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Compte-rendu synthétique par Laurent WatrinCafé Citoyen de Metz (19/09/2009)

Animateur du débat : Laurent Watrin

» Politique et Société

A-t-on besoin d'une utopie pour sortir de la crise ?

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Café citoyen – Metz - Samedi 19 septembre 2009

« Faut-il une utopie pour sortir de la crise ? » (animation : Danièle Noël)

Ce café citoyen s’est déroulé en date du premier anniversaire de la crise qui frappe le monde économique et financier.

Si cette crise semble légèrement fléchir, une récente étude de Viavoice a montré que 91% des français considèrent que peu de choses ont changé et qu’une crise d’une grande ampleur pourra toujours se reproduire.
Un sondage qui laisse entrevoir un pessimisme marqué ou une grande lucidité quant à l’avenir qui nous attend.

Dans un tel contexte, la question de notre débat pouvait paraître saugrenue voire irréaliste ; certains participants reconnaissant par ailleurs ne pas comprendre comment une utopie, telle une chimère, pourrait aider à sortir notre société d’une impasse économique et financière.

Une première approche sémantique du terme « utopie » a permis à chacun d’en donner sa définition.

D’origine latine, « utopia », à partir du grec « ou » (non) et « topos » (la
région, le lieu), l’utopie est le plus souvent perçue comme une île située en aucun lieu. Paradoxalement, Oscar Wilde aimait à rappeler que « aucune carte au monde n’est digne d’un regard, si le pays de l’utopie n’y figure pas ».
Pour l’un des participants, l’acception que lui accordait Thomas More en 1516 n’avait raison d’exister que parce que la notion de propriété n’existait pas. Or, cette notion, actuellement, est indissociable des règles imposées par la société capitaliste.

La question du débat est alors posée de savoir si ces deux thèmes, utopie et capitalisme, sont définitivement hétérogènes, ou peuvent néanmoins se retrouver dans une nouvelle conception de la société.

Il apparaît pour certains participants, que la crise du capitalisme actuel est antérieure à l’effondrement récent de la finance internationale. Les crises économiques traversant régulièrement le temps, tous les 30 et 7 ans, elles participent à réguler le système capitaliste, tout en le maintenant. Le capitalisme, perçu comme le véritable outil du libéralisme, sert à faire évoluer la société « normalement », à progresser même si l’on s’accorde à reconnaître qu’il est amoral.

D'après l'un des intervenants, l’homme se définit essentiellement et originellement par la cupidité. Il est illusoire de l’en changer. La société elle-même ne peut apporter qu’une vision cartésienne qui se particularise d’un côté par la raison et de l’autre par la cupidité.
En outre, la société de consommation dans laquelle le capitalisme s’auto génère, est un fait consenti et accepté de tous. Ainsi, le salarié qui se prétend exploité est néanmoins consentant face à un tel circuit : il achète, consomme les biens produits par le capitalisme et se rend ainsi complice du système.

Donc, selon un certain point de vue, le capitalisme ne conduit pas à l’oppression ni à la soumission ; il répond tout simplement à des règles économiques librement consenties et desquelles chacun tire profits ou avantages.

Cette conception est nuancée par une participante qui entend mettre en évidence le décalage entre la vision macro-économique et micro-économique du système. Fonctionnaire en retraite, cette personne ajoute en outre que si ses indemnités ne lui accordent pas le pouvoir d’achat qu’elle escomptait, elle assure néanmoins pouvoir parvenir à combler ses attentes ; tout étant, selon elle, fonction des objectifs personnels de chacun, de ses prétentions ou de ses aspirations. L’épanouissement de chaque individu, perçu parfois comme une utopie dans une période de crise et dans une société capitaliste, serait donc lié aux besoins personnels que l’on se créés et à la définition de ce qui apparaît comme étant du registre du nécessaire ou du superflu.

Cette réflexion amène à débattre sur la question de savoir si le capitalisme lui même n’est pas une utopie. Une utopie qui ne veut pas dire son nom ?
L’un des participants tend à nous prouver que concilier l’économie et la société peut être un des paris sur l’avenir, ainsi que l’a été l’écologie il y a quelques années. Ainsi cite-il l’exemple d’une collectivité dite utopiste, qui prend un essor notable en Floride, aux Etats-Unis et qui se nomme « Zeitgeist ». Cette collectivité appelle les citoyens à se séparer des idéaux oppressants et à aller vers un système conçu pour faire vivre les êtres humains... et non plus les forcer à s'affronter pour survivre.

Selon lui, l’échec du capitalisme financiarisé et la mise en cause des politiques individualistes sont indéniables. Mais le consommateur n’est pas vraiment consentant dans ce système ; il est conditionné par le système. Pour définir cette notion, il utilise le terme de « consoumission » qui expliquerait le réflexe de consommation et l’annihilation des citoyens face à la fièvre consumériste.
Un conditionnement d’autant plus fort si l’on s’accorde à reconnaître l’existence de cercles d’influence clandestins qui gèrent réellement la destinée de notre planète. Reprenant les conceptions de « Zeitgeist », le monde serait donc actuellement dirigé par un petit groupe d'hommes dominant ayant les postes les plus élevés des institutions les plus importantes dans la société : les Affaires et la Finance. La mise en place d'un gouvernement est en tandem avec l'influence et le pouvoir des sociétés et des banques. Le sang de la vie est l'argent, ce qui est, en fait, une illusion qui a désormais peu de pertinence pour la société et qui sert d'outil à la manipulation et la division associé à une sorte d'organisation sociale qui garantit l'élitisme, le crime, la guerre et la stratification (division) sociale.

