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Compte-rendu analytique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (17/06/2000)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Politique et Société

L'expression artistique et sa diffusion dans la cité

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- Présentation du CLAC : L’association est née à la suite d’une soirée qui se passait dans un bar et qui a été interrompue par la police. Il était environ 22h30. Il y a eu verbalisation. Cela arrive souvent à Caen que les bars soient dans cette situation. C’est frustrant et pour les musiciens et pour les gens qui viennent écouter. Ce que l’on voudrait développer comme idée, c’est le fait qu’il pourrait y avoir des lieux de diffusion et de répétition dans Caen. On peut penser aux salles de moyenne capacité qui puissent accueillir des groupes un peu plus modestes et ouvertes aux artistes locaux. Car pour les artistes locaux, il n’y a guère que les bars pour s’exprimer.

- Je vous remercie pour cette vue d’ensemble du CLAC. Nous allons pouvoir effectivement revenir sur les possibles nuisances occasionné par des arts, en l’occurrence la musique.

- Je voudrais poser une question à la personne qui vient de s’exprimer : l’aspect festif de la ville de Caen a besoin d’artistes. Et je m’en suis aperçu l’autre jour lorsque j’ai assisté à une soirée espagnole en centre ville [ certainement le festival Cap Latino ]. On s’est aperçu qu’il pouvait y avoir une mobilisation simple des gens. Et je voulais oser la question suivante : est-ce que l’aspect festif rentre dans le cadre de ce débat. Parce qu’il est évident que la place de l’art dans la ville et les présentation dans la ville, c’est entre autre pour assurer une animation.

- Je crois que l’on est dans un lieu qui est dans un environnement plastique qui est plutôt de l’ordre du contemplatif. La musique, je dirais que c’est aussi de l’ordre du contemplatif. On participe à quelque chose qui est déjà fait. En ce qui concerne la musique, le théâtre, les spectacle de rue, il est évident qu’il y un côté festif. Et le côté festif fait peur parce qu’il peut quelques fois déborder ou plutôt déborder vers quelque chose qui n’a pas été prévu. Le festif devient alors source de nuisance et est appréhendé comme tel par les pouvoirs publics.

- Le moteur de la fête, c’est justement le débordement permis. Mais si on déborde trop, ou si l’on comprime le débordement, il n’y a plus de fête.

- On peut dire comme cela si vous voulez. Mais la notion de débordement est très relatif.

- Il y a des moments organisé par la ville pour que les gens fassent la fête. Mais est-ce que l’on ne pourrait pas la faire quand on a envie, tous le long de l’année, avec des groupes qui sont locaux. Parce que la soirée espagnole et latine, c’était essentiellement des groupes qui venaient de l’étranger. Ce n’était pas des artistes locaux.

- Est-ce que l’on sait faire aussi ?

- Il y a des groupes à Caen bien sûr. Il faut demander aux gens qui répertorient tous les groupes. Il y a, je crois, deux cents groupes répertorié sur Caen.

- Vous dites, est-ce que l’on sait faire? Je crois justement qu’il faut faire confiance. La problématique a souvent été posée à l’envers. La peur des débordements. A une époque, il y a eu une manifestation en ville. Mais ces débordements ne sont pas forcément dramatiques. Et cette peur que certaines manifestations musicales débordent a fini par tout contrôler, par tout limiter. Et je crois qu’à un certain moment, ce qui manque, c’est la confiance. Et je dirais à nos élus et à nos prochains élu, faites confiance à une certaine catégorie de la population qui est capable d’assumer. Et encore une fois, je crois que la notion de débordement est tout à fait relative. Je suis persuadé que le groupe « Des Claques » qui a fait une prestation au Café Mancel. Il y a des gens qui ne sont pas habitués à entendre cela. Et dans cette mesure, il est possible de considérer cela comme une forme de débordement. C’est extrêmement relatif.

- Le danger, c’est d’exclure. Ce serait très bien que tout le groupe qui est venu pour le concert puisse s’exprimer.

- Le problème d’être confiné ou pas confiné, cela ne nous concerne pas vraiment. Parfois au niveau du temps, on peut être confiné. On est un peu stressé de n’avoir pu jouer que vingt minutes. Heureusement que l’on a des morceaux courts. Et j’avais envie de montrer qu’au delà de la musique qui peut considérée comme violente, on a aussi des textes et des paroles. Je plaçais le concert d’aujourd’hui sur le plan intellectuel. Là, c’est un peu raté.

- Il est toujours possible de participer au débat.

