C’est un peu une redéfinition de ces termes qui est envisagée pour avoir quelque chose de cohérent.

50 - J’aurais aimé qu’on parle un petit peu de la manipulation que Ça peut comporter au niveau social. Je trouve qu’il y a à débattre là-dessus. On a dit que le marché de la drogue était un gros trust. Est-ce que les gens qui consomment ont conscience de cela ? Trouvent-ils cela normal ?

51 - Est-ce que les gens qui regardent la télévision sont conscients que lorsqu’ils achètent un poste de télévision, c’est pour se faire asservir par tout un tas de systèmes innommables, et qu’ils ingurgitent du matin au soit, tout un tas de conneries qui les asservis mentalement et les rend à l’état de légumes. Est-ce que les gens qui regardent la télévision sont conscients du fait qu’ils font marcher les grosses entreprises pour leur perte même.

52 - ...On peut regarder la télévision sans en être drogué, quand même.

53 - On peut très bien vivre en drogué, c'est-à-dire se droguer par la télévision, donc vivre en légume. Mais on est responsable d’être légume. La télévision, je la fais marcher quand je veux, où je veux. Si J. Martin me rase, je m’en vais. Mais, évidemment, pour quelqu’un qui veut oublier certaines choses, peut-être que ces très nobles spectacles peuvent nuire à force de les regarder, parce qu’on va effectivement devenir une bête. Ne pourrait-on pas apprendre à l’école, ou pourquoi pas à la télévision, de ne pas se servir de la drogue n’importe quand.

54 - Ce que vous avez évoqué par rapport à la drogue, je pense aussi qu’on peut aller très loin dans cette logique-là (intervention n849). Imaginons une personne qui fume comme un sapeur toute sa vie, qui développe un cancer des poumons. La sécurité sociale va payer pour lui. Nous payons tous la sécu. Est-ce logique alors qu’il était libre de fumer ou de ne pas fumer ?

55 - La sécurité sociale peut se rembourser avec les taxes sur le tabac, éventuellement.

56 - Pour vous répondre sur l’aspect manipulation (suite à l’intervention n850). Au niveau de la qualité des produits, ce qui se passe dans les rave-parties, où ce n’est pas vrai d’ailleurs que tout le monde se drogue, c’est qu’il y a des gens qui prennent en charge la santé des consommateurs, en allant à l’entrée tester tous les produits distribués. Il se développe toute une organisation parallèle par rapport à cela.

57 - Je voulais poser une question par rapport à la dépendance. On a fait une distinction entre une dépendance physique et une dépendance psychologique (intervention n83). J’ai mon exemple personnel à propos du tabac. Il me semble que vous avez dit tout à l’heure que la drogue douce n’entraînait pas de dépendance. Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est ce qu’on ressent quand on est dépendant de quelque chose. Je l’ai été du tabac, je n’aurais pas pu rester une heure sans fumer. Je ne pense pas que je devenais cinglé quand il me manquait une cigarette, mais, je n’étais pas bien. J’ai la chance de ne pas être dépendant de l’alcool, mais j’essaie d’imaginer ce que pourrait être cette dépendance en la comparant à ce manque de cigarettes. Est-ce qu’on peut vraiment commencer à toucher aux drogues douces sans en devenir dépendant ? Je n’en sais rien. Mais, c’est quand même un critère qui est indispensable avant de se demander s’il faut les interdire ou pas.

58 - Je voulais revenir sur l’interdiction qui serait votée par un certain nombre de personnes au nom du peuple, alors que les hommes politiques ne font rien pour empêcher cette drogue d’envahir les espaces urbains. Que faut-il faire ? Créer une loi interdisant la consommation, ou bien aider les paysans producteurs en leur fournissant des revenus leur permettant d’abandonner les drogues ? Je voulais aussi revenir sur les médicaments. On a admis leur invasion. Dès qu’on a un petit bobo, on va chez le médecin pour qu’il fasse une ordonnance. Alors que de toute faÇon, c’est la même chose, c’est toxique. On se laisse envahir par des médicaments qui ne soignent pas le mal profond, puisque celui-ci est le plus souvent psychosomatique.

