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Compte-rendu analytique par Jean-Marie SeeuwsCafé Citoyen de Caen (10/05/2008)

Animateur du débat : Marc Houssaye

» Démocratie et Citoyenneté

Vivons-nous en démocratie ou dans une dictature de l'opinion ?

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Animateur - Juste quelques petites annonces concernant le réseau, un autre café citoyen en Belgique risque de voir le jour, à Charleroi. Donc après celui d’Arlon il y en a un autre en constitution à Charleroi. La région Est, est très active à partir de Metz il y a eu Nancy, il y a eu Arlon, maintenant Charleroi, donc ça se développe assez dans la région de l’est. Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, la personne qui a proposé le thème n’est pas là, elle ne m’a même pas envoyé son texte, donc ça sera, on trouvera une punition quelconque, oui un mille mètres, c’est pour Boris donc je pense que ça sera gênant, oui il n’aime pas le sport. Tans pis on commencera sans lui. La problématique aujourd’hui c’est : sommes-nous en démocratie ou dans une dictature d’opinion ?

1 - Ça me rappelle le café philo, il y en avait un, toujours le même, qui démarrait la discussion. Déjà dans un premier temps, j’en parlai à mon voisin, quand on parle de démocratie, je dis quelle démocratie ? Est-ce la démocratie grecque, c'est-à-dire le pouvoir aux élites, ou de l’autre coté la démocratie du style la commune par exemple ? Donc ça c’est la première question. Le deuxième point, sommes-nous dans une dictature de l’opinion, se rajoute à ce moment là une autre facette, sommes-nous dans la dictature des sondages, quelles sont les relations entre sondages et opinion. Et puis dernier point, une station de radio qui s’appelle Europe 1, quand elle traite de l’actualité elle donne la libre parole aux auditeurs, c’est en fin de matinée, bien souvent le sujet est un fait d’opinion. Pour ceux qui l’écoutent je crois qu’ils ont pu l’observer. Ce que je voulais dire par là, c’est qu’on s’aperçoit que si démocratie il y a, j’ai tendance un peu à la définir comme étant une monarchie républicaine. D’un autre coté si on procède par l’observation de ce qui se passe sur notre belle planète, on s’aperçoit que ma foi notre démocratie fur-elle aussi imparfaite qu’elle soit ferait la grande satisfaction de beaucoup de nations. J’engage ainsi le débat.

Animateur - Plusieurs point ont été abordés, premièrement la question de la démocratie grecque. Dans la Grèce antique il est important de rappeler qu’il y avait l’aristocratie qui était farouchement contre la démocratie et vice et versa. En démocratie ce n’était pas les élites, l’aristocratie c’est vraiment pour les élites, le pouvoir aux meilleurs. Et puis vous avez fait un petit rappel sur la Commune, bon on parlera plutôt de république. On peut s’interroger sur la différence en démocratie et république, ce n’est pas du tout pareil, ce n’est pas du tout sur le même champ. Et puis sur les sondages, on peut s’interroger sur les sondages, qu’est-ce que vous pensez sur les sondages aujourd’hui. Il me semble que la France détient le record du nombre de sondages par jour, un record mondial, donc on peut s’interroger sur cette production.

2 - Ce qui m’a un peu surpris dans le titre est le terme : la dictature de l’opinion. Je pense que l’opinion, c’est vrai qu’actuellement, dans le système actuel on a donné beaucoup d’importance à l’opinion, plus qu’elle ne devrait en avoir et que la dictature, je ne sais pas si c’est une dictature. Par contre je pense qu’on est passé d’une démocratie représentative où les partis faisaient l’opinion, ils faisaient les gouvernements, à une démocratie d’opinion. Ce sont les médias qui font et défont. Ce matin j’écoutais un journaliste avisé, sur RTL, il disait ceci, très justement, on est en médiocratie, pardon, médiacratie. Il disait les journalistes ils lèchent, ils lâchent et ils lynchent. L’opinion est versatile, elle est servile, versatile et tyrannique. Pourquoi il faut se poser la question parce que l’opinion suit quelquefois les médias, elle est influencée par les médias, donc elle tournée dans un sens ou dans un autre. Alors il faut se poser la question d’abord parce qu’il faut plutôt avant de parler de la dictature, parler de qu’est-ce que l’opinion, premièrement qu’est-ce que l’opinion. Deuxièmement qu’est-ce qui la motive et qu’est-ce qui contribue à former l’opinion. Là il y a trois questions intéressantes et après on pourra dire est-ce que l’opinion et fiable.

Animateur - Effectivement je pense qu’on peut s’interroger sur ce qu’est une opinion. Alors une opinion, mais de quelle opinion on parle, l’opinion publique, c’est une opinion personnelle et puis l’opinion publique.

2bis - Chacun a son opinion, c’est normal, mais quand une masse d’opinions se retrouvent ensemble qu’est-ce que ça donne ?

Animateur- Qu’est-ce que c’est que l’opinion publique. Je me demande si le problème des médias ce n’est pas le problème de l’audimat qui est soumis à l’économie. Les experts qui sont souvent invités dans les débats ne sont-ils pas aussi influençables, plus ou moins corrompus, au service de l’audimat qui est au service d’une certaine économie. Je pense que le problème de l’audimat est très important et les médias influent sur l’opinion.

Animateur - Vous parlez des influences de corporation, de lobbying. On peut effectivement s’interroger avec ces paramètres là, qu’est-ce que c’est que cette opinion publique dont on nous rabâche les oreilles, comment c’est construit, on peut s’interroger d’abord étape par étape pour savoir qu’est-ce que c’est que cette entité qui a l’aire de gérer tout.

3 - Quand j’ai pris connaissance du thème et que j’ai constaté qu’il venait de Boris, je me suis demandé si c’était au premier degré qu’il fallait le prendre, ou au second degré. Boris est parfois ambigu. Mon premier réflexe a été de me dire la démocratie c’est le pouvoir du peuple, l’opinion, on peut le supposer, c’est l’opinion du peuple et en conséquence une démocratie normale suppose que le peuple ait son opinion et qu’il l’impose aux exécutifs. Donc ce premier réflexe est de dire que l’alternative posée par la question n’existe. Néanmoins si le thème a été proposé, qu’il a été choisi par une majorité c’est que cette majorité a pensé qu’il y avait un problème dans le système. Donc il faut se poser la question de savoir quel est ce problème et pourquoi ça ne fonctionne pas, en tout cas pourquoi il y a un problème. Quand on regarde l’Histoire, on constate qu’il n’y a jamais eu de période où la démocratie a été vraiment idéale, elle a toujours été plus ou moins un leurre. La voix du peuple qu’est-ce que c’est, le peuple a toujours été plus ou moins manipulé. Dés l’origine de la république donc de la démocratie, en 1789 déjà le peuple était manipulé même quelquefois acheté. Exemple entre autres les poissardes qui sont allées à Versailles en Octobre 1789 pour chercher la famille royale et l’amener à Paris, étaient en majorité des prostituées et des hommes déguisés en femme. Les prostituées n’y sont certainement pas allées gratuitement. La manipulation a toujours existé sous des formes différentes selon l’époque. Aujourd’hui je pense que le peuple est encore manipulé et que son expression n’est que l’expression d’une minorité des personnes qui forment ce peuple. Aux élections ceux qui sont choisis, ou la réponse à une question, ce n’est toujours que le choix d’une minorité. Si on met de coté ceux qui ne s’inscrivent pas sur les listes, ceux qui ne votent pas, et parmi ceux qui votent ceux qui votent toujours dans le mêle sens, le choix réel est celui d’une très faible minorité. Et puis il y a cette espèce de chimère qui consiste à essayer de faire croire que le peuple peut donner son avis sur tout, ce qui explique tous ces débats dont on parle qui concourent à cette manipulation. Ce qui pourrait être une meilleure démocratie, serait de se contenter de choisir ses élus, ses représentants, comme ça se faisait au début, éventuellement les choisir avec un programme bien ficelé. Aujourd’hui ce n’est plus du tout cela, en deux cents ans on a reconstitué une noblesse, ça ne s’appelle plus comme ça mais elle a les mêmes pouvoirs, les mêmes privilèges et elle s’enferme dans une même caste, elle a pour priorité non pas l’intérêt public mais sa priorité est de préserver ses postes. Cela explique ce qui se passe aujourd’hui, explique cette faille accentuée par une constitution hybride. La constitution de 1958 pour résumer était conçue avec un président arbitre, qui est devenu par le référendum de 1962 un président exécutif, dans les faits mais comme ça n’est pas dans le texte on a toujours cette ambigüité. On pourrait donner beaucoup d’exemple de la dérive que cette situation entraine. Pour terminer et reprendre ce que vous avez dit, démocratie, je fais partie de ceux qui considèrent qu’on n’est pas en démocratie réelle, on l’est en titre mais pas en fait. Mais est-ce qu’une démocratie réelle peut exister, point d’interrogation ?

