“Le comptoir d'un café est le parlement du peuple.”

Honoré de Balzac (1799 - 1850)

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Compte-rendu synthétique par Marc HoussayeCafé Citoyen de Caen (09/01/2010)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Démocratie et Citoyenneté

Qu'est-ce qu'une identité nationale ?

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S'interroger sur l'identité nationale, c'est dans un premier temps chercher à définir ce qu'est une nation. Entreprise bien difficile que les citoyens présents ont mené avec sérénité. Tout d'abord, la nation n'est pas forcément liée à un territoire avec des limites géographiques précises. Pour s'en convaincre, il suffit d'évoquer les peuples nomades constitués parfois en nations. Certains intervenants, en prenant l'exemple suisse, soutiennent que la langue ne fait même pas partie de l'identité d'une nation. Nous nous apercevons très vite qu'il est difficile de cerner les constituantes d'une nation.

En France, l'identité nationale s'est cristallisée pendant la Révolution Française alors même que les révolutionnaires font émerger une nouvelle ère d'exercice du pouvoir, celle de la République. De puissants symboles soudent alors le peuple. à commencer par la devise républicaine « Liberté Égalité Fraternité », formulée en 1790 par Maximilien de Robespierre. Le drapeau tricolore bleu blanc rouge, dessiné par Jacques Louis David en 1794, est également emblématique de la nation. La Marseillaise, écrite par Rouget de Lisle en 1795, est l'hymne qui tisse et raffermit les liens entre les membres de la jeune république. En ces temps de combats pour des idéaux (« La liberté ou la mort » pouvait-on entendre dans la rue), nul doute que le sentiment d'appartenance à la nation était bel et bien vivant chez ces citoyens de la première heure.

Ce n'est pour autant qu'à partir du XVIIème siècle que les philosophes associent la nation au peuple, s'opposant ainsi à la conception aristocratique de la nation (« droit du sang » de la noblesse). L'identité nationale française s'est ainsi préalablement façonnée grâce à l'apport de nombreuses cultures : celte, gauloise, grecque, romaine... N'oublions pas que la morale chrétienne joue un rôle prépondérant pendant des siècles. Jusqu'à ce que la République impose la laïcité comme conscience morale commune.

Mais pourquoi, aujourd'hui, nous interrogeons-nous sur ce que signifie une identité nationale ? Serait-ce parce que nous ne la ressentons plus ? Vivons-nous une crise d'identité ? Certainement. Car de nombreux épisodes politiques, économiques et sociaux ont contribué à effilocher notre rapport à la nation. A commencer par le fait, souligne-t-on, d'avoir abandonner pendant des décennies l'usage des symboles nationaux aux partis politiques xénophobes et racistes. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette réappropration par les Républicains des symboles et emblèmes qui ont fondé notre nation. Parallèlement, la construction de l'Europe a aussi contribué, pour plusieurs raisons, à fragiliser notre rapport à la nation. En substituant d'abord une technocratie bureaucratique à la souveraineté populaire, que cette dernière soit d'ailleurs nationale ou européenne. Ce sentiment de déficit démocratique lié à la construction européenne s'est manifesté lors du référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Enfin, le communautarisme participe également à l'effritement de l'identité nationale.

Cette crise identitaire de la nation est accentuée par les nombreux outils de communication, et notamment Internet, qui nous permettent aujourd'hui de connaître ce qui se passe partout dans le monde. « Le village devient planétaire » rappelle-t-on dans la salle. D'autant que les frontières géographiques, sont de plus en plus floues. Le tout récent espace Schengen par exemple a contribué à anéantir les limites nationales. Être informé instantanément des évènements qui se déroulent dans le monde entier, voyager facilement aux quatre coins de la planète, tout cela facilite-t-il la construction de notre citoyenneté ? Peut-être. Peut-être pas. Toujours est-il que notre rapport aux groupes se trouve complexifié. Chose étonnante lorsque encore aujourd'hui on naît, vit et meurt dans un espace géographique finalement très restreint.

Une citoyenne pense que le débat sur l'identité nationale serait à poser à chaque génération. Pour réaffirmer les valeurs que nous voulons partager ensemble. On peut se demander aussi si ce débat n'est pas le fruit d'une nostalgie, un spectre issu d'un passé glorieux mais révolu. Car se sentir appartenir à un corps social, avoir envie de vivre ensemble, partager des valeurs communes, tout ceci est finalement conditionné par un projet de société. A l'aube de la Révolution Française, l'ambition ne manquait pas. Les idées non plus. Le courage encore moins. Malheureusement, de nos jours, les politiques ne savent plus rassembler. Ni même favoriser l'émergence de projets collectifs, dépassant les clivages. Il faut dire que la tâche n'est pas aisée, le citoyen s'est aussi endormi dans un confort plus ou moins individualiste. Plus ou moins car chacun appartient tout de même à une ou plusieurs communautés. Cette liberté de choisir ses communautés n'a peut-être d'ailleurs jamais été aussi importante de nos jours.

Chacun de nous intériorise des repères identitaires. Force est de constater que la présence quotidienne de repères identitaires commerciaux, sportifs, religieux, ont dominé les repères d'appartenance à la nation. Si l'on se réfère aux États-Unis, on peut s'apercevoir que le sentiment patriotique est toujours très présent. Avoir un voire plusieurs drapeaux chez soi est la règle.