59 - Je voudrais à la question sur l’histoire de la dépendance physique ou psychologique (intervention n857). Pour le tabac, vous ressentez un besoin physique, alors que pour le hachisch, il n’y a pas de dépendance physique en ce sens que c’est un plaisir. Il n’y a pas de manque en fait. Pour revenir à cette histoire de l’interdiction, et si on est tous d’accord pour dire qu’elle entraîne de la criminalité, et l’escalade, à ce moment, au nom de quoi on interdirait ? Si on est d’accord qu’il y a des milliers de gens qu’on ne considère pas drogués au Valium, à l’alcool, pourquoi interdirait-on plus le haschisch, qui est censé être une drogue ? Y-a-t-il une raison à l’interdiction, et celle-ci est-elle cohérente ?

60 - Il y a quelque chose dont on n'a pas beaucoup parlé, c’est la notion de plaisir. Dans la drogue, il y a quand même l’aspect sympathique. Fumer un « pétard », Ça peut être génial. On va rigoler, on est bien dans sa peau. C’est la joie de vivre. Prendre des antidépresseurs, Ça aide à garder le moral. Boire un bon verre de Whisky quand on sort d’une semaine épouvantable, c’est un plaisir, c’est agréable. Dans tous ces phénomènes drogue, ce qui est finalement assez ennuyeux, c’est de savoir dans quelle mesure on est capable de prendre du plaisir sans être manipulé par quelque chose d’extérieur. En fait, c’est toute cette ambiguÏté de savoir si c’est mon plaisir que je choisis d’avoir, ou est-ce que c’est quelqu'un ou quelque chose qui me l’amène.

61 - Je pense que c’est important, si on veut vraiment faire une éducation à la drogue, de développer toutes les autres faÇons d’avoir du plaisir. Effectivement, les choses que vous avez citées sont un vrai plaisir, avec une restriction sur les médicaments. Il y a plein d’autre faÇon de se donner du plaisir, et du plaisir aussi intense que fumer un pétard. C’est important de le savoir. Tout à l’heure, on a parlé du fait que ce n’était pas le milieu qui conditionne le fait qu’on aille prendre ou pas de la drogue ou de l’alcool. On est libre et indépendant. La question est : est-ce que le pouvoir en place a intérêt à ce que la société soit composée de gens qui soient libres, indépendants et autonomes ?

62 - On a beaucoup parlé de dépendance. Quelle valeur nous manque pour refuser de consommer une drogue ? Je me demande s’il ne faut pas commencer par observer autour de nous ce qui se passe, et construire nos valeurs après.

63 - C’est vrai que la drogue est un plaisir, et qu’il y a d’autres moyens de prendre du plaisir. Mais il n’y a pas de plaisir diabolique. Je pense que le critère réel est la dépendance. A partir du moment où c’est une initiative personnelle pour aller vers le plaisir, il n’y a rien à dire. Chacun fait ce qu’il veut pour se procurer du plaisir. A partir du moment où ce n’est pas une démarche spontanée, où il y a un besoin, il faut considérer que c’est une drogue dure. Les drogues douces sont un plaisir spontané, comme vous buvez du café, comme vous mangez du chocolat. A ce moment-là, c’est une manière comme une autre de prendre du plaisir, il ne faut pas la diaboliser.

64 - Je voudrais dire une chose sur le problème des plaisirs. Il faut inciter les gens à être prudents et leur montrer ce qui se passerait s’ils abusaient.

65 - Je pense que le problème de la dépendance n’est pas le seul problème de la drogue, qu’elle soit douce ou dure. C’est aussi le problème du recours à un artifice pour masquer d’autres difficultés. On obtient le plaisir par cet artifice. Le mieux serait d’accéder à ce plaisir d’une manière autonome.

66 - Il est très subjectif de qualifier quelque chose d’artifice. Vous dites qu’un antidépresseur est un artifice. Et la bouteille de Beaujolais que vous sortez pour le repas ? Alors tout est un artifice. Pour vous, il y a des choses qui sont des artifices.

67 - On peut avoir connu le bonheur sans artifice.

68 - Je suis tout à fait d’accord avec l’intervention précédente (n865) sur l’histoire de l’artifice et la fuite. Il y a plusieurs manière d’avoir recours à certains produits pour avoir du plaisir. Effectivement, quand il y a une situation de malaise, Ça peut être un substitut. Il y a aussi des gens qui font y prendre du plaisir. Je ne pense pas qu’il y ait le bonheur intense avec artifice, et le bonheur sans artifice. Ce n’est pas le vrai bonheur et le faux bonheur. Il faut aller chercher le plaisir quel qu’il soit, et, à ce moment-là, il n’y a pas de recours négatif à partir du moment où ce n’est pas une fuite.