Animateur - Alors il y a une chose qui est effectivement importante à rappeler, c’est que la démocratie est avant tout un idéal, déjà parce qu’il me semble que la meilleure définition c’est la définition de la souveraineté, donc le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple. Après une fois que c’est défini on n’a plus qu’à se débrouiller pour faire en sorte que ça marche et qu’on arrive à ce résultat. Ca a toujours été une sorte d’idéal et après la mécanique qui a entouré toutes les institutions ont essayé de mettre en place cet idéal. Ce qui serait intéressant pour revenir au débat c’est se poser la question de cette opinion publique qu’on sent émerger de différentes manières, les sondages d’opinion, les panels de citoyens, les consensus de corporation, les idées communautaires. Est-ce que c’est comme ça finalement qu’on arrive à l’intérêt général et comment l’opinion publique se fabrique. Qu’est-ce que c’est que cette opinion publique, je pense que ce serait intéressant de se pencher là-dessus pour essayer de savoir si cette opinion publique existe bien et si elle n’impose pas des choses. On ne s’est pas encore posé la question de la dictature, la dictature c’est quelque chose de bien précuit, c’est le fait que tous les pouvoirs son rassemblés en un seul camp, il n’y a pas de séparation des pouvoirs. Donc qu’est-ce que ça veut dire dictature de l’opinion publique, c’est quand même à mon avis un terme étrange.

4 - Il faut peut-être se poser la question, quand on dit qu’est-ce que l’opinion publique, j’ose dire ce qu’elle n’est pas. Une minorité agissante ce n’est pas l’opinion publique, les groupes de pression ce n’est pas l’opinion publique, la majorité silencieuse ne peut pas être l’opinion publique puisqu’elle ne s’exprime pas. Donc qu’est-ce que l’opinion publique justement ? On a parlé aussi des courants d’opinion, il ne faut pas oublier qu’il y a des courants d’opinion, il y a des courants contraires. C’est pour ça que c’est très difficile. Si on veut avoir une définition on a fait un terme abstrait qui ne veut plus rien dire. Donc il faut se dire que tout dépend des gouvernants et des électeurs, quel impact peuvent avoir tous ceux qui se prétendant être l’opinion publique sur les gouvernants et les électeurs. Quelle est la réaction vis-à-vis de ces, disons prétendues opinions publiques, quelle est la réaction des gouvernants et des électeurs. Voilà c’est une question importante.

Animateur - Avez-vous l’impression que l’opinion publique, même si on ne l’a pas encore définie, influence considérablement les décisions des acteurs politiques. Dans ce cas on pourrait dire qu’il y a une sorte de dictature de l’opinion sur les élus, mais que ça ressemblerait grosso modo à une démocratie. Avez-vous vraiment l’impression que cette opinion publique qui ressort dans les sondages etc. influence considérablement le choix des décisions des hommes politiques.

5 - C’est très embarrassant pour juger de cela parce que c’est une question vraiment très, très difficile. J’ai eu l’occasion, cette semaine, d’assister à une émission de télévision qui parlait justement des personnes qui dans les milieux du pouvoir étaient chargées de la communication. Alors c’étaient des hommes de parole qui conseillaient, par exemple le président, ou tel chef de parti, sur la manière de parler au peuple de manière à pouvoir le convaincre. Pour ça je crois qu’il y a une inter action entre les sondages d’opinion publique et la façon de s’adresser au public. Mieux on connait le public dans l’ensemble de ses conceptions, plus on peut trouver le moyen, par la ruse, à la fois par la ruse et l’intelligence, de communiquer des aspirations venant des chefs de gouvernement. Il faut dire aussi que la puissance de l’opinion publique c’est quand même une garantie, une protection pour la démocratie. C’est pour ça que j’étais mal à l’aise quand tout à l’heure on a donné une description assez noire de la dictature de l’opinion publique. Par exemple on a vu en 2002 quand il y a eu un vote qui aboutissait au fait qu’on risquait d’avoir quelqu’un que beaucoup de gens rejetaient, il y a eu des manifestations spontanées dans la rue, les gens ont exprimé leur opinion par leur présence dans les défilés. En 1968 ça a été la même chose. Donc je crois qu’il y a une interaction entre le pouvoir et le public. A l’époque il y a eu, ce qui maintenant fait beaucoup de bruit dans les médias, le rappel de 1968, des manifestations spontanées parce que probablement le pouvoir en place ne se rendait pas compte de certaines modifications qui étaient nécessaires dans les relations entre le pouvoir et ce qu’on appellerait la masse. Il faut accepter aussi même si c’est extrêmement désagréable que l’opinion publique est faite d’une masse de préjugés, de stéréotypes, l’opinion ce n’est pas un absolu, ce n’est pas une certitude comme deux et deux font quatre, encore que certains ont contesté que deux et deux ne font pas quatre, en quelque sorte des poètes mais pourquoi auraient –ils nécessairement tort ? Il n’y a pas vraiment de dictature de l’opinion publique, on pourrait arriver à cette conclusion parce que l’opinion publique se transforme en écoutant, en étant sensible à la responsabilité des hommes au pouvoir. Les hommes au pouvoir sont obligés s’ils veulent faire passer leurs idées, leurs projets, de tenir compte de l’opinion publique. Donc soyons très, très nuancés, très prudents quand on accuse l’opinion publique d’être une dictature. Je suggère à ceux que ça pourrait intéresser, d’observer la devanture de la librairie de l’université, il y a, c’et une coïncidence intéressante, un tas de bouquins exprimant les problèmes de la médiacratie, de l’opinion, du journalisme, comment on fabrique l’opinion.

Animateur - C’est vrai que ce terme d’opinion possède une forme de dimension assez péjorative notamment qu’on lui colle beaucoup de sens comme le préjugé, le sens que ce soit une pensée brute. Comment pourrait-on faire la liaison aussi avec notre exercice régulier, deux fois par mois ici, avec cet exercice démocratique qui consiste à échanger nos opinions sur un sujet donné. Mais en même temps il y a quelque chose qui se passe en plus, comment on peut décrire ce petit truc en plus qui fait qu’on ne s’intéresse pas vraiment à l’opinion de chacun d’entre nous mais en tout cas il y a quelque chose qui se construit dans le débat. Doit-on s’arrêter à l’opinion finalement pour vraiment savoir ce que les gens pensent ?

6 - Posons comme postulat que l’opinion c’est la pensée majoritaire du peuple. En prenant l’exemple de 1968 le moins qu’on puisse dire est que ce peuple est versatile. Après des semaines de mouvement quasi révolutionnaire, en tout cas de grosses manifestations très certainement justifiées par un ras le bol que tout le monde aurait ressenti, la droite au pouvoir obtenu une majorité de vote comme jamais auparavant. Donc si on dit que l’opinion c’est toujours l’expression du peuple le moins qu’on puisse dire sans entrer dans le débat sur 68 c’est que ce peuple est versatile. Autre exemple que vient de me souffler mon voisin, la peine de mort, exemple inverse, si le pouvoir de l’époque n’avait pas été au-delà de ce qui était supposé être l’opinion de la majorité, la peine de mort n’aurait pas été abolie. Et des exemples comme ça il y a en a des multitudes. Alors est-ce que pour autant l’opinion est une dictature ? J’ai dit tout à l’heure que je n’avais pas bien compris la question, par contre j’insiste sur le fait que ce peuple qui exprime son opinion l’exprime toujours avec une information incomplète pour ne pas dire tronquée, pour ne pas dire manipulée. Un exemple récent ce terme qui choque, le paquet fiscal. Est-ce que les gens savent seulement ce qu’il y a dedans, en dehors de ce que l’on dit dans la plupart des émissions. Je ne prends pas position sur le bien fondé ou non de ce paquet fiscal, simplement j’en parle parce que c’est un des domaines que j’ai la prétention de connaître, la fiscalité, c’est que ce qu’on raconte est loin d’être la vérité. On cite des chiffres, on fait des amalgames pour exciter l’opinion, si bien que l’opinion retient que le paquet fiscal c’est quinze milliards pour les riches. Il est peut-être discutable mais ce n’est pas la caricature qu’on en fait. Et en réfléchissant un peu je pourrais citer une multitude d’exemples identiques. Souvent lorsque l’on parle d’un problème que je crois connaître ou pour lesquels j’ai des documentations pour vérifier, je m’aperçois que 9 fois sur dix on nous raconte des histoires. Par conséquent je me dis que lorsqu’il s’agit de domaines, beaucoup plus nombreux, que je ne connais pas, probablement on raconte les mêmes histoires. Par conséquent cette opinion quelle valeur peut-elle avoir, à mon avis pas très importante, mais cette désinformation renforce la possibilité de la manipuler et les gens au pouvoir, la caste dont je parlais tout à l’heure se sert de cette manipulation pour ensuite se retrancher derrière cette soi-disant opinion publique. C’est peut-être pour cela que Boris a pu l’appeler dictature.