- C’est une pratique couramment répandue dans la région, à savoir la manière de considérer les artistes. Ce sont des gens que l’on peut faire déplacer et qui se font plaisir en jouant. Il faut toujours poser le problème en terme de travail. Un concert, ce n’est pas uniquement une heure de travail, c’est parfois un an, un an et demi de création.

- Le temps du trajet aussi…

- Le problème vient je pense aussi de la façon dont on considère un artiste local. Et je pose la question : qu’est-ce qu’un artiste local? C’est peut-être un artiste qui n’a pas encore réussi. Et si je comprend bien, un artiste national, ça a d’abord été un artiste local. Et bizarrement;, les artistes nationaux proviennent toujours d’endroits ou la vie culturelle tolère peu ou prou un certain nombre de débordements et laisse de l’espace publique et de l’espace temps aux artistes afin qu’ils puissent s’exprimer.

- On peut s’interroger sur la place de l’artiste dans une ville. Que peut-il apporter ?

- Concernant le lieu. Il n’y a pas d’intermédiaire entre des espaces comme le zénith où se produisent des artistes connus au niveau national et parfois aussi des artistes étrangers. Pour des artistes locaux, il n’y a pas de salle de moyenne capacité.

- Je vais dire quelques mots et quelques choses simples aux quelles je crois en tant qu’élu. Et je crois que vous avez raison d’ouvrir le débat aujourd’hui car finalement le débat culturel est peu présent depuis des années dans la vie politique à Caen. Il est clos pour certains qui considèrent quand matière de grands équipements, en voici un [ Le Café Mancel ] qui a fait l’extension du musée des Beaux Arts, vous venez d’en citer un autre en 1995, le Zénith. Il y a d’autres structures lourdes qui pèsent fortement sur le budget de la ville. Il y en a d’autre : le conservatoire de région d’une part et le théâtre municipal. Et aux yeux de certains, ces gros investissements étant fait, l’essentiel est acquis. Nous, nous sommes de ceux qui pensons que ce n’est pas le cas. Et que le débat culturel ne doit pas être confiné comme une résultant de tous les autres débats une fois que les gros problèmes de la société sont réglés. Mais doit être replacé au cœur du débat. Et moi, je suis en tant qu’élu, conseiller général et conseiller municipal, député suppléant, plutôt spécialisé dans les questions sociales parce que l’on ne peut pas être spécialiste de tout, mais j’essaie d’expliquer autour de moi que le débat culturel ne doit pas être cloisonné aux autres grands domaines d’une politique municipale que ce soit le développement économique, Monsieur parlait tou à l’heure de l’impact que peut avoir pour l’image de la ville une vie culturelle à la fois diversifiée et très dynamique mais à la fois également sur l’intégration sociale. Je crois à la vertu d’une culture populaire. Et ici, ces deux axes de mon points de vue ne sont pas suffisamment travaillés à Caen. Je ne veux pas dire qu’il ne se passe rien.

- Non, c’est exactement ce que l’on se garde d’éviter.

- Ce serait très injuste de dire cela. En même temps, ce qui se passe a deux limites. Il y a peu d’impact pour l’image de la ville au delà des frontières du Calvados. Celui qui voyage un peu, et il y en a beaucoup j’imagine autour de cette table, en France et à fortiori en Europe, où vous vous apercevez que la ville n’a pas une mauvaise image mais qu’elle n’en a pas, en particulier sur le domaine culturel. Et deuxième limite : l’implication populaire est insuffisante. C’est lié à une politique tarifaire qu’il faudrait revoir sur certains aspects. E, autre problème de grandes actualité puisque c’est vrai je suis impliqué et passionné pour de nouveaux espaces d’expression et de répétition pour les artistes sur Caen. Alors, ici, ce sont plutôt des personnes concernées par la musique. Mais il n’y a pas que musique. Il y a aussi les plasticiens. Je pense que de ce point de vue là, il ne s’agit pas de faire des choses considérables, car je pense qu’à budget constant, car il ne faut pas être démagogique et dire que demain on va faire exploser le budget de la culture dans une ville comme celle-là [ Caen ], ce n’est pas possible car il y a d’autres enjeux auxquels il faut répondre à Caen, par redéploiement d’un certains nombres d’axes culturels - je pense que l’on a deux perles qui sont intéressantes et qui pèsent lourdement sur le budget de la ville, je pense à William Christie, les Arts Florissants et Catherine Postat, mais là il y a une répartition différente à trouver au profit dans un autre domaine, et les collectivités locales l’on compris, des pépinières d’entreprises. Et c’est bien de l’argent public qui aide le privé. Et je ne voit pas pourquoi dans le domaine de la culture, il n’y a aurait pas, toutes choses égales par ailleurs, l’équivalent - ce dont vous parliez tout à l’heure : faire confiance - à savoir investir sur des artistes débutants. Je crois que l’on ne prend pas assez de risques sur le plan culturel.