69 - Je voulais dire que tout est bloqué dans la société, et qu’on ne peut pas trouver ce bonheur naturel.

70 - Bien sûr que si ! On peut obtenir du plaisir par d’autres moyens que les produits que vous avez cités. Je prends du plaisir dans la vie de tous les jours par rapport à du relationnel, à de l’intellectuel... Ce n’est pas pour autant qu’on ne peut avoir recours à ce que vous appelez un artifice, mais qui n’est pas forcément une fuite, mais un plus - comme le plaisir de la table, comme le plaisir de discuter, de confronter des idées... C’est une autre manière. Il n’y a pas le bien opposé à la fuite, et l’artifice opposé au réel.

71 - On voit apparaître en dominant l’idéologie du plaisir/désir, et tout ce qui fait arrêt à cette logique du plaisir/désir qui tue. On n’a qu’à connaître les mécanismes liés au plaisir, c’est la mort qui nous guette. Quand on connaît un peu le fonctionnement des zones de plaisir, on continue, et boum, c’est terminé. Il faudrait sans doute dialectiser quelque peu, voir les contradictions du plaisir, et voir que le culte du plaisir/désir, on en connaît les effets manipulateurs. Tout ceci est important : motivation, le plaisir de l’enfant, le plaisir des soixante huitards. Tout cela sont des structures de mise en scène de haut et de bas niveau qui ont été médiatisés. C’est une production sociale artificielle, et on n’échappe pas à l’artifice, on n’échappe pas aux artefacts, et quand les écolos parlent de nature et naturel, Ça me fait rigoler, parce que fondamentalement, rien n’est naturel. De toute faÇon, quand on essaie de connaître historiquement tout ce laÏus sur le « nature et le naturel », on se rend compte que Ça été produit artificiellement par des tas de langages. C’est intéressant, mais c’est sophistiqué d’emblée. Il y a des zones de production dominantes, orientantes, et les masses sont travaillées par cela. Donc, on n’échappe pas aux artefacts, on n’échappe pas aux artifices. Tout cela pour vous dire que le naturel, le spontané, tout cela, ce sont aussi des fabrications artificielles, qui existent très vite dans les enseignements de tout type pour donner aux humains une impression de liberté, d’autonomie, etc. Mais on s’aperÇoit que, finalement, il y a des moments où on se rend compte que ce n’est pas l’environnement immédiat qui va provoquer un mécanisme de reflet. Il y a des moments où n’importe quel organisme s’oppose à. Ce n’est pas seulement propre aux humains. Il y des oppositions de territoires, il y a des seuils, et Ça se produit quasiment aléatoirement. Et Ça se cultive aussi, Ça se fabrique. Il est possible de produire des résistances au plaisir facile, de travailler au différé des actions orientées et pas seulement sombrer dans la bouillie médiatico-hédonistique qui satisfait la plupart des humains. Tous les plaisirs sont travaillés depuis très longtemps, et il y a des meneurs, et les segments de la drogue particulière sont des sous-segments faisant partie d’ensembles très artificiels pour mettre les humains massivement dans l’état de dépendance. Quelles sont les structures fabriquées qui alimentent les petites consciences enfantines ? Ce n’est pas dans les secteurs d’éducation qu’on trouve la réponse. De quoi parlons-nous les uns et les autres lorsque nous sommes tentés par l’ivresse intellectuelle du n’importe quoi ? On n’a qu’à relire un peu de Baudelaire pour se rendre compte que même si on a cette impression d’autonomie, tout Ça, c’est un monde de trucs. Or, est-ce que la connaissance, la conscience de cela produit des effets ? Mais non, malheureusement ! Ce n’est pas la conscience intellectuelle ou morale qui va produire des effets extraordinaires ! Ca se saurait. Quand on parle de citoyenneté, c’est de la babiole parce que les discours d’autonomie politique ne produisent pas des effets sociaux d’envergure.