Animateur - Une question, est-ce que vous pensez que l’opinion publique est bien représentative de ce que pense la majorité des français, est-ce qu’on peut s’intéresser à sa voir comment elle est fabriquée. Notamment les sondages sur une question donnée, comment sont fabriqués les sondages et sont-ils bien représentatifs.

7 - A titre personnel et anecdotique j’ai été sollicitée il y a quelques années de cela par plusieurs instituts de sondage. J’ai du répondre à une dizaine de sondages d’opinion. A la fin ils s’intéressaient à quelle catégorie professionnelle appartient, non pas moi, mais le chef de famille. En fait tout ce que j’avais pu dire auparavant au cours du sondage, pendant un quart d’heure, je pensais que ça relatait ma position de femme citoyenne, prise en tant que telle, mais pas du tout. Si j’avais été à l’époque femme de charpentier on m’aurait casée avec les artisans, donc 35% des artisans pensent que.., si j’avais été la femme d’un avocat j’aurais été casée avec le pourcentage des avocats. Moi ça m’avait vraiment sidérée, c’était il y a une bonne dizaine d’années, j’espère que leur façon d’élaborer les sondages a changé. A l’époque j’avais été vraiment sidérée de ne pas être représentative de ce que je pensais moi en tant que personne, on me collait dans une catégorie professionnelle qui n’était pas la mienne. Le chef de famille c’était moi, mais comme j’étais seule, mais j’avais commencé à répondre aux sondages à une époque où j’étais encore mariée et donc voilà on a attribué mon opinion à celle de mon mari à l’époque. Donc ça m’a vraiment posé des questions essentielles sur la valeur des sondages qui paraissent après, quelle valeur on peut leur attribuer.

Animateur - C’est une bonne transition pour parler de la façon dont sont construits les sondages. Evidemment on ne peut pas sonder tous les français en même temps sur telle question, il y a des phénomènes de statistique qui forcément son utilisés. Après on peut s’interroger sur les critères qui permettent de caser ou de faire une extrapolation à partir d’un échantillon et de dire à partir d’un échantillon, il est probable à 85% que ce soit vraiment représentatif de ce que pensent les français. Il est quand même à noter que les exigences des règles pour établir un sondage sont de moins en moins importantes, au fil des années les exigences pour fabriquer un sondage qui soit bien représentatif, ces exigences sont tombées. Maintenant on fait des sondages par téléphone, c’est devenu le plus courant et puis il y a de moins en moins de vérification. On peut s’interroger sur la représentativité.

8 - Je reviens un petit peu sur ce qu’a dit notre voisin sur le paquet fiscal. Ca me fait rebondir sur qu’est-ce que l’opinion. Il y a une chose dont on n’a pas parlé, c’est ce qu’on appelle l’opinion permanente, il y a des permanences dans l’opinion. Par exemple ça a toujours été le cas en France, on n’aime pas les riches, ça c’est une opinion permanente. Alors posez la question, est-ce que vous pensez que le paquet fiscal est fait pour les riches, évidemment on va dire oui, puisqu’on n’aime pas les riches en permanence. Ca c’est le problème, la formulation mais parce qu’on sait, il y en a qui savent qu’il y a des permanences, il y a des opinions permanentes qui demeurent, qui perdurent. En France on est dans un pays latin, un pays judéo-chrétien, on n’aime pas le riches. Donc vous posez une question sur une politique d’un gouvernement qui va prendre une mesure, si vous dites est-ce que vous trouvez qu’il favorise les riches, on va vous dire oui parce qu’en permanence on n’aime pas les riches.

Animateur - C’est de la faute de Richelieu. Encore un point sur les sondages, c’est important de s’intéresser aussi à la formulation des questions qui sont posées, même à la manière de poser la question, on peut avoir des questions non pas ouvertes mais fermées avec un certain nombre de réponses et si on n’entre pas dans ces réponses et ben, soit on est dans ceux qui ne prononcent pas, soit on est obligé de faire un choix par défaut. Il y a aussi ce genre de considération qu’il faut prendre en compte. Alors juste une question qui va peut-être nous ouvrir d’autres portes dans le débat, l’opinion publique manifestement il y en a partout, des résultats de sondage, le fait qu’on sache sur telle ou telle question ce que les français pensent à priori, à tel pourcentage, on a des beaux camemberts qui sont là pour nous montrer l’exhaustivité des opinions, mais pensez-vous vraiment que cette opinion publique influencent les hommes politiques, les hommes et les femmes politiques évidemment, et dans quel sens.

9 - Vos derniers propos appellent une question, est-ce qu’il y a une gouvernance sous la charge de l’émotion. Et dans ce cas là pour moi ça serait quand même grave si on sait que les opinions sont assez versatiles. Donc là ça me, quelque part ça m’interpelle. Ca fait un moment qu’on s’appesantit sur cette histoire d’opinion et de sondage, qui à mon point de vue et cela n’engage que moi, sont tout à fait à prendre avec circonspection, parce qu’il y a effectivement une interrogation sur la fiabilité. Pour moi, c’est qui commandite, qui paie et qui veut quoi. Donc en ce sens là je serais toujours, et puis quelque part je prends toujours mal quand on affirme l’opinion pense ceci ou pense cela. J’essaie de penser, je, je, et déjà avec cette volonté d’essayer de pouvoir penser c’est déjà quelque chose qui est intéressant. Mais on a très peu abordé le problème des gouvernants. Moi je voulais aussi intervenir là-dessus, c’est qu’au sortir de la guerre, un certain Michel Debré, comme il y avait eu une compromission de la haute administration avec l’occupation allemande, a voulu renouveler les cadres administratifs de haut niveau et a créé l’ENA. Aujourd’hui et bien écoutez je serais curieux, je n’ai pas les chiffres en tête, mais combien d’énarques dans le gouvernement. Mais peut-être aussi que ces personnes ont été formatées pour penser d’une certaine façon et ensuite il y a l’influence des grands corps. Dans cette structure constituée, peut-être d’ailleurs ça peut être des esprits très brillants, mais on peut observer que tout ce personnel est de plus en plus loin de nous tous. Il est à remarquer que si vous êtes à l’origine de la création des cafés citoyen c’est que vous aviez aussi quelque part perçu ce décalage entre le « bien pensant » et le peuple. Cela se confirme aussi à mon point de vue par le développement de cette initiative que vous avez prise.

Animateur - Je suis toujours circonspect quand on dit : l’opinion publique pense que, vous avez même ajouté moi je pense, j’essaie de penser. On peut s’interroger sur les effets des sondages à répétition sur notre propre pensée personnelle. Finalement à quoi ça sert de penser si on nous donne un ensemble réponses qui manifestement correspondent à plus que nous, c’est un panel de citoyens alors forcément ça rassemble plus qu’une personne, c’est certainement plus proche de la vérité, on peut penser que ça peut être servi comme ça, l’ensemble des opinions sur une question donnée finalement on ‘a plus qu’à se ranger dedans. On peut s’interroger simplement sur l’exercice, ce que ça induit sur la pensée du citoyen clans le quotidien, est-ce que ça le rend finalement plus à même de réfléchir de façon libre et de faire sa propre opinion à lui, ou est-ce que ça le rend paresseux.