- Vous compariez les pépinières et les spectacles d’artistes à Caen. C’est vrai qu’il y a pas mal de choses qui se produisent dans les bars finalement. Les bars, ce n’est pas au départ leur fonction. C’est vrai qu’il font la démarche d’accueillir les gens. Ils offrent leur espaces pour qu’il y ait des choses qui se passent parce qu’il n’y a pas d’autres endroits. Il n’y a pas d’aide particulière pour les spectacle qui s’y passe.

- Le droit d’exister et de proposer ce service parce que la puissance publique au sens large est défaillante. Sur ce créneau là particulier. Il y a eu il y a quelques années, et cela s’est fait dans certaines villes de la France, l’idée de développer des Cafés Musiques.

- Mais vous pensez qu’à Caen, ce projet pourrait se développer? Vous ne pensez pas qu’il y a une réticence ?

- Si, il y a une réticence chez certains, c’est sûr. On prétend qu’il y a une réticence de la population générale. On la fait parler en quelques sortes, jamais interroger de façon précise. L’opinion des caennais et plus particulièrement du centre ville mérite d’être éclaircie. On a fermé la salle Georges Brassens il y a quelques années sous des motifs à mon avis fallacieux de gêne pour les riverains. Non, il ya des moyens. Et puis, tout de suite, monsieur disais qu’il ne faut pas se couper de la fête. Je crois au deux moi. Parce qu’il y a aussi des moments forts dans l’année qui ponctuent. La fête de la musique - une initiative que j’ai toujours défendu - rencontre depuis bientôt vingt ans un réel succès. Cela ne vaut pas dire qu’il ne faut pas faire de la musique les trois cent soixante quatre autres jours de l’année.

- La fête de la musique n’est pas une initiative municipales mais une initiative nationale. Je crois qu’il n’y a pas de méprise dans notre discours. Il ne s’agit pas de demander toujours des subventions. Je précise bien que l’on ne peut pas demander un action culturelle différente si on ne peut pas mettre en place derrière une volonté politique de la mettre en place, imagination et je le répète la confiance. Et on doit en convenir, depuis un certains nombre d’années, la municipalité de Caen, est allé dans un sens et pas dans un autre; Cela est significatif d’une certaine carence. Et je crois que c’est au niveau de la culture que les carences de cette gestion sont les plus spectaculaires. Je pense que c’est peut-être l’émergence d’une politique sociale qui peut se discuter, ce n’est pas le débat. Je fait simplement le rapprochement de deux évènements que vous avez d’ailleurs souligné : au moment où Caen célèbre en grandes pompes un événement cinématographique qui consacrait la ville de Caen au XVIIème sicle, pourquoi pas, c’est intéressant. Mais, pendant ce temps là, il y a quand même eu un groupe d’artiste qui occupait un lieu [ référence au squat du boulevard Leroy ], et j’étais solidaire de leur démarche, qui ne se préoccupait pas de ce qui se faisait au XVIIème mais de ce qu’ils allait faire sur au XXIème siècle. Cette rupture entre une préoccupation qui est culturelle - mais quand même on peut le dire conventionnelle, académique, qui encore une fois était intéressante - mais toujours au détriment de l’avenir, d’une prise de risque. Je crois qu’il y a une politique qui préfère se conforter dans un financement d’entreprises de prestige, dans le but de servir la ville, pourquoi pas, mais en ce qui concerne le festival Cap Latino, combien de groupes de Caen participaient à ce festival? Aucun, si un je crois. Il y a quand même un réservoir à Caen. Je dirais aussi que l’idée de fédérer, c’est faire remonter les compétences qui sont le creuset d’une certaine partie de la population, d’artistes, et de donner les moyens. C’est avant out une volonté politique. Qu’est-ce que c’était le théâtre de Caen il y a vingt ans? C’était une maison de la culture. Ce que l’on souhaite, c’est pas de donner une salle comme l’on donne une sucette à des gamins qui pleurent un peu, c’est une politique globale, un lieu que l’on préfère dans le centre, parce que le centre participe à l’activité dite commerciale de la ville. C’est un lieu d’exposition pour les plasticiens parce qu’il y en a aucun pour les plasticiens, sinon des ateliers privés, un lieu qui offrent des locaux de répétition, un lieu qui ait une radio associative, qui ait aussi un organe de presse et de communication. Je dirais l’équivalent dans un cadre plus populaire, de ce qu’est le théâtre municipal. Et je conclus, quand hélas!, monsieur Deleuze n'est pas là pour nous donner son point de vue - c'est dommage parce que c'est un homme de dialogue paraît-il - quand on dit cette salle sera faite dans trois ou quatre ans mais sur Mondeville, Hérouville, ce sera complètement exporté. A ce moment, j'aurais tendance à lui dire redonnons au théâtre municipal vocation originelle, une salle polyvalente, et implantons sur Hérouville, pas sur Hérouville c'est déjà fait, sur Mondeville ou Colombelle l'équivalent de ce qu'est aujourd'hui le théâtre. C'est symptomatique du désir d'isoler et de renvoyer dans les zones périphériques beaucoup de domaines qui sont d'ordre populaire et qui sont complètement déconsidérés par les pouvoirs actuels. Et l'on souhaite bien que vous, représentants d'un pouvoir potentiel à venir [ le message s'adresse à l'élu présent et à d'autres hommes politiques ], que vous ne vous contentiez pas de quelque miettes. C'est une politique beaucoup plus ambitieuse que l'on souhaite.