Si cette approche –perçue comme excessive- a pu être contestée par l’assistance, nombreux ont été ceux qui ont reconnu une certaine forme de conditionnement par les médias.
Les médias, qui, de plus en plus, empêchent la pertinence individuelle et étouffent même d’immenses potentiels humains, d’observation, d’analyse et de réflexion.

De la crise, aux médias, à la politique, il n’y a qu’un pas…
Si certains intervenants dénoncent la complicité des politiques face à la crise, bien trop occupés à leurs yeux par leurs ambitions personnelles purement égocentriques, d’autres soutiennent que l’utopie est la quête du sens en politique : sans elle, le champ politique s’apparenterait à une jungle.

Il est indéniable que le capitalisme, prôné par une majorité d’hommes politiques, est un élément moteur de notre système économique. Mais ses failles, puisqu’il en est, peuvent aider à mieux comprendre les mécanismes et à en tirer les implications.
Dès lors, la quête de cette utopie peut passer par le dialogue en politique et l’échange d’idées. Un échange novateur qui pourrait conduire à s’orienter vers un nouveau modèle de société.
Si le dialogue et la compréhension restent encore aléatoires en politique, ou difficiles (l’illustration en étant faite à propos du référendum européen), ils pourraient être la clé permettant d’instaurer un nouvel état d’esprit et une nouvelle réalité.
Cette réalité servirait l’Homme et tendrait à le replacer au cœur de la réflexion.
Ainsi, l’utopie laisse place à (ou fait naître) certaines propositions concrètes, fondées sur des principes économiques. L’exemple nous est cité du Revenu d’Existence ; une des rares propositions qui puissent assurer la coexistence des deux systèmes, économique et social. Ce Revenu d’Existence projette de verser un revenu inconditionnellement, c'est à dire sans justification de ressources, à tout individu, de sa naissance à sa mort, du seul fait qu'il existe.
Il concrétise de par sa nature, à la reconnaissance de l’appartenance à la collectivité, facteur d'intégration et de paix sociale. Il exprime la reconnaissance de la dignité de toute personne et concrétise son appartenance à la communauté humaine.

Repenser l’économie et le système financier n’est pas l’unique quête pour gérer la crise. Selon certains, une autre manière de concevoir nos institutions éducatives et nos idéaux s’avèrent nécessaires.
L’évolution de notre société a drainé des carences telles que la transmission des valeurs et des connaissances est remise en cause. Base de notre culture autrefois, elle devient quasi illusoire ; la dégradation de l’enseignement et les déficiences culturelles de la nouvelle génération en sont les signes marquants.
Serait-ce donc utopique de retrouver ces valeurs délaissées ou négligées ?

Le cours de l’Histoire nous a démontré que l’utopie pouvait revêtir divers aspects : des valeurs chrétiennes contredites par les croisades, à la philosophie des lumières, les dogmes se sont effrités. Les périodes historiques intenses, muées par des volontés de changement, parfois utopiques, ont souvent expliqué la naissance du totalitarisme.
Les utopies se sont alors enchaînées avec des contre-utopies, qui ont conduit l’Histoire à des désastres et à des barbaries modernes. Et le rêve d’une société meilleure a déconstruit les illusions de progrès.
Un des participants au débat a procédé à la lecture d’un passage d’un écrit de Gorki qui illustrait parfaitement ces propos.

Alors, même si l’utopie a pu pousser les peuples vers un avenir différent, on peut s’interroger de savoir s’il n’est pas désormais temps de changer ce terme par celui de « Raison » ?
La Raison qui nous fera découvrir ou redécouvrir le sens des valeurs, de la recherche, de la culture et de notre patrimoine ?
De nombreuses interventions recoupant ce qui précède ont été émises par les participants. Toutefois, le débat -pourtant très animé et nourri- reste ouvert…
Merci à chacun d’avoir enrichi ces échanges !
Comme à l’accoutumée et selon l’un des principes du café citoyen, les sujets de débat ont été soumis par les participants (le sujet qui obtient le plus de voix est retenu comme thème du prochain débat).
Prochain café citoyen à Metz : samedi 17 octobre 2009 à 15h, au café Jehanne d’Arc, sur le thème : « Vers une école de la citoyenneté ? »
Ce sujet a été voté par 11 voix (sur 23)
Autre sujets proposés :
Vaut-il mieux changer ses désirs que l’ordre établi? (4 voix)
Et l’Europe ? Et la Grande Région ? (5)
Demain, tous entrepreneurs ? (3)

(Synthèse rédigée par Danièle Noël le 29/09/09)

Interventions

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jean-luc treilhou

jeudi 13 août 2009 16:32:44 +00:00

J ai la faiblesse de penser que les puissances financieres qui nous ont plongés dans cette crise vont nous en faire sortir, par le rachat massif d actions qui fera remonter les cours de bourse, ce sera d ailleurs tout benef pour elles....Les entreprises seront alors en meilleure santé financière et pourront faire redémarrer l activité économique (commandes, embauches....)
Salutations à Pierre et Laurent et bravo d'avoir poursuivi les cafes citoyens à Metz

Mhoussaye

Marc Houssaye

samedi 05 septembre 2009 20:53:19 +00:00

Je ne pense pas que nous ayons besoin d'espoir pour sortir de l'impasse dans laquelle la société nous a plongé. Pour sortir de la crise, qui est bien plus qu'économique et financière, il faut une farouche envie de liberté. Et l'envie de casser ses chaînes vient avant la volonté de vouloir s'en fabriquer d'autres. Quand bien même les nouvelles s'établiraient selon d'autres modèles. Pour sortir de la crise, nous avons besoin qu'elle s'exprime pleinement. Qu'elle ne suscite aucun espoir. « Je te désapprendrai à espérer, pour apprendre à vouloir » écrivait Sénèque.

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