72 - Il y a sûrement des concepts qui m’ont échappés. Au nom de la lucidité intellectuelle ou de la conscience, comme vous dites, pourquoi refusez le plaisir facile. C’est vrai que l’hédonisme est basique. Mais pourquoi pas ? Comme vous dites, on est amené à mourir. Je préfère prendre du plaisir tant que je peux en prendre, même si Ça me ramène à un statut intellectuel plus basic. Au moins essayons d’être heureux. Il ne faut pas diaboliser le plaisir.

73 - On abordait ce débat en terme d’interdiction des drogues douces. On a bien vu qu’il y avait des gens qui éprouvaient du désir, qu’il n’y avait pas forcément de dépendance qui s’instaurait, alors qu’à l’inverse, on a des conséquences f‚cheuses à la consommation d’autres produits - alcool, cigarettes, etc. A l’inverse de l’interdiction, ne faudrait-il pas que l’état, pour éviter justement les conséquences d’escalade et de criminalité, passe par la mise place d’un marché réel et visible de ce type de substances.

74 - D’après vous, il faudrait y mettre l’alcool, le tabac et le haschisch.

75 - Oui, et pouvoir le commercer.

76 - Et on va pouvoir ajouter le viagra, le prozac etc...

77 - Si on décide d’interdire, comment l’état peut interdire l’introduction de ces drogues en France sans modifier ce qu’on considère aujourd’hui comme les règles normales de liberté individuelle ?

78 - Je suis tout à fait d’accord pour dire que toute interdiction entraîne l’inverse de ce qui est voulu au départ, et que la solution serait un commerce contrÔlé, avec un cadre médico-social, avec un contrÔle de qualité, une formation à comment se droguer, parce que les gens meurent non pas parce qu’ils se droguent, mais parce qu’ils droguent mal.

79 - Je trouve très drÔle cette idée de payer pour aider à se droguer, et de payer en même temps pour aider à se guérir. «a fait beaucoup pour une société qui est déjà en difficulté.

80 - Je pense que je suis mal fait comprendre. Je pense que les problèmes sont dus à l’interdiction. C'est-à-dire que le meilleur moyen pour contrÔler, c’est de s’approprier ce commerce.

81 - Je suis tout à fait d’accord pour la légalisation à ce niveau-là, parce que pour moi, la liberté, c’est de choisir de se droguer ou non. Je ne crois pas que c’est par une loi qu’on va arriver à faire quoique ce soit. Mais il y a peut-être d’autres moyens.

82 - Au moins, pour l’instant, de l’information.

83 - Oui. Ça, c’est indispensable.

84 - Il faut quand même se demander pourquoi une société interdirait la consommation de certaines choses. On a bien vu que les gens consommaient pour leur plaisir, qu’il soit factice ou non. Quand on fait une loi, ce n’est pas pour régir le comportement individuel. On est quand même dans une société des droits des individus. Après tout, quand on a envie de faire quelque chose, on doit avoir le droit de le faire, tant que Ça n’atteint pas la liberté des autres. On a vu les cas où la drogue pouvait produire des comportements désastreux pour l’environnement. Dans ce cas là, on est capable de dire que, par exemple, la consommation de drogue va être interdite dans un lieu public. Mais il ne faut pas qu’elle puisse être interdite dans l’absolu. Si jamais quelqu'un a envie de se faire un petit plaisir chez lui, pourquoi est-ce qu’on viendrait frapper à sa porte ? A la rigueur, par rapport aux fumeurs, étant soumis à des problèmes de micro-spasmes quand quelqu'un fume auprès de moi et qui m’oblige à consommer un médicament pour évacuer, je trouve qu’il y a bien plus de risque social à ce quelqu'un fume une cigarette juste à cÔté de moi qu’une personne qui va se faire un plaisir chez lui. Là , on n'a aucune raison d’interdire cela, dans la mesure où, s’il sort dans la rue et casse la voiture de quelqu'un, une loi le réprimandera. Ce n’est pas la loi qui lui interdit de fumer les pétards qui doit lui interdire de casser les voitures. Par contre, qu’il vienne fumer une cigarette sous mon nez, j’aurais, s’il n’existait plus de loi, le droit de lui donner une gifle..., de lui faire quelque chose qui lui est désagréable dans la mesure où il n’y a plus de limitation dans la liberté d’autrui. C’est vraiment l’espace dans la liberté d’autrui qui doit définir l’interdiction ou pas de ces substances.