10 - Donc c’est vrai qu’actuellement, depuis quelques années on est conduits à voir apparaître dans les différents médias, des sondages d’opinion. L’opinion pour moi c’est l’expression sur un sujet, sur un thème, sur des valeurs sociales, d’une partie de la population qui réagit par rapport à ses propres intérêts. Ce qui est assez étonnant c’est que dans la dernière campagne présidentielle, cette opinion a été mise en exergue par les hommes politiques. Je crois que c’était la première campagne où l’on mettait les opinions françaises de façon aussi importante, que ce soit par des émissions télévisées, je ne sais plus le titre mais, une question pour le président ou je ne sais plus. Il y avait cent questions ou cent minutes pour convaincre ou je ne sais plus, que ce soit les médias que se sont emparés de l’opinion, ils ont fait venir des téléspectateurs choisis, donc là c’était un sondage en direct d’un échantillon de la population, qui représentait soi-disant les différentes catégories socioprofessionnelles, l’opinion française. Et puis il y a eu aussi ce mode de campagne qui a été choisi par une autre candidate qui, sous couvert de démocratie participative, a fait comment dire, fait remonter, je vais faire un jeu de mot, les opinions de l’opinion française sur des sujets, sur des thèmes de société. Ce qui est assez étonnant, là on va pouvoir dire justement, puisqu’on disait tout à l’heure l’opinion a une influence sur la vie politique, sur les décisions des gouvernants, donc là de façon anticipée, cette candidate a choisi de bâtir un programme des éléments de pensée qu’a exprimé cette opinion qu’elle a recueilli pendant des mois. Donc on peut dire que même si ça n’a pas forcément abouti au bout du compte, mais on peut dire que l’opinion française dans ce cas là a été prise en compte. Ca a été des sondages, non pas commandés par des institutes de sondage mais des sondages un peu en direct, instantanés, plus ou moins spontanés et donc on s’aperçoit que maintenant l’opinion, l’ensemble de la population peut réagir sur des thèmes et peut être prise en compte à une échelle quelquefois différente. Par exemple, dernier en date, dernière question qui a été prise en compte parce que justement ça bouleversait un petit peu les valeurs et les habitudes de l’ensemble de la population concernée qui a exprimé un mécontentement ou un doute, c’est le problème du financement de la carte familiale de la SNCF, les gouvernants ont choisi une certaine modalité de financement er puis par un problème de communication diverse, c’est vrai qu’il y a eu des associations familiales qui se sont regroupées représentant l’opinion des familles, a fait pression pour, par rapport aux gouvernants, pour s’ étonner et puis maintenait le système actuel. Donc on peut dire que l’opinion peut réagir instantanément par rapport à un fait de société par rapport à des valeurs qu’elle souhaite conserver et puis c’est vrai que cette multiplication des sondages qui peuvent quelquefois de semaine en semaine être contradictoires, on le voit souvent dans les campagnes électorales selon un candidat, un coup ça baisse, un coup ça hausse , selon l’actualité et bien l’opinion devient quand même un critère important de la vie médiatique et de la vie publique française . Donc je pense que l’opinion, le mode d’expression de penser de certaines catégories de la population pour l’ensemble de la population quand elle se sent concernée directement soit en tant qu’individu, soit en tant que collectivité va devenir un élément je pense dans le début du 21° au niveau social, au niveau politique ou économique. Je pense encore à un exemple, je prendrai l’exemple des OGM où les gouvernants ont été amenés provisoirement à reculer du fait de l’utilisation des OGM parce que l’opinion française nous dit-on serait contre, donc on voit que l’expression de la pensée des français est un moyen je pense pour le début du 21° siècle qui va être de plus en plus important. Maintenant est-ce que c’est bien, est-ce que c’est mal, je ne sais pas m’exprimer pour l’instant, mais il est un fait que depuis quelques années c’est un phénomène de société qui s’accroit et qui je pense deviendra de plus en plus important dans les prochaines années.

Animateur - Ca me fait penser, ca me fait poser cette question, quel est le rôle selon vous d’un politique, qu’est-ce qu’on attend d’un politique, quelles sont les prérogatives d’un politique, pour vous idéalement en démocratie. Qu’est-ce qu’on attend de lui, est-ce qu’on attend véritablement de surfer au gré des opinions publiques, qu’est-ce que c’est un homme public, un homme politique.

11 - Je pense qu’un homme politique doit être à l’écoute du peuple en général, sans faire de discrimination, sans avoir des préférences pour telle ou telle couche sociale. Je sais que ça peut laisser beaucoup d’amertume à beaucoup de gens parce qu’ils sentent que ce sont les plus puissants financièrement qui sont les mieux reconnus. Mais il y a quand même des hommes politiques qui ont le sens de la collectivité, on en a eu plusieurs exemples dans l’Histoire même récente. Travailler, avoir comme exigence morale en tant que responsable politique, travailler pour le bien, le maximum de bien pour l’ensemble, pour le plus grand nombre possible. Je crois que c’est fondamental. On peut juger, apprécier, se faire une opinion sur un homme politique d’après la façon dont il se comporte pour le bien être général. Je voulais répondre à la question qui paraissait assez négative, assez pessimiste, voire amère ou noire à propos de la dictature de l’opinion publique. Il y a toujours une part personnelle, individuelle qui est absolument invulnérable, même si parfois on peut pendant un certain temps, pendant des années, voire toute une vie, souffrir de ne pas reconnaître quelque chose comme on ressent, nécessaire et idéale pour la collectivité, on peut tout de même vivre avec la joie intérieure que l’on a touché quelque chose d’essentiel. Ca personne ne peut y toucher. Je sais bien qu’en raison de mon évolution personnelle, ça m’est arrivé très souvent et ça m’arrive encore maintenant, de devoir être réservé, de ne pas pouvoir exprimer ce que je ressens, ce que je comprends, parce que je me dis, j’apprécie aussi l’opinion de ceux que je rencontre, je me dis que peut-être ils ne sont pas murs pour apprécier ce que je souhaiterais partager avec eux, c’est une question de respect. Je crois que c’est fondamental aussi.

Animateur - Un aspect qu’on n’a pas beaucoup vu, le fait que cette dictature de l’opinion publique, finalement c’est quelque chose qui peut être plaisant pour le citoyen, la citoyenne, qui depuis des années manifestent le fait que les dirigeants soient de moins en moins à votre écoute. Alors est-ce que mettre en place cette idée, ce concept de dictature de l’opinion, finalement ne conforte pas nos élus dans une sorte de leurre qui pourrait leur faire croire qu’on a de l’influence sur eux.

12 - A propos des sondages, tout d’abord, est-ce une science exacte, c’est en tout cas une science. Si on regarde un sondage qui donne une prévision de résultat, force est de constater que bien souvent la prévision est conforme à la réalité. Il y a des exceptions, mais assez souvent c’est assez conforme. C’est vrai pour la politique, c’est vrai dans un domaine moins vulgarisé, les sondages faits dans un but marketing, ils correspondent aussi souvent à la réalité. Donc ça veut dire que s’ils sont bien faits, sans arrière-pensées, c’est quand même une science assez exacte. Après bien sur il y a la manipulation possible, c’est ce que vous rappeliez tout à l’heure. Quand toutes les règles ne sont pas respectées, si les questions sont plus ou moins orientées on peut bâtir le sondage pour arriver à la réponse que l’on attend. Vous rappeliez tout à l’heure les dernières élections présidentielles, au moins « l’une » des deux candidats à bien su manipuler son électorat interne pour s’imposer au sein de son parti. Ca veut dire que le sondage est une arme à double tranchant. Il y a la manière dont on le fait, le moyen financier que l’on y met, parce que la pierre angulaire d’un sondage est l’échantillon qui s’il est très bien fait coûte plus cher que s’il est fait par-dessus la jambe. Il y a aussi le moment où l’on fait le sondage. Exemple un sondage sur l’euthanasie fait juste après la mort de Vincent Imbert, ou plus récemment de cette dame dont je ne me rappelle plus le nom, ne donnera pas le même résultat que le même sondage fait en dehors de tout événement s’y rapprochant. Donc sondage, facilement manipulable, science exacte mais facilement manipulable et par conséquent si dictature, puisque c’est le thème, on peut, par des sondages tronqués, orienter une opinion et dans ce cas l’opinion peut devenir une dictature. On a parlé aussi des hommes politiques, monsieur tout à l’heure parlait de l’ENA. C’est me semble t il un exemple parmi d’autres d’une bonne idée qui ensuite est détournée de son but initial. L’ENA, ce n’est pas contradictoire avec ce que vous avez dit, à savoir a été créée pour corriger les dérives de l’occupation, mais surtout pour autant que je me souvienne, c’était pour créer une administration plus transversale. Au préalable il y avait les mines, il y avait normale sup, polytechnique, etc. mais pas de gens possédant bien les rouages administratifs. Les énarques, il y a en a de 70 à 80 par an qui en sortent, je ne sais pas combien il en reste aujourd’hui, mais dans le gouvernement je crois que c’est un des gouvernements contemporains qui en compte le moins, mais certainement encore de trop. Pourquoi de trop, parce que ça a été déviée, la structure d’un pays bien faite il faut d’un coté les électeurs, d’un autre les élus aidés par les fonctionnaires. Dés l’instant où l’on mélange, prenez du sucre et du sel ce sont deux ingrédients ayant leur propre qualité mais mélangés ils deviennent une bouillie indigeste. L’énarque est formé pour être fonctionnaire, on dit qu’ils ont pour devise : « nous sommes formés pour corriger les erreurs commises par des incapables élus par des imbéciles » c’est peut-être faux mais quand on les voit agir on peut penser que c’est peut être un peu ce qu’ils pensent. Mais les énarques franchissent souvent la passerelle, ils deviennent eux-mêmes des hommes politiques d’où le renforcement de cette espèce de caste qui se protège et se nomme les uns les autres. Prenez le cas d’un directeur d’administration qui dépend d’un ministre. Il sait très bien que six mois plus tard c’est son ministre qui deviendra son dépendant parce qu’il y aura eu un changement de gouvernement. Breton par exemple s’est trouvé ministre après avoir été directeur de la poste, comment voulez-vous que ces gens là puissent avoir d’autres idées en tête que de durer. Tout ça pour dire que rien ne fonctionne et qu’en conséquence démocratie, non, démocratie se servant de la dictature de l’opinion, peut-être.