- On va pouvoir s'intéresser à la place de l'artiste dans un ville. Qu'a à faire un artiste dans une cité. Peut-être que des artistes veulent s'exprimer ?

- Vous parliez de choix politique mais le choix politique ne se situe pas uniquement au niveau de l'establishment et des élus. Il existe aussi dans les réactions de certains membres de ce que l'on peut appeler la communauté artistique officielle entre guillemets. Il y a un problème de mondes et de microcosmes qui ne se mélange pas. Vous semblez dire par exemple que le public des concerts rock, c'est le même public que le public des plasticiens. Ce n'est pas vrai, ce sont des mondes qui ne se rencontreront jamais. Ou alors dans une société qui n'aurait plus de classe sociale, mais je pense que l'on a deux bons siècles de lutte devant nous. Et ne croyez-vous pas qu'à l'intérieur de ce que l'on pourrait appeler l'establishment artistique, dans une ville comme Caen, perçu pour les gens qui n'en font pas partie comme une espèce de clic tournant autour des mêmes référence, des mêmes lieux et activités, n'y a-t-il pas à l'intérieur de cette communauté cette volonté de refus et de repousser des formes d'expression plus populaires. Le fait que l'on est joué qu'une partie de notre concert ne montre-t-il pas que lorsqu'il y a quelque chose à Caen, cela dérape ?

- Nous [ L'association CLAC ] sommes à l'origine de la venue du groupe "Des Claques". Il y avait par ailleurs un contrat. Le débat était l'objet central. Il était encadré par deux concerts, le premier devait débuter à 16h00 et se terminer à 17h00 pour laisser place au débat.

- Oui, mais c'est aussi quelque chose que l'on ressent en tant que caennais. C'est une ville où il ne se passe jamais rien. Parce qu'il y a une volonté d'isolationnisme de la part des tenants de cette communauté, de cette intelligentsia artistique. C'est ce que l'on ressent au niveau de l'art. L' intelligentsia artistique existe à tout niveau et cela crée des tampons qui ne sont jamais franchis. Je ne comprends pas quand on dit : " on va réconcilier l'art et la rue, on va fabriquer une culture populaire ". La culture populaire ne se fabrique pas. C'est bien là le problème.

- On touche un milieu de gens qui on une certaine sensibilité. C'est la raison d'être de ce qu'il font. Et il est certain qu'il y a plein d'artiste que nos propositions n'intéressent pas. Si l'on donne un lieu pour que des plasticiens puissent travailler. On sait très bien qu'il y en a qui ne voudront pas y aller. C'est donner une liberté de mouvement un peu plus grande que celle qui existe. C'est donner la possibilité à davantage de personnes de s'exprimer. L'important, c'est ouvrir les portes. Après, les franchis qui veut.

- Il n'y a qu'a sortir d'ici. On ne croirait jamais que l'on est dans une ville où il y a vingt huit mille étudiants. La politique mené pose un problème. Il ne faut pas être négatif. Il y a des gens qui font des choses. Il y a des patrons de troquets qui s'ouvrent aux concerts. Ce n'était pas le cas il y a dix ans. Il y a des groupes d'artistes qui s'expriment qui loue de temps en temps le sépulcre. Il y a le Mélodie Music et les studios d'enregistrement. Il y a une véritable contradiction entre une politique générale qui organise le silence, et une autre partie de la population qui se bouge.