85 - Juste une citation : « Liberté, que de crimes on connaît en ton nom ».

86 - Vous avez évoqué le fait que fumer représente une nuisance pour vous. Mais, il y en a plein d’autres. Au niveau de la pollution par exemple, il n’y a pas de lois qui interdissent les véhicules diesels d’envoyer leur pollution partout. Je pense que Ça rentre dans un cadre où on est quelque part responsable de la survie de la planète. Le tabac, ce n’est rien vis-à-vis d’autres pollutions.

87 - En tant que personne sensible à ces choses-là, c’est vrai que la pollution à Caen m’affecte. En effet, il ne faut pas focaliser sur un problème précis. Il faut prendre un peu de recul, et se dire que si on empêche ici, il faut être cohérent et empêcher là également.

88 - Je me demande comment faisaient nos aÏeuls. J’ai eu des problèmes familiaux énormes, je n’ai pas eu besoin de drogues. Je ne prends jamais de tous vos trucs, et je n’en ai pas besoin.

89 - Je suis un peu d’accord avec ce que vous dites. Je n’ai jamais eu besoin d’artifices.

90 - Il est peu évident de juger les personnes qui ont eu besoin d’antidépresseurs. Effectivement, Ça n’a jamais réglé aucun problème. Mais Ça aide sur le moment.

91 - Je pense que la jeunesse actuelle, il y a énormément de douleur et de souffrance. La drogue ne doit pas être interdite, parce qu’elle peut être aussi un palliatif, mais il faudrait aussi développer cette conscience de « pourquoi je prends cette drogue, et pourquoi ce besoin de plaisir ».

92 - J’ai beaucoup entendu « les jeunes ont des problèmes, la banlieue etc ». Stop ! Il faut dédramatiser. Dans la banlieue ou ailleurs, il y a des personnes qui sont très heureux, ils font plein de choses, il y a plein de jeunes qui sont très actifs, qui sont dans plein d’associations, qui ont un cúur énorme. C’est un peu l’idée que nous donnent les médias : la banlieue, ce n’est pas bien ; La Gr‚ce de Dieu, faut pas y aller, on va se faire racketter... Je ne peux pas me permettre de juger une personne qui prend des artifices, parce que je n’en ai pas le pouvoir. Je la respecte. J’estime qu’elle fait un choix, tout choix étant un renoncement. C’est sa vie. Il faut que la personne soit apte à être adulte. Le dernier point concerne l’Etat. C’est vrai que, dernièrement le Président de la République est allé à l’O.N.U. pour affirmer haut et fort qu’en France il était « hors de question » de pouvoir légaliser un jour ou l’autre certaines drogues douces. C’est un fait, c’est ce qui a été dit. Mais il faut aussi penser que l’Etat FranÇais est lié à des conventions avec d’autres pays. La Convention Européenne des droits de l’homme sont des valeurs constitutionnelles. Il faut peut-être aussi penser que l’Etat est lié par rapport à cela. Nous rentrons dans la logique communautaire. La France s’est engagée envers certains Etat, et ne peut y déroger.

93 - Je vous signale qu’il y a 81% des FranÇais qui sont contre la libération de la drogue.

94 - Oui, tout à fait, enfin, c’est aussi un problème culturel, d’éducation et de tabou.

95 - Ce qui est intéressant dans ce qui vient d’être dit, c’est que les gens font un choix en prenant bien en compte que se droguer, c’est un interdit social. Mais il y a peut-être plein de gens qui, du fait de tout cela, ne sont pas bien. Le fait de légaliser pourrait très bien mettre en place un comportement de consommateur classique et enlever un peu toute une conséquence dramatique de la personne qui se sent en train de s’exclure. Il y aurait peut-être un effet psychologique bénéfique à légaliser.