Animateur - Cet exemple est intéressant, resté un peu sur l’ENA. Effectivement au café citoyen il y a beaucoup de débats où l’on critique, il n’y a pas beaucoup d’énarques ici, mais il y a beaucoup de critiques assez virulentes sur l’ENA en tout cas sur le fait que l’ENA prenne beaucoup de place au sein de l’échiquier politique. Alors c’est intéressant, on peut essayer de relier ça et tenter de percevoir la façon dont les hommes et les femmes politiques usent de ces sondages d’opinion et finalement qu’est-ce qu’on leur reproche à ces hommes politiques, qu’est-ce qu’on leur reproche finalement, de ne pas nous écouter parce que finalement avec tous ces sondages ils savent ce que les gens pensent à l’instant « t », qu’est-ce qu’on demande à un politique, qu’est-ce qu’il peut fait et qu’est-ce qu’on lui demande ?

13 - A propos de l’ENA je vais vous parler d’une anecdote. J’ai travaillé avec un énarque quand j’étais en préfecture, un type très brillant qui a été gouverneur de la Banque de France par la suite et conseiller spécial économique de François Mitterrand. A cette époque là, lui n’était pas encore en politique, je lui ai demandé comme ça, comment ça se passe à l’ENA avec la politique. Il m’a dit à l’ENA, c’est très simple, la moitié d’une promotion prend la carte du parti socialiste et l’autre prend la carte du RPR, comme ça on est sur d’avoir une chance. Voilà comment est fait l’ENA, voilà la réponse, elle est claire et faite par un type super intelligent, qui était on aurait pu dire cynique, mais non, tout ce qu’il pensait c’était juste, c’était l’école du pouvoir. Après on se met dans un parti parce qu’on sait très bien que les hommes politiques, les députés, les sénateurs etc. il faut qu’ils passent par un parti, il n’y a pas d’autre alternative. Alors qu’attendre des hommes politiques, vous savez vous pouvez n’attendre qu’une chose, c’est que tous essaient de caresser l’opinion dans le sens du poil, c’est clair. Alors quand vous voyez les différents candidats depuis un certain nombre d’années, tout à l’heure on a parlé des dernières élections, mais vous savez l’opinion politique qui se base sur les promesses des candidats, à mon avis…? il y en a un qui a dit à une époque, on vote pour mon bilan, et bien il a pris une veste. Qu’est-ce qu’ils veulent, qu’on leur dise demain on rase gratis, demain il fera beau temps, il n’y aura pas de pluie etc., c’est ce qu’ils veulent. Donc vous entendez des candidats qui disent, à une époque la fracture sociale, l’autre a dit ce sera la rupture, l’autre a dit la France présidente, vos idées sont les miennes, enfin vous voyez le genre, comment on fayote avec l’opinion publique. ? Alors après il faut parler de l’état de grâce, quand on arrive au pouvoir et bien il y a l’état de grâce et puis tout d’un coup sflash, ça chute. Tous on connu, Mitterrand a connu l’état de grâce, Chirac a connu l’état de grâce, et Sarkozy connaît l’état de grâce, et s’il y avait eu Ségolène c’est sur qu’elle aurait connu l’état de grâce, mais après la dégringolade aussi probablement parce qu’il y a des choses qu’on ne maitrise pas. Par exemple ce qu’on n’a pas prévu, c’est quand on disait ah mais on compte sur la croissance, on les a entendu les deux candidats dire ah mais la croissance va nous sauver, manque de pot la croissance n’y est plus, il faut travailler maintenant, il ne faut plus attendre la croissance.

Animateur - On arrive petit à petit à essayer de décrire ce qu’on voudrait de ces politiques. Juste un petit rappel étymologique, le terme de vote vient de la même racine que le terme de vœu, donc il y a quand même une certaine idée de pari sur l’avenir quand on vote, d’accord, donc il y a quand même aussi cette idée de projet. Qu’est-ce qu’on attend des politiques, idéalement qu’est-ce qu’on voudrait, on ne peut pas faire des choses qu’eux peuvent faire. Qu’est-ce qu’ils peuvent faire, eux ?

14 - Je reviens sur ce que viens de dire monsieur, ce qui m’ennuie fortement est qu’à l’heure actuelle on décrit l’élection des politiques, mais il y a très peu de renouvellement, on voit toujours les mêmes personnes... [interruption due à un changement bobine]. Pour moi un homme politique est avant tout un homme porteur de valeurs, tendant à rassembler un maximum de personnes et être au service de l’opinion, de la majorité des gens qui l’auront élu. Pour moi un homme politique, j’ai un exemple, le général de Gaulle et quand on parle de sondage d’opinion, le général de Gaulle a lui-même institutionnalisé le sondage par le référendum. Quand on parle de la valeur de l’opinion publique je crois que le général de Gaulle avait très bien compris que sans sonder, sans mettre en œuvre un système permettant de sonder l’opinion publique et bien il n’y avait pas de pouvoir je dirais favorable. Donc pour moi le sondage d’opinion a été institutionnalisé par le général de Gaulle par le référendum. Effectivement on le voir bien lorsqu’il y a un référendum les hommes politiques peuvent être mis en cause et être destitué comme ça a été le cas pour le général de Gaulle.

Animateur - Là on fait référence à un autre homme politique, celui d’après guerre. Alors on a vu que cet homme politique était porteur de valeurs, qui tente de rassembler et pourtant il y a aussi cette idée de projet, de plan qu’on essaie de tracer sur l’avenir, de projet de société. Est-ce que le fait, aujourd’hui, de s’arquebouter sur l’opinion publique est un bon moyen de laisser de coté cette chose indispensable qui consiste à créer un projet de société. Un projet de société, finalement, c’est dangereux pour celui qui le propose, ça ne va pas plaire à tout le monde, il faut convaincre en plus. Donc il y a peut-être aussi cette idée de danger et cette idée que finalement les hommes politiques sont plus là pour gérer leur image, gérer leur capital. Ceci dit on peut toujours s’interroger.

14bis - Les hommes politiques, vous venez de le dire, la plupart sont sortis de l’ENA, je veux dire si vraiment, ils peuvent avoir des places en or dans des entreprises commerciales et gagner beaucoup plus d’argent. Donc moi ça m’énerve un petit peu de se dire, de cracher dans la soupe chaque fois et non, je ne suis pas tout à fait d’accord avec ça.

Animateur - Alors voilà est-ce que les hommes politiques, les femmes politiques peuvent tracer des plans, déterminer l’avenir du pays. Est—ce que les politiques ont cette capacité aujourd’hui de tracer des plans de l’avenir du pays, par quel biais, par quel instrument.

15 - Oui je pense que c’est tout à fait possible à la condition que l’homme politique soit quelqu’un d’honnête, qu’il soit attentif à l’opinion publique même si l’opinion publique recèle beaucoup de zones noires et discutables mais c’est important de pouvoir écouter quelqu’un même si on n’est pas d’accord avec lui, ce qui permet de s’exprimer comme on le fait ici au café citoyen. Alors je pense que de Gaulle a fait quelque chose qui ressemble à un aspect du café citoyen, chaque semaine il faisait un exposé aux journalistes et parlait en public, il répondait à toutes les questions il n’y avait pas de programme prévu. Il n’existe pas encore de système idéal appliqué où tout le monde serait heureux où je verrais autour de moi que des sourires pleins de béatitudes. Tout à l’heure j’ai eu un fort malaise, moi je ne connais pas l’ENA mais j’ai eu l’impression suite à un ensemble de réflexions qu’il y a une espèce de préjugé hostile qui fait partie d’une opinion qui est courue secrètement. Dites-donc est-ce que vous connaissez bien l’ENA, son fonctionnement, son idéal, etc. S’il y a une possibilité de progression de manière à éviter une dictature de l’opinion publique comme de l’autre coté il risquerait d’avoir une dictature des hommes politiques, par différents moyens, il ne peut pas y avoir, il peut avoir une dictature d’un homme seul mais aussi une dictature d’un groupe d’hommes, ça existe, et bien le seul moyen c’est qu’il y ait une éducation civique prononcée et que chacun prenne la responsabilité de s’informer le mieux possible et de se remettre eu cause perpétuellement. Je sais, ça fait dix ans que je participe au café citoyen, j’ai énormément évolué depuis le début du café citoyen, dans ma vision de la vie sociale, politique etc., et je crois que l’avenir est dans une formation pour que les opinions ne soient plus des préjugés ou des stéréotypes mais qu’il y ait des formations réelles où l’on apprend à apprécier une situation, à dire ce qui est possible, ce qui n’est pas possible et dans ce qui est possible avoir le courage d’entreprendre.