- Le problème, c'est que les concerts dérangent les habitants du centre ville. C'est peut-être normal puisqu'ils travaillent toute la journée…

- Le problème du politique c'est "Comment on fait pour que les municipalités qui gèrent de l'argent public, les impôts, puissent accompagner non seulement les grands artistes - c'est bien qu'il y ait des gens de l'extérieur qui viennent chez nous - mais aussi les artistes d'ici pour leur permettre de créer. Il y a l'aspect création, formation. C'est vrai que Cane verse 80% de son budget dans le conservatoire, on peut imaginer une autre musique dans le conservatoire. Caen achète très cher toute une série d'œuvre pour les mettre dans les musées. Je trouve cela très beau et si on avait un pourcentage pour acheter des œuvres d'ici pour favoriser l'art ici? Il faut tout faire pour aider les gens qui pratiquent l'art ici.

- Cela fait deux discours politique que j'entends, parfois avec sympathie d'ailleurs. Ce qui assez amusant, c'est que vous poser tout en terme d'argent. C'est-à-dire qu'actuellement la situation est claire, la ville de Caen délègue aux patrons de bars, c'est-à-dire du prive, la possibilité éventuelle d'avoir un ersatz de vie culturelle. Ne s'implique pas dedans mais contrôle toujours par les moyens habituels de police. Si je suis bien ce que vous dites, à partir du moment où il y aurait de l'argent de versée, et où il y aurait un lieu de donné, tout irait bien. Je crois que le problème est plus profond que cela. Il vient de la manière dont on perçoit l'artiste. J'aimerais bien recentrer le débat. Pas forcément retourner dans des problèmes de comptes, on sait que la gestion de la ville de Caen a très bien mis l'étouffoir et qu'elle a transformé une ville avec 28 000 étudiants en une cité dortoir, maintenant, ce qu'il faut trouver c'est le moyen de s'en sortir. Et c'est pas uniquement une salle, un endroit et de la tune qui va changer quoi que ce soit. C'est une implication différente qu'il faudrait.

- Moi, je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas parlé de la tune puisque justement j'ai parlé de ce qui faisait quelque chose. Pour moi l'art, c'est à partir du moment où tu donnes à celui qui regarde, qui écoute, etc., des moyens de penser différemment après qu'avant. Dons l'art est toujours du côté de la révolution. Dès que les gens se remuent c'est bien. Sinon c'est pas de l'art, c'est du show-biz. C'est effectivement une question de mentalité qu'il faut changer. Un des principaux éléments qui favorisera le développement de l'art, c'est qu'il existe tout simplement des lieux de citoyenneté. Aujourd'hui, pour se réunir, il faut aller à Hérouville par ce qu'il n'y a pas une salle à Caen. Et il a pire que cela, même pour les artistes multimédia, il n'y a pas moyens de mettre leurs œuvres sur le site web de la mairie de Caen.

- Si je peut me permettre, des sites web gratuits qui permettent de stocker jusqu'à 80 Mo, il y en a beaucoup. Donc, ce n'est peut être pas un problème.

- Gratuit mais privé. Et ces boîtes gagnent de l'argent sur le dos des artistes qui travaillent gratuitement. Une municipalité, c'est de l'argent public qui doit servir à la liberté des acteurs sociaux de la ville.

- Encore une fois, le gros mot est lâché. Moi, en tant qu'artiste, je ne veux pas d'argent, je veux du temps, je veux éventuellement des lieux. Donnez moi un endroit où caser mon bordel [ son matériel, batterie, etc. ] et ça ira. Tout les artistes vous le diront. Laisser moi un endroit pour montrer mon œuvre. Et surtout ne nous foutez pas les bâtons dans les roues. Ne nous donnez pas cinq mille ou deux mille francs, de toute façon, c'est de la crotte. Donner nous juste un moyen d'exister.

- Le rôle du politique, ce n'est surtout pas de juger le contenu.

- Qu'est-ce qu'un artiste, et quel est son rôle dans une cité? Comment est-ce que l'on doit le considérer? Est-ce que tout le monde n'est pas un peu artiste ?