96 - La France est un segment de vie. Il y a des filtres pour nous orienter vers des pistes de pacifisme alors que d’un certain point de vue, on ne consomme que des petites imageries semi-épinal de la violence dure. Les petites violences de banlieue, c’est secondaire par rapport à ce qui se passe actuellement dans le monde : les embargos, les peuples qui se trouvent littéralement bloqués et qui voient leur population de jeunes mourir gentiment. On pourrait multiplier les exemples. Je suis quand même surpris de voir que quand on prend son pied, on enlève des tas de plaisirs aux autres, même si on ne s’en rend pas compte. Il y a donc bien des niveaux extrêmement entraînés de violence. Comment fonctionne un Etat? Les interdits, Ça s’analyse, et, il n’est pas interdit de mettre en question les interdits pour ne pas qu’apparaîsse l’ordre moral. Finalement, on voit apparaître un ordre moral avec des zones où, en fin de compte, on serait dans un univers bon chic, bon genre, bien policés, bien soft, alors que derrière tout cela, il y a des barbaries installées et des menaces très importantes.

97 - Qui est « on » ?

98 - Et bien le « on », c’est justement un truc. Quand du « on », on parle de l’être humain, quel qu’il soit. Quand on défend à des humains en formation, à des enfants, de dire « on », c’est justement un problème. Le « on » est une espèce de joker.

99 - Oui, mais vous dites, « on nous interdit », « on nous manipule ». C’est qui ?

100 - Tous les mécanismes d’interdiction. Si je mets une voiture en stationnement, et prend une amende de 500 francs, avec une mairie d’un certain type qui s’arrange pour augmenter les amendes, et qui réduit les espaces sociaux et individuels pour exister. «a, c’est concret. Comment se produit par exemple la « pieuvre aquatique » CGE et La Lyonnaise des Eaux ? Comment progressivement, on a vu apparaître un certain nombre de stratégies pour diminuer les capacités de liberté d’un maximum d’humains, vis-à-vis de cette drogue importante qu’on appelle l’eau ?

101 - Vous prenez ces gens-là comme un petit peu trop puissant.

102 - Il faut faire des lois, mais se méfier des lois qui tuent, comme notamment la résolution de l’ONU contre l’Irak.

103 - Une simple intervention : si je ne me trompe pas, Richelieu a taxé le tabac, parce qu’il voulait le réglementer. «a n’a pas freiner la consommation du tabac !

104 - Ce qui me gêne, c’est que les gens qui fument, qui se droguent, arrivent à se détruire à tel point qu’ils sont à la charge de la société.

105 - Dans les années 40, on apprenait dans les écoles, par rapport à l’alcool, que c’était dangereux. Seulement, pauvres gamins, nous n’avions jamais goutté d’alcool. On nous montrait dans les livres un foie normal, et un foie jaune. Qu’attendons-nous pour avertir les jeunes des risques du tabac ? Il ne s’agit pas d’interdire, mais d’informer plus qu’on ne le fait.

106 - Si on informe trop, on va perdre des clients ! Et ce n’est pas ce que veut l’Etat !

107 - Pour pouvoir informer les gens d’une chose, il faut des moyens financiers considérables. Or, actuellement, ce sont les industries tabagiques qui détiennent des flux financiers énormes, et qui font de la publicité pour leurs produits, plus que ceux qui voudraient voir diminuer la consommation de cigarettes. Pour informer les gens, il faudrait être à la place des professionnels du tabac.

108 - On pourrait obliger les fabriquants de tabac à mettre des poumons complètement abîmés sur leurs paquets !

109 - On parle dans un contexte déterminé, la drogue, et on se rend compte qu’apparaissent progressivement des petits mots comme « information ». En aucun cas l’information n’est une connaissance. Elle est une notion manipulée, utilisée, fabriquée de toute pièce dans les circuits des pouvoirs médiatiques d’influence géopolitique. Or, la relation de connaissance volontaire et orientée ne sera donnée par une boutique d’information. «a ne produit pas d’effets, ni de leviers pour pousser à agir. Or, il faut le dire, quand on voit le culte de la mystification autour de l’information, on sait qu’ils ne jouent pas la carte de l’honnêteté intellectuelle. Connaître, c’est un peu changer quelque chose. Informer, c’est nous prendre pour des couillons qui acceptons le monde tel qu’il est. Je me dis que le discours que je tiens n’est pas forcément un levier. Entre le dire et le faire, on peut avoir une vue bien orientée. Il est des moments où il faut faire autre chose que s’honorer et d’être lié à un hédonisme, parce que derrière la carte du plaisir, les informations élémentaires, on est traité comme une sous-humanité qui prendra malgré tout son pied, même si on est malheureux car on trouvera toute sorte de moyens pour nous apaiser.

FIN DES DISCUSSIONS A 19H10.

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