Animateur - Alors c’est intéressant on a l’air de vouloir mettre en opposition une dictature de l’opinion publique avec une dictature des politiques, ce serait opposé. Où sont les idées entre les deux, où est l’idée et où est la concrétisation de l’idée.

16 - Concernant les idées, à l’heure actuelle on a peut-être un problème c’est que nos politiques sont centrés sur ce qui se passe en France, c’est le sentiment que j’ai, même si on fait état de ce qui se passe en Europe. Quand on voit le politique qui se présentent aux élections européennes, au secours quoi, alors qu’à l’heure actuelle c’est au niveau européen que tout se fait. Les idées, la sphère d’influence est à ce niveau là et on a l’impression que nos politique se situent uniquement sur le territoire fiançais sans se soucier vraiment des idées actuelles plus larges sur le plan européen. On voit avec l’intégration, le système des communautés européennes et du Conseil de l’Europe avec les sphères d’influence de ces instances là, nos politiques ne devraient pas faire l’économie de ce qui se passe à une échelle supra étatique. Ils devraient, sans parler de mondialisation, c’est vrai que les idées à l’heure actuelle ne peuvent pas se contenter, de se focaliser sur ce qui se passe au niveau national. Il faudrait élargir l’échelle et se situer différemment, nos politiques ont beaucoup de mal, je crois.

Animateur - Si on parle de démocratie à priori il y a une chose difficile à mettre en place c’est que l’on reste très attaché à la nation française et donc on a du mal à voir émerger une démocratie à l’échelon européen.

17 - Pour reparler des hommes politiques et abonder dans le fait que l’idéal serait que les hommes au pouvoir, qui se font élire le fassent sur des idées. Malheureusement force est bien de constater que depuis plusieurs décennies, on est loin de cela. Probablement pour une raison essentielle, si pas unique, c’est que les structures, non pas écrites, mais celles forgées par l’habitude, font que ces gens là s’embarquent en politique non pas pour défendre des idées mais pour faire carrière. L’énarque dont on a parlé, contrairement à quelqu’un qui fait polytechnique ou normale sup, sorti de la sphère du pouvoir, que voulez-vous qu’il fasse, sauf à aller pantoufler dans une entreprise para administrative. Il y a des exemples qui sont publics et d’autres un peu moins. En 1981, au début de l’année les sondages commençaient à envisager la défaite de Giscard, mais il n’y avait pas encore de certitude. A l’époque je côtoyais fréquemment un homme politique agissant au sommet de l’état, très proche de Giscard. Il nous a dit qu’environ 40 députés ou responsables du parti socialistes avaient fait savoir qu’au cas où Giscard serait réélu ils se rallieraient à un nouveau mouvement qui devrait se créer, il ne se serait plus appelé UDF mais autrement, c’est ce qu’on fait généralement quand on veut permettre à certain de changer de parti. Tout ça pour dire que si on défend réellement des idées on n’agit pas comme ça, par contre si on veut faire carrière…... Plus récemment après les élections de 2007 on a vu un certain nombre de députés, qui avaient défendu certaines idées, avec armes et bagages rejoindre le parti de Sarkozy parce que sinon ils perdaient leur place. Alors pourquoi est-ce comme ça, parce qu’on a des institutions qui poussent à s’engager pour faire carrière. L’assemblée constituante de 1789 avait institué la règle de non renouvellement des mandats. Ca a aussi ses inconvénients mais ça a au moins le mérite d’éviter qu’on y fasse carrière. C’est une raison, peut-être pas la seule, qui aboutit à cette déviance, je l’ai dit tout à l’heure, ces gens n’ont plus qu’un souci c’est de durer. Si vous examinez les élections de ces dernières décennies quand y a-t-il eu un programme de proposé, programme précis j’entends, bien sur des grandes idées c’est facile, mais dès l’instant où l’on ne choisit pas un individu pour ses idées comment peut-ton dire ensuite qu’on a exprimé son opinion sur une politique. Dans les tout premiers temps de la république, les gens étaient choisis sur leurs qualités supposées ou réelles. L’idéal serait qu’à ces qualités on ajoute un programme précis et réalisable et qu’après on les laisse travailler, peut-être que cela irait mieux.

Animateur - On va essayer de revenir à la question qu’on s’est posée en se posant d’autres questions, pensez-vous que les sondages d’opinion permettent de développer l’esprit démocratique chez nos concitoyens, ou pas. Et éventuellement une deuxième question, que serait l’aspect dictatorial de l’opinion publique. Après si on essaie de répondre à la question de l’influence de l’opinion publique sur les élus on a tendance à considérer que c’est une sorte de plus pour la démocratie, pour faire que les élus entendent ce que les citoyens ont envie de dire, ce que les citoyens pensent de telle ou telle question. Donc il y a quand même quelque chose d’étrange dans cette formulation puisque ça met en opposions deux termes qui à priori ne sont pas faits pour être ensemble. C’est dommage qu’on n’ait pas la personne qui a proposé ce thème on aurait pu avoir son éclairage.

18 - Tout à l’heure on disait est-ce qu’un homme politique peut essayer de prévoir l’avenir. C’est vrai qu’actuellement on ne sent pas, depuis quelques années on a l’impression qu’on a une vision à court terme, justement parce qu’à mon avis on tient compte de l’opinion, parce qu’il y a une explication des sondages d’opinion. Donc les hommes politiques font attention sans forcement en tenir compte immédiatement, mais font attention à ce qui se dit à ce qui se passe, mais à mon avis une femme politique, un homme politique sait aussi faire un projet. On a vu ces derniers temps un peu l’inconsistance de certains projets, c’est aussi faire un projet pour l’avenir, pas forcément pour les cinq ans qui viennent, pour un quinquennat, mais aussi pour dix ans, pour quinze ans, enfin à une échelle un peu plus à long terme. Mais j’ai l’impression que depuis cinq ou six ans, depuis deux ou trois élections, on vise à court terme. Ca me fait penser un petit peu à un premier ministre qui est toujours vivant, qui a été premier ministre pendant deux ou trois ans, j’ai l’impression que dans ses décisions il vivait toujours au jour le jour mais qu’il n’avait pas de vision de l’avenir. Il était très impopulaire et il n’est pas resté très longtemps. Pour moi je prendrai l’exemple, madame citait ce président, un président qui a été à l’avant garde de la vision économique et politique de la France, c’est Georges Pompidou. Suite aux événements de mai 68 pendant lesquels il était premier ministre si ne me trompe, donc il a été après président, le court mandat qu’il a fait, il a fait quand même des réformes économiques, plutôt des réformes industrielles, il a mis en place des chantiers industriels ou urbanistiques qui ont déterminé les années 70, voire les années 80 de la France. Il avait eu un petit peu à l’époque, c’est Giscard qui l’a mis en place mais il était à l’origine de cela pour un peu le symbole de l’avant-gardisme pompidolien, c’est le Centre Pompidou qui existe toujours, qui a été décrié mais il existe toujours, et qui était représentatif de son avant-gardisme économique. Donc depuis je n’ai pas l’impression , il y a eu des réformes, des choses comme ça mais il n’y a pas de vision économique, politique sur le long terme, qui peuvent engager la France même si le contexte économique, social et politique n’est pas du tout le même qu’il était en 72, en 71/73 bien qu’il y avait le choc pétrolier de 73 mais la mondialisation actuelle n’est plus la même et le contexte des pays émergents qui étaient les pays pauvres à l’époque qui existent maintenant auraient changé la donne surement. A mon avis il y a un des projets existants actuellement qui me parait intéressant, qui me parait pouvoir bousculer les choses, on va dire, ou être un projet d’avenir, après sur le contenu on peut en discuter, au moins il a l’intérêt d’exister, c’est celui par exemple du président actuel qui a décidé de mettre en forme, de privilégier l‘existence d’une union de la méditerranée semblable à l’union européenne, qui est un projet assez novateur on va dire, et c’est étonnant de sa part, mais a peut-être l’intention de regrouper une union des pays de la méditerranée pour essayer de contrecarrer des problèmes sociaux, des problèmes économiques qui peuvent se poser dans ces pays pour avoir une force et pouvoir échanger avec l’union européenne. Après, ce que je veux, même si on peut contester le contenu de ce projet, c’est un projet, un projet pour l’avenir qui peut apporter des changements par rapport, je ne sais pas si la France aura un intérêt ou aura une position dans ce projet mais il existe. C’est ce qui manque actuellement, des projets à long terme ou à moyen terme parce qu’actuellement on a une vision, à court terme, on gère les affaires courantes mais on n’a pas de projet économique, social important qui pourrait déterminer l’avenir de notre pays notamment.