- A la question " Quelle est la place de l'artiste dans la cité ", j'ai envie de poser la question " Quelle est la place des non-artistes dans la cité ". Puisqu'à vrai dire, si on regarde un cité. Qu'est-ce que c'est ? C'est un ensemble d'individus qui vont essayer de faire progresser un collectif. Et comment est-ce que les gens progressent. Cela peut-être les scientifiques, les artistes, les penseurs et les philosophes en général. Tous les autres ne font qu'assurer la logistique et la maintenance. Le débat tel qu'il est posé "Quel est la place de l'artiste dans la cité", on a l'impression que c'est quelque chose d'extérieur à la cité. Alors que je dirais que l'artiste est une des composantes essentielles de la cité, même primordiales et constitutives.

- De quels artistes parlez vous?

- Les artistes en général. Ceux qui passent leur temps à des choses qui semblent inutiles au sens où elles ne sont pas forcément, elles ne se traduisent pas forcément par des rentabilités, ou des actions immédiates dans la vie économique. Mais les gens qui ont une activité économique traditionnelle ne font qu'assurer la logistique de derrière de tous ces gens qui eux font avancer les choses.

- Ta réflexion, c'est pourquoi se poser une telle question puisque l'artiste a forcément une place dans la société. Si on se la pose, c'est justement parce qu'il y a une catégorie d'artistes dont on a l'impression que la collectivité urbaine ne lui donne pas la place qu'il pourrait revendiquer comme membre actif et créatif de la communauté.

- Alors justement, est-ce que ce n'est pas une réflexion plus globale sur la façon dont on perçoit notre société qui arrive à un terme d'une activité économique débordante, où tout est économie et devenu réflexion par rapport au travail des gens sans se poser la question à quoi tout cela sert.

- Si on globalise, on sort de l'action municipale.

- Parlons d'une action concrète, celle du 120 , ceux qui ont participé à cette entreprise pour revendiquer des lieux, lieux de répétition, de création et d'expression. Pour l'instant, il n'y pas de réponse à cela. Ce squat c'était dire : voyez pour travailler, on a besoin de lieux.

- Je crois pourtant que le problème es petit peu plus vaste sue le sphère municipale. La place de l'artiste se voit actuellement en terme de rentabilité. Les artistes nationaux, on ne se demande pas quel est leur potentiel artistique. On se demande surtout quel est leur potentiel en terme de vente. Depuis une vingtaine d'années, on a inventé tout un tas de hit-parade pour mesurer les capacités de vente de disques qui ont à priori rien à voir avec la capacité artistique. Je crois qu'actuellement les pouvoirs politiques et économiques regardent surtout l'artiste en tant que producteur d'œuvre et pas en tant qu'artiste. Et c'est peut-être aussi pour cela qu'il y en a qui sont reconnus parce qu'ils produisent et qu'on leur ouvrent les portes du Zénith parce qu'ils ont 6000 personnes assurées. Dons forcément ils vont avoir une salle de répétition, ils vont avoir une logistique. Et puis, il y en a qui se démènent, qui n'ont pas forcément une capacité artistique moindre mais clairement vendent moins. Je crois que le problème de l'artiste actuellement ce n'est pas la vision de tel ou tel style académique ou non. C'est le problème de la rentabilité.

- Le débat semble faire émerger une contradiction entre créateur et consommateur. On pourrait approfondir puisque l'organisation d'une cité et de notre société est plutôt axée sur la consommation. Pourquoi ne pourrait-on pas vivre dans une société de création ?

- Je ne crois pas qu'il faille enfermer le débat dans une problématique municipale. Certes, des initiatives et des soutien doivent avoir lieu ici mais il ne faut pas cloisonner. Parce que des initiatives dans d'autres villes trouvent leur soutien et leur complément à d'autres niveaux des collectivités locales. Je pense aux Conseils Généraux, aux Conseils Régionaux, et à l'État via les DRAC. Mais évidemment il faut une initiative première. Je voudrais revenir sur l'idée de la sectorisation culturelle. Et je crois que cette logique là a épuisé sa dynamique. La problématique de ceux qui se sont emparés du 120 m'intéressait en tant qu'élu. La municipalité n'a pas compris ou n'a pas voulu comprendre les enjeux. Derrière le lieux lui-même, l'intérêt de mutualiser des formes d'art qui de façon général sont assez cloisonnées. Pour résumer, la vision de la ville, c'est une vision très patrimoniale des choses en général. On pourrait ceci dit très bien imaginer des quotas pour les achats des œuvres des artistes locaux. Mais c'est une vision très patrimoniale, c'est-à-dire que l'on donne la chance aux artistes déjà reconnus. Cette non-prise de risque, c'est tout le problème. Il y a des responsabilités politiques mais cela ne résume pas tout. Je crois qu'il y a aussi une certaine intelligentsia qui ne voit pas tout d'un bon œil. Je suis en tant qu'élu plus approprié à vous parler d'un cas au niveau de l'insertion des bénéficiaires du RMI. On s'était aperçu qu'un certains nombres de ces personnes n'arrivaient pas à s'insérer dans une logique marchande classique. Il a été mis en place une action de formation pour essayé de faire éclore des talents artistiques et on s'est aperçu que le social pouvait trouver une place dans la société par cette compétence artistique refoulée. "La place de l'artiste dans la ville", cela dépend de quoi l'on parle. Il y a différents niveaux d'implication, et d'engagement artistique. Il y a ceux qui veulent faire cela à plein temps et en vivre et ceux qui veulent faire cela de temps en temps. En ce qui concerne les lieux. Je crois qu'il y a en partie une question d'argent. Et ces lieux ne sont pas obligés d'être neufs,…