L'immigration rend-il plus difficile la constitution de ce sentiment d'appartenance à une même communauté nationale ? Pour quelques-uns, tout dépend de l'ampleur des vagues migratoires. Car plusieurs aspects de l'immigration d'aujourd'hui rendent peut-être plus délicate la construction d'une identité commune. D'abord parce que la dimension religieuse des populations immigrées est plus affirmée que par le passé. La pratique de la religion dans l'espace public se heurte au principe de laïcité. Le port de la burqa par exemple. Mais aussi la volonté chez certains de supplanter la loi républicaine par leurs préceptes religieux. Cette remise en cause des fondements de la République questionnent les plus tolérants d'entre-nous. Ensuite parce que les rapports que nous avons entretenu et que nous entretenons encore avec les peuples issus des ex-colonies françaises brouillent l'établissement de relations foncièrement sincères et égalitaires.

N'empêche, cet ouvrage nécessite certainement du temps et de la pédagogie. Comment pourrions-nous exiger à des personnes d'accepter en quelques années ce que nous avons mis des dizaines d'années voire des siècles à intégrer ? Lorsqu'une nation est multiculturelle, le problème politique est de savoir si la diversité culturelle, en termes de religion, de différences sociales, est susceptible d'être transcendée par un projet commun. L'essentiel est peut-être alors de cultiver cet élan vers un avenir collectif. Inviter tous les hommes, de toutes cultures, de toutes conditions, à pratiquer régulièrement l'exercice de la citoyenneté. Sans oublier de défendre les principes républicains. C'est pourquoi, ouvrir nos pratiques démocratiques à un maximum de gens peut s'apparenter à une forme de transmission de valeurs. On parle évidemment de la pratique régulière du débat. On évoque également le droit de vote des résidents étrangers aux élections régionales et locales. On rappelle enfin que l'École doit être un outil intégrateur permettant de cultiver la tolérance mutuelle.

Nous vivons sans nul doute une ère de transition. Car la vision que nous avons de l'État a considérablement évolué. Nombres d'instances, notamment économiques et financières, méprisent les loi nationales. Et le monde est peut-être encore trop vaste, tout du moins trop hétérogène, pour que l'on s'identifie à une nation plus importante que celle que nous avons auparavant construite. Qui plus est dans le sang et le sacrifice. La tentation est grande de vouloir figer l'identité nationale. De replier sur eux-mêmes les peuples. Espérons que ces crispations ne seront que passagères. Pour ouvrir de nouvelles perspectives au concept de nation. Et pourquoi pas de citoyenneté.

Thèmes pour le prochain Café Citoyen :
1 – Comment la société définit-elle ses valeurs ? 10 puis 5 voix
2 – Peut-il y avoir un abus du principe de précaution ? 6 voix
3 – Le processus d'intégration est-il en panne ? 10 puis 4 voix
4 – La morale peut-elle revenir en politique ? 9 voix
5 – Comment penser l'urbanisme de demain ? 3 voix
6 – Qu'en est-il de l'égalité parentale ? 10 puis 8 voix
7 – La citoyenneté se limite-t-elle à la nation ? 1 voix
8 – A quoi servent les partis politiques ? 10 puis 5 voix
9 – Artistes et société : quelles responsabilités ? 10 puis 4 voix

Prochain Café Citoyen le 23 janvier 2010 : Qu'en est-il de l'égalité parentale ?

Interventions

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Jerzy Karczmarczuk

dimanche 13 décembre 2009 17:34:05 +00:00

En suivant la discussion sur l'I.N. à la télévision et la presse, pleine d'agressivité et de positions politiques partisanes, je suis un peu pessimiste concernant la possibilité d'aborder ce sujet de manière constructive.
Je souhaterais, à ce que ceux qui se prononcent, possèdent un minimum de conscience historique à l'échelle du continent, et au-dela. Si - comme d'habitude - on reste coincé dans la perspective franco-française, si on analyse le problème sans connaître comment les autres le perçoivent, la discussion se transformera en caricature, qui pollue déjà la vie politique et journalistique.

Je dis cela du point de vue de resortissant d'un pays qui a été effacé de la carte d'Europe pendant plus d'un siècle, et qui s'est re-assemblé après la 1ère Guerre Mondiale grâce au sentiment d'identité, toujours vivant dans des fragments dispersés.
Cordialement, JK.

Mhoussaye

Marc Houssaye

dimanche 13 décembre 2009 18:43:36 +00:00

La nation, ce n'est pas l'État. Pas seulement en tout cas. A mon sens, la nation c'est avant tout la volonté d'un peuple de vivre ensemble, de fonder une société, d'édicter et de respecter des lois communes. L'identité nationale repose sur la volonté générale du citoyen.

En fait, dans la notion d'"identité nationale", le terme "identité" est peut-être plus important que celui de "nationale". Tant le terme de nation est très flou. Notion facile à oublier car intimement liée à un vécu difficilement traduisible et explicable par les mots. Notion malheureusement parfois utilisée pour justifier des guerres contre de soi-disant ennemis extérieurs ou intérieurs à la nation.

Il faudra certainement nous interroger sur la question de l'identité, de notre rapport au monde, de nos rapports avec nos concitoyens.

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Fabrice MOLLIEX

lundi 21 décembre 2009 12:33:34 +00:00

merci pour votre salutaire initiative.

un petit clip, comme modeste contribution, au débat :

http://www.dailymotion.com/video/x6je4_doucefrance_music?from=rss&hmz=706c61796572&hmz=706c61796572

Bonnes Fêtes à tous

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Jacques

vendredi 18 octobre 2013 12:32:30 +00:00

En 1615, l'identité nationale d'un quidam, c'était sa langue, langue qui déterminait sa socialisation, sa pensée, son métier ; tout le monde avait ou devait avoir la même religion, le même parti, le même roi, la même opinion, le même vêtement : l'individu isolé n'avait aucun droit !?!
En 2013, l'individu n'avait plus aucun devoir : on était passé d'un extrême à l'autre !?!
Les langues n'étaient point mortes : elles avaient seulement été réduites à l'état d'instrument de cohercition !?!

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