Animateur - Deux petits points, premièrement ce projet d’union méditerranéenne ce n’est pas forcément novateur, jules César, les romains l’ont fait. Deuxième point, juste une question, votre intervention me fait penser à ça, est-ce que le fait que les politiques accordent beaucoup d’importance, sinon sont à l’origine eux-mêmes ou par leur parti, des sondages d’opinion, n’est pas le moyen aussi de nous faire oublier qu’ils n’ont pas de vision politique.

19 - Je reviens sur l’élargissent de la méditerranée, pour l’instant ce n’est pas du tout franco-français, c’est dans le cadre d’une politique européenne de voisinage, donc c’est au niveau européen que c’est enclenché, ce n’est pas du tout notre président qui est porteur du projet. Ca fait longtemps que ça existe, c’est juste repris par la France récemment. Après ce pose pour moi le problème des mandats, la durée des mandats. Le mandat à cinq ans c’est la course à l’échalote, on parle déjà de l’élection suivante. Cinq ans ce n’est pas assez long pour asseoir une politique, un projet politique, pour moi ce n’est pas suffisant. Le problème vient de là, en tout cas pour des courtes périodes et bien aucune politique d’envergure ne pourra vraiment se faire parce que les politiques justement sont inquiets de leur réélection et de ce qu’on va penser de leur action, ce qui est normal, être jugé sur l’action qu’on a menée.

20 - C’est intéressant, pendant ton intervention je remarquais que beaucoup de mots sont révélateurs : éventuellement, probablement, j’ai l’impression que, je crois que, peut-être. Non ce n’est pas une attaque, c’est typique de l’opinion, on sait que dans le fond on avance à tâtons. C’est sur que si on veut réaliser quelque chose qui ne soit pas reliée à une dictature de l’opinion, il faut une grande maturité, d’abord savoir ce à quoi on aspire soi-même, la représentation que l’on a de la démocratie idéale, comme dirais Jean Marie, et ce qui est possible. Il y a un proverbe qui dit que la politique c’est l’art du possible. Donc je crois que c’est capital si on veut dans l’avenir réaliser une démocratie authentique, c’est de mettre l’accent sur l’éducation civique, la formation, la connaissance en dehors de tout préjugé et de tout stéréotypie. Actuellement je crois qu’on baigne dans un bain extrêmement fongueux d’opinion diverses, quelquefois on ne sait plus où donner de la tête. Si on veut vraiment se forger une opinion il faudrait pendant des heures lire le journal. A époque je me rappelle , surtout en 68, je lisais toute une gamme de journaux, de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par les centres, je me rendais compte que chacun prétendait avoir la vision la plus pure, la plus vraie, la plus authentiques, etc. et puis sortant d’une lecture comme cela et bien on reste assez perplexe et on se dit qu’est-ce qui est possible. Je crois qu’il faut avoir beaucoup de nez, beaucoup d’intuition. On a évoqué par exemple l’union méditerranéenne, comme c’est un thème flottant non pas depuis tout récemment, ça réapparait un peu comme le serpent, le monstre du Loch Ness, il réapparait régulièrement depuis des dizaines d’années, des millénaires. Sans doute en tant que citoyen du monde je crois que dans un certain temps on aura une gouvernance mondiale, mais je me dis qu’est-ce qui est possible maintenant. Moi je suis partisan de la part du colibri.

Animateur - Il reste un quart d’heure avant la fin du débat. On peut essayer de s’interroger sur le développement de ces idées générales, de ces opinions générales qui sont de plus en plus balancées sur la place publique. Qu’est-ce que vous pensez que ça va générer finalement, comment peut-on réagir face à cette multitude de panels, de sondages, d’idées finalement qu’il faut, dans lesquelles il faut se plonger en fonction de telle ou telle question. Qui-est-ce que vous pensez qu’il faudrait faire pour développer cet exercice nécessaire à chaque citoyen qui est d’écouter et aussi de confronter les idées pour fabriquer sa propre vision des choses.

21 - La question finalement il faut arriver presque à la conclusion, non pas conclusion, mais essayer d’aborder complètement le sujet. La question que tu poses est intéressante parce que moi ce que je constate c’est quand même que l’opinion est trop réactive à l’instantané. L’instantané ça empêche de réfléchir, le citoyen n’a pas le temps de réfléchir puisqu’on lui balance une nouvelle tous les jours sur des sujets qui ne tiennent pas la route quelquefois. On fait un sondage d’opinion, sur un homme politique, des paroles, le lendemain on fait un sondage pour savoir si vous approuvez ceci ou cela et pendant ce temps on ne réfléchit pas, il y en a tous les jours. Je dirais que le sondage c’est bien mais pour que ça marche bien il faut qu’il y en ait peu et il faut qu’il y ait de la communication, c’est à dire que les gens sachent avant qu’on leur pose une question et tous les éléments pour pouvoir y répondre, c'est-à-dire être bien informé. Sinon on ne peut pas avoir une réaction saine, donc on répond à une question à l’emporte pièce et malheureusement on ne peut pas dire que c’est l’opinion des français. Moi je suis peut-être disons un classique, je dirais que tout ça ne vaut pas grand-chose et que la seule chose qui compte, c’est le vote. Entre deux faire jouer l’opinion il faut le faire avec prudence. Pour conclure, quelle attitude doivent avoir le pouvoir et les citoyens devant l’opinion publique. Pour moi le pouvoir doit prendre des distances avec les médias d’abord parce que les médias peuvent se retourner contre lui, on a quelques exemples récents. Le pouvoir doit prendre du recul avec l’opinion, il y a des exemples dans le passé où l’on s’est rendu compte que l’opinion se trompait et finalement les hommes politiques avaient raison mais n’avaient pas eu le courage de le dire, exemple Daladier et les accords de Munich. Quand il est revenu à Paris Daladier a dit ils vont me tuer et quand il est arrivé tout le monde l’acclamait, il a dit, « les cons s’ils savaient ». Et puis ensuite il faut communiquer, s’il n’y a pas de communication entre les citoyens, entre les élus et les citoyens, entre le sommet et les corps intermédiaires et bien il n’y aura pas de démocratie et on jouera toujours sur la démocratie d’opinion. Le citoyen a mon avis doit rechercher l’information, il doit être très critique avec les médias qui sont excessifs ou serviles.

Animateur - à vous écouter, j’ai l’impression que face à la complexité du monde qui nous entoure, ça vaut la peine de prendre le temps du débat. Effectivement l’instantanéité qui correspond aux sondages d’opinion, on n’a pas beaucoup parlé de cet autre exercice qu’est le débat qui consiste à ne pas prendre en compte cette urgence dans laquelle on veut nous précipiter par rapport à des questions cruciales, primordiales, des fois banales. donc c’est vrai qu’il y a là quelque chose d’important dans le fait de prendre le temps du débat parce que c’est ce qui va nous permettre de créer notre citoyenneté au fur et à mesure et de nous constituer nous-mêmes des citoyens libres face à des sondages qui peuvent nous agresser ou nous imposer une vision des choses.

22 - Monsieur, c’est dommage il est parti, a fait allusion à une politique d’avenir et je rejoins ce que madame disait. On est là encore dans une espèce de flou, si Boris était là il pourrait peut-être corriger, n’est-ce pas une autre forme de dictature de l’opinion que d’organiser des référendums en expliquant mal quelles sont les arrières pensées ou les dangers. Alors référendum, vous faisiez allusion aux référendums proposées par le général de Gaulle. Si on prend celui sur l’autodétermination, la question était relativement claire, les incidences peut-être plus compliquées à imaginer mais elles étaient dans un contexte bien cerné. Il y a eu bien sur le référendum sur la constitution de 1958. Celle-ci était le résultat d’un compromis mais elle était bien structurée, elle mettait d’un coté un président arbitre avec une vision à plus long terme, puis d’un autre coté le gouvernement et le parlement pour la gestion au quotidien. En 1962 pour des raisons diverses, entre autres parce qu’il a pensé que si on ne modifiait pas le mode d’élection, le futur président serait à nouveau prisonnier des partis, il a donc demandé aux français d’approuver l’élection au suffrage universel. Malheureusement quelques années plus tard on s’est aperçu que celle-ci n’avait pas pour autant échappé aux partis. Mais la durée implique, entraine la fonction. Il y a bien sur la façon dont c’est écrit, mais à plus forte raison lorsqu’on s’écarte de l’écriture pour se plier aux faits. Je vais lire deux articles, non pas mot à mot mais en substance, d’une constitution. Article premier, le président détermine la politique et je crois article 3, les ministres sont responsables uniquement devant le président. Si on regarde ce qui se passe aujourd’hui on va se dire c’est la constitution actuelle, et non c’était la constitution présentée par Napoléon 3, celle du second empire. Cela pour dire que si on a des habitudes qui ne correspondent pas aux écritures on est dans le flou complet. Il est exact qu’actuellement on a par le quinquennat, personnellement je n’ai pas voté pour ce texte, dans un débat au café citoyen à l’époque j’avais déjà dit le danger que comportait ce texte. Le quinquennat en tant que tel je n’avais rien contre à condition qu’on modifie tous les autres articles parce que le quinquennat va faire du président le chef de la politique, va rendre de régime présidentiel, mais sans avoir ajouté les contre pouvoir. Je vois aujourd’hui le président et son équipe pratiquer la gestion de la politique au quotidien, la constitution ne lui donne pas ce rôle. Je me demande si le PDG de Total va chercher le courrier à la poste le matin ?