- Mais pourquoi? Pourquoi ne pas imaginer un lieu polyvalent dans le centre. L'argument inverse tendrait à faire penser en terme d'agglomération, d'élargissement des champs des activités. Je signalerais que le seul lieu qui existe est à Hérouville. Le seul centre actif et attractif en centre ville de Caen, c'est le théâtre et tout ce qui gravite autour. Pourquoi ne pas imaginer ce lieu dans la zone portuaire où il y a toute une zone de terrains probablement vouées à une opération immobilière? Notre souhait est de consacrer une surface qui ne soit pas voués à une rentabilité particulière mais diffuseur et un lieu de travail de cette culture qui concerne le centre. Quelle est la raison fondamentale pour laquelle il y a des réticences.

- Je rappellerais que la ZAC Gardin ( située entre l'ancien et le nouveau palais de justice à Caen ) aurait pu être une zone artistique comme il avait été soulevé. C'est à mon avis une ZAC tout à fait ratée. Caen n'a pas trouvé sa spécialité. Il y a encore des zones à exploiter.

- On va peut-être pouvoir s'intéresser à l'artiste. Avons-nous vraiment le temps de faire des activités artistiques? Est-ce que ce n'est pas un des grands objets de la société. Ne devrait-on pas développer plus que cela les activités artistiques ?

- Il existe à Caen des bars qui devraient être en théorie des lieux de diffusion. Ce qui se passe, c'est que lorsque la musique est trop forte, les voisins appellent la police, qui arrive par ailleurs avec une rapidité assez étonnante, et interrompt le concert. Cela relève d'une politique, plus d'un bâtiment. Je trouve cela aberrant. Il y a des choses à faire qui ne coûtent rien et qui permettrait le développement de la culture qui serait favorable à tous les groupes, notamment les groupes punk ou de métal que l'on entend pas du tout à Caen.

- Je suis nouvelle à Caen et je n'ai pas d'idées sur les moyens de financement. Je pense que la municipalité devrait chercher les moyens pour donner l'égalité des chances au niveau de la publicité déjà. Aider les artistes en faisant la même publicité qu'au grands pontes qui viennent sur Caen et puis par exemple pour le théâtre donner la place aux personnes qui ne sont pas connues. Il ne faut pas prendre que des personnes connues dans les sens de la rentabilité. Parce que là, on peut donner une chance aux artistes. Et pour savoir quelle est la personne ou le groupe qui va passer, on peut faire des pétitions ou faire en sorte que les personnes intéressés pour se produire au théâtre votent entre elles. Je pense que la municipalité peut faire des choses dans ce sens là. Surtout au niveau de la publicité. Quand je vois de grands artistes archi-connus qui n'en on absolument pas besoin…