Animateur - Juste une petite contradiction que je vois apparaître, à la fois on demande aux hommes politiques d’avoir une vision d’avenir, d’avoir une vision de la société, de tracer des plans, de nous expliquer ce qu’ils ont imaginé pour le futur, donc d’avoir un certain rôle de démagogue an sens premier du terme, et en même temps on leur demande de prendre en compte nos opinions versatiles, d’être à l’écoute de ce qu’on pense quand bien même ça changerait toutes les semaines. Vous ne pensez pas qu’il y a une contradiction là-dedans, à moitié schizophrénique.

23 - C’était simplement pour la conclusion, supprimer les télévisions déjà pour commencer et ça ira beaucoup mieux pour tout le monde.

Animateur - Alors c’est marrant parce qu’on a très peu parlé des médias dans ce débat, alors que l’opinion publique est en grande partie façonnée par le pouvoir des médias. La télé est quand même un fer de lance de toutes les opinions publiques, quand c’est le plus haché c’est encore mieux pour elle, les journaux, il y a des relais de l’opinion publique qui assène les résultats dans l’esprit de chacun d’entre nous. Donc on n’a pas beaucoup parlé des médias, on a parlé de l’audimat, de l’influence économique de tel ou tel.

24 - Il faut savoir aussi qu’il existe des sociétés secrètes qui sont très agissantes et très puissantes, non, non ce n’est pas du tout un mythe d’ailleurs on l’utilise quitte à inventer des sociétés secrètes qui éventuellement n’existent pas, c’est très difficile à prouver qu’elles existent réellement. Il y a eu une émission récemment à propos du protocole des sages de Sion qui supposait qu’il y avait tout un groupe secret qui avait pour objectif la domination du monde par l’intermédiaire de personnages inconnus mais influents. J’ai eu la surprise aussi assez pénible en lisant mes bulletins de citoyen du monde à-propos de la formation d’organisation internationale donc qui agit sur les différentes démocraties et états, tous les états ne sont pas des démocraties, montrant que les décisions les plus importantes par exemple au niveau de l’OMC étaient prises en secret. Alors je crois que dans ce cas là il faut aussi défendre l’opinion publique et je pense qu’il est important de préserver une puissance réelle de l’opinion publique. Seulement à chacun de savoir se déterminer, de développer une véritable sagesse en ce qui concerne l’utilisation de l’opinion publique, c’est vraiment extrêmement exigeant.

Animateur - On va essayer de rester dans le débat, effectivement on ne va pas débattre sur des choses qu’on suppute, on ne va pas débattre du sexe des anges, on ne va pas non plus débattre de l’au-delà, de la vie après la mort, ça peut faire l’objet d’un autre débat mais je pense qu’il faut aussi garder raison, parler de choses que l’on connaît. Par définition une société secrète est secrète donc elle n’est pas censée exister. Cela ne veut pas dire que je ne souhaite pas que l’on parle de ce sujet mais à mon avis ce n’est pas le débat dans lequel on est et puis cela cautionne des idées sans forcément que l’on sache quels sont les arguments. Ceci dit si le fait d’avoir débattu nous amène à réfléchir, à aborder ce genre de problématique peut-être que ça a aussi sa part dans le débat. Est -ce que ce n’est pas un leurre de parler de la dictature de l’opinion comme de faire croire que l’opinion publique est une sorte de démocratie achevée où les citoyens vont pouvoir justement influencer directement les politiques, est-ce que les politiques ont vraiment une marche de manœuvre, est-ce qu’ils ne sont pas pilotés par des contraintes qui sont les mêmes pour tous, contraintes économiques comme on disait au début du débat.

25 - Il y a quand même un contre pouvoir, c’est la constitution, il y a séparation des pouvoirs, religieux et publics, privés et publics. Les politiques sont gardiens d’une constitution qui est un contre pouvoir de l’opinion publique, d’une opinion publique qui est débridée éventuellement.

Animateur - Effectivement on peut aussi évoquer la séparation des pouvoirs, exécutifs, législatifs, judiciaires, On a évoqué aussi le pouvoir administratif, c’est peut-être ça qui manque dans la séparation des pouvoirs, le fait de pouvoir dissocier l’administratif de l’exécutif et on parle aussi du pouvoir médiatique.

26 - Le comte de Paris avait dit si vous voulez une démocratie idéale ? entre deux élections il faut faire designer quinze mille représentants de citoyens qui se réuniront sur une question sur laquelle le gouvernement a de grosses difficultés à trancher. Ce n’était pas si idiot que ça, ça aurait évité les grands référendums et ça serait moins couteux.

Animateur - On peut faire en sorte que ce soit un autre débat, comment faire en sorte d’arriver à un idéal démocratique, les structures à mettre en place. Je vous remercie pour ce débat d’aujourd’hui qui as souffert du grand week-end. Nous allons passer au choix du thème pour le prochain débat.

Une information supplémentaire, notre assemblée se tiendra probablement le 28 juin. Nous avons eu une mauvaise surprise, notre formulation du thème pour le débat à l’IMC sur les OGM, était celle-ci : ALIMLENTATION SANTE ENVIRONNEMENT OGM DANGER OU ESPOIR, a été considérée comme trop ouverte par l’IMEC, parce que selon eux il est dangereux de se poser la question de la dangerosité des OGM. Donc à priori ça risque pas de se faire car le débat qu’ils veulent mettre en place sur les OGM devient : est-ce que c’est mauvais ou très mauvais ? J’imagine que vous vouliez un débat avec des pour et des contres, je vais avoir des nouvelles mais…

1 - Qu’attendons-nous de la construction européenne ? 3 voix
2 - Qu’est-ce qui légitime-le montant d’un salaire ? 5 voix
3 - Faut-il boycotter les jeux olympiques ? 8 voix
4 - Nos gouvernants promulguent-ils trop de lois ? 3 voix
5 - Quelle télévision pour demain ? 8 voix
6 - Un mai 68 est-il encore concevable ? 6 voix
7 - Quel avenir pour le bac ? 2 voix
8 - Peut-on concevoir une éducation au niveau mondial ? 5 voix
9 - Qu’en est-il de l’égalité parentale ? 4 voix
10 - Comment expliquer le phénomène Bienvenue chez le Ch’tis ? 13 voix
11 - Le festival de Cannes a-t-il encore une influence culturelle ? 4 voix

PROCHAIN CAFÉ LE SAMEDI 24 MAI A 15 HEURES : Comment expliquer le phénomène Bienvenue chez le Ch'tis ?

Interventions

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viMceMt

samedi 26 février 2011 19:15:07 +00:00

une dictature peut disparaître du jour au lendemain tout comme la soi-disant opinion publique.

je dis et je n'y avais pas réfléchi avant donc spontanément, nous vivons dans une dictature de l'opinion qui en fait pour moi, l'outil qui permet de rendre une masse apathique qui a pour effet de donner l'illusion de vivre dans une démocratie...Kadhafi a déclaré n'avoir pas gouverné la Lybie mais simplement représenté son peuple... ce qui n'est plus le cas dans l'opinion publique ce qui ne veut pas dire que celà n'a jamais été le cas

je ne pense pas que l'on vit en démocratie parce que en tant qu'état bananier, on ne sait plus où vont aller les bananes et si nous allons en faire des rouges, des bleus et des mures...
le gouvernement est sensé construire avec le peuple et non pas laisser le pouvoir aux riches que les Français détestent (alors que la plupart des français sont riches,-)

prévoir un plan sur le long terme pour sortir d'un tel débat qui n'a d'intérêt que parce que nous sommes dans ce pb, c'est reconnaître que le débat repose sur des mots et non sur des projets

et le projet est café citoyen: parfait imaginons que chaque cité est son café citoyen, est-ce que l'on aurait encore une opinion publique basée sur un questionnaire répondu individuellement certainement pas donc c'est un début de démocratie

comme je le pense actuellement si les villages, quartiers pouvaient devenir une cité avec des citoyens, ce débat prendrait fin

à vous!

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