- On a trois bars présents ici qui font de temps en temps des activités. On accueille deux types d'artistes : ceux qui veulent gagner de l'argent et ceux qui veulent tout simplement s'exprimer. Pour ceux qui veulent gagner de l'argent, il y a ceux qui sont intermittents du spectacle. Si on veut déclarer un intermittent du spectacle, cela nous coûte le double voire le triple. Un endroit comme "Les Copains d'Abord", puisque je tiens ce bar, ne peut pas brasser énormément de gens. Dons il faut en vendre énormément des bières pour payer le cachet des artistes qui leur sert à être déclaré et à avoir leur statut. Avec ceux qui ne demandent rien, je leur paye les bières et puis tout le monde trouve son compte. Maintenant, si je n'arrête pas mon concert à 22h00, tout de suite j'ai la police. Et de plus en plus, s'il y a du monde devant, concentration de personnes, cela gêne. C'est pas l'art qui gêne, c'est la concentration de personnes, c'est les jeunes qui gênent. Evidemment vingt personnes, cinquante personnes, quand cela parle, ça fait du bruit. Mais on n'y peut rien. Le problème, c'est la mentalité des riverains, de ceux qui vivent en centre ville. On apa s trop de débordements, on essaye de faire taire le plus possible et ça se passe bien pour l'instant. Mais on a eu beaucoup de problème. Maintenant, quand il y a quarante personnes qui sont en terrasse, obligatoirement cela fait du bruit. Sans parler de concert.

- J'ai eu plusieurs appels du pied avec l'histoire du 120. J'ai un peu de mal à intervenir dans le débat parce que je trouve qu'il y a comme une façon de parler de la culture qui englobe l'ensemble des thèmes et l'ensemble des sujets. J'ai retenu deux thèmes : les problèmes de lieux de pratique et ceux des lieux de diffusion. Si on essaie d'apporter des réponses globales à l'échelle municipale, on stigmatise la municipalité qui effectivement a une espèce de main mise sur la culture. C'est aussi facile de la stigmatiser. N'oublions pas que la culture ne se fait pas toute seule. Que derrière il y a l'État, la région, et la municipalité. C'est pas parce que la municipalité change que la politique culturelle va changer. Pour moi, lieux de pratique et lieux de diffusion sont différents. Les pratiques culturelles n'ont pas être jugés par les politiques. Elles sont simplement là. On sa dit que toute pratique artistique et culturelle favorise une intégration, un rapport à l'autre. Moi, en tant que représentant de la force publique, je me dois de l'accompagner de l'encourager sans ségrégation. C'est vrai que qu'aujourd'hui il y a beaucoup de ségrégation. Et c'est vrai que la concentration de fonds comme de conservatoire de Caen pose problème au niveau de l'information comme au niveau des lieux de pratique. Maintenant en ce qui concerne les lieux de diffusion. Ne stigmatisons pas les bars. Dans les bars, il y a des gens qui veulent faire des choses mais il y a aussi de sacrés connards qi ne respectent pas les artistes. Il y a le bars qui fait appel à l'artiste pour faire son plein de vente de bière et qui ne respecte pas l'artiste. Et puis il y a le patron de bar qui aiment la musique et qui fait venir les artistes de façon gratuite. Il y a une demande de premier lieu de rencontre avec le public. C'est là qu'il y a des choses à faire. On a souvent tendance à se dire : attention, si on verse des fonds pour la culture dans le public, il faut que ce soit légitime. On ne se pose pas ce problème dans le privé. On met des milliards de francs dans l'agriculture, dans l'énergie atomique, c'est bien du fond public. Si la municiaplité pouvait se dire : dans tel type de bar, qui constitue un réseau de première diffusion pour les artistes, à tel endroit, parce que l'isolation est respecté, parce qu'il ya assez de chiottes; parce que'il ya des cachets qui sont reversés aux artistes, etc., je epux aider ce abr à développer sona citvité. En ce qui concerne le 120, c'est vrai que cela a été une très belle aventure, et j'espère que l'on va pouvoir déboucher sur quelque chose d'intéressant, mais on a eu de grosses engueulades sur le site, sur l'Artiste avec un grand A. Il y a rien de mieux que de s'autoproclamer artiste. Comme si à partir du moment où on était artiste, on était en droit de demander des fonds publics. Et bien non, c'est à partir du moment où l'on pratique. On ne s'autoproclame pas artiste. La seule auto-proclamation qui puisse exister, c'est celle du rapport avec le public. Il ya le canal économique. Entre Patricia Kass et Jacques Brel il y a une différence; qui ne se fait pas par rapport à la quantité de public. Il avait autant d'audience l'un que l'autre. On peut très bien faire 5000 personnes et être génial. On peut faire dix personnes et être mauvais comme génial. Faisons attention à l'auto-proclamation de l'artiste.

- Il y a une sérieuse différence entre le statut amateur et le statut professionnel. Professionnel et amateur, les deux ont besoin de lieux pour s'exprimer. Il ne faut pas favoriser les gens qui veulent en faire leur métier.

- S'autoproclamer, cela n'existe pas. C'est la reconnaissance par rapport au public.

[problème d'enregistrement, fin du débat non transcriptible.]

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